21 février 2018 3 21 /02 /février /2018 12:35

Cela faisait des mois que je me retenais, que je me disais que ça finirait bien par passer. Ça n’est toujours pas passé. Alors ça y est, je craque, j’abdique. Je vais évoquer Doki Doki Literature Club!, Look what you made me do. Ou plutôt je vais évoquer le phénomène parce qu’il y a en réalité très peu à dire sur le jeu en lui-même (déso pas déso, comme disent les jeunes).

 

 

Le jeu

Même si la plupart d’entre vous doivent déjà y avoir joué ou avoir vu quelqu’un y jouer, il convient quand-même de rappeler ce qu’est Doki Doki pour s’assurer que tout le monde suit. Si vous n’en aviez jamais entendu parler, votre grotte est mieux isolée que la mienne, comme je vous envie.

Doki Doki Literature Club est un visual novel anglais sorti en 2017 par la Team Salvato. On y incarne un protagoniste sans visage qui s’inscrit au club de littérature de son lycée où il sympathise avec quatre mignonnes demoiselles. Le but étant de rédiger des poèmes pour courtiser la fille de son choix. Du moins jusqu’au fameux retournement de situation auquel fait vaguement allusion l’avertissement en début de partie.

 

Les personnages sont des archétypes sur pattes et la première moitié n’a pas vraiment d’intrigue puisqu’il s’agit avant tout d’une tranche de vie extrêmement classique (si vous aimez ça, vous le savez). Mais il apparaît très vite que tout ceci n’a aucune importance : les personnages, comme l’histoire, ne sont qu’un gigantesque prétexte parce que, vers la moitié de l’expérience, le visual novel se met directement à jouer avec son lecteur jusqu’à son autodestruction complète.

 

La mécanique des poèmes, plutôt amusante, est probablement la seule vraie originalité du titre

 

En soi Doki Doki a une présentation plus qu’honorable avec ses musiques faussement guillerettes et ses graphismes colorés. Sans compter qu’il s’agit d’un tour de force en programmation. Je serais ainsi très curieuse d’autopsier le code pour en observer les mécanismes. Ne nous voilons cependant pas la face, l’intérêt du titre réside avant tout dans son twist méta. Or le méta, c’est avant tout un outil qu’on peut s’approprier et utiliser de tas de manières différentes. Undertale intègre les mécanismes traditionnels de jeu vidéo (comme le simple fait de sauvegarder) dans son univers et imagine la vie des monstres de RPG pour les peindre comme des créatures facétieuses et attachantes. One Shot s’adresse directement au joueur pour mieux l’impliquer dans la quête de ses personnages. NieR:Automata mimique le système des androïdes avec son interface et n’hésite pas à la bousiller si les androïdes sont blessées ou à donner au joueur la possibilité de la bousiller pour son amusement personnel (entre autres choses). Mais mon gros problème avec Doki Doki Literature Club c’est qu’il pose son méta à la volée sans en faire quoi que ce soit. Non seulement le méta ne sert pas son univers diégétique (je dirais même qu’il le détruit de manière assez définitive) mais il ne sert pas non plus un message quelconque. De fait, quoique sympathique au demeurant, l’expérience sonne horriblement creux.

 

Et, intrinsèquement, ce n’est pas forcément une mauvaise chose. Il s’agit là d’un visual novel court (environ quatre ou cinq heures), sans prétention, et qui avait potentiellement pour but de servir de jeu en réalité alternée pour promouvoir les futurs projets de Dan Salvato. Ce dernier s’est ainsi amusé à cacher bon nombre de petits secrets dans les dossiers, ce qui est assez troublant pour un jeu d’une envergure aussi modeste. Quoiqu’il en soit, Doki Doki n’était probablement censé servir que de flyer pour la suite et c’est très bien pour lui que ça ait fonctionné. Je lui souhaite le meilleur et suis en tout cas curieuse de lire ses prochains projets -les « vrais jeux » en quelques sortes.

 

 

 

Les ingrédients de sa popularité

Sauf que voilà, au lieu de rester dans le relatif anonymat de la plupart des petits jeux indépendants, la sauce Doki Doki a pris du feu de Dieu. Très vite après que Dan Salvato ait annoncé la sortie du jeu sur le Reddit dédié aux visual novel, l’intérêt a grimpé en flèche jusqu’à exploser une fois la version Steam disponible. C’est bien simple, on en parle partout et tout le temps, c’est impossible d’y échapper ! Comment expliquer une telle popularité ? 

 

Pour commencer, on pourrait dire que le titre est gratuit, ce qui est un bonus non négligeable. Mais tous les jeux gratuits ne deviennent pas des sensations du jour au lendemain ! Doki Doki a un atout de poids dans sa manche : c’est un visual novel parfaitement calibré pour la pratique du streaming. C’est une œuvre courte, à l’univers suffisamment flou et cliché pour que chacun le rapproche à sa propre expérience (les animés, la littérature, la pop culture en général, etc) et bourrée de surprises avec cela. Ce qui fait aussi que c’est un jeu que l’on veut conseiller à tous ses streamers préférés simplement pour observer leur réaction aux retournements de situation ; un peu comme Undertale à sa sortie. Si je voulais être mesquine, je dirais même que le retournement de Doki Doki se base tellement sur le fait de choquer gratuitement que cela ne le rend qu’encore plus irrésistible pour un streamer. Un genre particulièrement populaire de ce type de média étant fort justement les jeux d’horreurs où les jump scares font le bonheur des spectateurs.

Au final, la sensation virale qu'est devenu Doki Doki me fait davantage penser à Five Nights at Freddy's qu'Undertale

 

Autre avantage curieux : l’avertissement en début de partie. Celui-ci est suffisamment vague pour qu’on ne sache pas ce qu’il recouvre. Est-ce l’évocation de thèmes un peu difficiles propres au passé des différentes héroïnes ? Ou cette fameuse « shock value » ? Le nouveau lecteur ne le sait pas et cela aiguise forcément sa curiosité une fois que le bouche à oreille a fait son office.

 

Mais plus que tout, je pense que Doki Doki s’inscrit fondamentalement dans l’air du temps. Pour deux raisons. La première c’est qu’il y a tellement de jeux vidéo qui sont produits tous les jours (allez jeter un œil aux dernières nouveautés Steam pour vous en convaincre) qu’une véritable bataille se joue entre tous les développeurs pour capturer un tant soit peu l’attention du public. Cette compétition fait tellement rage qu’on arrive à un point où la création du jeu lui-même est en train de devenir secondaire. C’est-à-dire que, ce qui compte, c’est davantage de présenter un concept fort, porteur, avec une communication impactante. Le contenu, sa durée, sa qualité, devient presque négligeable, un détail parmi d’autres. 

 

Dans le même temps, et c’est la deuxième raison, malgré le fait que les visual novel demeurent une niche mal considérée, les joueurs sont étrangement de plus en plus familiers des codes qui y sont attachés. Même sans apprécier le genre ou s’y essayer personnellement, ils comprennent le principe de choix, de routes, d’héroïne à séduire, le décor japonais. De fait, Doki Doki est un titre parfait pour les gens qui pensent sincèrement s’y connaître en visual novel alors qu’ils n’ont joué à deux ou trois titres dans leur vie (voire moins). C’est ce mélange qui inscrit définitivement Doki Doki dans l’air du temps : même si l’expérience sonne vide, tous les facteurs sont là pour en faire un divertissement de masse.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’autre gros succès de l’année 2017 dans la communauté est Dream Daddy, un dating sim où l’on drague des pères de famille gays. Certains ont estimé qu’il était malsain de comparer Dream Daddy aux dérivés d’Hatoful Boyfriend dans la mesure où le premier met en scène des êtres humains et non des objets/animaux rigolos mais je trouve la comparaison pas si idiote. Hatoful Boyfriend en son temps avait attiré l’attention à cause de son concept stupide mais aussi parce qu’il avait bien plus à offrir que des blagues sur les pigeons. Et notre simulateur de papas peut à la fois intéresser ceux qui veulent lire de la romance homosexuelle sur le thème peu exploré de la paternité, et à la fois ceux qui sont là pour customiser leur personnage de manière complètement ridicule et s’amuser de l’humour loufoque. Doki Doki a beaucoup en commun avec Dream Daddy, il n’a juste pas de concept qui crie au « meme » directement et le public qu’il vise possède plus d’influence.

 

 

Le succès…abusif

Maintenant qu’on a expliqué ce qu’était Doki Doki et pourquoi c’était le truc du moment, je vais pouvoir faire ma vieille chieuse. Ce qui me tue, comme j’y faisais allusion en introduction, ce n’est pas le jeu en lui-même mais le phénomène autour du jeu. C’est bien simple, c’est désormais impossible de traîner sur Internet sans en entendre parler. Tous les gens que je suis sur Twitter (à la fois en France et à l’international), tous les critiques de jeux-vidéo que je lis, tous les streamers que je regarde, tous les développeurs avec qui je communique, tous les forums que je visite, tout est pris d’assaut. Alors évidemment, c’est exacerbé par le fait que je travaille dans le milieu du visual novel et que j’entends forcément parler des plus grosses réussites…mais jamais Dream Daddy ou le dernier titre de Christine Love (pourtant très douée en marketing) n’ont eu une répercussion pareille. C’est bien simple, les fans de Doki Doki sont là, dans les campagnes, dans les villes, sur les réseaux sociaux, ils sont partout ! Et j’en ai juste marre de voir toutes les personnalités de l’Internet que je connais être suppliées de tester ce jeu comme si ne pas y jouer revenait à rater sa vie.

 

Ne vous y trompez pas : cette bannière célèbre le million de téléchargements de Doki Doki mais le jeu a d'ors et déjà dépassé les deux millions !

 

Le phénomène a enflé à tel point que Doki Doki Literature Club est désormais le visual novel le plus téléchargé sur Steam, loin devant Nekopara ou Sunrider, avec plus de deux millions de clics, mais également le visual novel le plus populaire avec un score digne d’une république bananière de 97% de votes positifs (sur la bagatelle de 80 000 votes) qui sème de loin le numéro deux du classement…c'est-à-dire VA-11 Hall-A. On vient donc de décider collectivement que Doki Doki valait plus d’attention que VA-11 Hall-A. Okay… C’est d’ailleurs le dixième jeu le plus populaire de Steam de tous les temps tout court. Enfin onzième lorsque j’écris cet article : il lui reste encore à dépasser Portal, excusez du peu. Et est-ce que je vous ai parlé des nominations à plusieurs grands concours ? Doki Doki a failli recevoir le Steam Award ‘Indescriptible (côte à côte avec The Stanley Parable), a été nominé pour Meilleur jeu PC, Meilleur jeu d’aventure, Meilleure histoire et Jeu le plus innovant de 2017 aux IGN Awards, ne repartant qu’avec le Choix du public.

 

En prenant du recul, il parait abusé, voire abusif, qu’un petit jeu indé aussi humble que Doki Doki prenne en otage l’Internet. Encore une fois, le visual novel lui-même n’est pas mauvais mais il y a clairement un décalage entre le peu d’ambition de la production et le flot ininterrompu d’éloges à son sujet. Tout cela sous prétexte d’une fraîcheur et d’une originalité encore jamais vu auparavant ? Le problème c’est que c’est tout sauf vrai. Si Undertale a fait autant de bruit à sa sortie, ce n’est pas uniquement parce qu’il s’agissait d’un bon jeu (il y en a des tonnes de bons jeux, tapis dans l’anonymat). Quand bien même Undertale a été inspiré par de nombreuses œuvres avant lui, comme Earthbound ou Yume Nikki (qui est en train de faire un comeback imprévu, soit dit en passant), il est parvenu à devenir culte à son tour parce qu’il a laissé une empreinte durable sur notre paysage vidéo ludique. Il y a un avant et un après Undertale en quelques sortes. Et c’est un argument qu’on peut utiliser pour beaucoup de classiques : il y a un avant et un après Mario, un avant et un après Dark Souls. Ces classiques avaient tous quelque chose à apporter et c’est pour cela qu’on s’en souvient si bien. Mais Doki Doki ? Quelle empreinte nous laisse Doki Doki exactement ? Même si le titre se sert de codes familiers, il n’arrive pas à créer sa propre personnalité, à apporter de la fraîcheur. Tout y est trop prévisible, trop éculé.

 

Je serais même un peu plus cruelle : tous les éléments que les fans les plus chevronnés admirent de Doki Doki ont déjà été traités avant, et bien plus en profondeur, par d’autres visual novel. On pensera forcément à Kimi to Kanojo to Kanojo no Koi (Totono pour les intimes) de Nitro+, encore exclusif au Japon, qui met en scène un vrai faux dating sim méta où les héroïnes peuvent soudainement briser le quatrième mur et se transformer en yandere. On pensera aussi à Depression Quest de Zoe Quinn (qui lorgne plutôt du côté de la fiction interactive pour le coup) qui explore très en détail le fléau qu’est la dépression et son impact insidieux sur la vie du malade. J’aimerais même balancer [redacted] Life pour faire bonne mesure : il s’agit également d’un petit jeu indépendant réalisé par une créatrice que je connais, Katy133, à l’occasion du fameux Nanoreno. Ça correspond en gros à une sorte de Doki Doki inversé, c’est-à-dire que le jeu commence comme une histoire d’horreur et change subitement pour devenir un dating sim cliché. Et il y a une raison intradiégétique pour cela. Oh, et puisqu’on y est, niveau jeu gratuit très court avec un gros retournement de situation qui te fait te sentir super mal à l’aise, j’étais là en 2013 quand j’ai écris Ambre (désormais disponible sur Steam). Donc si même moi je l’ai déjà fait, vous pouvez considérer que c’est complètement dépassé :p.

 

Mais, Totono n’étant pas traduit sous nos latitudes, je suppose qu’il n’y avait pas à la fois des filles moe et un texte compréhensible par tous et que c’est ce qui manquait à l’équation magique ?

Soit dit en passant, DDLC ne fait qu'évoquer superficiellement des thèmes lourds, il ne les traite absolument pas. Dommage, ça aurait justement pu en faire un "vrai" visual novel, certainement maladroit mais aussi bien plus sincère. Je vous conseille d'ailleurs la lecture de cet article sur le sujet. 

 

 

Le nouveau Katawa Shoujo

Pour en revenir à cette histoire de moe (qui n’est pas juste une simple pique), au-delà du volume ahurissant des inconditionnels de Doki Doki se joue en filigrane quelque chose d’encore plus complexe. C’est peut-être une conjecture personnelle mais je ne vois pas le succès de ce phénomène viral d’un très bon œil pour les visual novel en général.

 

Cela fait des années que je travaille dans ce milieu, que ce soit en tant qu’amateur ou en tant que professionnelle, et de forts préjugés règnent toujours au sujet des EVN (les visual novel non japonais donc). Les fans de visual novel ne s’intéressent quasiment toujours qu’à ce qui se fait au Japon (ce qui est leur bon droit) et ont la fâcheuse tendance à cracher sur les œuvres occidentales en retour, comme si c’était une compétition. Ce sont des gens qui bien souvent ne les essayent jamais et vont toujours arriver à te déterrer un exemple (mais si, ce vieux truc sur le passage informatique à l’an 2000) pour prouver que ohlala, ce sont vraiment des jeux inférieurs. Et rien n’est plus arbitraire. Déjà parce que l’industrie japonaise est complètement en place depuis très longtemps : de grosses entreprises avec de gros budgets produisent les fameux chefs d’œuvre, ce n’est donc évidemment pas la même chose que ce que peut réaliser une toute petite équipe. Ensuite, parce que le résultat n’est culturellement pas comparable : ce serait comme mettre sur le même plan un athlète, un pianiste et un ingénieur en aérospatial pour essayer de déterminer lequel réussit le mieux la cuisson des pâtes. Mais aussi surtout, parce que ce n’est plus vrai ! Depuis 2012, le marché a évolué de manière radicale. Il existe désormais des tas d’équipes très douées qui proposent des histoires toutes différentes et personnelles. Est-ce que vous diriez franchement d’un jeu comme Along the Edge du studio bordelais Nova Box qu’il est moche et inférieur ? Du criminellement méconnu Tell a Demon et ses illustrations peintes à la main qu’il est inintéressant ? Non, ce ne sont pas des filles moe dans le style anime traditionnel, mais chaque œuvre possède son propre charme. Et même en termes de graphismes « anime », il y en a des visual novel phénoménaux. Comme VA-11 Hall-A, évoqué plus haut, par les vénézuéliens de Sukeban, et cette ambiance cyberpunk jazzy inimitable. Il y a tant de titres que je pourrais citer mais on y passerait la nuit !

 

Ils sont bien tristes les fangames de Doki Doki, dis donc...

 

Ce que j’essaye d’expliquer c’est qu’à une époque pas si lointaine, Katawa Shoujo était le seul EVN qu’il était « autorisé » d’aimer parce que suffisamment proche des canons japonais pour les gardiens du bon goût. Et j’ai comme l’impression que Doki Doki est en train de prendre sa place. La rengaine « Les visual novel non japonais sont inférieurs…sauf Katawa Shoujo » va juste devenir « Les visual novel non japonais sont inférieurs…sauf Doki Doki ». J’aimerais me tromper, j’aimerais sincèrement croire que les lecteurs fraîchement débarqués vont devenir curieux et s’intéresser à plein d’autres jeux indépendants. Mais j’ai bien peur que Doki Doki Literature Club ne soit officiellement devenu le nouveau Katawa Shoujo. Et il va falloir faire avec.

 

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En exclusivité, toutes les réflexions que je n'ai pas eu la place d'intégrer dans cet article sont disponibles sur mon compte Patreon : [BONUS] Le nihilisme de Doki Doki.

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27 mars 2016 7 27 /03 /mars /2016 13:55

Ce mois du visual novel touche à sa fin. Dans le prolongement de mon étude, j’ai décidé de conclure en beauté en m’attaquant partiellement à quelque chose qui m’a été réclamé à corps et à cri plus ou moins dès le début de ce blog.

 

En effet, que ce soit des débutants qui recherchent leur tout premier visual novel ou des personnes qui viennent d’être initiées et qui voudraient étendre leur culture, on me demande très régulièrement conseil. Le problème c’est que, comme n’importe quel média, le visual novel recouvre de multiples genres et que je peux difficilement deviner les goûts des gens à leur place. Après tout, il existe des milliers de livres : je serais bien embarrassée si un bibliophile s’attendait à ce que je lui trouve la perle rare sans me communiquer la moindre indication sur ce qui lui plaît. Le visual novel n’est pas bien différent.

 

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C’est pour cela que je vous présente « Quel Visual Novel est fait pour moi ? », un guide conçu pour aider différents publics à trouver les visual novel qui correspondent à leurs goûts. Il ne s'agit donc pas d'une histoire, mais bel et bien d'un inventaire, non-exhaustif, répertoriant les titres qui existent actuellement en français. A l'aide de différents critères (importance de la romance, support, genre, etc), le personnage fictif de Mirei va vous conseiller en puisant dans son catalogue, qui contient actuellement près d'une cinquantaine de titres.

 

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Exemple de classification

 

Et, comme on va très certainement me poser la question, j’ai fait ma sélection en me basant sur plusieurs paramètres :

  • Pour commencer, ce guide ne contient que des jeux traduits, édités ou crées en français. J’aurais pu prendre en compte les visual novel existant actuellement en anglais mais l’explosion récente du médium fait que le choix est tout simplement gargantuesque. Presque toutes les œuvres japonaises majeures ont été traduites ou sont en cours de traduction, et la sphère des indépendants anglophones grossit à vue d’œil chaque année. Bref, établir une liste anglaise prendrait énormément de temps (que je n’ai pas). Je me suis donc contentée d’une version française qui, je pense, dépannera déjà pas mal ;).
  • J’ai fait le choix de ne présenter que des visual novel qui soient disponibles légalement en France. Je n’ai rien contre les initiatives de fans mais vu que ça reste une pratique borderline, je préfère la laisser de côté.

 

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  • Autre parti-pris, celui de ne présenter quasiment exclusivement que des jeux terminés. Je soutiens activement la création et présente donc avec plaisir des visual novel 100% made in France. Cependant, et vous le savez déjà si vous avez lu la 3e partie de mon étude, les développeurs qui disparaissent du jour au lendemain avec un projet inachevé sont légion. Si je commence à inclure des jeux en cours, ça va vite devenir n’importe quoi et le lecteur n’a aucune assurance que le visual novel verra sortira vraiment un jour. Je n’ai gardé que quelques exceptions pour la bonne raison que ce sont des projets au mode de sortie épisodique et dont le contenu actuel est suffisant pour que ça vaille le coup, même en cas de défaillance prochaine des créateurs.
  • Enfin, je rappelle que ce guide a vocation à aiguiller les joueurs, il y a donc nécessairement une part de subjectivité puisque les recommandations découlent de ce que j’ai pensé des visual novel en question. C’est pour cela que la liste ne pourra jamais être exhaustive : il y a forcément des œuvres qui seront exclues parce que je ne les trouve pas pertinentes (souvent parce qu’elles sont trop courtes) ou que je ne vois pas comment je pourrais les conseiller. Donc si jamais vous vous posez la question : oui, j’ai lu une bonne partie des titres présentés (vous en retrouverez d'ailleurs les critiques sur le blog) ; les autres, je ne les ai que survolé mais j’ai estimé en savoir assez pour pouvoir les présenter. Exception faite des jeux pour filles que j’ai étudiées dans le cadre de mon dossier mais dont je ne suis pas particulièrement friande : il me semblait tout de même important d’en mentionner quelques uns dans la mesure où il existe un public pour cela en France et que je ne suis pas là pour juger les goûts des autres.

 

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Je tiens à préciser que « Quel Visual Novel est fait pour moi ? » a été réalisé uniquement à partir de ressources libres de droit afin de prouver qu'il était possible d'obtenir un résultat satisfaisant sans forcément disposer d'un budget conséquent ou d'une équipe dédiée. Elles sont toutes listées sur la page itchio (et dans les credits) et je vous encourage à les utiliser pour vos propres projets.

Afin d'illustrer son propos, le guide contient également des captures extraites des différents jeux énumérés. Celles-ci sont bien évidemment la propriété de leurs auteurs respectifs (dûment crédités) et ne sont utilisées que de manière pédagogique.

 

 

Voilà, je pense que j’ai fait le tour. « Quel Visual Novel est fait pour moi ? » est téléchargeable gratuitement sur itchio à la fois pour Windows/Mac/Linux et Android. Je n’ai pas eu le temps de tester cette dernière version donc n’hésitez pas à me signaler s’il y a un bug quelque part. Il n'est pas exclut que le catalogue soit mis à jour dans le futur, selon le succès remporté ou non par l'initiative, on verra bien. Dites-moi déjà ce que vous pensez du résultat !

 

J’espère que le mois thématique en l’honneur des sept ans du blog vous aura plu. Pour ma part, je suis débordée depuis que Träumendes Mädchen est devenu une entreprise donc je ne peux rien promettre sur la rapidité des prochains articles mais je ferais de mon mieux, comme d’habitude ;). A bientôt ~

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20 mars 2016 7 20 /03 /mars /2016 14:15

 

 

Partie 1 : Les multiples ambiguïtés d’une définition

Partie 2 : L’explosion du visual novel anglo-saxon : Trois exemples commerciaux réussis significatifs

Partie 3 : La création de visual novel francophone : un retard important

Partie 3 : La création de visual novel francophone : un retard important

 

A. Publications commerciales : le juteux marché pour filles

 

1. Le free-to-play adapté aux otome game : le succès fulgurant de Beemoov

 

Alors que les studios indépendants anglo-saxons se multiplient, la France ne possède qu’un seul étendard : Beemoov. Fondé en 2006 par Benoit Guihard et Jean-Philippe Tessier, Beemoov est un studio indépendant situé à Nantes qui a su se positionner sur le marché des jeux en ligne pour filles. Il s’agit désormais d’une Société par Actions Simplifiées au capital social de 200 000 euros qui compte près d’une vingtaine de salariés. C’est avec le jeu de mode en ligne Ma-Bimbo.com sorti en 2007 que la firme trouve son premier succès et se développe rapidement en lançant différents projets, tels que CroMimi, jeu d’élevage de rongeurs. Mais c’est Amour Sucré, lancé en 2011, qui nous intéresse principalement.

 

Ma-Bimbo.com, Beemoov

 

Amour Sucré est un jeu gratuit disponible sur navigateur qui reprend les codes typiques des otomes games tant au niveau de la présentation (esthétique manga, format ADV) que du sujet traité (romance, multiples personnages à conquérir avec des choix). Beemoov y ajoute des mécanismes de gameplay empruntées au free-to-play et des mini-jeux pour en faire un mélange hautement attractif. Ainsi, le joueur est libre de se déplacer parmi différents décors, ce qui déclenchera des dialogues en fonction des personnages présents dans tel ou tel lieu. Or chaque déplacement consomme des points d’action et le jeu encourage les allers-retours. Le joueur doit donc, soit attendre que ses points d’action se rechargent, soit en acheter directement avec de la monnaie réelle (payable par différents moyens, dont le SMS, une stratégie courante lorsque l’on vise un public relativement jeune). De même, en fonction des choix réalisés, des illustrations des différents garçons à séduire se débloquent, et il n’est possible de refaire les différents épisodes qu’en dépensant davantage de points d’action, ce qui stimule la rejouabilité du titre.

 

Il existe en outre pléthore de petites options payantes comme des costumes ou des objets. En effet, dans Amour Sucré comme dans Eldarya, un autre otome game plus récent de Beemoov qui se déroule dans un contexte fantastique, l’aspect « relooking » demeure assez présent et plébiscité par les joueurs : l’avatar féminin est donc entièrement customisable. Cet aspect renvoie bien sûr aux débuts de l’entreprise avec Ma-Bimbo mais la particularité d’Amour Sucré est qu’au lieu de présenter une aventure finie, comme le font habituellement les otome game, il se découpe en épisodes. Un nouvel épisode sort ainsi régulièrement tous les deux ou trois mois, ajoutant un petit bout d’histoire avec son lot de rebondissements, ce qui en fait une saga-fleuve très similaire à une série télévisée. Certains épisodes sont spécifiquement publiés pour coller à des évènements tels que Noël ou la Saint Valentin.

 

Compte d’une joueuse d’Amour Sucré, Beemoov

 

Amour Sucré cible très spécifiquement les jeunes adolescentes rien qu’avec son univers (un lycée typique) et possède même une page d’informations destinée aux parents pour les informer sur les transactions en ligne. La formule connaît un succès certain puisque, outre ses 436 000 abonnés sur Facebook et les 6 805 579 inscriptions revendiquées, Amour Sucré a été décliné en plusieurs langues et en une multitude de produits dérivés parfois surprenants. Ainsi, en plus d’un agenda, d’une série de manga et de figurines (disponibles sur le stand de l’éditeur Kazé durant Japan Expo 2015), il existe une application de réveil pour que les joueuses puissent s’endormir aux cotés de leur personnage masculin préféré. De plus, plusieurs campagnes de publicité TV ont été réalisées et diffusées sur TF1.

 

Bref, Amour Sucré est une franchise populaire et visiblement lucrative puisqu’Eldarya a récemment été lancé dans ses pas. Un succès qui attise les convoitises puisque des concurrents voient progressivement le jour pour se partager ce juteux marché.

 

2. “Is it Love ?”, “French Kiss The Visual Novel” : l’émergence d’une concurrence

 

Fondé en 2014 par Claire et Thibaud Zamora, deux anciens de Feerik qui concurrençait déjà Ma-Bimbo avec le similaire OhMyDollz, 1492 Studio est une SARL unipersonnelle possédant 50 000 € de capital social. Leur première production, Is it Love ? – Carter Corp. se définit comme une histoire d’amour interactive disponible sur l’App Store et Google Play, et se révèle donc plus proche des otome game japonais via le choix du support. Bien que gratuit, Is it Love ? utilise un système similaire à Amour Sucré en restreignant la capacité d’actions des joueurs (ici nommée « énergie ») et propose une aventure épisodique avec des bonus payants. À la différence de Beemoov, 1492 Studio semble viser un public légèrement plus mature dans la mesure où son synopsis n’est pas sans rappeler le succès commercial, 50 nuances de Grey, déjà populaire auprès du marché féminin.

 

Is is Love ? Image promotionnelle de 1492 Studio

 

Egalement disponible sur l’App Store et Google Play, un tout nouveau otome game sur mobile vient de faire son apparition depuis le 15 juin 2015 : FrenchKiss – The Visual Novel de Nemorius. Mettant en scène, une jeune japonaise venant s’installer à Paris, FrenchKiss suit un chemin très similaire à ses aînés : il est possible de customiser l’apparence de l’héroïne comme dans Amour Sucré, mais l’aventure est globalement plus proche d’un otome game traditionnel comme Is it Love. Cependant, il est difficile d’estimer si ce nouveau venu se révèlera un concurrent sérieux dans la mesure où il est très difficile d’obtenir plus d’informations sur Nemorius : aucune société n’est enregistrée sous ce nom et le site web est entièrement vide et ne contient qu’un module Facebook. On pourrait supposer que les développeurs n’exercent pas cette activité de manière principale, ce qui est étrange puisque, si French Kiss a bien une introduction gratuite, le premier chapitre coûte 1,99€. Au-delà de ces considérations juridiques, ni Is it Love avec ses 25 966 abonnés Facebook, ni Frenck Kiss avec ses 1 517 abonnés, ne sont encore suffisamment populaires pour faire de l’ombre aux 435 940 abonnés d’Amour Sucré ou aux 85 389 abonnés d’Eldarya sur Facebook.

 

Frenck Kiss – The Visual Novel

 

On peut bien sûr débattre de la conformité ou non de ces jeux avec la définition de visual novel mais il n’en reste pas moins que ce sont les seules productions commerciales existants en France actuellement. En effet, les seules œuvres en dehors du marché dit « pour filles » sont en réalité des productions d’amateurs.


 

B. Publications amateurs : une communauté parcellaire et embryonnaire

Un amateur est un créateur qui exerce en dehors des circuits traditionnels : il ne possède pas de budget, n’a parfois même que des connaissances sommaires en matière de conception de jeux-vidéo, et œuvre seul ou en petite équipe. La plupart du temps, un développeur amateur ne recherche pas le profit dans la mesure où il fait de la création un passe-temps, il met donc généralement ses travaux à disposition gratuitement dans le seul but d’obtenir des retours des joueurs. Il se trouve que la production de visual novel francophones est quasiment uniquement l’apanage d’une poignée d’amateurs motivés mais peu visibles.

 

1. L’abandon partiel du seul développeur français sur Steam : les déboires d’OG-ZONE

 

En dehors du marché pour filles, il n’existe en réalité qu’un seul visual novel commercial : Snow Light. Il s’agit d’une histoire interactive vendue par OG-ZONE Digital Entertainment sur Windows, Mac et Linux. Bien qu’OG-ZONE ne soit pas enregistré en tant que société officielle, il s’agit bien de l’unique développeur français à avoir été accepté sur Steam via Greenlight. Snow Light, leur seul visual novel pour l’instant, est une histoire d’espionnage mettant en scène l’héroïne éponyme, une tueuse expérimentée, dans un monde futuriste. La particularité de ce jeu est de se présenter sous une forme bien plus cinématique : au lieu d’avoir recours au format ADV habituel, le développeur opte pour des illustrations complètes, souvent animés, et les scènes d’action sont accompagnées de QTE que le joueur doit exécuter correctement.

 

Snow Light, bannière promotionnelle

 

Cependant, bien que Snow Light ait été téléchargé par près de 5000 personnes, l’œuvre essuie des critiques globalement très négatives sur Steam et son prix a été provisoirement élevé à 99,99$, sans doute par protestation, même si aucune déclaration officielle n’explique cette décision. En outre, OG-ZONE a tenté de monter deux campagnes de financement participatif durant l’été 2014, une sur Indiegogo et une sur Kickstarter, dans le but de financer une nouvelle série. Cependant elles se sont toutes deux soldées par un échec, laissant le flou quant à l’avenir du studio.

 

2. Des créateurs « bénévoles » éparpillés et isolés : Korova, Atelier Dreamnoid et Träumendes Mädchen

 

Snow Light reste l'exception parmi les créateurs de visual novel français dans le sens où il s’agit d’un projet commercial, qui plus est accepté sur Steam, bien que le studio ne soit pas officiel. Ce n’est pas le cas de la majorité des productions qui ne se cachent pas d’être purement l’œuvre d’amateurs motivés mais aux ressources limitées.

 

On compte par exemple les visual novel de Korova, professeur en lycée, qui bricole seule à l’aide de ressources mis à disposition du domaine public. C’est aussi le cas de Dri, ingénieur développeur qui travaille dans le milieu du jeu-vidéo et a déjà par le passé cofondé sa propre société, depuis abandonnée. En marge de son métier, il conçoit seul des visual novel sous le label Atelier Dreamnoid en s’occupant aussi bien du code, de l’histoire et des graphismes. Son premier projet, Last (K)night lui aura toutefois pris 3 ans de développement, et son second situé dans le même univers, Code Muse, près d’un an. Là où Korova élabore des histoires très courtes inspirées de mot-clef, Atelier Dreamnoid construit un univers d’urban fantasy relativement conséquent.

 

Clair Obscur, un projet uniquement élaboré à partir du domaine public

 

De manière générale, les visual novel français finalisés proviennent souvent d’un seul individu, probablement parce que l’envergure des projets est plus modeste. De fait, il existe très peu d’équipes qui soient suffisamment productives, hormis peut-être Träumendes Mädchen. Derrière ce nom germanique se trouve en fait une dizaine de français, pour la plupart étudiants, qui produisent des visual novel à l’occasion de game jam, ces compétitions de développement de jeux-vidéo. Ils participent ainsi à la fois à des game jam spécifiques au visual novel (comme le Nanoreno, un concours organisé par la communauté anglophone Lemmasoft) et au Ludum Dare.

 

3. Le cas de la création de visual novel en Suisse : Endless Seasons

 

Côté francophonie, le constat est le même. Il existe actuellement un seul développeur de visual novel suisse : Endless Seasons, une petite équipe d’étudiants basée à Lausanne. La particularité de ce groupe est qu’il ne se focalise pas uniquement sur le visual novel mais développe tout un florilège d’activités autour des questions LGBT, y compris de l’autopublication de nouvelles ou de fanfictions, la traduction en français de documentaires sur le jeu vidéo queer ou du jeu-vidéo à visée éducative. Le visual novel reste tout de même le cœur d’Endless Seasons puisqu’ils en ont fini deux (Cardiff_Insane Letters et Closed / Needs, deux œuvres qui se focalisent sur l’introspection) et travaillent en parallèle sur un projet conséquent traitant de questions philosophiques et sociales, Système Isolé, sorti de manière fragmentée. L’autre spécificité d’Endless Seasons est qu’à l’exception de Cardiff_Insane Letters, leur production est uniquement accessible dans les conventions où ils se rendent en tant que créateurs amateurs. Ainsi Closed / Needs était vendu à la Japan Impact 2015 se déroulant à l’école polytechnique de Lausanne et le dernier épisode en date de Système Isolé à Japan Expo 2015 de Paris.

 

Cardiff_Insane Letters, un projet expérimental - Capture de la version anglaise

 

Il existe évidemment d’autres développeurs que l’échantillon présenté ici mais ceux-ci sont souvent « invisibles » dans la mesure où il ne possède pas forcément de site web ou même de comptes sur les réseaux sociaux pour les tracer. De plus, la plupart de ces développeurs n’ont réalisé qu’un seul projet avant de disparaître ou une simple démo d’un projet continuellement en hiatus. Difficile dans ces conditions de dresser un tableau fidèle de la création de visual novel en France. Pour ces quelques « survivants », il existe pléthore d’échecs que nous allons à présent analyser pour tenter de comprendre ce qui pose problème.


 

C. La longue liste des « échecs » : entre amateurisme total et volonté de se professionnaliser sans moyens concrets

 

1. Les visual novel « blagues » : des communautés sans réelles idées

 

Parmi les projets de visual novel qui ne voient jamais le jour, il en existe un type récurrent : le projet « communautaire ». Il s’agit à l’origine d’un groupe de fans qui se constitue autour d’un intérêt commun et échangent, souvent par le biais d’un forum. Ces mêmes fans peuvent, en entendant parler du visual novel, décider d’en réaliser un qui ait pour thème leur intérêt commun. Le premier projet de ce genre se nomme Higashi no Ginga SÜ;PER Shounen Kakumei Lyrical Sebastian no Densetsu et a été lancé par un groupe de blogueurs en juin 2009. Leur idée était de concevoir un visual novel parodique qui mettrait en scène des représentations féminines de chaque blogueur appartenant à leur cercle, le tout dans de multiples cadres typiques de la culture japonaise : un cadre scolaire en lycée, un hôpital, un manoir, un univers avec des pouvoirs magiques, etc. Sur le wiki, maintenant supprimé, du projet, on pouvait voir près d’une trentaine de contributeurs uniquement pour la partie scénaristique. Le projet n’a jamais dépassé le stade de quelques dessins conceptuels, dans la mesure où le principe de base était en soi une blague que les principaux concernés ne prenaient pas au sérieux. La plupart des blogueurs se sont en réalité contentés de jeter quelques idées à la va-vite et très peu se sont réellement atteler à en extraire du concret. De plus, les multiples intrigues imbriquées, toutes possédant un contexte différent et des personnages différents, rendaient le projet matériellement infaisable.

 

Une des rares archives restantes du projet SebaDen

 

Ce premier brouillon a cependant inspiré un an plus tard les habitués d’un forum affilié à tenter leur chance. Le « projet VN » fut une tentative de réaliser un visual novel de l’univers La mélancolie d’Haruhi Suzumiya, un anime japonais ayant rencontré un petit succès en France lors de sa diffusion et localisation. De 2010 à 2011, le projet a tant bien que mal tenté de recruter des volontaires dans les membres du forum mais l’organisation ne pouvait pas fonctionner dans la mesure où l’équipe provisoire n’est jamais arrivée à s’entendre sur une idée de scénario. Sur certains anciens posts, on peut voir qu’il y avait plus de dix personnes censées travailler sur l’écriture mais aucune coordination. De plus, les personnes en charge de la production ou du test étant déjà recrutées, elles se sont vite découragées en constatant que rien n’avançait. Le plus gros problème de ce projet est bien l’absence d’un manager pour trancher et recadrer les efforts des volontaires, ce qui les a tous conduit à abandonner au bout de quelques mois sans jamais rien produire. Les archives sont ainsi assez explicites sur le mécontentement des différents membres sur ce point.

 

On peut imaginer que l’absence de management est aussi ce qui a plombé, un an plus tard, un autre forum encore affilié, Vocaloid.fr, dans son propre projet de visual novel. Encore une fois, l’idée de base était assez vague et a rapidement sombré dans l’oubli car il manquait l’élément crucial : le scénario. Il existe moins d’archives sur le visual novel Vocaloid proclamé en 2012 que sur celui d’Haruhi mais on peut globalement en déduire que les trois projets précédemment cités souffrent du même défaut : le manque de motivation. Aucun volontaire ne souhaitant réellement hériter des rênes et devoir prendre des décisions, le groupe déjà très hétéroclite n’avait aucune chance de se coordonner pour produire du concret. Chacun de ces visual novel partait au fond d’une blague plus que d’une idée et personne n’était capable de visualiser une histoire entière qui puisse en être issue.

 

2. Otome games : quand des rêveurs sans expérience voient trop gros

 

Suite au succès d’Amour Sucré, une communauté française fan d’otome games s’est peu à peu formée sur Facebook. Il est donc tout naturel de voir des poignées de fans se constituer des groupes et rêver de concevoir leur propre otome game. Ces projets sont particulièrement difficile à dénicher pour tout œil extérieur à la communauté du fait de la difficulté de plonger dans les archives de Facebook mais ils se révèlent relativement nombreux…et beaucoup d’entre eux voient trop gros.

 

Image promotionnelle de 17th Spring avec les trois héros du jeu

 

17th Spring pourrait faire figure d’exemple particulièrement ancien dans la mesure où il aurait démarré, selon l’aveu des créateurs, en 2011. Après un changement total d’équipe entre 2014 et 2015, le projet peine toujours à produire une démo. Il s’agit d’un otome game réalisé sur RPG Maker et mettant en scène une école japonaise où l’héroïne pourra séduire trois garçons différents. Au-delà de la difficulté initiale pour de jeunes adolescentes sans expérience de finaliser un otome game, même court, le projet semble bourré de complications : ainsi une des scénaristes annonce en mars 2015 que le jeu nécessite une quarantaine de sprites, en plus de l’intégralité de l’école en pixelart. En outre, elle évoque le fait d’avoir bientôt fini la fiche des personnages et refuse régulièrement de dévoiler plus que les sprites des trois garçons. Malgré ces difficultés d’avancement, l’équipe lance tout de même une campagne de financement participatif sur Ulule pour rassembler suffisamment d’argent pour obtenir un stand à Japan Expo 2015. 17th Spring amassera en tout 381€, soit plus que sa mise initiale de 250€ et l’équipe se rendra bel et bien en convention pour faire la promotion du jeu et proposer des produits dérivés sans arriver toutefois à finir à temps la démo de jeu promise (Note : Un premier épisode aura finalement vu le jour fin décembre 2015 mais sa durée de jeu reste difficile à estimer). Cela n’empêche pas l’équipe de proposer une section de forum où les fans peuvent d’ores et déjà expliquer quel personnage du jeu est leur préféré et pourquoi.

 

Dans le même registre, Kahandra est un otome game de type fantastique en développement depuis juillet 2013. Les membres de l’équipe sont encore une fois très jeunes, le scénariste et illustrateur principal passait par exemple son baccalauréat en juin 2014 mais son aide n’a que 14 ans, et restent bloqués sur la démo. Si on en croit leur site web, seul le premier jet de celle-ci est finalisé, et l’univers qu’ils espèrent créer déborde de créatures fantastiques qui possèdent toutes un design. Lovely Idol de Kayume Studio (Note : la page Facebook a été récemment supprimée), en développement depuis mai 2014, et Aryamaïn, en développement depuis décembre 2014 sont également dans la même situation : ce sont des projets d’otome game n’ayant jamais sorti la moindre démo. Cependant la particularité de ce dernier est d’avoir annoncé non seulement pouvoir choisir le genre de son avatar et des personnages à séduire, mais en plus de proposer un système de guildes, de mini-jeux (dont des courses, des duels, des batailles et des puzzles), des bonus cachés et un système de comptes permettant au joueur de créer près de 3 personnages par compte.

 

Des projets comme précédemment cités, on en trouve beaucoup sur Facebook et ils sont tous issus de très jeunes adolescents qui ont, certes, beaucoup d’idées et de motivation, contrairement aux projets « blague », mais qui voient beaucoup trop gros du fait de leur manque d’expérience et tentent de reproduire le succès de Beemoov sans en avoir les compétences ou les moyens, ce qui mène invariablement à un temps de conception interminable où chaque ressource prend des années.

 

3. Catharsis ou les ravages du feature creep

Ecran principal de la démo de Catharsis

 

En marge, il existe bien des équipes un peu plus sérieuses dont l’échec est plus surprenant. C’est le cas de V.Gear dont les membres sont déjà rôdés aux visual novel. En effet, chaque année en 2011 , 2012 et 2013, un concours de création de visual novel est organisé par le cercle No-Xice, collectif sans statut qui arpente les conventions de France ayant pour thème le Japon. Ce concours a lieu à l’occasion d’Epitanime, la convention de l’école parisienne d’ingénieurs Epita, et se déroule en une journée entière. Le fondateur de V.Gear y participe ainsi avec un nom d’équipe toujours différent mais remporte trois fois de suite le dit concours, bien vite rejoint par les différents membres. Les visual novel produits sont bien sûr extrêmement courts et parodiques, mais cela leur assure un début d’expérience dans le domaine. L’équipe formée à l’occasion du dernier concours s’officialise sous le nom de V.Gear et annonce dans la foulée, en mai 2013, un premier projet : Catharsis, où la lutte entre deux joueurs qui inventent à tour de rôle une histoire.

 

Sur le blog de développement tout juste lancé, l’objectif de l’équipe semble clair : finaliser Catharsis pour Japan Expo 2013 qui a lieu la première semaine de juillet. Un projet censé être court, puisqu’il est présenté comme un kinetic novel de 3-4h de lecture, ce qui est généralement bon signe lorsque l’on débute dans la création. Pourtant, à la sortie d’une démo, le 18 juin, la durée prévisionnelle est allongée à 6-7h, un signe malheureusement avant-coureur puisque le jeu complet ne sera pas prêt à temps. Dans son article, le fondateur avoue que le projet s’est révélé plus ambitieux que prévu mais promet d’aller jusqu’au bout en estimant avoir besoin de trois mois supplémentaires. Aucun avancement officiel ne sera plus communiqué sur le blog après cela et le dernier message posté sur les réseaux sociaux date de mai 2014. Alors, comment expliquer cette déconvenue alors que le projet semblait bien parti ?

 

Image promotionnelle de Catharsis

 

L’élément-clef dans l’échec de Catharsis pourrait être l’absence soudaine de date butoir : pour le concours de visual novel, comme pour la démo, l’équipe disposait d’une limite claire et établie qui leur permettait de travailler. Or, une fois la date de Japan Expo manquée, il n’y avait plus de limite imposée et cela a pu paraître trompeurs : les membres ont certainement cru avoir tout le temps nécessaire ou avoir surmonté l’étape la plus difficile. De plus, lorsqu’on jette un coup d’œil à la démo produite en l’espace d’un mois et demi, on se rend compte qu’outre sa durée extrêmement faible (à peine une demi-heure), celle-ci n’était constituée que d’une poignée de ressources graphiques : l’interface par défaut du logiciel était à peine retouchée, il n’y avait que quelques variations d’un unique décor de plage, en plus d’un dégradé de couleurs, pour figurer les décors, et seulement trois personnages et une illustration. Le résultat est certes très honorable pour une démo mais un peu en deçà de ce dont une équipe relativement expérimentée, composée qui plus est de deux artistes différents, est capable de produire en un mois (on peut notamment la comparer avec les visual novel réalisés lors du concours Nanoreno de Lemmasoft). En excusant les différents membres à cause de la période d’examens qui apporte une difficulté supplémentaire, on peut tout de même en déduire que l’équipe n’était pas assez habituée aux productions d’ampleur pour se permettre de débuter avec un gros projet. C’est ce que les développeurs de jeux-vidéo nomment habituellement le « feature creep », ou la tendance à rajouter toujours plus d’éléments à un projet, au risque de causer son annulation. Avec le recul, Catharsis est très certainement un projet victime de feature creep en interne et de surestimation des capacités de l’équipe, ce qui a conduit à sa disparition silencieuse.

 

Conclusion

 

Le visual novel est un sujet d’étude délicat à saisir : fruit de multiples malentendus, sa définition précise reste encore au cœur de nombreux débats, et ce alors même que le médium commence doucement à faire parler de lui outre-Atlantique. L’arrivée récente de centaines de titres différents sur Steam laisse à penser qu’un public se dessine pour ce genre d’œuvres. Malgré cela, la France accuse un sérieux retard dans le domaine. Hormis sur le marché spécifique des jeux pour filles inspirés des otome game où le studio Beemoov, qui tenait jusque-là le monopole, se fait progressivement concurrencer, il n’existe aucune production commerciale sérieuse ou du moins rencontrant un tant soit peu de succès dans l’Hexagone, et encore moins sur la plateforme de Valve. Actuellement, le marché français de création de visual novel reste balbutiant, voire quasi-inexistant. Seule une poignée d’amateurs occupe le terrain, dont une partie a même tendance à « s’expatrier », c’est-à-dire à viser directement le public anglo-saxon. Ce phénomène a donc tendance à invisibiliser encore plus un marché naissant.

 

Cependant on peut espérer que la situation s’améliore dans les années à venir, grâce à la démocratisation progressive du médium et à un effet « boule de neige ». En effet, plus le visual novel sera répandu, plus il y aura de chances que des développeurs s’emparent à leur tour du concept pour en produire leur propre version. De fait, le vide actuel est la résultante de la méconnaissance des années passées et il n’est pas à exclure que des studios indépendants se tournent déjà vers ce genre.

 

(Etude commandée par Laurent Pendarias)

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13 mars 2016 7 13 /03 /mars /2016 14:15

 

 

Partie 1 : Les multiples ambiguïtés d’une définition

Partie 2 : L’explosion du visual novel anglo-saxon : Trois exemples commerciaux réussis significatifs

Partie 3 : La création de visual novel francophone : un retard important

 

 

Partie 2 : L’explosion du visual novel anglo-saxon : Trois exemples commerciaux réussis significatifs

 

En effet, le visual novel à l’international est longtemps resté cantonné à une niche d’amateurs restreints : jusqu’à récemment, il n’y avait que deux entreprises spécialisées dans la localisation de productions japonaises (JAST USA et Mangagamer ), celles-ci étaient presque toujours pornographiques, et il n’y avait qu’une poignée de studios indépendants anglo-saxons en parallèle pour proposer de la création originale. Ainsi entre 2012 et 2013, il y avait moins de 5 titres disponibles sur Steam, preuve de la difficulté du genre à s’imposer. Or, avec l’assouplissement des conditions d’accès début 2014, la donne est rapidement en train de s’inverser. Rien qu’en 2014, une trentaine de titres en anglais ont fait leur apparition sur le catalogue de Steam et déjà près d’une cinquantaine pour l’année 2015 (analyse effectuée à partir de la liste des titres répertoriés « visual novel » sur Steam).

Et c’est sans compter les nombreuses campagnes de financement participatif qui prolifèrent, transformant peu à peu la niche en un marché potentiellement profitable.

 

A. La localisation de Clannad : amener un classique japonais en Occident

 

1. Présentation

 

Clannad est un des visual novel phare du très populaire studio japonais Key. Sorti en 2004, il est d’une durée considérable (plus de 50h de lecture) et représente le premier projet tous publics de Key, qui jusque là suivait la tendance 18+ . L’histoire, comme beaucoup de visual novel nippons, met en scène un lycéen, Tomoya Okazaki, qui va croiser la route de plusieurs héroïnes, chacune possédant un passé plus ou moins lourd, et il s’agira pour lui d’apprendre à s’ouvrir aux autres et notamment à l’héroïne principale, Nagisa Furukawa.

 

Clannad, version japonaise

 

Il est difficile d’estimer le poids des ventes de Clannad au Japon, cependant on sait que le titre est arrivé numéro 1 du top 50 des bishoujo games organisé par le magazine Denkegi G en 2007 , et que c’est de loin le jeu qui a le plus popularisé le type du nakige, dont le studio a fait sa marque de fabrique. Le nakige, littéralement « jeu qui fait pleurer », est un bishoujo game qui commence par une route commune joyeuse et qui plonge dans le drame lors des routes individuelles des héroïnes pour obtenir du joueur une réponse émotionnelle, avant de conclure par un retournement de situation heureux ou du moins positif.

 

La réputation de Clannad a attiré de nombreuses adaptation, dont un dessin animé en deux saisons en 2007 par le très en vogue studio Kyoto Animation qui a popularisé l’histoire en Occident. Ce n’est qu’en 2012 qu’un groupe de traduction amateur s’empare du jeu pour proposer un patch anglais clandestin à la qualité contestée. Les choses auraient pu s’arrêter là si Visual Art’s, la maison-mère de Key, ne s’était pas intéressé de très près au marché occidental. En effet, si l’on en croit une interview de 2013 du président de minori, une entreprise japonaise similaire et réputée qui a frôlé la faillite , la niche de joueurs sur laquelle se reposent tous les studios de bishoujo games japonais se réduit d’années en année. Cette information peut expliquer ce qui pousse les studios nippons à timidement se tourner du côté du public international, qui recèle un potentiel intéressant.

 

2. L’incroyable succès de la campagne de financement participatif et ses conséquences

 

C’est dans ce cadre que Visual Art’s a passé un partenariat en 2014 avec le Sekai Project, une jeune startup de localisation dont la stratégie est d’utiliser le financement participatif, ainsi que Steam, au cœur de leurs négociations. La particularité du Sekai Project, contrairement aux entreprises de localisation précédemment citées, est de privilégier le contenu non-pornographique pour permettre une sortie sur la plateforme de Valve. Ils éditent tout de même des productions au contenu érotique mais les réservent généralement pour une édition « adulte » spécifique vendue sur une boutique à part, tout en proposant une version censurée sur Steam. L’utilisation du financement participatif, traditionnellement un outil de développeur, est en réalité pour eux une manière de convaincre les ayant-droits japonais de l’existence d’une audience anglophone suffisante.

 

C’est ainsi qu’ils ont conjointement lancé avec Key un Kickstarter en novembre 2014 pour proposer une traduction anglaise officielle de Clannad. La mise de départ de 140 000$ a été réunie en l’espace de 24h, ce qui montre l’engouement des fans occidentaux, et ce malgré l’existence préalable du patch pirate. Au total, le Kickstarter récoltera près de 540 000$, ce qui en fait la campagne la plus financée à l’échelle du visual novel (Note : Ce score a depuis été battu par la campagne de localisation de Muv Luv, autre titre très connu des fans, qui a dépassé le million en novembre 2015). En effet, contrairement aux autres jeux-vidéo, les visual novel demandent généralement des sommes beaucoup trop basses, dépassant rarement les 10 000$.

 

Stand conjoint de Front Wing et Key lors de Japan Expo 2015

 

Visual Art’s s’est montré suffisamment convaincu par le succès de ce partenariat pour lancer un site web anglais qui répertorie leurs déplacements à travers le monde, une première pour un studio japonais . Ils se sont notamment arrêtés à l’Anime Expo 2015 de Los Angeles et à la Japan Expo 2015 de Paris où ils tenaient un stand proposant des produits dérivés de leurs jeux. Dans le cas de Japan Expo, il s’agissait d’un stand conjoint avec un autre studio japonais connu ayant également réalisé un Kickstarter en partenariat avec le Sekai Project : Frontwing (seconde campagne la plus financée avec 475 000$) .

 

Le succès de Key, et dans une moindre mesure celui de Frontwing, prouvent qu’il existe réellement un marché pour le visual novel au de-là du Japon et ce, malgré le fossé culturel.

 

 

B.Un indépendant symptomatique de l’obsession envers le Japon : Sunrider

L’arrivée du Sekai Project en 2014 a profondément bouleversé le paysage du visual novel en Occident. Avant même de frapper un grand coup avec la localisation de Clannad, la startup a choisi de réaliser trois Kickstarter successifs dans le but de traduire des visual novel japonais indépendants (ou doujin) alors que ceux-ci sont habituellement négligés. Cette stratégie originale semble payante puisque la jeune entreprise possède une force de communication considérable (environ 9 600 followers sur Twitter et 8 600 sur Facebook). C’est sans doute pour mettre cette force de frappe à contribution que le Sekai Project a eu l’idée de publier des visual novel indépendants non-japonais, devenant du même coup le tout premier éditeur officiel en la matière. Leur première acquisition : Sunrider .

 

1. La franchise Sunrider : faire du neuf avec du vieux

Homeward, premier visual novel de Love in Space

 

Sunrider, développé par Love in Space, constitue presque un cas d’école. Le chef de projet, Sam Yang, a ainsi longtemps fait partie de la communauté Lemmasoft, le plus gros forum international autour de la création de visual novel où débutent la plupart des aspirants-développeurs. Son premier jeu sorti gratuitement en 2012, Homeward, a été entièrement conçu par lui seul et suit de très près les codes du bishoujo game japonais. Malgré une production modeste, Homeward lui a valu un petit succès d’estime auprès des fans du genre. En 2013, il annonce alors Sunrider , un projet plus ambitieux qui mélange les héroïnes traditionnelles du genre du bishoujo game et un univers space-opéra avec des robots géants. La particularité de Sunrider est de proposer des combats au tour par tour mettant en scène des vaisseaux, donc des phases de gameplay proches du tactical RPG. Ces phases restent toutefois anecdotiques dans la mesure où elles ne font que rythmer la progression du scénario et qu’une mise à jour ultérieure a même proposé un mode les supprimant (le « Visual Novel Mode »).

 

L’intrigue de Sunrider est assez classique : le joueur incarne un capitaine de vaisseau qui se retrouve pris dans un conflit intergalactique. Il aura la possibilité de se rapprocher des héroïnes qui composent l’équipage du vaisseau et qui représentent chacune un point de vue différent. Fort de l’engouement suscité par sa demo, Sam Yang lance en décembre 2013 un Kickstarter demandant une mise réduite de 3 000 $ qu’il obtient en trois jours à peine . Au total, la campagne ramassera 44 000 $, ce qui est assez rare pour un projet de visual novel indépendant.

 

Sunrider: Mask of Arcadius, Love in Space

 

 

2. L’imitation des codes des bishoujo game japonais

 

Sunrider est en réalité découpé en deux épisodes, sortis au cours de l’été 2014 sur Steam. La gratuité du jeu est probablement sa plus grande force puisqu’il a été téléchargé par pas moins de 334 000 personnes , ce qui en fait le second visual novel le plus populaire sur la plateforme de Valve. Suite à ce succès, Love in Space a décidé de développer davantage la franchise en produisant un spinoff du nom de Sunrider Academy en avril 2015 qui met en scène les personnages de Sunrider dans un contexte lycéen. Le capitaine est désormais un étudiant ordinaire qui va devoir gérer les différents clubs de son école, tous dirigés par une héroïne. Il est à noter que ce nouvel opus est un dating-sim centré sur la romance.

 

Si la saga puisait déjà ses inspirations dans les animes japonais, dans la mesure où chaque héroïne représente un stéréotype apprécié des amateurs du genre, le spinoff colle encore plus près à la formule traditionnelle. Non seulement le jeu contient des scènes pornographiques, à l’instar d’Homeward, mais le développeur a également recruté une chanteuse japonaise connue du milieu (dont le pseudonyme est μ) pour en chanter le générique . Ce qui est troublant c’est que Sam Yang a poussé le comble jusqu’à annoncer son projet en le faisant passer pour un vrai bishoujo game japonais (via des captures d’écran avec du texte japonais diffusées sur les réseaux sociaux ). Ce nouveau jeu, vendu 29,99$, a tout de même été acheté par 13 800 joueurs sur Steam . En parallèle, le développeur dispose également d’un Patreon qui lui rapporte 4 320$ par mois , ce qui en fait un des visual novel les plus soutenus sur cette plate-forme .

 

Sunrider Academy, Love in Space

 

À l’occasion de l’Anime Expo 2015, Sam Yang a dévoilé la conclusion de Sunrider sous la forme d’un nouveau jeu dont le thème musical est interprété une nouvelle fois par une chanteuse japonaise très populaire dans le monde des bishoujo game : Rita . On peut également noter que les buts sur son Patreon font explicitement état de sa volonté d’engager des doubleuses japonaises reconnues et que son site web, accessible uniquement après avoir indiqué être majeur, laisse volontairement le flou autour du contenu pornographique (Note : les doubleuses japonaises ont depuis été annoncées et leur contribution fera partie du jeu fini).

 

De manière générale, Sunrider est symptomatique de l’obsession que voue une partie des joueurs de visual novel occidentaux envers la culture japonaise. Ainsi la franchise tente assez ostensiblement de reprendre tous les codes des bishoujo games dans une forme d’hommage toutefois légèrement alarmante dans la mesure où c’est loin d’être le seul développeur anglophone à suivre cette voie (c’est aussi le cas de la franchise Sakura de Winged Cloud qui tente de proposer du porno soft sous forme de visual novel).

 

 

C.Un indépendant qui bouleverse les codes du visual novel : Cinders

 

1. Un parti-pris risqué…

 

Sorti en juin 2012, Cinders est une œuvre singulière qui a redéfini les attentes en matière de visual novel. Il s’agit d’une relecture de Cendrillon, vue sous un jour plus mature et réaliste. Développé par le studio indépendant polonais Moacube, Cinders se présente comme le produit de multiples influences : ne serait-ce qu’au niveau de la direction artistique, les graphismes évoquent la peinture ou la bande-dessinée, tandis que la bande-son est plutôt de type orchestrale. Le choix de reprendre un conte de fée européen, associé à cette direction artistique sublime mais très différente de l’esthétique anime traditionnellement associée aux visual novel, forge un parti-pris fort puisque l’équipe prenait le risque de déplaire à leur public cible.

 

Démonstration du système de choix de Cinders, Moacube

 

Pourtant les atouts de Cinders ne manquent pas : fort de plusieurs années d’expérience dans l’industrie du jeu-vidéo, les développeurs de Moacube apportent à leur jeu un niveau de polissage impressionnant, ce qui était encore peu pratiqué jusque là dans la toute petite industrie du visual novel. Un autre aspect intéressant de Cinders est que, bien que ce soit un jeu mettant en scène un protagoniste féminin, l’équipe ne le définit pas pour autant comme un otome game et choisit même de faire de la romance une option parmi d’autres. L’intérêt principal de l’oeuvre est qu’elle possède un système de choix extrêmement poussé, très différent de ce qui existait alors : c’est au joueur de forger l’héroïne éponyme à son image et de changer ou non son destin. Ainsi Cinders pourra avoir des objectifs différents (se marier au prince, reprendre le contrôle de sa demeure, fuir de la ville ou empoisonner sa belle-mère), une marraine réaliste ou surnaturelle, se rapprocher ou non de sa famille pour obtenir l’affection de ses demi-sœurs et de sa belle-mère, ou encore avoir une relation romantique avec trois personnages différents (dont le prince). Le jeu fait ainsi étalage de près de 120 décisions pour près de 300 options . Contrairement à un visual novel japonais qui fonctionne selon un système de routes, Cinders opère par variantes et offre donc une grande dose de rejouabilité.

 

2....mais qui s’est révélé payant sur le long-terme

 

Le pari de Moacube était donc risqué. Une semaine après le lancement du jeu, l’équipe a publié un billet indiquant qu’il leur faudrait au moins 1000 ventes pour être rentables, 2000 pour pouvoir considérer que la sortie est un succès (le prix original de vente était de 23,99$). Or, un an plus tard, le développeur a annoncé avoir atteint les 2000 copies vendues, faisant de Cinders un succès commercial (pour environ 40 000$ de bénéfices) . C’est sans compter la couverture médiatique, globalement extrêmement enthousiaste, qui a confié au titre un succès d’estime.

 

 

Suite à l’adoucissement des règles d’entrée sur Steam, Moacube a également publié Cinders sur cette plateforme le 1e mai 2014 avec un prix réduit de 19,99$. Le jeu cumule aujourd’hui 47 000 joueurs , ce qui le place dans la moyenne des visual novel mais reste un score plus qu’honorable pour une œuvre sortie il y a 3 ans. Cinders, même s’il s’agit d’une production moins récente ou attractive financièrement que d’autres, représente tout de même un moment clef sur le marché occidental, dans la mesure où elle prouve qu’il est possible de se réapproprier le médium et de faire du visual novel autrement.

 

 

Comme nous venons de le constater, l’industrie du visual novel quoique jeune est en pleine explosion sur la scène internationale. On peut donc légitimement se demander si une expansion parallèle est en cours en France actuellement, or le marché accuse un sérieux retard.

 

A suivre dans la troisième partie !

 

(Etude commandée par Laurent Pendarias)

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6 mars 2016 7 06 /03 /mars /2016 14:30

 

 

En l’honneur des sept ans du blog (déjà !) et parce que mars est aussi la période du Nanoreno, la plus grande game jam annuelle sur le thème du visual novel, j’ai décidé d’en faire un mois thématique : chaque dimanche, je vais publier un article en rapport avec le visual novel. Et je prévois du lourd.


En effet, cet été j’ai été approché par Laurent Pendarias, professeur de philosophie, écrivain et scénariste de jeux vidéo ayant notamment travaillé avec Bulwark Studio et Kreative Spill. Dernièrement ils ont produit la fiction interactive La Onzième Horde d'après le roman La Horde du Contrevent d'Alain Damasio (publiée sur le site de Folio SF) et travaillé sur aenigma, un projet visant à mettre des écrivains expérimentés à la scénarisation de courts RPG de 5min.

 

Alors qu’il préparait des dossiers sur les jeux narratifs pour différents studios, il m’a demandé de réaliser une étude complète et approfondie sur la situation du visual novel en France en 2015, « à une époque où ni Indiemag ni Steam n'en identifiaient ». De cette collaboration est née l’étude que je vais présenter à partir d’aujourd’hui, en la découpant en trois parties. Je pense que ce travail peut intéresser tout le monde : que ce soit les gens qui connaissent parfaitement le visual novel ou ceux qui n’y connaissent rien du tout. J’espère donc que ce dossier vous plaira et je vous souhaite une bonne lecture !


Partie 1 : Les multiples ambiguïtés d’une définition

Partie 2 : L’explosion du visual novel anglo-saxon : Trois exemples commerciaux réussis significatifs

Partie 3 : La création de visual novel francophone : un retard important

 

 

Introduction

 

Le visual novel est une forme de jeu-vidéo venue du Japon (où il représentait en 2006 pas moins de 70 % des ventes sur ordinateur ), centrée essentiellement sur la narration d’une histoire. La définition donnée par VNDB , la plus grosse base de données consacrée aux visual novel à ce jour, est « une combinaison entre un roman et un jeu vidéo : ce sont des jeux vidéos dont l’intrigue est largement basée sur le texte et ne demande au joueur qu’une participation limitée ». Cette définition fait office de porte d’entrée pour comprendre le médium mais ne recouvre pas ses multiples ambiguïtés. La première de toute étant que le concept même de visual novel est un malentendu culturel.

 

 

Partie 1 : Les multiples ambiguïtés d’une définition

 

A.Un paradoxe culturel : Lost in Translation

 

En effet, bien qu’issu du Japon, le visual novel en tant que tel n’existe tout simplement pas là-bas. Les japonais ont tendance à parler d’« adventure game » ou tout simplement à catégoriser le médium selon le marché visé : « bishoujo game » quand il s’agit de plaire à une audience masculine et « otome game » quand il s’agit de plaire à une audience féminine.

 

1.Bishoujo game et otome game

Yume Miru Kusuri, un bishoujo game publié en anglais par l’éditeur JAST USA

 

Un bishoujo game est un roman interactif centré sur la relation entre le héros (souvent une coquille vide pour que le lecteur puisse s’identifier à lui) et plusieurs personnages féminins. Le but va être de passer du temps avec l’héroïne choisie afin d’entrer dans une relation amoureuse avec elle ; relation qui culmine la plupart du temps par des scènes pornographiques. Les femmes représentées sont définies par leur capacité à être mignonnes et dessinées dans une esthétique typée manga. Elles font également l’objet de nombreux produits dérivés, dont les célèbres dakimakura, des oreillers géants censés procurer à l’acheteur la sensation de dormir avec son héroïne préférée. L’otome game en est donc le pendant pour femmes, à quelques détails près : les otomes games apparaissent principalement sur support mobile, contrairement aux bishoujo games qui sont essentiellement disponibles sur PC, ne contiennent presque jamais de scènes pornographiques et les produits dérivés sont plutôt des « drama CD », c’est-à-dire des histoires auditives jouées par les acteurs des personnages. Bien que très proches, ces deux marchés sont totalement déconnectés l’un de l’autre, que ce soit au Japon ou en Occident et ne communiquent quasiment jamais.

 

Hakuouki - Strange Tales of the Shinsengumi, un otome game publié en anglais par l’éditeur Aksys Games

 

Le paradoxe du visual novel est donc qu’il s’agit à l’origine d’un produit profondément genré et profondément ancré dans la romance. Même si l’univers attaché à un jeu semble complexe et travaillé, les concepteurs essayeront toujours de le rattacher à une relation amoureuse entre différents personnages car c’est l’attribut principal du marché japonais visé. Or, lorsque le concept a été découvert en Occident, les joueurs se sont focalisés sur l’importance accordée à l’histoire et ont ainsi rassemblé toutes les variantes sous le même nom qui s’est peu à peu imposé.

 

2.Le choc des cultures : narration et présentation

Hyperdimension Neptunia, RPG de Compile Heart, capture d’écran de jeuxvideo.com

 

Le problème que pose cette appropriation c’est qu’il devient difficile de comprendre ce qui appartient au genre du visual novel ou non. En effet, les japonais utilisent majoritairement la présentation dite ADV (pour adventure game) : le personnage est représenté sous forme de sprite fixe par-dessus un décor fixe et le texte apparaît dans une boîte de dialogue. Or c’est une présentation extrêmement courante dans d’autres genres : on pense par exemple au tactical RPG avec la série des Disgaea, au RPG avec la série des Shin Megami Tensei ou encore Hyperdimension Neptunia. De fait, les joueurs occidentaux ont tendance à assimiler le format ADV et l’esthétique manga au visual novel. On pense ainsi à Koutarou Uchikoshi, qui a travaillé sur la saga de visual novel Infinity par le passé et s’est reconverti dans le jeu d’aventure avec une nouvelle franchise : la série des Zero Escape. Malgré le fait que ce soit un jeu basé sur le genre Escape the room habituellement catégorisé comme un sous-genre du point & click, la série est considérée comme un visual novel par beaucoup de joueurs occidentaux. C’est également le cas avec la populaire série d’enquêtes Phoenix Wright Ace Attorney. Ces quelques exemples prouvent bien que la définition est actuellement difficile à appliquer.

 

 

B.Le métamorphe : du livre au jeu

 

Pour essayer de comprendre le problème, il faut revenir aux fondements de ce qui fait un visual novel. Du fait de sa nature de roman interactif, on les compare souvent aux livres-jeux (ou Livres dont vous êtes le héros) dans la mesure où la seule mécanique de gameplay consiste souvent à faire des choix pouvant influencer l’intrigue. Ainsi, la plupart des visual novel proposent différentes fins possibles à l’histoire, avec des variantes que le joueur est encouragé à collectionner, et qui débouchent parfois sur une « vraie fin » qui reprendra toutes les questions en suspens pour y répondre. Là où la situation se complique c’est que le genre se présente sous la forme d’un spectre assez large.

 

1. Le kinetic novel : expression la plus pure du concept ?

Certains visual novel, les kinetic novel , se révèlent plus proches du livre car complètement linéaires : le joueur peut uniquement cliquer pour faire défiler le texte. Les kinetic novel sont bien sûr accompagnés de musiques et de graphismes, comme n’importe quel visual novel, mais se révèlent souvent beaucoup plus épurés et minimalistes dans leur approche. On pense à Planetarian du célèbre studio japonais Key ou à Narcissu, petite œuvre indépendante de stage-nana sortie en 2005.

 

Narcissu de stage-nana, édité en anglais sur Steam par le Sekai Project

 

Les kinetic novel peuvent également être utilisés de manière plus cinématographique comme une forme de feuilleton : c’est par exemple le cas d’Higurashi no naku koro ni, du studio japonais indépendant 07th Expansion, qui se découpe en huit chapitres rassemblés par la suite en deux gros jeux. Ensemble, Higurashi et Higurashi Kai (l’arc des questions et l’arc des réponses) forment près d’un million de mots pour une durée de lecture dépassant les 100 heures (selon la page VNDB ). On peut arguer que ce format épisodique, au demeurant assez rare, s’explique surtout par des contraintes de développement mais il semble au moins séduisant pour une poignée de développeurs. C’est par exemple l’argument marketing récemment élaboré par le studio indépendant ALICE IN DISSONANCE sur son compte Patreon : l’équipe définit sa production comme des « cinematic novel », c’est-à-dire par l’emprunt de techniques cinématographiques pour procurer au joueur une meilleure immersion via des mouvements plus dynamiques. Cette nouvelle approche est d’ailleurs appliquée dans la série épisodique Fault-milestone actuellement en cours de production et localisée en anglais.

 

2. Le phénomène de croisement : détournements et amalgames

Le kinetic novel représente le visual novel sous sa forme la plus pure, dénuée de tout gameplay, mais ce n’est pas l’unique incarnation du médium. En effet, d’autres visual novel sont plus proches du jeu vidéo car ils comprennent des mécaniques de gameplay empruntées à d’autres genres.

 

Loren the Amazon Princess, un RPG au tour par tour de Winter Wolves

 

Ces hybrides posent néanmoins problème dans la mesure où, à partir du moment où le visual novel est uniquement utilisé comme inspiration pour la présentation des phases de narration (au format ADV, par exemple), il n’en est plus vraiment un. Ainsi, les RPG au tour par tour comme Loren The Amazon Princess du studio italien Winter Wolves, ou les jeux d’aventure procéduraux comme Black Closet du studio anglo-saxon Hanako Games, ne sont parfois pas considérés comme des visual novel par VNDB (qui est en questionnement permanent sur l’acceptation ou non de ces hybrides), même si les entreprises concernés produisent par ailleurs régulièrement des visual novel en parallèle, et sont bel et bien enregistrées dans la base de données. Le médium agit alors comme un métamorphe et disparaît au profit du genre choisi pour les phases de gameplay. La revendication ou non du genre visual novel s’explique finalement par le choix du développeur : comme ce genre encore de niche peut être potentiellement rejeté par les consommateurs de Steam à cause du manque de gameplay, les créateurs occidentaux ont souvent recours au croisement pour essayer d’insuffler des mécaniques de gameplay au visual novel et le rendre plus acceptable aux yeux des acheteurs potentiels, voire s’en détacher pour être considéré comme jeu-vidéo à part entière.

 

Hatoful Boyfriend, un dating-sim édité en anglais sur Steam par Devolver Digital

 

Toutefois, il existe de nombreux hybrides qui restent catégorisés en tant que visual novel dans la mesure où ils arrivent à incorporer des éléments des deux genres sans que la différence ne se fasse sentir. C’est traditionnellement le cas des dating sim qui demandent au joueur de monter des statistiques particulières (souvent liés à des personnages de l’intrigue) pour débloquer les fins souhaités dans un contexte de romance. Les statistiques pouvant être invisibles (par exemple sélectionner un certain choix peut monter la jauge d’affection d’un personnage sans que cela soit représenté à l’écran), les dating sim sont généralement confondus avec les visual novel, ce qui rend le croisement pratiquement invisible. L’attrait du dating sim est qu’il demande davantage de participation du joueur. Un exemple célèbre pourrait être Hatoful Boyfriend, une œuvre parodique qui met en scène une histoire d’amour entre une héroïne humaine et des pigeons, représentés par des photos réalistes. Edité par Devolver Digital, Hatoful Boyfriend est un des rares dating sim à avoir connu le succès en Occident grâce à son synopsis décalé qui attise la curiosité.

 

 

C. Le visual novel et ses cousins : le contrôle contre la liberté

 

Comme on l’a vu, le visual novel est soumis à de nombreuses ambiguïtés qui rendent sa définition problématique, si ce n’est impossible. On peut cependant en retrouver les grands traits en le comparant à des genres similaires et en déduire ce qui fait véritablement son intérêt.

 

1.Le pouvoir de l’immersion

Ce qui démarque le visual novel d’un support uniquement textuel, que ce soit un roman, un livre-jeu ou une fiction interactive, c’est sa capacité à accentuer l’immersion. Grâce à sa direction artistique, le genre construit petit à petit une atmosphère qui aide le lecteur à ressentir les émotions voulues au moment voulu. Là où le lecteur exerce son imagination et se révèle actif à sa manière dans la lecture d’un livre ou d’une fiction interactive, un visual novel lui demande moins de travail sans entacher pour autant son implication dans l’histoire, du moment que celle-ci lui plaît. Ainsi, l’écrivain agit presque comme un metteur en scène en fabriquant une synesthésie à l’équilibre précaire pour garantir au lecteur une expérience narrative qui ait de l’impact.

 

Galatea, une fiction interactive d’Emily Short

 

 

2. La suprématie de l’histoire sur l’interactivité : le joueur spectateur

Mais la caractéristique principale du visual novel reste la manière dont il traite son joueur. Dans un jeu vidéo classique, le joueur est actif. Ainsi, dans un point & click, il pourra explorer les différents environnements mis à sa disposition pour résoudre des énigmes, dans une fiction interactive il s’agira de trouver des solutions à un problème en tapant différentes commandes, etc. Le jeu vidéo traditionnel offre un immense terrain de jeu où le joueur exerce une grande liberté, parfois au détriment de l’expérience narrative : certains évènements étant scriptés, l’intrigue n’évoluera pas forcément dans le sens voulu par le joueur, même si la liberté qui lui est accordé le laisse supposer.

 

A Fragment of Her, réalisé par Chronerion pour la Point & Click Jam de 2014

 

À l’inverse, le visual novel manifeste un contrôle quasi-absolu du créateur sur le joueur : celui-ci n’est plus traité comme une entité pouvant contrôler les personnages, mais un simple spectateur qui subit l’histoire avec eux. Du fait des possibilités d’interaction extrêmement limitées, le scénariste choisit précisément la marge de manœuvre qu’il laisse au joueur à travers les choix éventuellement présents (ceux-ci peuvent être esthétiques, débloquer des variantes minimes ou avoir une réelle influence sur le déroulement de l’intrigue). Cette vision du jeu est directement issue de l’héritage culturel nippon dans la mesure où les RPG japonais ne traitent pas le joueur de la même manière que les RPG américains. On retrouve cette vision dans les bishoujo game et les otome games de par leur structure très codifiée : les choix ne servent pas tant à influencer l’intrigue qu’à faire entrer le protagoniste dans la route du personnage de son choix. Ces routes sont, au fond, relativement linéaires et servent avant tout à raconter l’histoire du héros ou de l’héroïne. Ainsi, dans Grisaia no Kajitsu , un bishoujo game de plus de 50 h de lecture qui a rencontré un fort succès au Japon et récemment localisé en anglais, les choix significatifs sont au nombre de deux : un pour choisir l’héroïne et un pour déterminer si le joueur va obtenir la bonne ou la mauvaise fin de l’héroïne en question. À partir de là, il semble illusoire de considérer le visual novel comme un Livre dont vous êtes le héros, dans la mesure où le genre accorde finalement peu d’importance aux choix du joueur. Il peut même parfois l’obliger à finir la route d’un personnage avant d’en débloquer un autre ou lui imposer une fin libellée « Vraie fin » qui est alors considérée canon.

 

Il est à noter que les jeux d’aventure épisodiques tels que The Walking Dead ou Life is Strange sont parfois considérés à tort comme des visual novel car ce sont des jeux fortement scénarisés. Pourtant le médium n’est pas tant identifiable par l’importance de l’histoire que par l’importance du texte et l’impossibilité pour le joueur d’exercer un contrôle autre que superficiel, même s’il est bien sûr difficile d’évaluer exactement à partir de quelle proportion de gameplay, une œuvre cesse d’être un visual novel pour devenir un jeu.

 

Life is Strange, un jeu d’aventure du studio français Dontnod

 

Malgré un nombre encombrant d’ambigüités qui empêchent de le théoriser précisément, le visual novel demeure un médium fascinant justement parce que chaque développeur s’en empare pour développer sa propre vision de ce que doit être le genre. Il existe désormais des pratiques très variées, s’inspirant plus ou moins du Japon, mais qui se rejoignent toutes par ces deux traits communs : l’utilisation quasi-exclusive d’illustration 2D statiques et par une interactivité extrêmement limitée laissant la part belle aux éléments scénaristiques. Afin de mieux comprendre le visual novel, il convient donc de s’arrêter sur plusieurs exemples professionnels, plus ou moins récents, pour en retirer ce qui fait le succès grandissant du genre en Occident.

 

A suivre dans la seconde partie !

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22 décembre 2015 2 22 /12 /décembre /2015 22:30

Il y a un type d’eroge que je n’avais encore jamais testé et qui m’intriguait fortement : les hybrides, c’est-à-dire des visual novel nippons mélangeant du gameplay très présent et des scènes pornographiques plus ou moins abondantes. Ce manque s’explique assez facilement par le fait que cette niche reste à ce jour quasiment intouchée en Occident, donc impossible à évaluer. Ainsi, lorsque Fruitbat Factory, entreprise de traduction méconnue ayant surtout édité War of the Human Tanks, a annoncé la sortie d’Eiyuu * Senki en version tout public, la nouvelle avait de quoi surprendre. Surtout que celui-ci n’est disponible que sur PS3 !

 

Captures prises sur PC via un patch. C'était plus pratique que la PS3 X)

 

Les origines

La genèsé d’Eiyuu * Senki est un tantinet compliqué. Durant les années 2000, Littlewitch était un studio de développement d’eroge japonais assez particulier puisque tous leurs jeux arboraient la patte d’Oyari Ashito, un artiste assez célèbre possédant un goût prononcé pour la représentation de très jeunes filles. En plus de ce style déjà très remarquable, les créateurs avaient pris le parti de bousculer un peu les codes du visual novel en proposant un type de présentation un peu différent de l’ADV habituel. C’est surtout visible sur Quartett, qui reste probablement leur jeu le plus connu et qui semble plus proche de la BD avec ses bulles, mais aussi sur Shoujo Mahou Gaku Little Witch Romanesque, seule oeuvre de Littlewitch officiellement traduit en Occident par Jast USA et disponible sur Steam. Or voilà, le studio a officiellement fermé ses portes en 2010, peut-être faute de trouver son public. Entre en scène Tenco…qui s’avère être une filiale de Littlewitch comportant peu ou prou la même équipe. Leur seule série à ce jour : Eiyuu * Senki.

 

 

Dans Eiyuu * Senki, vous incarnez un jeune homme amnésique atterrissant un peu malgré lui dans un monde alternatif étrange et anachronique où tous les héros historiques cohabitent en même temps et se révèlent être de jolies jeunes filles légèrement vêtues. Promu à la tête de l’armée de Zipang, vous devrez épauler la reine et prêtresse Himiko dans l’unification de ce Japon médiéval et partir à la conquête du monde !

 

 

Bisounoursland

Himiko, waifu n°1/héroïne principale & petite soeur reloue officielle

 

 

Le scénario développé ici est bien sûr prétexte à un gros délire dans lequel il faudra entrer pour apprécier pleinement le titre. Un délire plutôt cool, il faut l’avouer : après tout, qui ne rêverait pas de conquérir le monde ? Qui plus est, accompagné d’une armée de demoiselles plus séduisantes les unes que les autres ! Ne cherchez pas de profondeur ou de faits historiques sérieux, il s’agit surtout d’un jeu « tranche de vie » mignon avec des gentils très gentils et des méchants très méchants. Ainsi, la faction ennemie contre laquelle lutte la planète entière est celle…des Illuminati (oui, ils ont osé).

 

Arthur, waifu n°2/héroïne pouvant vaguement avoir ses chances & idol locale

 

La guerre y est par ailleurs complètement dépolitisée et vidée de son sens puisque chaque grand leader vaincu viendra grossir les rangs des forces de Zipang sans battre un sourcil (se retournant contre son propre peuple du même coup) et vous remerciera du fond de son cœur d’avoir conquis son pays en massacrant ses hommes/femmes ! Oh, ils auront bien quelques réticences au début, mais vous finirez par les impressionner par votre puissance ou alors, s’ils sont vraiment agressifs, c’est qu’ils sont sous l’emprise des vrais méchants (les Illuminati, donc) et ils seront trop soulagés une fois délivrés pour poser de questions qui fâchent. Chaque héroïne sera d’ailleurs irrémédiablement attirée par le héros et l’armée se transformera bien vite en harem venu propager l’amour à travers le monde. Bref, il ne faudra pas trop brancher son cerveau, ce qui n’est pas forcément un mal : jouer à Eiyuu * Senki a quelque chose d’étrangement relaxant.

 

 

Un système basique mais diablement addictif

Ce qui rend le titre véritablement intéressant c’est, bien sûr, son gameplay. Il convient donc d’expliquer le principe aussi précisément que possible. Eiyuu * Senki propose un tactical RPG simple mais efficace basé sur un système de points d’action. Chaque action (prendre une quête, engager un combat contre une ville, etc) coûte des points d’actions qu’il faudra dépenser stratégiquement. Une fois ceux-ci épuisés, c’est au tour de l’ennemi d’attaquer. S’il n’y en a pas (c’est-à-dire que vous êtes en paix avec vos voisins), le tour est passé. Sinon il peut tout simplement riposter au hasard, ce qui suppose de faire attention à ses troupes car une unité utilisée pour une action n’est plus disponible jusqu’au tour suivant. Si aucune unité n’est disponible quand l’ennemi riposte, c’est le game over d’emblée et il faudra annuler l’intégralité du tour précédent pour dépenser ses points d’action autrement.

 

Placement d'une unité sur le damier

 

Dans les actions disponibles, on trouvera donc le fait de déclarer la guerre, puis de tenter de prendre une ville. Le joueur devra alors placer ses unités sur un damier pour essayer de battre l’armée adverse. Le nombre d’unités qu’il peut disposer est bien évidemment limité et il faudra veiller au type d’unité placée. Certains types ont un avantage sur d’autres : par exemple, les épéistes sont globalement forts contre à peu près tout, les tirailleurs sont bons contre les épéistes, les mages sont faibles contre quasiment tout, etc.

 

Petite animation lors d'une attaque

 

En outre, chaque type possède une portée différente : les tirailleurs peuvent viser loin mais uniquement en ligne, les lanciers couvrent une grande aire, les assassins ne couvrent qu’une courte distance, les canonniers ne peuvent viser que le fond de l’arène, etc. Une fois le placement effectué, on peut passer au combat en lui-même, qui suit les règles du tour par tour. Les héroïnes se démarqueront par des statistiques variables (attaque, défense et vitesse) et plus loin dans le jeu, il sera possible de débloquer des compétences passives et des attaques spéciales uniques forçant à être encore plus stratégique sur son choix d’unités. Ces attaques spéciales grignotent des points (dont le nombre est plus ou moins élevé selon l’attaque choisie) dans une barre d’Overdrive qui augmente à mesure que l’on inflige de dégâts ou qu’on en reçoit. En contrepartie, à ce stade-là les terrains pourront très bien comporter des ères d’effets (négatifs ou positifs) ou des malus particuliers (je pense au froid de la Russie qui entame la vie des troupes).

 

 

Bien approvisionner ses troupes

Liste des troupes avec une des rares filles un peu en chair. Les coeurs à gauche = quêtes annexes du perso en question.

 

A chaque combat gagné, les héroïnes ayant participé gagnent 10 ou 20 troupes supplémentaires (selon s’il agit d’une simple victoire ou d’une victoire écrasante). Ces troupes représentent à la fois leur vie et leur force de frappe et il s’agira de les augmenter au fur et à mesure grâce à l’or engrangé à chaque tour par chaque ville contrôlée (ce qui pousse naturellement à en envahir de nouvelles). Plus une héroïne a de soldats sous ses ordres, plus elle est puissante. S’il est possible de se régénérer en plein combat grâce aux mages soigneurs, une héroïne ayant été sévèrement touchée devra être réapprovisionnée, toujours contre espèces sonnantes et trébuchantes, dans le menu Troupes.

 

Ca devient une habitude à force !

 

Plus le joueur avance dans le scénario et plus il aura d’unités différentes à disposition, lui permettant d’effectuer plus d’actions et de dispatcher ses héroïnes correctement. En effet, la plupart des quêtes demandent des attributs (que je saurais difficilement décrire puisqu’ils ne sont jamais expliquer). Par exemple, déclarer la guerre à un pays peut demander un score élevé en diplomatie qui suppose de se séparer momentanément de plusieurs héroïnes. Vu qu’elles seront utilisées, elles ne pourront être déployées tout de suite en combat.

 

Voilà à quoi ressemble l'invasion d'une ville.

 

Au bout d’un moment, il sera également possible d’équiper les unités avec des items accordant des bonus différents et les héros légendaires feront leur apparition avec une manière de jouer légèrement différente : n’ayant pas de troupes mais de véritables points de vie, ils ne pourront pas être réapprovisionnés. Du coup il faudra les faire combattre pour les augmenter (plus lentement) et attendre plusieurs tours qu’ils se régénèrent s’ils ont trop morflé au cours d’un combat.

 

 

Un titre solide

La carte du monde au tout début du jeu

Bref, que du très classique jusque là. Eiyuu * Senki ne réinvente pas l’eau chaude mais il faut avouer que le système de jeu est très plaisant, voire même assez addictif. Le titre est rarement frustrant de ce point de vue là et il est toujours possible de corser davantage la difficulté en attaquant certains pays avant d’autres, ce qui permet d’amasser des items spéciaux assez utiles et augmente légèrement la force des ennemis voisins. Il est aussi possible de faire certaines actions autrement (choisir entre acheter les Etats-Unis ou les obtenir par la force, par exemple). C’est donc quand-même sacrément embêtant qu’il ne soit pas possible d’évaluer la force de ses voisins avant de les envahir, ce qui occasionne quelques surprises pas bien méchantes mais facilement évitables.

 

La méchante très méchante, facilement reconnaissable au fait que ce soit la seule que le héros ne puisse pas courtiser 8)

 

Si on peut regretter certains manques, comme l’incapacité du jeu à fournir des endroits pour farmer correctement juste avant les boss de fin (boss secrets inclus) ou un système de réapprovisionnement assez mal optimisé (impossible de rajouter des troupes à plusieurs filles en même temps ou simplement en mettre plus de 500 d’un coup et le gain d’expérience devient ridicule passé un certain niveau), force est de constater qu’il s’en sort plus qu’admirablement. Ajoutez à cela une interface agréable, une traduction de bonne facture et de superbes graphismes. Les différents leaders ont souvent des designs assez farfelus mais terriblement cool et le cast de doubleuses qui les interprètent fait rêver. Il y en a malheureusement beaucoup trop pour pouvoir les citer mais on ne peut pas dire que les développeurs n’aient pas mis les petits plats dans les grands. A noter que le doublage est partiel (disparaissant régulièrement à l’occasion des quêtes les plus anecdotiques) sans doute pour des raisons de budget. Si on ne prenait en compte que ces éléments, la production de Tenco raflerait sans aucun doute les honneurs. Oui, mais voilà, ce serait oublier un gros détail : Eiyuu * Senki est avant tout un visual novel. Or les pavés de texte se marient assez mal à l’aspect tactical RPG.

 

 

Quand le visual novel rencontre le tactical RPG…

Comme beaucoup de visual novel japonais, ce jeu souffre de longueurs effroyables dans son écriture. Tout y est artificiellement étiré : il ne se passe au fond pas grand-chose, mais les scènes sont longues, trop longues. Cela s’explique aisément par le fait que les scénaristes sont payés à la quantité de texte produit et que les développeurs souhaitent très certainement en donner au client pour son argent, ce qui en soi est très louable.

 

Aperçu du menu des quêtes quand il n'y en a pas trois fois trop de disponibles...

 

Cependant la lassitude pointe le bout de son nez dès les deux premières heures et elle n’est qu’aggravée par le fait que les quêtes annexes ne sont en fait pas du tout facultatives. En effet, Eiyuu * Senki propose, en plus de la baston et de la quête principale de conquête du monde, des missions plus petites et anecdotiques : des scénettes où les personnages font du tourisme, des scénettes qui rapportent de l’argent ou des objets (parfois sans relation de cause à effet) et surtout des quêtes de personnages. Ces dernières sont absolument nécessaires dans la mesure où ce sont elles qui augmentent les compétences d’une héroïne (plus elle vous aime, plus elle est forte) et que durant un combat, c’est très exactement cela qui va faire la différence. Selon leur importance scénaristique, les demoiselles peuvent n’avoir qu’une poignée de quêtes, comme en avoir une grosse quantité, et celles-ci se déclenchent selon le bon vouloir du jeu. Car oui, certaines quêtes n’apparaîtront qu’après avoir effectué celles d’un autre personnage, ce qui empêche de se concentrer sur ses héroïnes préférées pour devoir toutes les augmenter.

 

Yoshitsune perd vite son intérêt quand le seul trait de caractère développé dans ses quêtes de personnage s'articule autour de la MALEDICTION d'avoir des petits seins -__-. Dans un jeu à lolis, donc -___-.

 

Et c’est là que le bât blesse très fort : il y a beaucoup trop d’héroïnes, au moins 60 ou 70, sans compter les héroïnes bonus qui apparaissent au fur et à mesure (souvent dessinées par des artistes invités). Il est donc quasiment impossible de leur donner une personnalité propre et elles se limiteront bien souvent à un gimmick assez mince. Quelle différence entre Lancelot, loli barjo qui aime manger, et Montezuma, loli barjo qui aime la viande ? Quelle différence entre Magellan, loli barjo qui aime faire exploser des trucs, et Billy the Kid, loli barjo qui aime tirer sur les gens ? Et ne me branchez pas sur les variantes des femmes qui aiment boire de l’alcool (Seimei, Columbus), les filles sérieuses (Yoshitsune, Mordred) et les filles « sauvages » (Kamehameha, Geronimo). Vu que le joueur n’a pas le droit de se concentrer sur ses préférées, il est très facile de péter un câble au bout de la énième quête d’un personnage insupportable et ayant le bon goût d’être important vis-à-vis de l’intrigue (au hasard Benkei et Himiko, qui est censée être l’héroïne principale). De même, avec autant d’unités à disposition à la fin du jeu (donc quand la planète entière est sous domination japonaise), il devient inutile d’augmenter celles qu’on aime quand on peut juste utiliser les dernières ayant intégré l’équipe, souvent bien plus fortes, même si on ne les apprécie pas plus que cela (les fameux héros légendaires).

 

Ne jamais insulter la toute puissance de l'Union Européenne devant Napoléon.

 

C’est à cause de cette propension à délayer que j’ai fini par complètement zapper les dialogues via la fonction skip car je n’en pouvais plus d’être stoppée dans mon fun par le jeu qui m’imposait de finir X quêtes secondaires avant de repasser en combat. Ajoutez à cela que je ne suis malheureusement pas la cible principale d’Eiyuu * Senki : Oyari Ashito est connu pour ses lolis et la grande majorité des héroïnes est donc composée de filles dangereusement jeunes et plates. Les rares demoiselles un peu plus en chair sont souvent reléguées à l’état de personnages secondaires et n'ont pratiquement aucune scène de sexe dans la version originale (ce qui en dit long sur l’importance accordé à un personnage). Ce n’est d’ailleurs pas pour rien si le jeu favorise les héroïnes japonaises et si Himiko, love interest principal, est l’archétype même de la petite sœur possessive, maladroite mais tellement mignonne à la mode dans tous les eroges récents. Des scènes de bains aux « onii-chan », tous les tropes répondront présents, pour le plus grand bonheur des fans et pour le plus grands malheur de ceux que cela lasse (genre moi).

 

The dark realm

Dans Eiyuu * Senki, il n'y a aucune civilisation en dessous de Carthage et de l'Egypte. Sympa pour ls africains...

 

En outre, Eiyuu * Senki souffre d’une bande-son bien trop répétitive (cette putain de piste qui passe en boucle), qui énerve aussi vite que les couinements de Benkei, et la répartition des héroïnes reste un poil injuste. Autant on peut comprendre que Zipang ait le droit à une certaine emphase, autant le désert que représente le continent africain instaure un léger malaise. En effet, l’Afrique toute entière est complètement dépourvue de leaders puisque c’est un territoire en ruines uniquement peuplé de zombies que les nouveaux colons devront reconstruire… On passera les villes qui ont en fait des noms de pays (était-ce si compliqué de demander à Google le nom de la capitale de l’Angola ou du Zimbabwe ?) mais si les aztèques, les incas et même Hawai ont leur représentant, pourquoi pas eux ? L’Europe reste vachement bien représentée, on sent que les japonais nous aiment…bien plus que les chinois, les indiens ou les américains en tout cas.

 

Vous ne rêvez pas, le décor représentant le Mordor l'Afrique est un cimetière à ciel ouvert. Ambiance !

 

Par ailleurs, je ne prendrais ici pas la peine de lister toutes les héroïnes qu’il est possible de récupérer parce que j’estime que cela fait partie du plaisir de la découverte et qu’il vaut mieux ne pas toutes les spoiler. Sachez de toute façon qu’une fois arrivé à la fin du jeu (que ce soit le 1e combat final ou le « vrai » combat final), seules les héroïnes de Zipang, Arthur et Napoléon auront vraiment de l’importance. Toutes les autres seront cantonnées à quelques lignes de dialogue de temps en temps pour faire bonne figure. En effet, lorsqu’un leader rejoint votre armée, son arc narratif est souvent passé et il n’aura plus grand-chose à vous dire en dehors de ses quêtes de personnages et éventuellement un petit évènement ponctuel se produisant aux alentours de son pays. Une fois de plus, c’est dommage parce que ça ne permet pas de se concentrer sur ses personnages préférés. Dans la mesure où il s’agit tout de même d’un harem dans lequel le joueur est amené à embrasser/séduire/copuler avec tout le monde, c’est quand-même un comble de toujours se retrouver avec Himiko et éventuellement Arthur en fin de course.

 

 

Conclusion

Au final, je ressors d’Eiyuu * Senki assez frustrée. Le gameplay, bien que perfectible, est très sympathique, le principe même déborde de coolitude et l’enrobage graphique est magnifique. Malgré l’absence de tutoriel, la prise en main reste immédiate. Mais l’aspect « tranche de vie » assorti de personnages clichés n’est pas du tout fait pour moi et l’impossibilité d’esquiver les quêtes annexes sans carrément skipper est juste insupportable. L’estimation de 30-50h de durée de jeu ne m’étonne pas du tout quand on voit à quel point le titre est bavard. Le plaisir que vous procurera Eiyuu * Senki dépendra donc quasi exclusivement de l’intérêt que vous éprouverez à amasser des waifus. Car, et c’est malheureusement vrai, c’est bien sur ça que se base ce visual novel hybride : collectionner de nouvelles waifus, les soumettre (uniquement dans la version 18+ mais le sous-texte reste plus que palpable) et passer à la suivante, sans attache, pour parfaire votre harem géant teinté d’exotisme (qu’on ne me fasse pas croire qu’il n’y a pas une dimension « goûter des femmes du monde entier »). Mais bon, à la fin c’est toujours la « petite sœur » qui gagne, bien sûr.

 

Une fille à gros seins est subtilement cachée parmi les lolis, sauras-tu la retrouver ? Note : les filles musclées n'ont jamais de scène de sexe, même dans l'opus suivant. Elles ne comptent pas. Jamais.

 

Amateurs de réflexions un peu plus poussées, passez votre chemin, le moe est là pour conquérir le monde, et il compte bien dérober votre cœur au passage ! Si ça ne vous horrifie pas, vous savez que vous devez jeter un coup d’œil à Eiyuu * Senki. Quant à moi, j’attends avec curiosité de voir si Fruitbat Factory compte éditer Eiyuu * Senki Gold, la séquelle censée corriger certains des défauts de son aîné. Une version améliorée ne peut qu’être une bonne chose, pas vrai ?

 

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Vous vous souvenez quand je disais que je ne savais pas quoi faire de ma vie ? J'ai décidé de monter ma propre entreprise : une boîte de création de visual novel. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué 8) ? Sur ce, j'espère que le Père Noël m'accordera la réussite et je vous souhaite à tous d'excellentes fêtes de fin d'années !

 

 

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22 février 2015 7 22 /02 /février /2015 23:15

Après avoir été conquise par ma lecture d’Ever17 en 2009 (comme le temps passe vite), j’ai récemment testé ce qu’on pourrait considérer comme son petit frère : Remember11.

 

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Kokoro Fuyukawa, étudiante en sociologie, souhaite interroger un serial killer pour comprendre son fonctionnement. En prenant l’avion pour se rendre à sa destination, elle se retrouve malheureusement victime d’une tempête et l’appareil s’écrase au milieu d’une montagne, laissant très peu de survivants. En compagnie de trois autres passagers, elle devra survivre dans un petit chalet en attendant que les secours se frayent un chemin dans le blizzard.

A des kilomètres de là, Satoru Yukidoh se réveille amnésique dans une sorte d’asile après avoir chuté du haut d’une tour. Enfermé avec des résidants tous plus louches les uns que les autres, il devra comprendre qui en a après lui. En qui peut-il avoir confiance ?

Pour corser encore un peu plus les situations déjà problématiques auxquelles font face les deux protagonistes, Kokoro et Satoru échangent régulièrement de corps. La mort de l’un entraînant la mort de l’autre, ils doivent donc se serrer les coudes pour espérer comprendre ce phénomène inexplicable.

 

 
Une œuvre résolument unique dans son genre. Avant de trancher dans le vif du sujet, un peu d’Histoire s’impose…

 

L’alliance de deux cerveaux

KID, ou Kindle Imagine Develop, est une société spécialisée dans le développement de visual novel fondée dans les années 90. La particularité de KID est d’avoir réalisé la série Infinity qui combine un cadre novateur déviant de la formule « comédie lycéenne » (mettant le plus souvent en scène une prison dont les personnages essayent de s’échapper), des éléments scientifiques et/ou philosophiques ainsi que des réflexions méta. Les trois jeux de cette saga, Never7 (sorti en 2000), Ever17 (sorti en 2002) et Remember11 (sorti en 2004) sont l’œuvre de la collaboration de Takumi Nakazawa et Kotaro Uchikoshi. Ils ne travailleront plus ensemble après Remember 11 et l’entreprise fait même faillite en 2006, sonnant la fin de l’ère de gloire du studio, et ce malgré son rachat par Cyber Front en 2007.

 

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Tout l’intérêt de la série repose bel et bien sur cette collaboration fertile puisque les deux hommes semblent se compléter à merveille. Par exemple, Nakazawa semble être fortement attiré par les concepts scientifiques, et c’est vraisemblablement sous son impulsion que de nombreux éléments de ce genre sont inclus, alors qu’Uchikoshi semble plus orienté autour de l’écriture des personnages et des réflexions méta. S’il est difficile de savoir quelle a été leur participation exacte dans l’écriture, on peut plus ou moins déduire leur style de leurs travaux solo.

 

En effet, Uchikoshi écrira seul 12Riven The Ψcliminal of Integral sorti en 2008 (qui était censé inaugurer la nouvelle série Integral mais avec peu de succès) avant de partir chez Chunsoft. Il rencontrera un certain engouement en Occident avec les Zero Escape (999 et Virtue’s Last Reward) que beaucoup doivent connaître.

Nakazawa ira quant à lui fonder Regista, une société spécialisée dans le portage sur consoles de visual novel, où il dirigera quelques projets : notamment Secret Game (version alternative de Killer Queen que j’ai évoqué ici) et Secret Game Code Revise, tous deux pour Flat. Regista réalisera aussi une poignée de jeux originaux dans lesquels il sera très impliqué : I/O (scénariste principal) et le récent Root Double - Before Crime * After Days (concept et rédacteur du glossaire).

 

Maintenant que ces quelques points sont clairs, passons à ce qui nous intéresse aujourd’hui !

 

 

Double huis-clos

La caractéristique singulière de Remember 11 est de nous présenter un double huis-clos possédant chacun son propre cast.

 

Parmi les survivants du crash on retrouve donc, de gauche à droite, en partant du bas :

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Kokoro Fuyukawa, une étudiante pleine d’énergie essayant de rester optimiste. Comme son nom l’indique, elle a bon cœur et arrive plutôt bien à analyser ce qui se passe, même si le phénomène la dépasse complètement. Elle est doublée par Rika Morinaga (Souseiseki dans Rozen Maiden, Rita dans Tales of Vesperia).

 

Yuni Kusuda, un petit garçon très intelligent qui s’est très vite lié d’affection avec Kokoro dans l’avion. D’un naturel enjoué, il aime faire des blagues et se bagarrer avec Mayuzumi. Derrière son air enfantin, il semble également cacher une part de mystère. Il est doublé par Junko Minagawa (Cornélia de Code Geass, Oz de Pandora Hearts).

 

Lin Mayuzumi justement est une juriste cassante et égoïste. Bien décidée à survivre coûte que coûte, elle n’hésite pas à poser les questions qui fâchent et à se montrer délibérément hostile. Il faudra s’armer de patience pour arriver à protéger l’harmonie du groupe en sa présence. Elle est doublée par Megumi Toyoguchi (Yumi dans Chobits, Mimiru dans hack//sign, Layla dans Avenger, Winry dans FMA, Revy dans Black Lagoon, Aqua de Kingdom Hearts Birth by Sleep ou encore Yukari de Persona 3).

 

Seiji Yomogi, au contraire, est un montagnard expérimenté plutôt chaleureux dont la fine équipe dépend en partie. Sans ses conseils, difficile d’imaginer un avenir : puisque la montagne regorge de dangers, un seul faux-pas veut vite mener à la catastrophe. Il est doublé par Masashi Ebara (Sazh dans Final Fantasy XIII, Friday Monday dans Madlax)

 

 

Et parmi les patients de SPHIA, de droite à gauche, en partant du haut :

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Satoru Yukidoh, étudiant ingénieur en physique quantique. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, derrière des raisonnements ultra sérieux se cache un sacré bouffon. Capable du meilleur comme du pire, c’est celui qui semble le mieux comprendre le phénomène le liant à Kokoro. Il est doublé par Takehito Koyasu (Ranka d’Ouran High School Host Club, Dio de Jojo’s Bizarre Adventure, Julius de Heart no Kuni no Alice).

 

Kali Utsumi, mi japonaise, mi indienne, prétend être une des psychiatres du complexe. Elle semble en effet doué un grand savoir médical tout en se montrant particulièrement diplomate et bienveillante à l’égard des autres. Mais peut-on lui faire confiance ? Elle est doublée par Aya Hisakawa (Ami dans Sailor Moon, Kero dans Card Captor Sakura, la prof d’Alien Nine, l’héroïne éponyme d’Iria : Zeiram the Animation, Haruka d’Air, Cholé dans Noir, Rimelda de Madlax, Portia de Romeo X Juliet).

 

Une jeune fille ressemblant trait pour trait à Keiko Inubushi, le serial killer que souhaitait rencontrer Kokoro, mais se présente à elle sous le nom d’Hotori Suzukage. Elle semble d’une timidité maladive mais aussi la proie de crises régulières violentes. Difficile de déterminer à quel point elle peut être dérangée. Elle est doublée par Akane Tomonaga, habituée à l’univers du visual novel (Sage de Tick Tack, Kazuko de Majikoi, Seira de Chaos Head, Kazuki dans Grisaia, Saki d’Happymaher).

 

Egalement présent sur les lieux…Yuni Kusuda. Inutile de dire que sa présence à la fois dans le chalet et dans l’asile soulève de nombreuses questions.

 

 

Animus & Anima

La structure de Remember11 pèse bien plus dans son scénario qu’on ne pourrait l’imaginer. Si Ever17 se révélait globalement plutôt linéaire, nous faisons face ici à une véritable spirale. En effet, seul le chapitre de Kokoro est disponible au début, il faudra le finir entièrement pour débloquer la perspective de Satoru, mais leurs actions s’influencent mutuellement. L’échange constant entre les deux locations bouscule nécessairement la manière dont l’histoire est écrite. En effet, à peine le personnage a fini d’analyser ce que l’autre a fait dans son corps quand il était absent qu’il est généralement confronté à un évènement dangereux. Et à peine a-t-il eu le temps de résoudre la crise qu’il est propulsé dans l’autre corps où une nouvelle crise l’attend. De fait, la tension est omniprésente de bout en bout et le lecteur n’a pas le temps de s’ennuyer. Pire, cet amas quasiment ininterrompu de retournements de situation ne fait qu’aiguiser encore davantage sa curiosité. Et le procédé narratif a le mérite de rendre crédible la lenteur avec laquelle Kokoro gère la situation de son côté.

 

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En outre, le jeu est truffé de bad end et de variantes, ce qui offre une bonne dose de rejouabilité. Si jamais Kokoro échoue, on en voit les conséquences dans l’autre perspective, et vice-versa, ce qui l’utilisation récurrente de sauvegardes plus que salutaire si l’on souhaite pouvoir explorer d’autres alternatives ou même simplement continuer l’aventure sans se laisser piéger par une mauvaise décision. En parlant d’échecs, ils seront naturellement légion (sauf si vous ouvrez un guide dès le début).

 

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D’un côté, Kokoro doit préserver l’harmonie du petit groupe du chalet, symbolisé par des paramètres cachés que l’on pourrait résumer comme suit : si elle s’écrase trop devant la désagréable Mayuzumi, celle-ci finira par péter un câble ; si elle se montre trop agressive envers elle, celle-ci finira par péter un câble ; si elle met trop de pression à Yomogi, celui-ci finira par péter un câble. Et si elle se perd dans la montagne, elle mourra de froid et de faim de toute façon. De l’autre côté, elle doit aussi éviter au corps de Satoru une mort particulièrement brutale (noyade, coup de poignard, etc) et ce, plus au moins au hasard (ces choix ne feront vraiment sens qu’une fois la perspective de Satoru acquise), mais aussi empêcher les autres résidants de SPHIA de s’entretuer. Tout un programme.

 

 

Un coup de pied dans la fourmilière à tropes

Il va m’être difficile de beaucoup m’éterniser sur le scénario de Remember11 sans spoiler puisque la moindre information acquise au de-là du premier jour sur les sept que dure un chapitre dévoile déjà des choses que vous ne devriez pas savoir en commençant. Ne songez même pas à jeter un coup d’œil à la page Wikipedia du jeu ou à une critique (même sans spoiler), tout le monde en dit déjà trop. Ce que l’on peut dire, c’est que le jeu prend un parti-pris plus qu’original dans ce que la romance y est quasiment inexistante. Certains personnages sont bien mariés/fiancés, mais leur relation n’existe qu’en toile de fond pour les caractériser ou servir un élément particulier de l’intrigue, il n’y aura jamais vraiment d’emphase dessus. A l’exception peut-être de l’affection de Yuni pour Kokoro (qui n’est pas sans rappeler le couple de Rin et Alice dans Please Save My Earth) qui reste cependant suffisamment ambiguë et secondaire pour l’ignorer au besoin.

 

Remember11 n’a donc rien d’une sempiternelle comédie romantique dans un lycée, ce qui ne l’empêche pas de savoir quand alléger l’ambiance. Les vannes autour du changement de sexe des protagonistes sont notamment assez drôles. La réaction de Satoru quand il réalise qu’il a des organes génitaux de femme dans le corps de Kokoro est plus que priceless. Il est d’ailleurs à noter que même s’il y a une scène centrée autour d’une culotte, on ne le verra jamais à l’écran et il n’y aura aucune image dénudée/fanservice non plus. Ce qui est suffisamment appréciable pour être mentionné !

 

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Tsundere spotted. Il en fallait bien une, j'imagine...

 

Le cœur même du titre se situe tout de même bien dans son ambiance oppressante et dans ses multiples références à tout un tas de concepts (archétypes de Jung, physique quantique, théories philosophiques) expliqués dans un glossaire déblocable au fur et à mesure du périple (les TIPS). Après, il est plus que conseillé d’avoir déjà expérimenté Ever17 au préalable pour vraiment s’imprégner de la façon de penser des scénaristes. En effet, après le twist magistral qu’était la True End de l’opus précédent (ou route de Coco), les auteurs ont visiblement compris qu’ils ne pouvaient pas réutiliser bêtement la même ficelle et se sont donc employés à faire de Remember11 à la fois une extension du concept et sa limite. Une belle manière, en théorie, de finir la saga Infinity. Mais j’y reviens tout de suite…

 

 

Et Saul voulut prendre sa revanche sur David…

Là où Remember11 divisera c’est qu’il s’agit malheureusement d’un jeu…incomplet. Si le phénomène même du transfert, le mystère autour de Yuni et l’identité derrière le coupable sont finalement expliqués abondamment dans la route de Satoru, les éléments les plus importants restent définitivement dans l’ombre. Le visual novel se finit en effet sur…un double cliffhanger (et quand je dis cliffhanger c’est qu’il y a littéralement un personnage au bord d’une falaise !). La frustration du lecteur est ainsi mise à rude, rude épreuve. Les scénaristes s’emploient finalement trop longuement à nous expliquer des éléments que toute personne un peu attentive aura déjà assimilés et vont au contraire ne laisser que de vagues indices sur des éléments quasiment impossibles à appréhender sans information supplémentaire !

 

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La rejouabilité dont je parlais plus tôt a été pensée comme la pire des tortures pour le joueur. En effet, l’existence d’un personnage clef n’est jamais mentionnée une seule fois de toute l’aventure et on n’en retrouve la trace que dans le TIP110, déblocable avec d’autres à l’unique condition de tendre vers le 100%. Et comment finir Remember11 à environ 100% me demanderez-vous ? Il faut avoir visionné toutes les bad end (une trentaine en tout), avoir tous les 110 et quelques CGs (certains ne se manifestant que si vous avez fait des choix très particuliers sur la route de Kokoro PUIS sur celle de Satoru), et avoir exploré le plus de variantes possible. Or, pour compliquer le tout, certaines bad end fonctionnent par paire : il faut avoir lu la fin, l’avoir sauvegardé dans le système, puis utiliser un raccourci pour retrouver le même endroit avec l’autre personnage (attention, impossible de s’en remettre uniquement aux sauvegardes !) et expérimenter sa version. Malheureusement ces nouvelles versions, quoi que cohérentes, ne sont souvent que de simples copiés-collés. Et certains choix n’ayant des conséquences que bien plus tard dans l’aventure, les 60 sauvegardes que proposent le jeu sont bien vite toutes occupés. Il faut donc être extrêmement stratégique.

 

Si la présence d’un grand nombre de variantes est extrêmement agréable en tant que bonus (les fans pouvant explorer l’univers à leur guise), il est juste impardonnable de forcer le joueur à toutes les collectionner pour espérer vaguement comprendre ce qu’il se passe (relire le prologue est de toute façon un passage obligé). Pire, il n’y a que dans les deux versions de la bad end Apoptosis (et dans une seule ligne de dialogue propre à plusieurs autres) que l’on peut réellement saisir toute la portée du scénario. Vous avais-je précisé que ce n’était de toute façon pas suffisant et qu’il fallait également s’aider avec la chronologie officielle de la série Infinity ? Voilà.

 

 

Du bleu de l’océan au blanc de la montagne

Si l’on s’en tient à sa réalisation, Remember11 est irréprochable. Les graphismes d'Hidari sont vraiment de toute beauté, avec un petit effet crayonné des plus sympathiques. Difficile à croire qu’il ne s’est écoulé que deux ans depuis Ever17 qui tient assez mal la comparaison ! De petites animations ça et là achèvent de donner vie aux sprites (on pensera à la buée qui s’échappe de la bouche des personnages lorsqu’ils sont prisonniers dans le chalet). A l'époque le clignement des yeux n'était pas si courant dans les visual novel, ce qui est d'autant plus impressionant. De même les quelques brèves vidéos en 3D s’intègrent plutôt bien au style.

 

 
Côté doubleurs, l’intégralité du cast nous offre une performance de qualité (certains sont relativement connus, d’ailleurs) qui aide à s’immerger dans l’univers. On peut aussi noter une très bonne utilisation des bruitages et une bande-son de qualité ! C’est de nouveau Takeshi Abo qui s’y colle et il semble avoir été inspiré. Toutes les pistes sont globalement bonnes (même si la musique des bad ends génère en moi une réaction post-traumatique dès que je l’entend), avec une mention toute particulière pour les pistes oppressantes qui contribuent vraiment à l’atmosphère. Difficile de ne pas avoir au moins une favorite.

 

L’opening, Little Prophet, encore une fois chanté par Kaori, ne me plaisait pas trop au début mais j’ai fini par m’habituer et par l’apprécier. Fortement animé, il met l’eau à la bouche comme il se doit. Je ne comprends donc pas pourquoi KID  en a commandé un nouveau pour le portage PSP, celui-ci n’a décidément pas les charmes de l’original.

 

 

Chaîne infinie de frustration

Pour étayer un peu plus ma frustration, je me mets de faire une partie sur la fin du jeu en comparant avec Ever17. Si vous n’avez pas encore lu les deux, fuyez ! Vous pouvez toujours regarder ma conclusion, par contre.

 

\ !/ Gros spoilers \!/

Je crois qu’on peut résumer l’avalanche de frustration de Remember11 en deux points non résolus.

 

1.Le cas d’Hotori Suzukage

Une fois l’identité du coupable derrière les tentatives d’assassinat révélé, on se rend compte que tout le jeu est basé sur un triangle. Un double triangle pour être précise. D’un côté, Satoru, Kokoro et la 3e personnalité. De l’autre, Hotori, Keiko et une autre 3e personnalité (même si c’est moins identifiable vu que le principe d’Inubushi Keiko est qu’elle est mentalement instable). Tout le problème réside dans le fait qu’Hotori, victime innocente des transferts, se retrouve un peu par hasard dans le corps d’une psychopathe internée à vie (du moins, on le suppose). Même si on ne l’entraperçoit qu’assez brièvement (notamment dans le chapitre de Kokoro qui est la seule des deux protagonistes à vraiment interagir avec elle), je me suis suffisamment attachée à elle pour avoir été dégoûté sur l’absence de traitement du personnage. Satoru, qui est le seul à disposer des informations pour sauver les survivants du crash, reconnaît avoir compris ce qui se passait entre Hotori et Inubushi, mais il semble finalement peu concerné. Je ne comprends pas en quoi sauver trois personnes est une absolue nécessité et qu’ajouter une quatrième à la liste en cours de route ne figure pas parmi les priorités.

 

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Il aurait été à mon avis très intéressant d’avoir le point de vue d’Hotori sur le phénomène, ne serait-ce que par quelques passages (dans un chapitre bonus, par exemple). Parce qu’au fond, Satoru semble faire comme si elle était sauvée et que, youpi, tout allait bien. Sauf que, si l’on en croit le cliffhanger, il y a deux, voire trois, issues possibles :

A = Hotori est retournée dans son corps originel après le dernier transfert (juste quand ils s’échappent de la montagne et sont en train de jouer sur la plage). Elle est donc décédée. Problème : il aurait suffit de pousser son cadavre du cercle (soit quelques mètres, à peine) pour la sauver. En outre, il est un peu anti-climatique d’avoir fait tout un foin autour de Keiko (comme quoi elle ne méritait pas de mourir, malgré ses crimes) et de laisser Hotori crever alors qu’elle fait pourtant partie du groupe. Je trouve ça d’autant plus triste que les révélations autour du phénomène laissaient à penser que la jeune fille trouverait là une seconde chance pour vivre.

B = Hotori est bien restée dans le corps de Keiko mais cette dernière s’y trouve aussi, elle est donc condamnée à partager le destin d’une criminelle tout le reste de sa vie. Une hypothèse qui ne me plaît pas non plus dans le sens où je trouve ça pire que la mort. Inubushi est encore celle qui y gagne le plus. Pourquoi récompenser la psychopathe ?

C = Sayaka s’est ajoutée à la fête. Pareil que dans le B mais en encore plus incohérent. Si c’est le cas, bouh, monsieur le scénariste, il manque des morceaux à votre histoire.

 

 

2.Yukidoh Satoru avant son amnésie

Si on peut encore admettre que le flou laissé autour d’Hitori est, à l’instar de la réplique finale de Yuni (Est-ce que les personnages se sont affranchis du destin ? Ne font-ils que le répéter ?), destiné à entourer le récit d’un voile de mystère/suspens, le vide autour du passé de Satoru crée un gouffre béant dans le scénario.

 

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Bonjour, je suis là pour te plonger dans la confusion la plus totale !

 

Le tour de passe-passe est le suivant : le Yukidoh Satoru que l’on incarne est en réalité une coquille vide qui reçoit la mémoire du joueur (c’est-à-dire les informations acquises dans le chapitre de Kokoro) au moment du prologue. Cette amnésie artificielle causée pour les besoins de l’intrigue était prévue par Satoru lui-même et c’est dans le but principal d’emprisonner le joueur dans une boucle sans fin qu’il a conçu tout le plan autour du transfert (et ça marche grâce à la SCIENCE). Le but secondaire était de sauver Mayuzumi (ce qui en fait la véritable héroïne du jeu, j’imagine). Sauf que voilà, la chronologie et les TIPS nous apprennent que Satoru voulait carrément se venger du joueur qu’il tient pour coupable de la « disparition » de sa sœur. Une constatation s’impose : le personnage de la sœur apparaît lors du total grandiloquent d’une seule scène (où elle n’est pas nommée, bien sûr). Le joueur n’a jamais l’opportunité de l’incarner non plus. Ce qui veut dire, et attention ça fait mal au crâne, que le personnage reproche au joueur d’influencer l’histoire et décide de le tromper pour le manipuler. Ce faisant, il oublie de lui donner les informations vraiment importantes et le joueur ne réalise pas du tout ce qu’il souhaitait faire (ou alors il faut m’expliquer en quoi c’est un succès).

 

Même d’un point de vue méta, ça reste très nébuleux : pourquoi le joueur serait-il le responsable du scénario et pas le scénariste directement ? Pourquoi omettre d’inclure Sayaka dans son plan si c’est sa réelle motivation ? Pourquoi se rendre volontairement vulnérable (il se laisse effacer la mémoire et montre bien dans la fin Apoptosis que la mort de son compagnon le laisse indifférent) ? Pourquoi prendre le risque que la seule personne au monde possédant encore des souvenirs de Sayaka l’oublie définitivement ? De même, n’est-ce pas paradoxal que le scénariste crée un monde sur mesure où le joueur est considéré comme un véritable Dieu si c’est pour lui retirer toutes les réponses et le frustrer ? Le joueur n’est-il pas capable de se libérer à tout moment de la boucle (au hasard, en fermant le jeu) ? Pourquoi conclure la saga Infinity sur une absence de conclusion ? Etait-ce pour montrer les limites du concept de Blick Winkel/That Guy (c’est-à-dire la participation du joueur à l’histoire) ? Si c’est le cas, ce n’est pas clair du tout…

 

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Le scénariste refusant de communiquer son savoir au joueur impuissant, allégorie...

 

Les questions s’accumulent et on ne peut que tourner en rond ou formuler une théorie hasardeuse. Pour ma part, je ne peux m’empêcher de voir en Remember11 le récit d’un échec, l’invocation ratée de « Blick Winkel ». Et c’est en ça que je comprends la fin très abrupte : Satoru a perdu la mémoire à jamais, il ne se souvient même plus de sa sœur, il réalise seulement le tissus de mensonges derrière lui et ne peut que constater amèrement qu’il n’y a plus personne pour lui donner de réponses. Il a échoué à se venger et se retrouve puni par «le  Dieu » de ce monde : il ne saura jamais, même s’il revient dans le temps encore et encore, la vérité est perdue.

 

Je pense qu’il n’aurait pas été abusé d’attendre un dernier monologue pour expliquer ce point au joueur. Certes, avec la « mort » d’Hotori, ainsi que la disparition définitive de Sayaka et de la vérité, la fin de Remember11 aurait été amère…mais elle aurait été satisfaisante. En l’état actuel des choses, difficile de ne pas regretter l’aboutissement ressenti à la fin de la route de Coco dans Ever17. Certes, le côté « happy end » était poussif, mais la satisfaction d’avoir rassemblé toutes les pièces du puzzle était là et on ne pouvait que se dire « tout est bien qui finit bien ». Avec Remember11, c’est comme si le puzzle reconstitué avait un trou aux endroits les plus importants, comme si l’image originale était définitivement perdue. C’est stupide et pourtant, cela change tout, et on en vient à en vouloir aux scénaristes de nous avoir servi une peinture trouée en plein milieu. Sublime certes, mais, au fond moins que le tableau d’à côté, qui n’a pas la même grâce dans le coup de pinceau mais qui lui a le mérite de montrer l’image dans sa totalité. En effet, comment pardonner à un jeu qui nous avoue clairement que la vérité n’existe pas ?

 

\ !/ Fin Gros spoilers \!/

 

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Conclusion

Au final, et c’est regrettable à dire, Remember11 frôle la perfection de si près que ça en est rageant. Réalisation parfaite, cadre unique, thèmes intéressants, personnages émouvants, twists bien pensés, un cran supplémentaire dans la réflexion méta…et absence complète de résolution. Comptez bien 20h pour finir les deux perspectives, 10h supplémentaires pour jongler entre les sauvegardes et atteindre le 100%.

 

Certains essayent de se consoler en arguant que KID avait des problèmes financiers à l’époque et que si l’équipe avait pu le finir à temps, le visual novel aurait été complet. Mais quand on y regarde de plus près, trop d’éléments laissent à penser que la fin ouverte était volontaire. KID n’a fait faillite qu’en 2006, soit deux ans après la sortie du jeu (c’est donc plutôt 12Riven qui a été touché par le changement), Uchikoshi n’est crédité dans le jeu que par un pseudonyme, ce qu’il ne fait jamais d’habitude (surtout que Remember11 n’est pas un eroge, il n’avait pas de raison de se cacher après avoir participé aux opus précédents), Nakazawa et Uchikoshi n’ont plus jamais travaillé ensemble après cela, et Nakazawa lui-même avoue qu’il n’est pas satisfait du résultat mais qu’il était trop tard pour changer la fin.

 

Qu’en déduire ? Que l’expérience a été conçue pour bousculer le joueur. Certains crient au génie, d’autres dénoncent le fait que frustrer son lecteur est assez suicidaire, au final difficile de déterminer si c’est un échec ou non. Tout comme « le plan ». Malgré cette faille majeure, Remember11 n’en demeure pas moins un OVNI à la fois dans la saga Infinity et dans le paysage des visual novel en général. A conseiller à tous ceux qui aiment se poser des questions métaphysiques et n’ont pas peur de continuer l’histoire dans leur tête.

 

Reste une question, lancinante, obsédante : Où est « Self » ? Qui est-ce donc, juste derrière toi ?

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20 décembre 2013 5 20 /12 /décembre /2013 15:30

Visual Novel

 

Au cours des deux articles précédents, j’ai pu offrir un aperçu global des différents projets Nanoreno ayant vu le jour en 2013. Manquent à l’appel The Censor (du créateur de Locked-in), retiré peu de temps après pour être entièrement refait, et Autumn’s Journey qui est toujours en cours suite au manque de temps pour terminer les graphismes (Deiji étant très demandée, ce n’est pas bien étonnant). En dehors de ces deux cas, j’avais à peu près fait le tour…sauf que quelques jours après la fin du Nanoreno un autre concours a été lancé : le Pulse Pounding Heart Stopping Dating Sim Jam. Le PPHS JAM se déroulait sur une période encore plus courte, d’à peine quelques jours, et avait une thématique, « les dating sim ». L’engouement a été certain avec une déferlante de caricatures du genre et une partie des créateurs de Lemmasoft se sont lancés dans l’aventure, d’où l’intérêt de présenter quelques uns des innombrables jeux sortis. Difficile d’en faire une critique approfondie vu la brièveté de chaque projet (disponible en ligne), alors je me contenterai de souligner les caractéristiques principales des dating sim les plus remarquables à mes yeux.

 


 

A Very Splendid Otome Game

Camille & Neon

Durée : 20 minutes

 

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Disney nous a appris qu’il fallait croire en ses rêves car ils finiraient par être réaliser. Ce qu’on ne vous a pas dit c’est que les souhaits peuvent avoir des effets secondaires intéressants. En témoigne A Very Splendid Otome Game qui narre la merveilleuse (?) histoire d’amour entre une jeune pâtissière et un gâteau. Un magnifique gâteau.


Pendant qu’Auro-Cyanide travaillait sur Witch/Knight, Camille a participé au PPHS JAM avec Neon. Le résultat est minimaliste (dû à l’absence de décor et de musique) mais convainquant. Les sprites sont jolis et le postulat est tellement fumé qu’il est impossible de ne pas sourire au moins une fois devant les déboires de l’héroïne (au nom aléatoire) qui essaye tant bien que mal d’accepter que son beau tiramisu préparé avec amour soit devenu un flamboyant bisho. Plusieurs fins sont disponibles, cependant les variantes n’apportent guère d’éléments, aussi on peut très bien en rester à un seul playthrough.

 


 

Jurassic Heart

Hima

Durée : 10 minutes

 

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Kya, aujourd’hui je vais en ville passer du temps avec Taira-kun pour acheter un ukulélé, j’ai hâte de le voir, mon petit cœur en bat la chamade ! J’espère qu’il aimera ma nouvelle barrette, je me sens un peu nerveuse ! Peut-être qu’une belle histoire d’amour va commencer entre nous ! Au fait, Taira-kun est un T-rex.

 

Autre jeu absurde, Jurassic Heart imite à merveille les codes du dating sim lambda en introduisant un charmant dinosaure en guise de partenaire. Et bizarrement, l’histoire de Taira-kun est toute mignonne, un peu plus et on le trouverait moe ! La présentation reprend des décors et des musiques libres de droit, ce qui a le mérite de coller avec le thème, et nous propose quelques choix menant à des fins différentes. Seule la bonne donne accès à une CG de Taira-kun jouant de son ukulélé. Bref, un petit jeu rigolo comme tout.

 


 

Night at the Hospital

Team Snugglebunny

Durée : 30 minutes 

 

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Frank est un étudiant presque ordinaire. Très régulièrement, son meilleur ami Steve l’entraîne dans une chasse aux fantômes et c’est à lui que revient la dure tâche de le raisonner. Ce soir-là, Steve est parti explorer un hôpital abandonné en pleine nuit et il a bien évidemment oublié de prendre sa lampe-torche. Or, lorsque Frank débarque pour lui donner un coup de main, impossible de le trouver. Inquiet, notre héros va donc explorer les décombres du bâtiment pour en deviner le secret…et tomber sur Luka, un mystérieux jeune homme.

 

Night at the Hospital a l’air d’une histoire d’horreur sérieuse mais ne vous y trompez pas, il est avant tout question de câlins. Oui, de câlins. Pour expliquer pourquoi c’est un dating sim loufoque, il faudrait spoiler donc je vous réserve la surprise. Déjà, on remarque que la présentation est vraiment de très bonne facture et que la version téléchargeable ressemble davantage à un projet Nanoreno qu’à un dating sim conçu en moins d’une semaine, sans doute grâce au grand nombre de personnes ayant participé. Les différents éléments restent tous dans la thématique : l’interface est soignée, les décors bien que peu nombreux sont irréprochables et sprites comme CGs restent agréables à l’œil, même si on perçoit quelque chose d’un peu statique dans la colorisation. Quant à l’intrigue, elle est relativement simple : il s’agit d’interagir avec Luka sous le prétexte de partir à la recherche de Steve. Selon les réponses, il y a 3 fins dont deux fortement romantiques, chacune assortie d’une illustration.

 

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L’atout de Night of the Hospital ce sont ses dialogues sarcastiques et les réactions du personnage principal au moment des « révélations » qui prennent à contre-pied les attentes du lecteur. On remarque assez peu la différence de style de chaque auteur, il y a dû y avoir un gros brainstorming à ce sujet, ce qui est appréciable et rend l’histoire plus cohérente. J’ai beaucoup apprécié la bonne fin et la romance entre Frank et Luka (c’est donc du shounen-ai). Il est cependant dommage que le jeu ait été codé de cette manière : en effet, en voulant faire des choix menant vers une romance entre les deux protagonistes, je me suis retrouvée sur Vacuum, qui est la fin CALINS (à chaque embranchement ou presque il est possible de câliner Luka pour le lol), alors même que je n’avais jamais choisi cette option. Aussi je recommande au lecteur de soit suivre d’abord le walkthrough, soit de délibérément chercher la fin CALINS au préalable. On remarque aussi notablement quelques bonus assez originaux de disponibles, ce qui est toujours le bienvenu (comme le fait de débloquer le journal de chaque personnage sur le site web du jeu avec un mot de passe).

 

En conclusion, Night of the Hospital est un petit VN sympathique (avec du boy’s love) qui a la particularité d’avoir été traduit en français donc si ça vous intéresse, jetez-vous dessus !

 


 

Ces trois dating sim loufoques sont ceux qui m’ont le plus attiré sur l’impressionnante quantité de productions sorties : en tout on peut bien compter un peu moins d’une centaine de projets, à l’intérêt très variable.

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Dont la contribution de Christine Love : Magical Maiden Madison. Devinez de quoi ça peut bien parler. De tentacules, évidemment, comme si Diving Deeper ne l’avait pas calmé (à croire qu’elle fait vraiment une fixette dessus). 5 minutes à écouter une magical girl moderne parler de comment un monstre à tentacules a gâché sa journée (et son rendez-vous galant, accessoirement) et de comment des photos indiscrètes de cette séquence se sont retrouvées sur Internet. Heureusement qu’il n’y a pas de graphismes…


Mais bref, tout cela pour dire qu’il y avait matière et je vous recommande la lecture de cet article si vous voulez voir plus de critiques des jeux concernés.

 


 

Les seuls VNs de Lemmasoft à avoir vu le jour à l’occasion d’autres JAM au cours de l’année sont tous les deux des productions de TwinTurtle Games : Milk of Human Kindness pour le Boob JAM et Magical Majorette Drummer Garnet! Handsome Boy Blues pour le Magical Girl JAM.

 

Milk of Human Kindness avait l’originalité de traiter de la maternité dans un couple lesbien en montrant les difficultés que la venue d’un enfant engendrait dans la vie de Brooke et Cécilia. Cette dernière se plaignant régulièrement de douleurs à la poitrine à cause de sa maternité. D’où le thème des « seins » traité à peu près sérieusement.

 

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Le scénario, sans être mauvais, reste du côté de l’anecdotique et les graphismes sont très irréguliers : si les décors, moyens, restent acceptables et que les sprites sont plutôt jolis, l’interface est celle par défaut et les CGs sont une horreur. Le style y est complètement différent, ce qui pourrait facilement s’oublier si le collage par-dessus les décors (quand ils sont réutilisés) ou le nouvel arrière-plan n’était pas aussi baveux : il y a des traits de crayon gris partout, des traces blanches dues à un collage trop vite fait, des bouts coupés sur les images rajoutées et des couleurs qui dépassent de leurs limites un peu partout. Si vraiment les graphistes n’ont pas eu le temps de finir leur travail, il aurait été plus judicieux déjà de recentrer l’image pour ne pas avoir une grosse zone vide en guise d’arrière-plan (c’est pas top), mais aussi de réduire les CGs à de simples chibis insérés par-dessus les décors. Et si vraiment il n’y avait pas de temps pour la colorisation (les CGs ne possèdent que des aplats, il n’y a aucune lumière/ombre, aucun relief/effet), autant rester sur un sketch coloré, plus simple, mais tranchant moins avec la sobriété du reste =/.

 

 

Magical Majorette Drummer Garnet! Handsome Boy Blues emprunte un chemin totalement différent en essayant de se positionner comme une parodie délirante du genre magical girl avec un résultat…assez peu enthousiasmant. Vous incarnez Garnet, jeune fille aux pouvoirs magiques, et devez à la demande de Topaz, votre familier, sauver le centre commercial d’un illuminé fou de saxophone. Et c’est à peu près tout.

 

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Ce qu’on remarque dès le lancement du jeu c’est que la programmation et l’interface occupent une place importante : le mouvement des différents boutons, le titre, la textbox, le flottement de Topz, tout ceci est bienvenu. D’autant plus que le style cartoonesque des sprites n’est pas déplaisant du tout. Seule ombre au tableau : les décors. Si la chambre de l’héroïne peut encore passer, le centre commercial (qu’on voit le plus) aurait vraiment pu être un peu plus soigné. Mais bon, après tout le temps de conception a dû être particulièrement limité, regardons donc de plus près l’histoire.

 

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Eh bien, la parodie affichée coule très vite puisqu’à peine débarquée sur les lieux du crime, Garnet se retrouve dans un combat acharné contre Peridot. A ce moment-là, vous avez le choix entre plusieurs attaques stupides et il faut en sélectionner une. Puis une autre. Puis encore une autre. Jusqu’à ce qu’enfin il y ait un peu de dialogue. Et qu’il faille recommencer. Encore. Et encore. Une fois tous les choix de dialogues épuisés, il en apparaît encore d’autres et le mécanisme reste le même. C’est juste inintéressant au possible. Passé le premier sourire face au random des attaques, on a juste qu’une envie : en finir. Le jeu n’est même pas long mais la phase du combat est tellement chiante que j’ai juste ragequit au bout d’un moment. Un beau gâchis… Et en plus Twinturtle Games songe à en faire une série épisodique, arg, juste non !

 


 

C’est tout sur les visual novel anglophones courts pour le moment, la prochaine fois, si je suis motivée, je vous parlerai peut-être de Grisaia no Kajitsu que je viens de finir : un VN japonais extrêmement long aux problématiques pour le coup totalement différentes

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26 novembre 2013 2 26 /11 /novembre /2013 20:05

Visual Novel

 

Suite de ma rétrospective Nanoreno 2013. Dans la première partie nous avions découvert des projets variés (un dating sim avec des bishos, une tranche de vie en milieu scolaire, un conte de fée détourné et euh…un truc avec un lapin ?) possédant comme délicieux point commun de comporter au moins une scène un peu malaise, désormais nous allons attaquer des projets variés ayant un petit goût d’inachevé.

 


 

Days of the Divine

Circle Pegasi

Durée : environ 1h30 pour débloquer toutes les fins

 

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Il y a bien longtemps, dans un petit village au milieu des montagnes, les humains vivaient en harmonie avec Senrei, leur divinité protectrice, jusqu’à ce que celui-ci soit vaincu par un dieu impétueux. Depuis, un étrange brouillard se répand dans la montagne et trouble les monstres qui y vivent, auparavant paisibles. Toute personne qui rentre en contact avec cette brume magique encourt le risque de perdre sa mémoire pour toujours. Cependant Biyu, la prêtresse du temple de Senrei, ne cesse de prier, dans l’espoir que la malédiction soit levée. Lorsque son ami d’enfance Liufan s’aventure trop loin dans la forêt, les évènements prennent une tournure inattendue…

 

Le succès de Nanolife, crée à l’occasion du Nanoreno 2012, avait été une plaisante surprise mettant sur le devant de la scène un groupe qui avait été plutôt discret jusque là. L’annonce de la participation de Circle Pegasi cette année avait donc été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme et les critiques de Days of the Divine avaient été unanimement positives. Qu’en est-il au final ? Eh bien, on peut noter que la présentation est originale et de qualité, comme prévu. La team n’a pas eu le temps de réaliser de CGs mais le jeu a une couverture qui en jette et on compte un nombre de décors, de sprites et d’images insérées (un peu comme des mini-CG, ce qui donne un côté BD à certains moments) assez remarquable pour un projet court. L’utilisation du brouillard n’empêche pas de remarquer que certains décors sont assez simplistes mais on ne s’en offusque guère. La musique choisie, libre de droit, est jolie mais discrète, ce qui peut être un avantage comme un inconvénient selon l’angle de vue : si on ne s’en lasse pas, les scènes importantes manquent quelques fois d’un coup de pouce émotionnel.

 

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Une des illustrations insérées.


Bizarrement, Circle Pegasi a délaissé RenPy au profit d’un autre outil, beaucoup moins intuitif. J’ai été notamment un peu agacée de devoir cliquer deux fois à chaque sauvegarde que je voulais faire et comme le skip englobe toutes les scènes par défaut, et plus seulement celles déjà visionnées, il est facile de zapper des scènes sans faire exprès. Plus globalement, je suis attachée à mes habitudes parce que je trouve RenPy bien plus pratique, ce qui fait que je n’ai pas vraiment goûté à ce choix d’interface (l’idée de montrer quelle route a été complétée est bonne, par contre). Tout comme j’ai trouvé la section Extras assez avare mais peu importe. Days of the Divine possède trois routes, une par personnage masculin important (avec quelques bad end rapides ici ou là), chacune révélant un bout différent de l’intrigue, et à cette fin il faudra choisir parmi une tonne d’options (environ un choix par scène ou presque) pour se rapprocher du bon personnage.

 

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Admirez Maru qui essaye ostensiblement d'être moe pour conquérir le lecteur !

 

Et c’est là qu’on approche du cœur du problème. Le jeu possède des prémices intéressantes et pleines de promesse mais l’écriture est terriblement précipitée. En témoigne le tout début, où le lecteur est censé découvrir les différents personnages, notamment Biyu, son grand-père et Liufan. Or il n’est ici même pas question de les présenter dans leur vie de tous les jours puisqu’au bout de quelques secondes,  Liufan a déjà perdu la mémoire, ce qui fait qu’il est extrêmement difficile de ressentir quoique ce soit pour lui dans sa route : on ne sait même pas quelle personnalité il avait avant de devenir une page blanche. D’ailleurs, il n’est même pas le seul amnésique puisqu’aussitôt après est introduit Maru, un inconnu au physique de shota tout mignon, sauf que lui est intéressant en comparaison. Ne reste à Liufan que de vagues caractéristiques (il est gentil et aime faire la cuisine) et des réflexions sur la religion qui tombent court dans sa propre fin (de loin la moins heureuse des trois malgré l’exploit qu’il accompli). On aurait aimé voir davantage les conséquences de ses actions…et aussi que tout son caractère ne paraisse pas aussi forcé (le fait qu’il ait une pile de papiers dans sa chambre pour lui dire ce qu’il doit faire se montre moins confortable).

 

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Les écharpes divines ont un drôle de design...


Les deux autres routes (celles de Maru et Senrei) sont sympathiques, une fois qu’on a à peu près saisi ce qui se passait mais là encore l’écriture est tellement précipitée qu’il est difficile de comprendre réellement ce qui se passe. Pour ma part j’ai eu l’impression que des faits se contredisaient tellement ils étaient jetés à l’arrache, le développement est bien trop rapide pour qu’on se sente émotionnellement impliqué ou seulement qu’on apprécie l’intrigue. Très honnêtement, j’ai mis du temps à me rendre compte que le skip continuait dans les scènes que je n’avais pas lu tellement je ne sentais pas la différence : dans les deux cas j’avais du mal à saisir le teneur des évènements. Encore maintenant j’ai l’impression d’avoir loupé l’introduction, cachée quelque part. La conséquence logique de la narration hâtive c’est que je ne me suis attachée à aucun personnage et que je suis restée indifférente aussi bien face au grand-père (décrit comme drôle mais je n’ai jamais ressenti la moindre de ses phrases comme telle), face à l’héroïne (décrite comme forte mais là encore je n’ai rien ressenti à son égard), que face au passé de Maru et Senrei.

 

En conclusion, j’ai été honnêtement déçue par Day of the Divine, probablement parce que je m’attendais à quelque chose de beaucoup plus épique du fait non seulement de mon expérience avec Nanolife mais aussi des critiques trop positives. Le jeu n’est pas mauvais pour autant, bien au contraire, juste incroyablement précipité, presque inachevé d'une certaine manière. Et je saurais désormais que lire les avis des autres au préalable est une très mauvaise idée car cela fausse totalement ses propres attentes, mea culpa.

 


 

Chronicles of Mars

Jake

Durée : ???

 

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Roberts est un jeune homme qui travaille au service sécurité de la Candor Mining Union, une grosse entreprise installée sur Mars. Les chosent se gâtent lorsque le PDG est assassiné au moment où il s’apprêtait à voter une réforme sociale. Les travailleurs décident de se mettre en grève et les manifestations tournent à l’émeute. Bientôt les évènements deviennent hors de contrôle…

 

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Ouais, tirons sur les grévistes avec une grosse armure, c'est totalement légal et légitime !

 

Chronicle of Mars est une démonstration des capacités du RPG Battle Engine codé pour RenPy et propose donc énormément de gameplay par rapport aux autres projets. Il s’agira de déplacer Roberts et ses coéquipiers sur une carte pour tirer sur les manifestants selon le schéma classique au tour par tour des jeux de rôle tactiques. Apparemment rien de compliqué, néanmoins le Battle Engine est gourmand en ressources et fera cauchemarder les PCs les moins performants. Il y a tout de même quelques soucis : le système d’achat de pièces pour vos unités est brouillon et ne permet guère de s’y repérer clairement et l’absence de liste des tours rend la compréhension du mouvement des unités assez bancale (je ne sais jamais qui va attaquer le coup suivant). En dehors de ces considérations, le jeu est plus que correct d’un point de vue graphique. Je ne suis pas experte en modélisation donc je n’ai pas d’avis particulier sur les unités, cependant j’ai bien aimé le style des portraits et l’interface se montre sobre mais fonctionnelle. Les musiques utilisées sont par contre vite répétitives, ce qui est un comble quand on sait que les batailles durent assez longtemps du fait des animations.

 

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Pourquoi est-ce que la caméra tourne autant dans cette scène ? On se croirait dans le Manège Enchanté...

 

Ce qui m’a le plus embêté c’est que l’intrigue, sérieuse et basée sur des choix éthiques a l’air intéressante, la base de données martiennes est pas mal…mais je n’ai pas pu aller au bout de cette démo. J’avais beau essayer, je me faisais ratatiner par les troupes du gouvernement au moment de reprendre la ville. Aussi je suis incapable de dire ce qui se passe au-delà, probablement parce que les dits choix éthiques ne sont pas présentés clairement : le jeu vous dit que vous pouvez fuir la bataille mais il n'est pas précisé comment et cela semble impliquer de bouger chaque unité vers un point particulier en patientant sagement, ce qui rajoute à la pesanteur initiale des combats...dommage.

 


 

Poyo Yo! Demon Preview

gem2nikki

Durée : 5-10 minutes

 

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Bonjour personnage visiblement important qu'on ne voit que quelques secondes.


Yuu a la capacité de voir les démons depuis son enfance et tente de s’éloigner de cet univers déplaisant par tous les moyens. Elle postule pour un job administratif chez une entreprise d’énergie renouvelable en pensant trouver une vie confortable mais son passé la poursuit et les démons ne sont jamais bien loin…

 

Poyo Yo ! Demon possède une durée extrêmement courte, et pour cause, le jeu n’est qu’un aperçu assez primaire de l’histoire. Les graphismes tout comme le script sont inachevés, le créateur n’ayant pas eu le temps souhaité pour progresser. L’intrigue part sur une base intéressante mais progresse trop peu, ce qui laisse quantité de questions : Qui est Yuu ? Pourquoi cache-t-elle son genre ? Que cache cette entreprise mystérieuse ? Qui sont vraiment ses coéquipiers ? Difficile d’extrapoler quand on possède aussi peu de matière.

 

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Joli effet de flammes sur les moulins.

 

En revanche, même à l’état de croquis, les images sont superbes : la preview contient un paquet de CGs et décors comme personnages possèdent une patte très plaisante. C’est d’autant plus rageant parce qu’imaginer un jeu complet par le même graphiste et un scénario plus élaboré vend vraiment du rêve.

 

Pas grand-chose à ajouter sur la musique : les pistes, libres de droit, sont bien choisies et pas prises de tête, ce qui est un bon point. L’interface est toujours celle de RenPy par défaut mais le léger cliquetis sonore ajouté est assez sympa. Difficile de juger de quoi que ce soit sur ces bases, le lecteur restera donc sur sa faim.

 


 

The Insidious Manipulation of Mr. Jones

Carassaurat

Durée : 15 minutes

 

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Parce que tu es capable de payer toute seule ?


Vous êtes Jones, héros et séducteur de ces dames, dernier recours dans les situations désespérées. Et justement, le pays fait appel à vous pour une mission des plus délicates : une gynoïde ultra-perfectionnée vagabonde dans la nature, ses intentions n’étant pas définies, on peut s’attendre au pire. Pour être sûr que la demoiselle ne fera aucun mal, c’est votre rôle de la séduire pour briser ses défenses et la désactiver. Vous devez garder à l’esprit que ce n’est qu’un robot, elle ne peut pas avoir de sentiments…

 

The Insidious Manipulation of Mr.Jones est une drôle d’expérience qui mérite quelques réflexions. Tout d’abord, il est à noter que la présentation, assez minimaliste, est de bonne facture et soutient bien l’ambiance classe du jeu. L’interface en particulier se révèle très originale avec son défilement de messages absurdes et ses changements de couleur. Dommage qu’il n’y ait pas de musique, même libre de droit, pour accompagner le tout, ça n’aurait qu’augmenté le cachet de l’ensemble.

 

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C'est pas un cheval blanc, mônsieur, c'est une licorne, un peu de respect !


Là où le jeu devient plus ambigu c’est dans son scénario alambiqué et non dépourvu de surprises. L’intrigue commence un peu comme une fable masculiniste digne des James Bond avec un protagoniste dont les adjuvants louent la testostérone. Le chef et le psy, vos deux compagnons, n’ont de cesse de vous couvrir de compliments et d’offrir des commentaires sur la situation : l’un vous donnera un aperçu stratégique de la séduction tandis que l’autre vous rappelle comment vous devez vous sentir. Les différentes options pour faire craquer Eve, la gynoïde en cavale, ne manquent pas mais sont vite catégorisables en deux camps : d’un côté les répliques rigolotes et absurdes qui mènent automatiquement à des bad end et de l’autre les répliques sérieuses qui feront avancer l’intrigue. Les blagounettes arrachent un sourire au début avant de se fondre dans le paysage, laissant surtout la part belle à la relation avec Eve, très stéréotypée et codifiée. Cependant, on se surprend à s’attacher à elle malgré tout, ce qui rend d’autant plus problématique le twist final.

 

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Les choix lolilol/gros-pervers-psychopathe.


\!/ Spoilers \!/

En effet, The Insidious Manipulation of Mr.Jones vise à déconstruire l’interactivité dans les jeux-vidéo à l’instar d’un Stanley Parable, mais contrairement à ce dernier, il manque clairement d’âme. L’argument principal est double : d’une part l’absence d’interactivité serait préférable à l’interactivité en ce que cette dernière propose des options trop restreintes qui brident la créativité du lecteur, ce qui revient à de la manipulation, et d’autre part les dating sim ne sont que le reflet de cette manipulation.

 

Sauf que, comme l’avait mentionné Obscura sur le topic Lemmasoft, la manipulation décrite est inhérente à tout média, quel qu’il soit. Un livre manipule aussi bien le lecteur pour lui faire sentir et voir certaines choses que le fait une piste de musique ou un film, il est juste moins explicite qu’un média comme le jeu-vidéo. L’art permet d’échapper à la réalité par une manipulation consentie et il tout à fait permis de jouer là-dessus en tant qu’écrivain pour bien montrer que ce n’est qu’un contrat. C’est d’ailleurs un peu ce que j’avais voulu faire avec Ambre en mentant clairement au lecteur pour le balader dans le sens que je voulais et ce à quoi un joueur avait répliqué que c’était de la triche de faire ça dans un VN. Un débat sur lequel je ne m’attarderai pas mais qui me semble pertinent : Quelles sont les règles du média ? Et si elles sont exposées de manière explicite, peut-on, doit-on, les transgresser ? Je suis du genre à croire que les règles littéraires sont faites pour être transgressées pour mener le texte au bout de ses limites mais c’est un exercice qui demande énormément de talent (que je ne prétend pas avoir) et donc peu recommandé (et puis il faut qu’il y ait de la pertinence dans la transgression).

 

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LA phrase qui aurait dû amener une réflexion approfondie sur les composantes d'un dating sim.


En outre la déconstruction des dating sim est maladroite parce qu’elle méconnait le genre et ses composantes. L’auteur dit clairement : « It's not a game about the plot, or Jones, or robots, or sexism, but (to me at least) about how much I get creeped out by dating games. » Sauf que, ce qui rend le principe des dating sim aussi artificiel, ce qui a de quoi en perturber plus d’un, c’est justement qu’ils sont souvent basés sur un profond sexisme. Les injonctions que les personnages secondaires font à Jones de comment il doit inviter Eve dans un restaurant côté pour lui montrer qu’il la respecte, censé parodier le genre, les répliques pseudo-macho par rapport aux répliques creuses typé « mec gentil », la logique que déploie la demoiselle pour expliquer qu’elle est un peu superficielle quand-même et que le héros la mérite et mérite sa scène de sexe (digne d’un porno) parce qu’il est arrivé à se comporter comme un être humain correct, tout ceci n’a pas lieu que dans les dating sim, c’est un problème réel ! Ce que combat le féminisme en général. Les jeux-vidéo ne font que refléter notre culture avec ce qu’elle a de problématique.

\!/ Fin Spoilers \!/

 

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Apprécier les divertissements populaires ? Pouah, quelle horreur ! Hors de ma vue, plèbe !


Plus généralement The Insidious Manipulation of Mr.Jones laisse une impression un peu élitiste. Par exemple, on constate de nombreuses occurrences littéraires qui laissent entendre que le créateur partage sa connaissance avec le lecteur, or ce n’est pas vraiment le cas. Ainsi la citation d’ouverture du jeu, issue de Kafka, est laissée en allemand et passe tellement vite qu’on n’a pas le temps de la déchiffrer si on ne parle pas la langue couramment (n’ayant pas pu pratiquer depuis longtemps, j’ai à peine pu décoder). Plus loin, Eve se plaindra du comportement de ses collègues de travail en arguant qu’ils sont à fond dans le divertissement de masse alors qu’elle préfère l’ART avec un grand A. Et à un autre moment elle commentera le restaurant choisi par Jones en admirant le fait que c’est autre chose que le bar de plébéiens où ils s’étaient rencontrés. Ce n’était sans doute pas l’intention de l’auteur mais la sensation demeure...

 

Au final, The Insidious Manipulation of Mr.Jones est un visual novel difficile à catégoriser qui a au moins le mérite d’essayer quelque chose d’inhabituel dans le paysage mais dont les arguments tombent un peu à l’eau et ne mènent nulle part.

 


 

Witch/Knight

Cyanide Orphans

Durée : environ 1h30 pour débloquer toutes les fins

 

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Bethlyn est une jeune femme brave et courageuse. Chevalier de son état, elle est partie dans une longue quête pour ramener à la vie sa petite amie, décédée dans de tragiques circonstances. Mais alors qu’elle approche du temple d’Huoji, la déesse de la résurrection, les choses se compliquent. A l’issue des 7 épreuves qui lui sont proposées elle devra se demander qui elle est et ce qu’elle désire réellement.

 

La première chose qui frappe dans Witch/Knight c’est sa présentation somptueuse. Auro-Cyanique, plus connue comme faisant partie du duo Cyanide Tea, s’est surpassée dans un laps de temps court. Le jeu dispose de décors qui attirent l’œil, d’une interface sobre et épurée ainsi que d’un beau nombre de CGs pour un projet Nanoreno. Le choix des musiques, libres de droit, est de très bon goût et colle bien à l’histoire (c’est original de mettre une chanson dans le menu principal d’ailleurs). Du reste on reconnait aisément le style de la dessinatrice. Ce qui diffère de d’habitude c’est que ce n’est plus Camille à la barre mais Mink, de Metal Orphans, d’où le nom.

 

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Gné ? Il me propose de faire quoi avec mes sous-vêtements ?


Le déroulement du visual novel est assez simple, une fois que Bethlyn rencontre Xiaoniao, ancien apprenti de la déesse, celui-ci va l’accompagner dans sa quête et on aura le droit à une succession entre les épreuves et les flashbacks (bien foutus visuellement) nous expliquant ce qui est véritablement arrivé à Elisa, la défunte petite amie. Les épreuves elles-mêmes oscillent entre moments de tension et moments comiques tant certaines sont absurdes. L’humour est au rendez-vous avec l’usage intensif d’une ironie assez mordante, ce qui est plutôt chouette mais se révèle trop commun parmi les personnages pour qu’on puisse leur distinguer une personnalité véritable. Pour réussir les épreuves, il faudra répondre correctement aux questions posées par les gardiens, ce qui n’est pas trop compliqué, fort heureusement. Là où Witch/Knight pèche un peu c’est que tous les personnages secondaires ont des noms à consonance chinoise et se vannent dessus sans expliquer au lecteur ce que cela signifie, ce qui est un peu bête.

 

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Hum, ça a l'air douloureux...


En outre les éléments qui sont au centre de l’intrigue ne font guère sens, la chaîne d’évènements expliquant la mort d’Elisa remonte à une imprudence assez inexplicable. La sorcière a agit de manière complètement frivole et inconsciente, ce qui ne cadre du coup pas très bien avec la personnalité qu’elle arbore lorsqu’on a prit connaissance du twist. Et l’attachement subit de Bethlyn (qui est plutôt classe rien qu’avec son design) pour Xiaoniao sort un peu de nulle part. Difficile de comprendre pourquoi il désire autant l’aider alors que rien ne l’y pousse, on sent que les protagonistes manquent de caractérisation psychologique pour être crédibles. Quant à la partie la plus dramatique, dévoilée après le twist, j’avoue l’avoir bien aimée. Certes, l’histoire est un peu trop légère pour en être bouleversée mais le passage du transfert était extrêmement bien mis en scène et possédait un réel poids émotionnel.

 

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C'est vrai que ça pourrait provoquer une épidémie de zombies en y repensant bien.


Les quatre fins sont basées sur un système de choix faits bien en amont dans le jeu et dépendant de l’attention que Bethlyn a accordé à Xiaoniao : si elle a été parfaitement gentille avec lui, globalement très gentille mais pas parfaitement, un peu gentille et un peu apathique et enfin si elle l’a envoyé bouler à chaque fois. Selon les réponses, le dilemme final sera résolu de manière différente.  Ce qui est intéressant c’est qu’aucune des fins n’est entièrement bonne ou mauvaise. En revanche, bien que le joueur soit récompensé par une CG à chaque fois, l’histoire s’arrête un peu brutalement, ne laissant guère imaginer ce qui advient des personnages, ce qui est dommage. Et le menu « Extra » ne se débloque jamais, quel gâchis…

 

En conclusion, Witch/Knight est un sympathique divertissement qui comblera peut-être les plus curieux d’entre vous.

 


 

Normalement je devrais m'arrêter là pour cette suite de critique mais j'ai quelques jeux absurdes sous la main et l'occasion est trop belle... La suite au prochain épisode ?

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11 novembre 2013 1 11 /11 /novembre /2013 22:00

Visual Novel

 

L’année dernière je m’étais lancée dans la critique d’une poignée de jeux Nanoreno en sélectionnant ceux qui me semblaient les plus intéressants. Mon argument était de démontrer qu’il y avait une nette croissance des projets et que ceux-ci se faisaient plus aboutis d’année en année. Je n’en avais alors testé qu’une demi-dizaine et avait prévu de reproduire l’expérience cette année. Sauf que le nombre de jeux sympas a quasiment doublé (et ils sont globalement plus longs aussi !) et que, ayant moi-même participé au Nanoreno, je me suis retrouvée avec un manque de temps libre et de motivation flagrant. J’ai donc laissé filer le temps. Or, si je veux continuer mon entreprise de recensement des meilleurs visual novel anglophones (voir mon best of 2012), il faut bien que j’attaque un peu tous ces jeux laissés intouchés sur mon ordinateur. Voilà donc l’occasion de s’y mettre !

 


 

My Teacher

Seraphim Entertainment

Durée : entre 1h et 1h30

 

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Si Gendo Ikari vous demande, c'est du sérieux...

 

On commence avec ce qui promet d’être le jeu le plus ridicule du lot. Vous êtes la meilleure baby-sitter et institutrice du monde, les gens se jettent à vos pieds pour demander des conseils, les pires délinquants filent doux grâce à votre sens de la pédagogie, bref, vous êtes Super Nanny (en plus jeune). Votre vie bascule lorsque le PDG d’une grosse entreprise japonaise vous demande pour une mission particulièrement épineuse : rendre l’un de ses quatre fils digne de prendre sa succession en quelques jours. C’est sur vos épaules que repose leur destin.

 

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Cette anatomie qui part en sucette...

 

Les premières minutes de My Teacher regorgent d’éléments improbables : votre héroïne n’a que 21 ans et elle est décrite comme ayant l’expérience d’une vétérante, ce qui pose la question de quand et comment elle a pu s’entraîner, l’éducation des enfants n’ayant rien d’un apprentissage théorique. Le comble c’est qu’elle a une réputation suffisante pour se retrouver propulsée « conseillère d’une multinationale », une tâche que l’on confierait plutôt à un expert qu’à une jeune institutrice mais bon… L’hilarité redouble quand on apprendre que le dressage de bishounens se fait dans le strict délai de 3 jours et que le patron a trouvé utile de vous loger à l’hôtel pour accroître vos chances de succès. Parti sur une base pareille, il est difficile de discerner si le jeu fait exprès d’être stupide ou non…

 

La narration est ainsi un curieux mélange entre le point de vue de l’héroïne et les commentaires décalés d’un narrateur qui adopte un ton incroyablement proche d’un présentateur télé avec le contenu digne des saillies d’une Valérie Damidot. En témoigne ce magnifique screenshot…

 

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BEST REPLIQUE EVER

 

Les aventures de Super Nanny sont hilarantes à leur manière jusqu’à la fin de la première route. En effet, une fois un 2e jeune homme sélectionné, on se rend vite compte que les routes sont copiées-collées les unes sur les autres. Mis à part de légères variantes servant à définir la personnalité de l’éphèbe choisi, tout est strictement identique. L’impossibilité de passer les scènes rend la lecture de l’intégralité du jeu assez laborieux. Si j’ai été amusée au premier abord, vers la fin j’étais soulagée d’en finir. Certes, il est difficile de demander une longue histoire de la part d’un projet Nanoreno mais tout de même !

 

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Toute histoire d'amour qui se respecte peut-elle exister sans une bonne vieille scène de douche, hun ?

 

Les personnages sont tout ce qu’il y a de plus générique sans se montrer particulièrement attachants ni même intéressants. S’il y avait intention de parodie, inutile de dire qu’on est très loin du résultat de Ristorante Amore, sorti l’année dernière, qui arrivait à avoir un prologue plus que décent. Kyosouke est un flirteur fou incapable de se concentrer sur son travail, Shinji est tellement naïf que tous ses collègues l’utilisent comme paillasson, Takumi insulte tout le monde et Raizen est trop timide pour parler. Ce qui paraît être un comportement problématique se règle en fait très simplement en quelques tours de passe-passe : Madame Prof constate le problème, intervient pour montrer à son élève comment gérer la situation, puis le laisse prendre les choses en main. Le tout entrecoupé de scènes totalement nécessaires, comme être surprise dans sa douche, et de discussions autour du passé tragique de chaque éphèbe (spoil : ça a toujours un rapport avec leur mère, soit morte, soit absente).

 

L'opening...ça partait d'une bonne volonté...
 

Inutile de préciser que la happy end qui en découle est tout sauf inspirée : tu as passé 3 jours avec le gars, il s’est rien passé de palpitant, mais pour une raison obscure il t’embrasse et te jure fidélité à vie. Pourquoi pas…

 

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L'exclusivité, je veux bien, par contre, j'aime pas trop quand on essaye de me violer.

 

La présentation est assez inégale : les sprites sont pas mal, certaines images évènementielles aussi mais une partie semble un peu en dessous qualitativement et il y a globalement quelques soucis d’anatomie. En soi pas dramatique si les décors n’étaient pas aussi monstrueux (la chambre d’hôtel, ouch) et l’interface aussi moche. Et la même piste de musique est répétée quasiment ad nauseam, ce qui est un peu dommage.

 

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Le placeholder à gauche ne serait-il pas tiré d'un Phoenix Wright, par hasard ?

 

My Teacher aurait pu être une bonne idée mais passe de (involontairement?) drôle à ennuyeux. A noter qu’un Indiegogo a été lancée en parallèle du Nanoreno et n’a pas abouti. Depuis on n’a plus jamais entendu parler du jeu…peut-être est-ce mieux ainsi X).

 


 

Left of Center

Twin Turtle Games

Durée : environ 2h pour tout compléter

 

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Garett est un jeune lycéen introverti et cynique qui souffre de migraines récurrentes lorsqu’il est dans un environnement trop bruyant. Pour remédier à ce problème, il s’inscrit dans un établissement privé prestigieux grâce auquel il espère entrer facilement à l’université. Suite à une erreur son transfert prend un tour inattendu puisqu’il se retrouve à Outré, une école remplie de barjos en tous genres. Pas vraiment le genre d’endroit recommandé pour éviter ses migraines et pourtant… Garett va-t-il retrouver le climat propice qu’il attendait ? Ou restera-t-il à Outré pour le meilleur et pour le pire ? C’est à vous de le décider.

 

Left of Center possède une présentation inhabituelle puisque, contrairement à la majorité des visual novel, il arbore des graphismes très cartoonesques. Les personnages ont des poses absurdes qui leur donnent une patte pas désagréable et l’interface, customisée en ce sens, est particulièrement créative (mention spéciale au menu principal). L’idée de proposer différentes pistes de musique (libres de droit mais toutes agréables à l’oreille, ce qui est un plus) à travers une option « écouteurs » selon les scènes est également plutôt intéressante.

 

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Notez l'allure improbable de Rita

 

Néanmoins, on note que l’utilisation de décors préfabriqués déséquilibre un peu l’ambiance voulue vu qu’ils ne proviennent pas tous de la même source (une partie est issue des dernières créations de Mugenjohncel et paraît bien plus polie que l’autre partie qui date un peu). D’autant plus que le jeu souffre de bugs parfois bien étranges : si l’on peut aisément pardonner les sprites qui ne s’affichent pas et les erreurs RenPy, difficile de comprendre pourquoi la fonction de sauvegarde est inaccessible tant que l’on n’a pas fini le jeu une première fois ou pourquoi naviguer dans les menus est comparable à un labyrinthe de téléporteurs. Ainsi cliquer sur les crédits emmène directement au début du jeu au bout de quelques secondes, appuyer sur retour au milieu d’une scène fait revenir au menu principal tout en laissant la musique tourner…puis renvoie au jeu en passant par Load et les options. Un vrai casse-tête. De même, je trouve dommage qu’il y ait régulièrement des silences alors que la musique choisie est très bien et que l'animation des sprites soit aussi lente. 

 

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Je...


Pour ce qui est de l’histoire, Left of Center ne m’a malheureusement guère impressionnée. Le récit des déboires de Garett au pays des tarés donne un peu une impression de forcé : les gags ne sont pas spécialement drôles et le cadre temporel est trop court pour rendre l’attachement aux personnages crédible. L’intrigue elle-même n’est qu’une alternance de passages « comiques » entre la salle de classe et les nouveaux copains du héros, jusqu’au moment fatidique où celui-ci doit choisir dans quelle école il est le mieux. Un choix finalement très rhétorique puisque durant l’aventure les protagonistes n’auront de cesse de louer la liberté que leur accorde Outré par rapport à la prison qu’est l’établissement rival où les élèves bossent comme des dingues et sont malheureux. Quelle que soit la décision, la conclusion sera de toute façon très courte, ne permettant donc pas vraiment de visualiser le changement crée par cette folle semaine.

 

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Awkward...

 

Le jeu contient cependant pléthore de choix, tous très explicites, qui permettent à Garett de se rapprocher d’un des trois élèves qui orbitent autour de lui. Se faisant, il découvrira un peu de leur histoire personnelle (avec une CG différente à la clé) : Santa, le clown de la classe, qui envoie des vibes homoérotiques assez affolantes, Pollyanna, la Mary Sue activiste du coin et Lovely Rita, la batteuse excentrique du groupe local. J’avoue avoir eu du mal à m’attacher aux deux premiers, clairement trop over-the-top pour que les passages dramatiques soient pris au sérieux. Ainsi, alors que le trouble de Santa aurait pu être réellement intéressant à traiter, il n’est mentionné qu’entre deux gags et le personnage reprend tout son comique la minute qui suit. Idem pour Pollyanna qui possède en plus un côté assez ridicule (tout est dans son surnom, en même temps) : elle se promène avec des pancartes pour militer et prône la non-violence avec acharnement dans des situations peu adéquates. Rita étant finalement plus réservé, ses conseils paraissaient plus vrais et avaient d’autant plus d’impact qu’ils étaient liés à l’intrigue : ayant souffert des attentes qui lui étaient imposées, elle sait ce que ça fait de travailler à s’en rendre malade et son intervention sur la vie étudiante fait écho au dilemme de Garett. Pourtant les différents choix n’auront pas de conséquence sur la fin alors même que la tension amoureuse se fait clairement sentir à plusieurs reprises. Twinturtle Games a promis de produire une version améliorée avec un petit épilogue pour chaque personnage mais le projet semble toujours au point mort.

 

Left of Center n’est pas un mauvais visual novel mais il manque de substance, ce qui rend la lecture assez anecdotique. L’équipe étant encore relativement jeune, il faut espérer qu’ils s’amélioreront par la suite.

 


 

A Troll’s Fairytale

S-Morishita's Studio

Durée : environ 2h

 

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Un troll peut-il trouver l’amour ? C’est la question que se pose Acacia, demoiselle troll approchant dangereusement des 25ans, au grand désespoir de sa mère qui n’a qu’une hâte : que sa progéniture trouve enfin un partenaire. Oui, mais voilà, Acacia ne met vraiment pas du sien : elle est violente, brute de pomme et particulièrement asociale. Trouvera-t-elle sa happy end malgré tout ?

 

En 2012, Morishita, qui travaille seule, nous avait déjà gratifié de la démo de Curse of the Caribbean, plutôt sympathique mais reste encore inachevée, forte de son expérience, elle remet le couvert avec la ferme intention de présenter un projet terminé pour le Nanoreno. Et le résultat est plus qu’intéressant.

 

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Dites bonjour au Prince Douchebag. Oh, et c'est une Licorne. Pour de vrai.

 

D’un point de vue technique A Troll’s Fairytale a été un tantinet limité par les restrictions : les décors sont peu nombreux, certains semblent être des placeholder, les sprites n’ont pas beaucoup d’expressions et il y a encore pas mal de fautes d’orthographe qui traînent dans le texte. Ces légers inconvénients mis à part, le style de l’artiste est toujours aussi joli. Surtout les CGs qui ont un côté un peu féérique et l’héroïne y est davantage détaillée que sur son portrait (un poil brouillon). Bon point pour l'interface customisée.

 

Le premier atout de A Troll’s Fairytale c’est d’ailleurs bien Acacia, la jeune femme trolle à la crinière rebelle et aux manières excentriques. Dotée d’un caractère bien trempé, elle menace quiconque l’emmerde de lui casser un petit bout de quelque chose et une des premières scènes la montre même donner un coup de poing bien senti au prince qui a eu l’audace de se montrer arrogant. Difficile de ne pas tomber sous le charme de sa personnalité : ses frasques trollesques sont comiques, on admire sa capacité à ignorer royalement les imbéciles qui lui mènent la vie dure, son acharnement au travail, et en même temps sa grande naïveté et sa sensibilité. L’introduction pose l’ambiance quant au thème-clef du jeu : la conciliation entre cette identité dont elle est fière et le poids des obligations sociales qui pèsent sur sa famille. Le jeu se déroule ainsi lors de festivités trolles qui durent plusieurs jours et à l’issue desquelles elle est censé se trouver un compagnon. Mais voilà, Acacia n’aime pas flirter et elle ne veut pas de n’importe quel troll, elle attend un « prince charmant » qui l’accepte telle qu’elle est, ce qui va crée un conflit récurrent avec sa mère qui tient absolument à la caser.

 

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L'héroïne vient littéralement de bouffer la photo d'un des prétendants. J'adore cette fille <3

 

La mère et la sœur d’Acacia possèdent à cet égard des rôles importants, car loin d’être secondaires, elles tissent une relation complexe avec l’héroïne. Ainsi Alaqua n’est pas juste l’écervelée candide qu’elle paraît au tout début, elle possède un caractère très différent tout en démontrant à de nombreuses reprises son affection et son soutien à sa sœur, même lorsqu’elle ne la comprend pas. Maman Troll, pour sa part, est très ambivalente : bien qu’elle ait des répliques humoristiques, on la voit surtout comme un personnage respectée par l’héroïne et grandement influencée par les normes sociales au point de pourrir la vie de cette dernière. Elle apparaît aussi bien comme froidement matérialiste à un instant (quand elle explique n’en avoir qu’après l’argent), que comme une femme blessée à un autre (lorsqu’on découvre le passé de la famille). Et c’est finalement un soulagement que de constater que malgré son aveuglement, le personnage de la mère brille par son amour inconditionnel et qu’elle changera d’avis. Tout le long du jeu, elle n’aura de cesse de pousser l’héroïne à se corriger parce qu’elle veut son bonheur mais lorsqu’Acacia est réellement critiquée devant elle, sa priorité est de défendre sa fille et plus du tout la réputation entachée de la famille troll.

 

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Remarquez que sur les CGs l'héroïne est quand-même super belle alors que le texte la décrit comme effrayante 0o.

 

C’est ce conflit qui rend A Troll’s Fairytale réellement passionnant. La romance ne se déroule que sur ces quelques jours, la faute au contexte, cependant la caractérisation psychologique reste suffisamment forte pour que l’intrigue ait un poids émotionnel, ce qui est assez rare pour un projet Nanoreno. En quelques heures, la créatrice arrive à rendre quasiment tous les personnages importants complexes et attachants. Néanmoins la différence de qualité entre les deux routes disponibles se fait clairement sentir…  

 

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En effet, dès l’introduction, l’ambiance est posée et il s’agit, à travers une poignée de choix de se rapprocher d’un des deux éphèbes proposés : Damine, le prince licorne, et Edavine, le voyou fée. Cependant les conséquences du choix le plus important (le premier) sont assez obscures : pour une raison étrange, s’attacher les cheveux ou non modifiera totalement la scène qui suivra. Maladresse supplémentaire, si l’on décide de rester seule, des personnages introduits dans des scènes que vous n’avez pas pu lire apparaissent et se comportent comme s’ils vous connaissaient. Concernant les routes elles-mêmes, on passe d’une histoire sympathique mais extrêmement classique à une histoire bien plus approfondie, qui possède une multitude de facettes et un dénouement bien plus impactant, ce qui pose la question de l’utilité du choix : est-ce qu’un kinetic novel n’aurait pas donné plus de puissance à la narration ? De même, quelle est l’utilité de la bad end qui coupe finalement le texte de manière brutale alors qu’il y avait clairement matière à écrire une mauvaise fin (notamment à travers le personnage d’Aeron) ?

 

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Ce moment malaise à base de tentative de viol...Je...pourquoi ?

 

Je passerai finalement très vite sur la route de Damine qui m’a paru la plus faible du lot : on se retrouve avec le bisho classique, riche, arrogant, beau gosse et tombeur de ses dames, qui va apprendre à aller au-delà des apparences et à découvrir. Ce postulat prévisible est finalement peu exploré et sa relation avec Acacia m’a paru assez superficielle et forcé. L’héroïne elle-même y était étrangement « out of character » : dès leur rencontre, où il agit comme un saligaud, elle est physiquement attirée par Damine alors qu’elle ne l’aime pas et elle semble par la suite très au fait de son petit jeu alors que dans l’autre route elle est décrite comme ne comprenant rien aux rudiments de la séduction. En outre, Aeron, personnage normalement pivot, y joue un rôle minuscule et il n’y a pas dé véritable conflit, c’est de la romance pure et dure.

 

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La séduction expliquée par un troll.

 

En revanche la route d’Edavine m’a paru géniale sur tous les plans. L’éphèbe cesse très vite d’être lourd et semble sincèrement s’intéresser à Acacia, aussi leur rapprochement progressif semble plus naturel, surtout qu’ils ont un point commun, aka leurs difficultés familiales, et qu’Edavine met un point d’honneur à rappeler à l’héroïne qu’elle est très bien comme ça et que sa bizarrerie lui plait (là où Damine la faisait davantage passer pour une tsundere). Ajoutez cela une imbrication de conflits entre le passé de la famille d’Acacia (qui a un rapport avec les fées, ce qui fait que le jeune homme n’est pas vraiment la bienvenue dans sa maison), le comportement d’Aeron et l’injonction à la féminité qui devient écrasante, c’est tout de suite plus intéressant.

 

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La blague sur les règles est priceless.

 

Parlons d’Aeron, tiens, puisqu’il est l’élément perturbateur de la route : c’est un gentil troll tout timide qui remarque Acacia lors des fêtes et l’approche pour discuter. Il semble alors être le seul à vraiment lui trouver un bon fond parmi les membres du clan, or sa rivalité avec Edavine va vite faire apparaître des éléments problématiques : Aeron est un bon parti mais il veut persuader la jeune fille de modifier son comportement pour être davantage acceptée par ses pairs. Je n’en dirais pas plus sur lui pour ne pas spoiler mais disons que le jeu se moque du concept de friendzone en pointant ce que cache vraiment ses agissements.

 

En résumé, A Troll’s Fairytale raconte l’histoire d’une fille bourrue et intègre qui se fiche des normes et demande à ce qu’on l’accepte telle qu’elle est. Inutile de dire que ça tire une corde sensible chez moi et que j’ai beaucoup apprécié la lecture de cette oeuvre. Certes, il y a quelques défauts (dont le fait que la happy end passe forcément par le mariage) mais j’ai passé un bon moment à vivre les aventures de l’héroïnes.

 


 

Zayay

SHINE

Durée : 10-15min par partie

 

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Zayay plonge un héros non-identifié amnésique dans un monde fantastique où un démon-lapin se propose de vous faire visiter la région. Et c’est à peu près tout. Vraiment.

 

La présentation du jeu est globalement de bonne facture : les décors sont composés de formes géométriques simples mais qui ont un côté enfantin assez plaisant, les sprites et les différentes illustrations sont chouettes et l’animation omniprésente, que ce soit sur les yeux des personnages ou sur les décors, se pose comme une touche bienvenue. Certes, le démon-lapin a une tronche un peu bizarre et rend mieux en chibi s’il s’agit d’avoir l’air mignon. La musique, libre de droit, est appropriée, juste un poil répétitive par moments.

 

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La particularité de Zayay est que le jeu repose sur un système aléatoire : à chaque partie on obtient des réponses différentes de la part de Zayo, le démon-lapin. On peut même tomber sur des prologues secrets. L’interactivité est aussi au rendez-vous avec une foultitude de choix pour répondre à son interlocuteur. Il s’agit alors d’obtenir les cinq fins différentes pour débloquer un extra, qui est très sincèrement la partie la plus intéressante de l’intrigue.

 

Le revers de la médaille est que tous ces choix sont au fond assez inutiles (sauf le dernier) et qu’il est difficile d’estimer comment débloquer les fins sans aucun indice, le paramètre pour conquérir le cœur du héros étant implicite et un peu fumeux. Pour ceux que ça intéresserait, il faut : confesser son amour, être désagréable avec lui et s’en aller, être désagréable avec lui et rester, être le plus naïf possible et s’en aller, être le plus naïf possible et rester.

 

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Des ailes d'ange ? Et ça a un goût de quoi ce truc-là, de Caprice des Dieux ?

 

Passer du temps avec Zayo est une expérience étrange : d’un côté le bougre peut avoir de la répartie, de l’autre il semble un peu sociopathe sur les bords, à vous entraîner dans un cimetière (il vous propose de dormir dans un cercueil), à parler de mort un peu trop souvent et à vous fixer lourdement (quand il ne vous emmène pas manger dans un restaurant ayant du serpent au menu). Je ne parle même pas des différentes fins mais attendez-vous à ce qu’il y ait anguille sous roche. Et pour comprendre ce qu’il se passe, il faut attendre de débloquer l’extra. Je passerais bien sous silence le passage « crossdressing gratuit » sur lequel j’ai failli ne jamais tomber ou le passage « ouvertement bisexuel » mais ils arrivent un peu trop comme un cheveu sur la soupe, en fait…

 

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Qui ça, moi ?

 

Non, ce qui coince vraiment avec Zayay c’est l’histoire…ou plutôt la non-présence d’histoire. Lorsque l’on visite les différentes zones de cette contrée imaginaire, Zayo lâche beaucoup de sous-entendus sur le background : comme quoi il y aurait eu une guerre, une histoire de dieux (que l’on aperçoit brièvement ou dont on entend parler) et le sombre passé qui entoure le personnage principal. Le souci c’est que l’on ne saura finalement rien de plus, on en reste à des débuts d’esquisse de quelque chose sans jamais aller plus loin, ce qui est immensément frustrant. La raison en est probablement que la dessinatrice à l’origine du jeu participe à un groupe de RP : Souls of Chaos. Zayay se passe à un moment de la chronologie de Souls of Chaos et en partagent les personnages, ce qui est sûrement un clin d’œil sympathique à la communauté autour du jeu mais se révèle un désastre pour le lecteur n’ayant jamais entendu parler de tout ça ! Il faut fouiller le compte DeviantArt de la créatrice pour avoir des ersatzs de début de réponse, et encore. Dommage car le personnage de Zayo en lui-même est intéressant, mais paraît sous-exploité par manque de scénario.

 


 

La suite des jeux Nanoreno au prochain épisode !

 

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