22 février 2015 7 22 /02 /février /2015 23:15

Après avoir été conquise par ma lecture d’Ever17 en 2009 (comme le temps passe vite), j’ai récemment testé ce qu’on pourrait considérer comme son petit frère : Remember11.

 

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Kokoro Fuyukawa, étudiante en sociologie, souhaite interroger un serial killer pour comprendre son fonctionnement. En prenant l’avion pour se rendre à sa destination, elle se retrouve malheureusement victime d’une tempête et l’appareil s’écrase au milieu d’une montagne, laissant très peu de survivants. En compagnie de trois autres passagers, elle devra survivre dans un petit chalet en attendant que les secours se frayent un chemin dans le blizzard.

A des kilomètres de là, Satoru Yukidoh se réveille amnésique dans une sorte d’asile après avoir chuté du haut d’une tour. Enfermé avec des résidants tous plus louches les uns que les autres, il devra comprendre qui en a après lui. En qui peut-il avoir confiance ?

Pour corser encore un peu plus les situations déjà problématiques auxquelles font face les deux protagonistes, Kokoro et Satoru échangent régulièrement de corps. La mort de l’un entraînant la mort de l’autre, ils doivent donc se serrer les coudes pour espérer comprendre ce phénomène inexplicable.

 

 
Une œuvre résolument unique dans son genre. Avant de trancher dans le vif du sujet, un peu d’Histoire s’impose…

 

L’alliance de deux cerveaux

KID, ou Kindle Imagine Develop, est une société spécialisée dans le développement de visual novel fondée dans les années 90. La particularité de KID est d’avoir réalisé la série Infinity qui combine un cadre novateur déviant de la formule « comédie lycéenne » (mettant le plus souvent en scène une prison dont les personnages essayent de s’échapper), des éléments scientifiques et/ou philosophiques ainsi que des réflexions méta. Les trois jeux de cette saga, Never7 (sorti en 2000), Ever17 (sorti en 2002) et Remember11 (sorti en 2004) sont l’œuvre de la collaboration de Takumi Nakazawa et Kotaro Uchikoshi. Ils ne travailleront plus ensemble après Remember 11 et l’entreprise fait même faillite en 2006, sonnant la fin de l’ère de gloire du studio, et ce malgré son rachat par Cyber Front en 2007.

 

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Tout l’intérêt de la série repose bel et bien sur cette collaboration fertile puisque les deux hommes semblent se compléter à merveille. Par exemple, Nakazawa semble être fortement attiré par les concepts scientifiques, et c’est vraisemblablement sous son impulsion que de nombreux éléments de ce genre sont inclus, alors qu’Uchikoshi semble plus orienté autour de l’écriture des personnages et des réflexions méta. S’il est difficile de savoir quelle a été leur participation exacte dans l’écriture, on peut plus ou moins déduire leur style de leurs travaux solo.

 

En effet, Uchikoshi écrira seul 12Riven The Ψcliminal of Integral sorti en 2008 (qui était censé inaugurer la nouvelle série Integral mais avec peu de succès) avant de partir chez Chunsoft. Il rencontrera un certain engouement en Occident avec les Zero Escape (999 et Virtue’s Last Reward) que beaucoup doivent connaître.

Nakazawa ira quant à lui fonder Regista, une société spécialisée dans le portage sur consoles de visual novel, où il dirigera quelques projets : notamment Secret Game (version alternative de Killer Queen que j’ai évoqué ici) et Secret Game Code Revise, tous deux pour Flat. Regista réalisera aussi une poignée de jeux originaux dans lesquels il sera très impliqué : I/O (scénariste principal) et le récent Root Double - Before Crime * After Days (concept et rédacteur du glossaire).

 

Maintenant que ces quelques points sont clairs, passons à ce qui nous intéresse aujourd’hui !

 

 

Double huis-clos

La caractéristique singulière de Remember 11 est de nous présenter un double huis-clos possédant chacun son propre cast.

 

Parmi les survivants du crash on retrouve donc, de gauche à droite, en partant du bas :

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Kokoro Fuyukawa, une étudiante pleine d’énergie essayant de rester optimiste. Comme son nom l’indique, elle a bon cœur et arrive plutôt bien à analyser ce qui se passe, même si le phénomène la dépasse complètement. Elle est doublée par Rika Morinaga (Souseiseki dans Rozen Maiden, Rita dans Tales of Vesperia).

 

Yuni Kusuda, un petit garçon très intelligent qui s’est très vite lié d’affection avec Kokoro dans l’avion. D’un naturel enjoué, il aime faire des blagues et se bagarrer avec Mayuzumi. Derrière son air enfantin, il semble également cacher une part de mystère. Il est doublé par Junko Minagawa (Cornélia de Code Geass, Oz de Pandora Hearts).

 

Lin Mayuzumi justement est une juriste cassante et égoïste. Bien décidée à survivre coûte que coûte, elle n’hésite pas à poser les questions qui fâchent et à se montrer délibérément hostile. Il faudra s’armer de patience pour arriver à protéger l’harmonie du groupe en sa présence. Elle est doublée par Megumi Toyoguchi (Yumi dans Chobits, Mimiru dans hack//sign, Layla dans Avenger, Winry dans FMA, Revy dans Black Lagoon, Aqua de Kingdom Hearts Birth by Sleep ou encore Yukari de Persona 3).

 

Seiji Yomogi, au contraire, est un montagnard expérimenté plutôt chaleureux dont la fine équipe dépend en partie. Sans ses conseils, difficile d’imaginer un avenir : puisque la montagne regorge de dangers, un seul faux-pas veut vite mener à la catastrophe. Il est doublé par Masashi Ebara (Sazh dans Final Fantasy XIII, Friday Monday dans Madlax)

 

 

Et parmi les patients de SPHIA, de droite à gauche, en partant du haut :

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Satoru Yukidoh, étudiant ingénieur en physique quantique. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, derrière des raisonnements ultra sérieux se cache un sacré bouffon. Capable du meilleur comme du pire, c’est celui qui semble le mieux comprendre le phénomène le liant à Kokoro. Il est doublé par Takehito Koyasu (Ranka d’Ouran High School Host Club, Dio de Jojo’s Bizarre Adventure, Julius de Heart no Kuni no Alice).

 

Kali Utsumi, mi japonaise, mi indienne, prétend être une des psychiatres du complexe. Elle semble en effet doué un grand savoir médical tout en se montrant particulièrement diplomate et bienveillante à l’égard des autres. Mais peut-on lui faire confiance ? Elle est doublée par Aya Hisakawa (Ami dans Sailor Moon, Kero dans Card Captor Sakura, la prof d’Alien Nine, l’héroïne éponyme d’Iria : Zeiram the Animation, Haruka d’Air, Cholé dans Noir, Rimelda de Madlax, Portia de Romeo X Juliet).

 

Une jeune fille ressemblant trait pour trait à Keiko Inubushi, le serial killer que souhaitait rencontrer Kokoro, mais se présente à elle sous le nom d’Hotori Suzukage. Elle semble d’une timidité maladive mais aussi la proie de crises régulières violentes. Difficile de déterminer à quel point elle peut être dérangée. Elle est doublée par Akane Tomonaga, habituée à l’univers du visual novel (Sage de Tick Tack, Kazuko de Majikoi, Seira de Chaos Head, Kazuki dans Grisaia, Saki d’Happymaher).

 

Egalement présent sur les lieux…Yuni Kusuda. Inutile de dire que sa présence à la fois dans le chalet et dans l’asile soulève de nombreuses questions.

 

 

Animus & Anima

La structure de Remember11 pèse bien plus dans son scénario qu’on ne pourrait l’imaginer. Si Ever17 se révélait globalement plutôt linéaire, nous faisons face ici à une véritable spirale. En effet, seul le chapitre de Kokoro est disponible au début, il faudra le finir entièrement pour débloquer la perspective de Satoru, mais leurs actions s’influencent mutuellement. L’échange constant entre les deux locations bouscule nécessairement la manière dont l’histoire est écrite. En effet, à peine le personnage a fini d’analyser ce que l’autre a fait dans son corps quand il était absent qu’il est généralement confronté à un évènement dangereux. Et à peine a-t-il eu le temps de résoudre la crise qu’il est propulsé dans l’autre corps où une nouvelle crise l’attend. De fait, la tension est omniprésente de bout en bout et le lecteur n’a pas le temps de s’ennuyer. Pire, cet amas quasiment ininterrompu de retournements de situation ne fait qu’aiguiser encore davantage sa curiosité. Et le procédé narratif a le mérite de rendre crédible la lenteur avec laquelle Kokoro gère la situation de son côté.

 

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En outre, le jeu est truffé de bad end et de variantes, ce qui offre une bonne dose de rejouabilité. Si jamais Kokoro échoue, on en voit les conséquences dans l’autre perspective, et vice-versa, ce qui l’utilisation récurrente de sauvegardes plus que salutaire si l’on souhaite pouvoir explorer d’autres alternatives ou même simplement continuer l’aventure sans se laisser piéger par une mauvaise décision. En parlant d’échecs, ils seront naturellement légion (sauf si vous ouvrez un guide dès le début).

 

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D’un côté, Kokoro doit préserver l’harmonie du petit groupe du chalet, symbolisé par des paramètres cachés que l’on pourrait résumer comme suit : si elle s’écrase trop devant la désagréable Mayuzumi, celle-ci finira par péter un câble ; si elle se montre trop agressive envers elle, celle-ci finira par péter un câble ; si elle met trop de pression à Yomogi, celui-ci finira par péter un câble. Et si elle se perd dans la montagne, elle mourra de froid et de faim de toute façon. De l’autre côté, elle doit aussi éviter au corps de Satoru une mort particulièrement brutale (noyade, coup de poignard, etc) et ce, plus au moins au hasard (ces choix ne feront vraiment sens qu’une fois la perspective de Satoru acquise), mais aussi empêcher les autres résidants de SPHIA de s’entretuer. Tout un programme.

 

 

Un coup de pied dans la fourmilière à tropes

Il va m’être difficile de beaucoup m’éterniser sur le scénario de Remember11 sans spoiler puisque la moindre information acquise au de-là du premier jour sur les sept que dure un chapitre dévoile déjà des choses que vous ne devriez pas savoir en commençant. Ne songez même pas à jeter un coup d’œil à la page Wikipedia du jeu ou à une critique (même sans spoiler), tout le monde en dit déjà trop. Ce que l’on peut dire, c’est que le jeu prend un parti-pris plus qu’original dans ce que la romance y est quasiment inexistante. Certains personnages sont bien mariés/fiancés, mais leur relation n’existe qu’en toile de fond pour les caractériser ou servir un élément particulier de l’intrigue, il n’y aura jamais vraiment d’emphase dessus. A l’exception peut-être de l’affection de Yuni pour Kokoro (qui n’est pas sans rappeler le couple de Rin et Alice dans Please Save My Earth) qui reste cependant suffisamment ambiguë et secondaire pour l’ignorer au besoin.

 

Remember11 n’a donc rien d’une sempiternelle comédie romantique dans un lycée, ce qui ne l’empêche pas de savoir quand alléger l’ambiance. Les vannes autour du changement de sexe des protagonistes sont notamment assez drôles. La réaction de Satoru quand il réalise qu’il a des organes génitaux de femme dans le corps de Kokoro est plus que priceless. Il est d’ailleurs à noter que même s’il y a une scène centrée autour d’une culotte, on ne le verra jamais à l’écran et il n’y aura aucune image dénudée/fanservice non plus. Ce qui est suffisamment appréciable pour être mentionné !

 

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Tsundere spotted. Il en fallait bien une, j'imagine...

 

Le cœur même du titre se situe tout de même bien dans son ambiance oppressante et dans ses multiples références à tout un tas de concepts (archétypes de Jung, physique quantique, théories philosophiques) expliqués dans un glossaire déblocable au fur et à mesure du périple (les TIPS). Après, il est plus que conseillé d’avoir déjà expérimenté Ever17 au préalable pour vraiment s’imprégner de la façon de penser des scénaristes. En effet, après le twist magistral qu’était la True End de l’opus précédent (ou route de Coco), les auteurs ont visiblement compris qu’ils ne pouvaient pas réutiliser bêtement la même ficelle et se sont donc employés à faire de Remember11 à la fois une extension du concept et sa limite. Une belle manière, en théorie, de finir la saga Infinity. Mais j’y reviens tout de suite…

 

 

Et Saul voulut prendre sa revanche sur David…

Là où Remember11 divisera c’est qu’il s’agit malheureusement d’un jeu…incomplet. Si le phénomène même du transfert, le mystère autour de Yuni et l’identité derrière le coupable sont finalement expliqués abondamment dans la route de Satoru, les éléments les plus importants restent définitivement dans l’ombre. Le visual novel se finit en effet sur…un double cliffhanger (et quand je dis cliffhanger c’est qu’il y a littéralement un personnage au bord d’une falaise !). La frustration du lecteur est ainsi mise à rude, rude épreuve. Les scénaristes s’emploient finalement trop longuement à nous expliquer des éléments que toute personne un peu attentive aura déjà assimilés et vont au contraire ne laisser que de vagues indices sur des éléments quasiment impossibles à appréhender sans information supplémentaire !

 

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La rejouabilité dont je parlais plus tôt a été pensée comme la pire des tortures pour le joueur. En effet, l’existence d’un personnage clef n’est jamais mentionnée une seule fois de toute l’aventure et on n’en retrouve la trace que dans le TIP110, déblocable avec d’autres à l’unique condition de tendre vers le 100%. Et comment finir Remember11 à environ 100% me demanderez-vous ? Il faut avoir visionné toutes les bad end (une trentaine en tout), avoir tous les 110 et quelques CGs (certains ne se manifestant que si vous avez fait des choix très particuliers sur la route de Kokoro PUIS sur celle de Satoru), et avoir exploré le plus de variantes possible. Or, pour compliquer le tout, certaines bad end fonctionnent par paire : il faut avoir lu la fin, l’avoir sauvegardé dans le système, puis utiliser un raccourci pour retrouver le même endroit avec l’autre personnage (attention, impossible de s’en remettre uniquement aux sauvegardes !) et expérimenter sa version. Malheureusement ces nouvelles versions, quoi que cohérentes, ne sont souvent que de simples copiés-collés. Et certains choix n’ayant des conséquences que bien plus tard dans l’aventure, les 60 sauvegardes que proposent le jeu sont bien vite toutes occupés. Il faut donc être extrêmement stratégique.

 

Si la présence d’un grand nombre de variantes est extrêmement agréable en tant que bonus (les fans pouvant explorer l’univers à leur guise), il est juste impardonnable de forcer le joueur à toutes les collectionner pour espérer vaguement comprendre ce qu’il se passe (relire le prologue est de toute façon un passage obligé). Pire, il n’y a que dans les deux versions de la bad end Apoptosis (et dans une seule ligne de dialogue propre à plusieurs autres) que l’on peut réellement saisir toute la portée du scénario. Vous avais-je précisé que ce n’était de toute façon pas suffisant et qu’il fallait également s’aider avec la chronologie officielle de la série Infinity ? Voilà.

 

 

Du bleu de l’océan au blanc de la montagne

Si l’on s’en tient à sa réalisation, Remember11 est irréprochable. Les graphismes d'Hidari sont vraiment de toute beauté, avec un petit effet crayonné des plus sympathiques. Difficile à croire qu’il ne s’est écoulé que deux ans depuis Ever17 qui tient assez mal la comparaison ! De petites animations ça et là achèvent de donner vie aux sprites (on pensera à la buée qui s’échappe de la bouche des personnages lorsqu’ils sont prisonniers dans le chalet). A l'époque le clignement des yeux n'était pas si courant dans les visual novel, ce qui est d'autant plus impressionant. De même les quelques brèves vidéos en 3D s’intègrent plutôt bien au style.

 

 
Côté doubleurs, l’intégralité du cast nous offre une performance de qualité (certains sont relativement connus, d’ailleurs) qui aide à s’immerger dans l’univers. On peut aussi noter une très bonne utilisation des bruitages et une bande-son de qualité ! C’est de nouveau Takeshi Abo qui s’y colle et il semble avoir été inspiré. Toutes les pistes sont globalement bonnes (même si la musique des bad ends génère en moi une réaction post-traumatique dès que je l’entend), avec une mention toute particulière pour les pistes oppressantes qui contribuent vraiment à l’atmosphère. Difficile de ne pas avoir au moins une favorite.

 

L’opening, Little Prophet, encore une fois chanté par Kaori, ne me plaisait pas trop au début mais j’ai fini par m’habituer et par l’apprécier. Fortement animé, il met l’eau à la bouche comme il se doit. Je ne comprends donc pas pourquoi KID  en a commandé un nouveau pour le portage PSP, celui-ci n’a décidément pas les charmes de l’original.

 

 

Chaîne infinie de frustration

Pour étayer un peu plus ma frustration, je me mets de faire une partie sur la fin du jeu en comparant avec Ever17. Si vous n’avez pas encore lu les deux, fuyez ! Vous pouvez toujours regarder ma conclusion, par contre.

 

\ !/ Gros spoilers \!/

Je crois qu’on peut résumer l’avalanche de frustration de Remember11 en deux points non résolus.

 

1.Le cas d’Hotori Suzukage

Une fois l’identité du coupable derrière les tentatives d’assassinat révélé, on se rend compte que tout le jeu est basé sur un triangle. Un double triangle pour être précise. D’un côté, Satoru, Kokoro et la 3e personnalité. De l’autre, Hotori, Keiko et une autre 3e personnalité (même si c’est moins identifiable vu que le principe d’Inubushi Keiko est qu’elle est mentalement instable). Tout le problème réside dans le fait qu’Hotori, victime innocente des transferts, se retrouve un peu par hasard dans le corps d’une psychopathe internée à vie (du moins, on le suppose). Même si on ne l’entraperçoit qu’assez brièvement (notamment dans le chapitre de Kokoro qui est la seule des deux protagonistes à vraiment interagir avec elle), je me suis suffisamment attachée à elle pour avoir été dégoûté sur l’absence de traitement du personnage. Satoru, qui est le seul à disposer des informations pour sauver les survivants du crash, reconnaît avoir compris ce qui se passait entre Hotori et Inubushi, mais il semble finalement peu concerné. Je ne comprends pas en quoi sauver trois personnes est une absolue nécessité et qu’ajouter une quatrième à la liste en cours de route ne figure pas parmi les priorités.

 

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Il aurait été à mon avis très intéressant d’avoir le point de vue d’Hotori sur le phénomène, ne serait-ce que par quelques passages (dans un chapitre bonus, par exemple). Parce qu’au fond, Satoru semble faire comme si elle était sauvée et que, youpi, tout allait bien. Sauf que, si l’on en croit le cliffhanger, il y a deux, voire trois, issues possibles :

A = Hotori est retournée dans son corps originel après le dernier transfert (juste quand ils s’échappent de la montagne et sont en train de jouer sur la plage). Elle est donc décédée. Problème : il aurait suffit de pousser son cadavre du cercle (soit quelques mètres, à peine) pour la sauver. En outre, il est un peu anti-climatique d’avoir fait tout un foin autour de Keiko (comme quoi elle ne méritait pas de mourir, malgré ses crimes) et de laisser Hotori crever alors qu’elle fait pourtant partie du groupe. Je trouve ça d’autant plus triste que les révélations autour du phénomène laissaient à penser que la jeune fille trouverait là une seconde chance pour vivre.

B = Hotori est bien restée dans le corps de Keiko mais cette dernière s’y trouve aussi, elle est donc condamnée à partager le destin d’une criminelle tout le reste de sa vie. Une hypothèse qui ne me plaît pas non plus dans le sens où je trouve ça pire que la mort. Inubushi est encore celle qui y gagne le plus. Pourquoi récompenser la psychopathe ?

C = Sayaka s’est ajoutée à la fête. Pareil que dans le B mais en encore plus incohérent. Si c’est le cas, bouh, monsieur le scénariste, il manque des morceaux à votre histoire.

 

 

2.Yukidoh Satoru avant son amnésie

Si on peut encore admettre que le flou laissé autour d’Hitori est, à l’instar de la réplique finale de Yuni (Est-ce que les personnages se sont affranchis du destin ? Ne font-ils que le répéter ?), destiné à entourer le récit d’un voile de mystère/suspens, le vide autour du passé de Satoru crée un gouffre béant dans le scénario.

 

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Bonjour, je suis là pour te plonger dans la confusion la plus totale !

 

Le tour de passe-passe est le suivant : le Yukidoh Satoru que l’on incarne est en réalité une coquille vide qui reçoit la mémoire du joueur (c’est-à-dire les informations acquises dans le chapitre de Kokoro) au moment du prologue. Cette amnésie artificielle causée pour les besoins de l’intrigue était prévue par Satoru lui-même et c’est dans le but principal d’emprisonner le joueur dans une boucle sans fin qu’il a conçu tout le plan autour du transfert (et ça marche grâce à la SCIENCE). Le but secondaire était de sauver Mayuzumi (ce qui en fait la véritable héroïne du jeu, j’imagine). Sauf que voilà, la chronologie et les TIPS nous apprennent que Satoru voulait carrément se venger du joueur qu’il tient pour coupable de la « disparition » de sa sœur. Une constatation s’impose : le personnage de la sœur apparaît lors du total grandiloquent d’une seule scène (où elle n’est pas nommée, bien sûr). Le joueur n’a jamais l’opportunité de l’incarner non plus. Ce qui veut dire, et attention ça fait mal au crâne, que le personnage reproche au joueur d’influencer l’histoire et décide de le tromper pour le manipuler. Ce faisant, il oublie de lui donner les informations vraiment importantes et le joueur ne réalise pas du tout ce qu’il souhaitait faire (ou alors il faut m’expliquer en quoi c’est un succès).

 

Même d’un point de vue méta, ça reste très nébuleux : pourquoi le joueur serait-il le responsable du scénario et pas le scénariste directement ? Pourquoi omettre d’inclure Sayaka dans son plan si c’est sa réelle motivation ? Pourquoi se rendre volontairement vulnérable (il se laisse effacer la mémoire et montre bien dans la fin Apoptosis que la mort de son compagnon le laisse indifférent) ? Pourquoi prendre le risque que la seule personne au monde possédant encore des souvenirs de Sayaka l’oublie définitivement ? De même, n’est-ce pas paradoxal que le scénariste crée un monde sur mesure où le joueur est considéré comme un véritable Dieu si c’est pour lui retirer toutes les réponses et le frustrer ? Le joueur n’est-il pas capable de se libérer à tout moment de la boucle (au hasard, en fermant le jeu) ? Pourquoi conclure la saga Infinity sur une absence de conclusion ? Etait-ce pour montrer les limites du concept de Blick Winkel/That Guy (c’est-à-dire la participation du joueur à l’histoire) ? Si c’est le cas, ce n’est pas clair du tout…

 

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Le scénariste refusant de communiquer son savoir au joueur impuissant, allégorie...

 

Les questions s’accumulent et on ne peut que tourner en rond ou formuler une théorie hasardeuse. Pour ma part, je ne peux m’empêcher de voir en Remember11 le récit d’un échec, l’invocation ratée de « Blick Winkel ». Et c’est en ça que je comprends la fin très abrupte : Satoru a perdu la mémoire à jamais, il ne se souvient même plus de sa sœur, il réalise seulement le tissus de mensonges derrière lui et ne peut que constater amèrement qu’il n’y a plus personne pour lui donner de réponses. Il a échoué à se venger et se retrouve puni par «le  Dieu » de ce monde : il ne saura jamais, même s’il revient dans le temps encore et encore, la vérité est perdue.

 

Je pense qu’il n’aurait pas été abusé d’attendre un dernier monologue pour expliquer ce point au joueur. Certes, avec la « mort » d’Hotori, ainsi que la disparition définitive de Sayaka et de la vérité, la fin de Remember11 aurait été amère…mais elle aurait été satisfaisante. En l’état actuel des choses, difficile de ne pas regretter l’aboutissement ressenti à la fin de la route de Coco dans Ever17. Certes, le côté « happy end » était poussif, mais la satisfaction d’avoir rassemblé toutes les pièces du puzzle était là et on ne pouvait que se dire « tout est bien qui finit bien ». Avec Remember11, c’est comme si le puzzle reconstitué avait un trou aux endroits les plus importants, comme si l’image originale était définitivement perdue. C’est stupide et pourtant, cela change tout, et on en vient à en vouloir aux scénaristes de nous avoir servi une peinture trouée en plein milieu. Sublime certes, mais, au fond moins que le tableau d’à côté, qui n’a pas la même grâce dans le coup de pinceau mais qui lui a le mérite de montrer l’image dans sa totalité. En effet, comment pardonner à un jeu qui nous avoue clairement que la vérité n’existe pas ?

 

\ !/ Fin Gros spoilers \!/

 

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Conclusion

Au final, et c’est regrettable à dire, Remember11 frôle la perfection de si près que ça en est rageant. Réalisation parfaite, cadre unique, thèmes intéressants, personnages émouvants, twists bien pensés, un cran supplémentaire dans la réflexion méta…et absence complète de résolution. Comptez bien 20h pour finir les deux perspectives, 10h supplémentaires pour jongler entre les sauvegardes et atteindre le 100%.

 

Certains essayent de se consoler en arguant que KID avait des problèmes financiers à l’époque et que si l’équipe avait pu le finir à temps, le visual novel aurait été complet. Mais quand on y regarde de plus près, trop d’éléments laissent à penser que la fin ouverte était volontaire. KID n’a fait faillite qu’en 2006, soit deux ans après la sortie du jeu (c’est donc plutôt 12Riven qui a été touché par le changement), Uchikoshi n’est crédité dans le jeu que par un pseudonyme, ce qu’il ne fait jamais d’habitude (surtout que Remember11 n’est pas un eroge, il n’avait pas de raison de se cacher après avoir participé aux opus précédents), Nakazawa et Uchikoshi n’ont plus jamais travaillé ensemble après cela, et Nakazawa lui-même avoue qu’il n’est pas satisfait du résultat mais qu’il était trop tard pour changer la fin.

 

Qu’en déduire ? Que l’expérience a été conçue pour bousculer le joueur. Certains crient au génie, d’autres dénoncent le fait que frustrer son lecteur est assez suicidaire, au final difficile de déterminer si c’est un échec ou non. Tout comme « le plan ». Malgré cette faille majeure, Remember11 n’en demeure pas moins un OVNI à la fois dans la saga Infinity et dans le paysage des visual novel en général. A conseiller à tous ceux qui aiment se poser des questions métaphysiques et n’ont pas peur de continuer l’histoire dans leur tête.

 

Reste une question, lancinante, obsédante : Où est « Self » ? Qui est-ce donc, juste derrière toi ?

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commentaires

T
Merci pour ce chouette article sur mon visual novel préféré ! - Avec Umineko. (... j'ai des goûts un peu pervers.)<br /> <br /> Les légendes d'images sont très pertinentes je trouve !<br /> <br /> *fronce les sourcils en direction de Yukidoh Sayaka, qui disparaît sans prévenir*<br /> *se fait courser inopinément par une Inubushi Keiko armée jusqu'aux dents*
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H
Comme ça, on est deux à avoir des goûts pervers, écoute ;). On voit malheureusement trop peu de fans de Remember11. Ce jeu est très frustrant mais tellement cool, c’est dur de lui en vouloir =’).

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