Une fois n’est pas coutume, j’ai eu envie de m’éloigner des bishoujo games et de tester un jeu à destination du public féminin. Après avoir longuement hésité, j’ai décidé de tester mon tout premier jeu « boy’s love » et, comme il n’y en a pas des masses traduits en anglais, c’est vers Nitro+Chiral que je me suis naturellement tourné. Nitro+Chiral est la branche BL du célèbre studio japonais Nitro+ que j'avais déjà évoqué à l’occasion de la critique du superbe et dérangeant Saya no Uta. Parmi tous les titres du catalogue Chiral, il y en a un en particulier qui a toujours éveillé ma curiosité, je me suis dont dit que c’était l’occasion idéale de le tester.
Autrefois paisible, l’île de Midorijima est au fil des années devenue le terrain de jeu de la gigantesque corporation Toue Inc. L’entreprise s’est notamment permis de construire un immense complexe de divertissement nommé Platinum Jail à destination de la classe aisée au beau milieu de l’île. Les habitants plus modestes sont depuis regroupés dans l’ancien espace résidentiel où ils tentent tant bien que mal de vivre malgré l’autorité tyrannique de Toue.
C’est dans ce futur un brin dystopique que le jeune Aoba mène une vie ordinaire avec sa grand-mère Tae. Cependant son existence commence à basculer alors que le jeu de réalité virtuelle Rhyme gagne de plus en plus en popularité. Des rumeurs courent en effet au sujet de joueurs qui disparaissent dans des circonstances mystérieuses. Malgré lui, Aoba va devoir enquêter pour faire éclater la vérité et déjouer un incroyable complot.
Un emballage dégoulinant de cool
Là où Dramatical Murder se démarque immédiatement c’est par son cadre extrêmement cool. Aoba vit dans un contexte incroyablement futuriste : le jeu Rhyme permet ainsi de téléporter sa conscience dans un espace virtuel pour y livrer des combats dantesques sous l’œil d’Usui, une déesse aux bras multiples qui sert d’arbitre. Il y a aussi le Coil, cet appareil futuriste qui sert de téléphone portable holographique et se porte comme une montre. Mais surtout, chaque citoyen ou presque de Midorijima, même pauvre, possède un Allmate, un robot pouvant servir de GPS, de domestique ou simplement d’animal de compagnie selon sa forme. Les différents personnages importants se baladeront donc souvent avec un petit animal doté de parole et possédant un caractère propre (pour Aoba, ce sera Ren le chien).
A côté de ces éléments de science-fiction, le jeu va également se concentrer sur la dimension urbaine : ainsi l’ancien jeu populaire que détrône Rhyme est une guerre de gangs pure et simple où chaque équipe garde un territoire bien défini dans la ville. Ribster (ou Rib pour les intimes) possède des règles assez floues et sert surtout à mettre en valeur les différents gangs qui possèdent tous un logo, un signe distinctif. Les quartiers de Midorijima, pas tous très bien famés, servent donc de champ de bataille à des disputes plus ou moins cordiales selon le caractère des différents chefs. Au rang des équipes relativement pacifiques, on trouve par exemple Dry Juice, dont le leader est le tatoueur Mizuki, ou les Beni-Shigure dont le leader est le coiffeur Koujaku, tous deux des amis d’Aoba.
On notera que la boîte de dialogue change quand Aoba se retrouve dans le cyberespace.
Au-delà de ce cadre aussi original que prometteur, Dramatical Murdeur tire également son épingle du jeu en matière d’ambiance et de designs (de l’illustratrice Honyalala). Les personnages sont immédiatement reconnaissable grâce à un code couleur, un gimmick que j’apprécié beaucoup, mais aussi grâce à leurs caractéristiques particulières exacerbées qui donnent l’impression qu’à chaque personnage correspond un univers différent. Toutes les illustrations ont des couleurs vives et chatoyantes, les décors sont très détaillés, l’interface pousse à fond le côté futuriste urbain et le jeu s’autorise le luxe de mélanger quelques éléments 8-bits, notamment dans le menu principal et lors des phases où Aoba reçoit un mail mystérieux. La musique n’est pas en reste avec des sonorités électro-pop assez entraînantes que l’on doit à Goatbed même si les pistes sont souvent sous-utilisées.
Un cast pour le moins coloré !
Bref, Dramatical Murder est attirant à tous points de vue et la route commune a le mérite de poser les enjeux et d’introduire les personnages importants de manière assez naturelle. Visual novel yaoi oblige, notre héros se trouve vite rejoint par de séduisants éphèbes.
Seragaki Aoba est le protagoniste principal au grand cœur. Il travaille pour la boutique Heibon et espère vivre une vie ordinaire mais de nombreux mystères entachent son passé : il a été adopté, possède un véritable sens dans ses cheveux et est sujet à des migraines aussi soudaines que régulières. Il est très attaché à son Allmate Ren et à Tae, sa grand-mère adoptive, mais devra se lancer dans l’inconnu pour espérer découvrir le secret de ses origines.
Il est doublé par Kisaichi Atsushi (sous le pseudonyme Kagami Rui) : des personnages secondaires de Code Geass comme Luciano Bradley, le héros de l’adaptation Toei du visual novel Kanon et le héros de Green Green.
Ren est l’Allmate d’Aoba et prend la forme d’un petit chien bleu à la fourrure épaisse dans la vie de tous les jours. Mais une fois dans l’espace virtuel de Rhyme, il se transforme en un homme imposant et stoïque. Très loyal envers son maître, il fait souvent figure de voix de la raison et l’accompagne dans toutes ses aventures.
Il est doublé par Takeuchi Ryouta (sous le pseudonyme de Higeuchi Waruta) : le prof de math d’Hyper Speed Genius, Astaroth dans Tokyo Babel et Milgram de Tokyo Necro.
Ami proche d’Aoba qu’il essaye toujours vainement de recruter, Mizuki est le sympathique leader de la team Dry Juice qu’il considère comme sa propre famille et dirige le plus justement possible. Il semble cependant déprimé depuis quelques temps, notamment à cause des rumeurs autour de Rhyme…
Il est doublé par Takahashi Kenji (sous le pseudonyme Jou Takashi) : des personnages secondaires de Gun-Katana et le meilleur ami de Kokuto dans Kara no Kyoukai.
Ami d’enfance d’Aoba, Koujaku est le séducteur par essence. Partout où il va, il est suivi par une cohorte de demoiselles, ce qui ne va pas sans énerver Aoba. Bien qu’il soit coiffeur de profession, il ne possède pas de boutique et ouvre un peu partout à Midorijima en fonction de son humeur. D’un naturel enjoué, il joue aussi à Ribster puisqu’il est le chef de l’équipe des Beni-Shigure.
Il est doublé par Takahashi Hiroki (sous le pseudonyme de Okino Yasuhiro) : le Japon dans Hetalia, Harima Kenji de School Rumble, Lucius dans Aiyoku no Eustia ou encore Takanemaru dans Joubachi no Oubou.
Le meilleur personnage du jeu
Tombé du ciel un beau jour, Clear est un individu plus que louche puisqu’il n’enlève jamais son masque à gaz et se sépare rarement de son parapluie même quand il ne pleut pas. Il ne semble pourtant pas méchant avec son air innocent et son insistance pour appeler Aoba « maître » mais cache définitivement quelques secrets.
Il est doublé par Nakazawa Masatomo (sous le pseudonyme de Sawa Manaka) : le héros de Zero Infinity –Devil of Maxwell, Phil Carter dans Orfleurs et Iseya Souichirou dans Yoshiwara Higanbana.
Croisé un peu plus tard lors d’un duel de Rhyme, Noiz est un jeune hacker qui se passionne pour ce jeu virtuel et ne demande qu’à vaincre Aoba qu’il sollicite régulièrement. Percé des pieds à la tête, il est difficile de comprendre ce qu’il pense dans la mesure où il s’exprime assez peu et de manière très laconique.
Il est double par Hino Satoshi (sous le pseudonyme Yajiuma Konjou) : le héros de Shakugan no Shana, Touma dans Amnesia, les jumeaux de Trick or Alice et Zen de Un:Birthday Song
Ancien détenu de prison hyper-violent, Mink est le leader de Scratch qui croisera la route d’Aoba pas tout à fait par hasard. Bien décidé à se venger de Toue, il n’hésite pas à se salir les mains et à employer les méthodes les plus radicales pour atteindre ce but…même si cela implique de faire du mal à ceux qui sont autour de lui.
Il est doublé par Matsuda Kenichirou (sous le pseudonyme Hayakawa Rinta) : Batou dans Ghost in the Shell Arise, Behemoth dans Sword Art Online II.
Virus & Trip sont un cas un peu à part. Malgré leur ressemblance et le fait qu’ils soient inséparables, ils clament ne pas être jumeaux. Ce sont des yakuzas affables et mystérieux qui sont devenus amis avec Aoba sans que celui-ci sache trop pourquoi.
Virus est doublé par Majima Junji (sous le pseudonyme Suga Kiya) : le héros de Hitsugi no Chaika, Toradora, Eden*They Were Only Two, On The Planetou encore Louis Reed dans Orfleurs.
Trip est doublé par Higuchi Tomoyuki (sous le pseudonyme Kuroi Hagane) : Tokio Tamatsu dans Time Hollow et Kira Seishirou dans Sanzen Sekai Yuugi ~MultiUniverse Myself.
Un problème structurel
La route principale, plutôt bien menée, introduit donc tout ce petit monde et se termine sur un moment clef qui trace la voie pour la suite : Aoba en apprend un peu sur son passé et découvre notamment qu’il est doué d’une capacité extraordinaire qu’il ne sait pas encore tout à fait maîtriser mais qui servira bien évidemment plus tard. Pour pouvoir reconstituer le puzzle, il doit se rendre à Platinum Jail et confronter Toue, le grand investigateur. C’est là que le joueur a un impact puisque les différents choix effectués décideront qui accompagnera Aoba dans cette grande mission. Il peut se retrouver assisté, au choix, de Koujaku, Clear, Noiz ou Mink. En sachant que si les réponses du joueur sont parfaitement neutres, c’est sur la route de l’ami d’enfance qu’il sera redirigé, ce qui est plutôt malin.
Pourquoi y a-t-il un simili drapeau LGBT sur ce mur ? Mystère...
Malheureusement c’est aussi à cet exact moment que Dramatical Murder s’effondre sur lui-même. En effet, une fois engagé sur la route d’un personnage, Aoba semble soudainement perdre tout sens des priorités et l’histoire se focalise uniquement sur celui qu’il courtise. En soi, l’idée aurait pu marcher : éparpiller les différents éléments scénaristiques entre les route set garder le gros des révélations pour la « true route » (comme c’est le cas ici) est une structure classique mais qui peut se révéler extrêmement efficace. Le problème, c’est que les fameuses routes sont incroyablement vides au point que le décalage entre la route commune et la true route fait figure de véritable désert scénaristique.
Les différents amoureux potentiels ont bien sûr chacun un passé plus ou moins tragique mais celui-ci est très mal exécuté et on a beaucoup de mal à accrocher. Vu que l’essentiel de la route est constitué de remplissage et de tentatives maladroites de créer du drame artificiellement, le véritable développement est abordé en fin de route de manière extrêmement lapidaire. Au moment même où on commencerait à s’attacher au personnage, c’est déjà l’heure de la confrontation finale, puis de l’épilogue. Confrontation le plus souvent anti climatique puisque ce n’est pas toujours Toue le méchant final et que les stratégies pour l’atteindre varient grandement (dans certaines routes, il suffit d’ouvrir la porte de la tour, dans d’autres il faut se battre ou s’infiltrer). Face à cette faille structurelle, les bachelors peinent à animer ce vide de leur présence : si Clear arrive à s’en sortir grâce à son charisme et que Noiz bénéficie du meilleur développement, la route de Koujaku est d’un ennui profond et ne parlons pas encore du cas Mink qui mérite un bloc tant cette route est dysfonctionnelle.
Un personnage qui aurait pu être vachement intéressant...s'il n'avait pas été aussi mal exploité !
Un des défauts de Dramatical Murder qu’on peut avancer pour expliquer ce problème est que le style d’écriture se repose quasiment exclusivement sur ses dialogues. On se retrouve donc plus souvent avec des onomatopées qu’avec de vraies phrases, ce qui a tendance à accentuer le manque de substance. Mais dans la mesure où la route commune était tout à fait bien écrite, ce n’est pas une réponse satisfaisante non plus. Il est donc difficile de comprendre exactement ce qui a pu conduire à cette situation.
Un fort potentiel malheureusement mal exploité
Le fait que le jeu paraisse aussi creux est d’autant plus dommage qu’il partait sur de bonnes bases et qu’il avance parfois de très bonnes idées. Ainsi, il y a un moment charnière dans chaque route qui détermine si le joueur va obtenir la bonne ou la mauvaise fin du personnage. C’est dans ce moment qu’Aoba doit se servir de son pouvoir pour sauver son bien-aimé et, comme il pénètre dans son esprit, il doit s’adapter à sa personnalité pour espérer trouver comment l’aider. Cette épreuve est symbolisée par une petite énigme à chaque fois différente. Si Aoba trouve la bonne réponse, sa tentative sera couronnée de succès. S’il échoue, il brisera sa psyché. Ces énigmes sont globalement bien trouvées et amusantes mais elles ont parfois tendance à être accompagnées de gimmick abusifs.
PUTAIN DE PORTE COULISSANTE
Par exemple, dans la route de Koujaku, il faudra se taper une bonne trentaine de fois l’animation d’une porte qui s’ouvre avant d’accéder à sa conscience, puis se taper encore trente fois la même ligne de dialogue un peu plus tard. L’effet voulu était bien évidemment symbolique…mais le joueur n’est pas non plus totalement crétin et c’est difficile d’apprécier une quelconque volonté artiste quand on a le droit à 10 minutes DE CETTE FICHUE PORTE QUI S’OUVRE. J’ai compris maintenant, vous pouvez arrêter quoi…
Exemple de "l'énigme" la plus simple du jeu (route de Koujaku)
Tout échec est d’ailleurs « récompensé » par une bad end aussi courte que dérangeante. On y sent bien le côté sombre et glauque qui a fait la réputation de Nitro+ sans que cela n’affecte le reste du jeu qui, sans être non plus extrêmement léger, reste plutôt gentil la plupart du temps (voire dédramatise tous les moments plus lourds ce qui ôte toute conséquence aux différents meurtres commis). Mention spéciale à Virus et Trip qui ne sont pas courtisables mais possèdent leur propre bad end.
Tout ça pour ça…
Autre élément étrangement mal exploité : Rhyme. La route commune semble indiquer qu’il s’agit d’un élément scénaristique important et le lecteur s’attend donc naturellement à assister à quelques duels de ce jeu virtuel. Que nenni : la plupart des routes en sont entièrement dépourvues ou ne contiennent qu’une bataille vite expédiée. Paradoxalement, le lien qui unit Aoba à ce jeu ne sera même pas révélé dans la route de Noiz, qui est pourtant le seul personnage à désirer cette information, mais dans celle de Mink ! Allez comprendre…
Comment peut-on pondre un visuel aussi cool et laisser Rhyme de côté ?
Il faudra attendre la true route pour que Rhyme reprenne une place importante et que Dramatical Murder daigne enfin donner toutes les réponses aux questions posées par la route principale. Aoba se rend seul à Platinum Jail pour enquêter et se trouve donc directement plongé dans les machinations de Toue sans que rien ne le détourne de son objectif. Et puisqu’il n’en a choisi aucun, tous les éphèbes seront finalement présents à un moment pour lui porter assistance. Ces scènes sont assez rafraichissantes parce qu’on sort d’une dynamique de couple pour aller vers une dynamique de groupe qui met en valeur toutes les caractéristiques des personnages (en acceptant de travailler ensemble malgré leurs différences, ils se complètent parfaitement) mais elles sont malheureusement trop rares. Et tout comme dans les routes individuelles, l’intrigue balance toutes ses révélations à la tête du joueur sans vraiment prendre le temps de les développer. Elles sont certes expliquées mais leur impact est considérablement diminué par la vitesse à laquelle les évènements s’enchaînent et c’est encore une fois très dommage. Je pense que si la route commune avait directement débouché sur la true end, le jeu aurait été certes court mais bien plus agréable à la lecture !
Certaines illustrations sont hilarantes mais malheureusement trop rares
Ajoutez à cela que l’amoureux secret de la true route est terriblement ennuyeux et que son histoire est alambiquée à souhait… Spoil : c’est difficile d’arriver à rendre crédible une relation où un personnage sort avec une version alternative de lui-même et pour le coup Dramatical Murder est trop maladroit pour que cela fonctionne.
But we’re both guys !
Dramatical Murder est un jeu 18+, il comprend donc des scènes de sexe homosexuelles. Etant jusque là plutôt habituée des eroge à destination d’un public masculin, j’étais donc forcément curieuse de voir comment cet aspect de la relation serait représenté. Déjà, bonne surprise, il n’y a qu’une ou deux scènes par personnage et elles sont généralement reléguées tout à la fin, ce qui impacte peu le rythme. Globalement, la romance progresse quand-même de manière trop rapide mais je pense honnêtement que l’essentiel est là.
Quelqu'un a dit "scène de fesses" ? Ok, je sors...
Reste que Dramatical Murder semble très timide quant à évoquer l’homosexualité des personnages : si certains des amoureux prennent leur attachement pour Aoba sans se prendre la tête ou sans se justifier, d’autres en ressentent le besoin expresse. C’est ainsi que Koujaku, qui découvre son attirance envers un homme, essaye maladroitement de trouver une explication et arrive tout d’abord à la conclusion qu’il sort avec Aoba parce que ce dernier ressemble à une fille… Mais le prix toutes catégories revient à Noiz qui déclare dans sa 1e scène qu’il n’y a rien de gay à se masturber mutuellement entre mecs ! Je trouve quand-même ça fabuleux pour un jeu boy’s love dans la mesure où ce que le public recherche dans ce genre de production c’est tout de même de la romance homosexuelle.
Public différent oblige, les codes ne sont d'ailleurs pas les mêmes : Les personnages sont souvent habillés pendant ces scènes et il y a assez peu d’emphase sur les parties génitales (parfois même cachées), ce qui donne une impression de sobriété qui tranche pas mal avec le voyeurisme obsessionnel des bishoujo games. Cela ne veut pas dire que les jeux yaoi sont exempts de clichés et de mythes autour de la sexualité -loin de là- simplement qu’ils sont différents. On notera par exemple ici une tendance à féminiser Aoba à l’extrême pour justifier qu’il soit toujours le dominé (uke) : on le confondait avec une fille quand il était petit, il a de longs cheveux, est régulièrement en position de damoiselle en détresse et subit régulièrement des avances non-voulues, voire des agressions sexuelles. Concrètement, tous ses partenaires vont forcément le dominer, ce qui est un poil dommage parce que cela retire de la variation…et surtout qu’Aoba sera le seul à gémir durant le sexe. Les autres doubleurs ne feront même pas la grâce de grogner !
Le pire c'est qu'ils ont réussi à en faire un élément scénaristique important
En parlant d’agression sexuelle, il est assez troublant que Dramatical Murder mélange régulièrement les scènes d’amour et les scènes de viol, comme si c’était la même chose. Le héros est régulièrement menacé, sans doute dans une tentative d’insuffler de la noirceur au récit, mais ces passages ne font que rendre mal à l’aise le lecteur et n’apportent vraiment rien de particulier à l’histoire. Si j’étais mauvaise langue, je dirais que c’est une manière paresseuse de créer de la tension (« Va-t-il passer à la casserole ? SUSPENS ») et ça m’interloque d’autant plus qu’une partie de ces scènes soit présente en replay dans les extra. Seulement une partie, ce qui est d’autant plus étrange. Mais je vais revenir plus en détails sur les éléments dérangeants dans le bloc qui suit…
Le cas Mink ou la glorification d’une relation abusive
Je ne vais pas m’attarder sur les différentes routes parce que je ne vois rien de particulier à commenter (il ne se passe pas grand-chose) mais il est impossible de ne pas se pencher sur celle de Mink.
Profiter de l'état de faiblesse du héros après l'avoir drogué ? Fait.
Aoba ne rencontre véritablement Mink qu’à la toute fin de la route principale, ce qui laisse très peu de scènes pour se faire une idée du personnage. Tout ce qu’on voit est donc capital pour avoir envie de seulement lire sa route (et je rappelle qu’il faut toutes les avoir lues pour débloquer la true end qui contient toutes les explications). Or voilà, Mink kidnappe Aoba et l’emmène au QG de son équipe pour l’interroger. On comprend en quoi le héros peut avoir peur de se retrouver dans un endroit inconnu en compagnie d’ex-taulards qui ne lui veulent probablement pas du bien. Et l’indien ne détrompe pas cette première impression puisqu’il ordonne littéralement à ses sbires de violer le protagoniste. La tournante s’arrête heureusement à temps mais Mink va tout de même buter quelqu’un devant Aoba quelques minutes plus tard sous prétexte qu’il lui aurait désobéi. Aussi, la réaction naturelle du joueur une fois libéré va être de se tenir le plus loin possible d’un type pareil.
Oui, oui, Mink est littéralement en train de lui dire "T'aimes ça, salope" après lui avait cassé les dents. Charmant...
Du coup la relation entre Aoba et Mink est déjà complètement pourrie depuis le départ : le héros va accepter d’aller à Platinum Jail avec l’indien alors que ce dernier affiche clairement sa volonté de l’instrumentaliser et que tout en lui est un signal d’alarme. C’est donc impossible de comprendre comment le protagoniste fait pour suivre volontairement un type pareil. Et ça l’est d’autant moins que la route de Mink décrit une relation complètement abusive : il refuse constamment d’expliquer quoi que ce soit à Aoba, l’insulte, le traîne partout selon son bon vouloir, l’intimide, le bat carrément s’il désobéit, le drogue parfois et le viole (beaucoup). Tout ce malaise culmine dans la scène où Aoba, terrifié, tente en vain de s’échapper avant de se faire punir violemment. Pourtant, malgré ses blessures, le héros continue à trouver Mink « mystérieux » et finit par l’admirer, puis enfin tomber sous son charme parce qu’il a un lourd passé (sans déconner). On nage en plein délire lorsque le héros sympathise avec les membres du gang qui avaient autrefois tenté de le violer et décide de tout faire pour sauver le compagnon qui le repousse constamment, puis de carrément proclamer qu’il ne peut pas vivre sans lui.
Elle devait être rudement bonne cette excuse pour justifier tant de brutalité, dis donc.
Le problème de cette route c’est qu’elle décrit quelque chose d’absolument abject (la violence conjugale) tout en essayant progressivement d’en gommer les aspects problématiques pour enfin nous présenter ça dans un joli paquet cadeau comme étant irrésistible et romantique. Une relation abusive n’est pas sexy, c’est un délit ! La route de Mink est dégoûtante à tous les points de vue et sa présence dans un jeu dont l’intérêt principal est de nouer des relations affectives est juste inexcusable.
Conclusion
Dramatical Murder regorge de bonnes idées mais il ne sait pas quoi en faire : toutes les routes manquent cruellement de développement et les révélations sont bien trop vite expédiées pour rendre l’histoire mémorable. Cependant le jeu reste sympathique, l’enrobage est définitivement séduisant et j’avoue avoir un petit faible pour Clear qui est de loin le personnage le plus adorable du cast. C’est donc d’autant plus dommage que l’histoire soit aussi creuse et qu’il faille se taper toutes ces scènes de viol sans aucun intérêt et qui instaurent au contraire un profond malaise durant toute la route de Mink. Dans la mesure où il existe si peu de jeux boy’s love traduits en anglais, il faudra pourtant se contenter de Dramatical Murder et de ses faiblesses si vous êtes fans du genre…
Mon classement des personnages : Clear > Noiz > Koujaku = Secret/Ren >>> Mink = Virus & Trip
Et l’ordre de lecture que je vous conseille : Koujaku, Noiz ou Clear, Mink, True end