Pour me faire pardonner de ce long silence de, hum, deux semaines, rien de tel qu’une bonne tranche de mindfuck de derrière les fagots. Emotifs et personnes sensibles s’abstenir, ceci est un chef d’œuvre réservé aux dérangés du bocal.
Alien Nine ne doit pas vous évoquer grand-chose (en tout cas à la plupart d’entre vous), et pour cause, ce manga de Tomizawa, Hitoshi adapté en 2001 par JC Staff en quatre OAVs n’a pas vraiment très bien franchi les frontières du temps pour nous parvenir, la faute à l’œuvre en elle-même, trop iconoclaste pour être mise dans toutes les mains.
Dans un futur très, trop, proche, les invasions d’aliens sont devenues monnaie courante. Pour protéger leurs élèves, les établissements scolaires n’hésitent pas à sélectionner des volontaires dans leurs effectifs afin de vivre le plus paisiblement possible. Comme on ne se bouscule pas vraiment pour le job dans la classe Tsubaki, dans un des collèges concernés, Otani Yuri est désignée par ses petits camarades pour faire partie du corps Anti-Alien local. Manque de chance, Yuri a justement la phobie des extraterrestres et malgré les encouragements se voulant rassurants de la part de son entourage et de ses nouvelles camarades Kumi et Kasumi, elle découvrira bien malgré elle ce que signifie réellement une telle responsabilité, pour le meilleur... et surtout pour le pire.
De gauche à droite : Yuri, Kumi et Kasumi
Ce qui choque tout de suite avec Alien Nine c’est le décalage entre son design (que je trouve personnellement franchement laid mais tout est affaire de goût) très mignon et son sujet malsain, allant parfois aux limites du concevable. Ainsi un non-averti pensera probablement avoir à faire à un gentil petit anime avec de gentilles petites collégiennes pourchassant de grands vilains monstres pas beaux. On est quand même très loin du compte. Les illusions se dissipent très vite, dès la séquence d’ouverture en fait où, lors du décompte des voix lors de l’élection dans la classe Tsubaki, on entend le nom de Yuri se répéter indéfiniment, se déformant un peu plus à chaque fois, comme dernier avertissement d’un cauchemar imminent.
Grenouilles volantes et entrailles fumantes
L’histoire est également bien plus complexe. Déjà, pour commencer, il faut savoir qu’ici les membres du corps Anti-Alien se battent…avec des aliens. Pas n’importe lesquels bien sûr. Chacune des trois filles portées volontaires écope ainsi d’un Borg, un extraterrestre symbiote qui se nourri, théoriquement, des déchets de son corps, mais j’y reviendrai plus tard. C’est ça le casque tout mignon qu’elles ont sur le crâne. Mais quand on comprend que les Borgs « s’ouvrent » pour se poser sur la boîte crânienne. Donc la tête de Yuri, par exemple, s’enfonce dans les entrailles (on les voit peu, c’est déjà ça) de l’animal. D’où son dégoût en l’enfilant pour la première fois. Et pour que le Borg puisse se nourrir, il doit en fait absorber sa sueur. Ce qui entraîne une scène aussi dérangeante que surprenante : on y voit Yuri, nue dans une salle de bain vaporeuse, la langue de crapaud de l’alien le long de sa colonne vertébrale, semblant pomper à la source même (je n’ai compris ce qu’il faisait que beaucoup plus tard).
Une équipe de bras cassés
Chacune de nos trois chasseuses d’extraterrestres méritent l’attention. Dans l’ordre inverse (vous verrez pourquoi) :
Toumine Kasumi (doublée par Shitaya Noriko qui fait You dans Ever 17) est la plus performante de toutes. D’un naturel enjouée, cette adorable petite blondinettes à couettes est en réalité une sorte de génie semblant avoir été gâté par la nature : ses parents sont incroyablement riches et elle réussi tout ce qu’elle entreprend, collectionnant ainsi trophées et récompenses. Elle s’est portée volontaire dans cette partie de chasse très spéciale sous le simple prétexte d’aimer cela. Sa particularité est qu’elle ne s’exprime quasiment que par des « Nya » aussi mignons que difficiles à comprendre. Malgré son apparence enfantine, elle fait très visiblement preuve d’une grande maturité. Pourtant certains signes laissent à penser qu’elle est peut être la plus dérangée du groupe… Et cela se confirmera par la suite où elle dévoilera enfin des sentiments aussi perturbants qu’inquiétants.
Kawamura Kumi (doublée par Shimizu Kaori, Lain dans Serial Experiments Lain <3) est la plus brave et la plus sérieuse. Ecrasée par des responsabilités qu’elle a toujours voulu fuir, elle s’inscrit pour ne plus être délégué de classe une énième année de plus et lassée de toujours devoir s’occuper des autres. Ayant été élevée seule par sa mère, son père étant décédé alors qu’elle était toute jeune, elle a l’habitude de se débrouiller toute seule et le fait bien savoir. D’abord peu sympathique avec Yuri, elle finit néanmoins par se radoucir et accepter tant bien que mal son rôle de Zorro salvateur auprès d’elle (certains considèrent même qu’une relation amoureuse aurait été possible entre elles). On découvrira petit à petit que si elle est la plus forte du groupe, elle en est aussi la plus fragile.
Otani Yuri (doublée par Ihata Juri alors âgée de 14 ans seulement) fait tache entre Kumi et Kasumi en ce qu’elle est la fille normale par excellence. Elle n’a jamais vécu de traumatisme, perdu d’être cher ou appris à enfouir ses émotions, et par là elle est peut être la plus forte des trois. Si Yuri pleure souvent, c’est vraiment la seule à sembler savoir vivre et s’exprimer sans retenue. Malheureusement pour elle, sa peur maladive des aliens fait de sa nouvelle vie un véritable calvaire et il n’est pas rare de la voir se terrer dans un coin, morte de peur ou éclatant en sanglots. Elle saura pourtant gagner petit à petit la sympathie du spectateur (ce qui n'est pas chose facile).
Hisakawa Megumi (doublée par Aya Hisakawa <3) est la professeur en charge de ce petit groupe. Gentille mais exigeante, elle supervise toutes les opérations, bien souvent en allant trop vite. On sait assez peu de choses d’elle sinon qu’elle ne mène pas franc jeu et qu’elle est loin de dire tout ce qu’elle sait sur les extraterrestres ou sur son rôle même.
Psychedelic flowers
Maintenant qu’on a évoqué tout cela il ne reste plus qu’à passer à l’étape suivant et rentrer dans le vif du sujet car Alien Nine ne s’arrête pas à une histoire, c’est un anime empreint d’un symbolisme omniprésent qui lui donne toute sa force, tout son mystère…mais aussi toute sa difficulté de compréhension.
Le mieux avant de commencer la série est probablement de connaître une des clés de l’œuvre, partiellement dévoilée dans le 3e OAV : Alien Nine est une métaphore du passage à l’âge adulte avec toutes ses difficultés, ses peurs, ses troubles. A partir du moment où on sait ça beaucoup de choses prennent sens. Il n’y a qu’à se pencher sur l’opening pour comprendre à quoi l’on a à faire.
Je vous propose d’écouter Flower Psychedelic (chantée à chaque épisode par une des trois héroïnes et par les trois en même temps à la fin, ici il s’agit du 1e générique donc de la seiyuu de Yuri) sans savoir ce que raconte la chanson. Mignon et entraînant, non ?
Et voici les paroles :
An unusual morning had come
The stabbed heart throbs
The reality that wants to wake up
Is beginning to wake up wih dragging pajamas
Always being held by someone else spread wings
In reality... in reality... I want to be protected
But...I’d rather do somehing worthwhile that makes me feel good
Probably...adults are something like that
Today starts when the chimes rings to share smiles and tears
I like you, I like you, I like you but I’m still...
Surely...this body has started to change
Even more...I want to make it hot so I can run through
Perfection is somewhat boring
It’s better if some rules are broken
Beyod, beyond, beyond, I will walk to
My sweetheart babe
Même sans avoir l’esprit pervers, je pense qu’on peut quand même sentir que quelque chose se profile, qu’il y a quelque chose de bizarre. Etre gêné par les ailes déployées d’un autre ? Envie d’être protéger ? De quelque chose qui me fait me sentir bien ? Quelque chose que font/sont les adultes ? Mon corps est en train de changer ?
Et tout l’anime est à l’image de son opening, partagé entre une ambiance faussement mignonne et souvent malsaine, parsemé de symboles plus ou moins évidents, notamment au travers des nombreux rêves que fait Yuri tout au long de l’anime, tous de francs moments de poésie et de WTF confondus. La plupart se passent dans un immense champ de fleurs géantes et colorées –source d’inspiration pour l’épisode 4 de Madlax ?- et le plus poignant, celui du 3e épisode, nous montre Yuri au fond de la piscine, fuyant une école où les élèves sont devenus des aliens, donc des adultes (c’est pas moi qui le dis XD). Rêves ne se distinguant pas toujours très bien de la réalité, ce qui ajoute au trouble. Pour tout dire Alien Nine m’a fortement rappelé Serial Experiments Lain et la présence de Kaori Shimuzu dans le cast renforce beaucoup cette impression. Il n’y a pas que ça, la musique y est aussi pour quelque chose en ce que même lors de scène sa priori inoffensives, elle laisse pressentir le pire (chants d’enfants aux tonalités métalliques par exemple) ; les pistes visant à faire monter la tension réussissent parfaitement et la musique justement employée lors des scènes de rêve est magnifique et colle parfaitement à un climat onirique et confus. L’ending joue sur ce même ton par son côté mélancolique. Si c’est toujours la même chanteuse à chaque fois, les différentes seiyuus se relayent pour répéter les paroles, formant un écho semblant lointain et triste.
Le malsain à son apogée
Si le premier OAV, malgré la présentation peu ragoûtante du mode de vie des Borgs est relativement calme (le 3e OAV avec la présence des vacances d’été aussi…à l’exception des dernières minutes à la limite du traumatisant), le 2e OAV est bien plus éprouvant et plus on avance dans la série plus la métaphore prend de l’ampleur. Devenir un avec un alien serait la dernier pallier de la transformation à l’âge adulte tandis que le premier serait le Borg, chacun possédant une relation particulière avec son hôte – si celui de Kasumi ne fait qu’accéder à ses moindres caprices, celui de Kumi tente de se poser en soutien tout en restant souvent muet tandis que celui de Yuri lui dispense des conseils et son avis de la situation. L’introduction d’aliens « offensifs » semble confirmer cette théorie en ce que, soudainement, des garçons jusque là aux passe-temps ordinaires, se mettent à éprouver un ennui insupportable, se réunissent à l’écart des autres et, des aliens sur leurs crânes, éprouvent le soudain besoin de s’attaquer aux filles, Yuri en particulier. Une certaine scène où [spoil] les « drills » des garçons transpercent une surface molle (les « ailes » du Borg), faisant ainsi répandre des gouttes de sang sur le sol [/spoil] a même souvent été qualifié de scène de viol et je suis plutôt d’accord sur cette théorie, développée ici (attention spoils !). On grimpe encore plus loin dans le macabre avec l’épisode final où un extraterrestre un peu spécial apparaît et sème la pagaille autour de lui [spoil] Kasumi le prenant pour son grand frère qu’elle aime d’un amour incestueux, elle tourne à moitié folle et se retourne contre ses anciennes amies pour le protéger [/spoil]. Une escalade mentale qui ne se conclut que très brutalement sur un final plus que mystérieux, abrupt même, un immense cliffhanger sensé donner envie de lire la suite dans le manga original, alors que tout semblait mener à une happy end.
En conclusion, Alien Nine est une fable plus qu’atypique et difficile d’accès à la fois par ses multiples sens cachés et une ambiance qui sera loin de plaire à certains, ce qui ne gâche en rien sa beauté (j’insiste, c’est beau). Pour moi un grand voyage…qui relève plus des montagnes russes que de la promenade en bateau.
Le prochain article sera fait, je l'espère, pour faire rire (parce que ça fait du bien de temps en temps) et pour une fois, ne portera pas sur un anime ou un manga =).