14 mai 2015 4 14 /05 /mai /2015 22:20

Cela fait longtemps que je n’avais pas évoqué un anime, et encore moins une production récente, mais j’ai récemment eu un petit coup de cœur sur Saenai Heroine no Sodatekata (ou Saekano pour les intimes) et j’avais envie d’en parler plus en détails.

 
Aki Tomoya est un lycéen en apparence banale qui travaille à mi-temps pour financer sa passion pour la culture otaku sous toutes ses formes. C’est pourquoi sa rencontre inattendue avec une belle inconnue va lui fournir un élan d’inspiration fulgurant et le pousser à créer son propre visual novel. Il espère ainsi faire naître l’héroïne la plus moe de tous les temps, capable de faire fondre le cœur de tous les lecteurs. Sauf que la fille réelle sur laquelle il compte modeler son héroïne ne possède pas vraiment les caractéristiques attendues…
 

 

Saekano est adapté d’une série de light novel en cours écrit par Fumiaki Maruto, un scénariste relativement connu pour son travail dans le monde des visual novel. C’est par exemple lui qui s’est occupé du dernier blockbuster de Leaf/Aquaplus, White Album 2, ainsi que plusieurs titres plus obscurs (dont Sekai de Ichiban Dame na Koi). Autant dire qu’il maîtrise donc son sujet et que la liberté dont il dispose ici lui autorise quelques piques ça et là sur le « déclin de l’industrie ». Aux illustrations du light novel, on retrouve également quelqu’un de familier avec l’univers du visual novel, Misaki Kurehito, qui a par exemple œuvré au character-design de Ushinawareta Mirai wo Motomete – A la recherche du futur perdu et qui possède une patte colorée assez impressionnante. L’origine relativement atypique explique probablement l’originalité dé Saekano : c’est en effet une série qui réussit le tour de force, non pas de subvertir la comédie harem en profondeur, mais de rafraîchir une formule pourtant désuète et horripilante. C’est un genre qui me sort particulièrement par les trous de nez à cause de son manque flagrant de personnalité : non seulement il en sort des barquettes tous les ans, avec un schéma relativement similaire et des personnages très codifiés, mais en plus les mêmes gags s’y retrouvent à l’identique et il y a souvent un abus de fanservice assez irritant (et vas-y que je te re-sers un gros plan sur les nichons qui gigotent d’une héroïne jusqu’à l’écœurement). Bref, c’était mal parti à la base ! Et pourtant…

 

\!/ Attention légers spoilers un peu partout, passez directement à la partie réalisation si vous voulez tout découvrir \!/

 

Le cast : un héros pas si ordinaire, un triangle bancal et des exceptions

Tout bon harem qui se respecte, Saekano se devait d’inclure un cast à base de héros ordinaires et de charmantes demoiselles se battant pour ses faveurs.

 

 

Le héros en question, Aki Tomoya, est doublé par Yoshitsugu Matsuoka (Kirito de Sword Art Online, Sora de No Game No Life). Malgré un design de binoclard assez typé, il réussit à faire preuve de personnalité ! Tomoya est notamment caractérisé par ses grands discours enflammés sur la culture otaku, un des éléments comiques de la série, et sa passion est la source de bien des situations. S’il ignore effectivement les avances des femmes autour de lui, comme n’importe quel héros de harem, Saekano arrive à dessiner une double justification : en effet Tomoya éprouve un désintérêt sincère pour le fait d’obtenir une petite amie (il préfère la 2D) et les relations qui le lient aux haremettes sont en fait dysfonctionnelles dès le départ (mais j’y reviendrais).

 

Eriri la blonde et Utaha la brune : le feu et la glace

 

Les haremettes en question sont finalement en nombre réduit puisqu’il s’agit majoritairement d’un triangle amoureux voué à l’échec. La première demoiselle qui nous est introduite est Eriri Spencer Sawamura (doublée par Saori Oonishi), l’amie d’enfance du héros. Ses origines étrangères (son père est anglais), son petit air d’ojou-sama et ses couettes blondes en font une des coqueluches de l’école. Or Eriri est en fait une « Switch Girl » : elle porte un masque en public pour se faire paraître parfaite, mais cela ne correspond pas à sa personnalité réelle. En mode Off, elle remet ses lunettes, un vieux jogging et dessine des doujin pornographiques très populaires dans le milieu (sous le pseudonyme de Kashiwagi Eri), car c’est en réalité une otaku chevronnée. Elle est également assez caractérielle et hautaine, ce qui en fait une parfaite tsundere devant ceux qui connaissent son côté obscur. Sa relation avec le héros est assez instable puisqu’ils ne se reparlent en fait que depuis très peu de temps ; ils étaient brouillés pendant des années. Eriri est visiblement désireuse de retrouver un semblant de relation avec Tomoya mais peine à y arriver à la fois à cause de ses propres contradictions et des nouvelles personnes dans sa vie qui éclipsent l’avantage qu’elle pouvait avoir autrefois. Elle est en constante rivalité avec l’autre coqueluche de l’école…

 

Kasumigaoka Utaha, doublée par Ai Kayano (Meiko de Ano Hana, Inori de Guilty Crown, Shiro de No Game No Life), est l’opposée exacte de la flamboyante Eriri. Cheveux longs d’un noir de jais, poitrine généreuse, tempérament de glace, inutile de dire que leurs échanges sont souvent assez animés. Avec son naturel assez désinvolte et sarcastique, Utaha reproche souvent à Eriri d’être dans les apparences et de ne pas être honnête avec elle-même. Or, étant littéralement parfaite dans tout ce qu’elle entreprend, son talent énerve. Etudiante le jour, elle écrit des light novel romantiques à succès (sous le pseudonyme de Kasumi Utako). Sa relation avec Tomoya est tout aussi instable puisque c’est en réalité un de ses fans et qu’ils se sont également brouillés à cause de ce sujet, ce pourquoi elle le surnomme désormais « Monsieur Ethique » (Rinri-kun). Malgré cela, c’est de loin la personne que le héros respecte le plus et il la couvre régulièrement d’éloges, ce qui ne lasse pas d’attiser la jalousie d’Eriri.

 

On dirait un personnage doublé par Kana Hanazawa comme ça...

 

C’est sur ce triangle amoureux somme toute classique que vient se greffer la plus invraisemblable des haremettes : Katou Megumi (doublée par Kiyono Yasuno)…une fille ordinaire. Il est difficile de décrire le concept tant elle est insaisissable. Là où Eriri et Utaha représentent des personnages très typés (bien que pas dénués d’intérêt), aux personnalités extrêmes, Megumi est tout en subtilités, en paradoxes. Elle manque cruellement de présence mais écrase lourdement ses concurrentes d’un revers de la main. J’essayerai d’approfondir tout ça au fil de l’article mais en gros essayez d’imaginer Nami de Sayonara Zetsubou Sensei en héroïne principale…

 

Dans l'ordre, du plus loin au plus près

 

Aux côtés de ces protagonistes principaux assez restreints, gravite une petite poignée de personnages plus secondaires :

  • Hyodo Michiru, doublée par Sayuri Yahagi (Haruna de To Love-Ru, Rima de Shugo Chara), la cousine de Tomoya qui possède un arc important mais n’apparait qu’à la toute fin de la série.
  • Hashima Izumi, doublée par Chinatsu Akasaki (Nibutani de Chuunibyou), une collégienne et autre amie d’enfance de Tomoya qui sera le déclencheur de plusieurs évènements clefs.
  • Hashima Iori, doublée par Tetsuya Kakihira (Sakutaro Morishige de Corpse Party, Natsu de Fairy Tail, Mercutio de Romeo X Juliet, Simon de Gurren Lagan). Il était autrefois le meilleur ami de Tomoya avant de devenir son rival et c’est le grand frère d’Izumi.

 

Les relations (dysfonctionnelles) au cœur de l’intrigue

Une des particularités intéressantes de Saekano est de nous présenter des héroïnes typées mais relativement complexes et de mettre à l’honneur leur incapacité à se frayer un chemin vers le cœur du héros pour des raisons réalistes. Eriri comme Utaha ont ostensiblement des sentiments pour Tomoya mais un mur infranchissable les empêche d’être dans une relation saine et égalitaire.

 

 

Dans le cas d’Utaha, c’est le gouffre entre le fan et le créateur qui est mis en avant. Tomoya semble idéaliser son talent et la place sur une sorte de piédestal dont elle n’arrive jamais à redescendre, malgré ses efforts acharnés. Par exemple, il arrive régulièrement qu’Utaha et Eriri disent la même chose mais que ce soit son avis uniquement que le héros retienne. C’est notamment visible dans son arc où le spectateur apprend qu’elle avait proposé au héros de lire son manuscrit en avance mais que celui-ci avait refusé pour des raisons d’éthique (d’où son surnom). Or maintenant que Tomoya souhaite fonder son propre studio de visual novel, il se sent prêt à devenir un créateur lui-même, et donc à franchir le gouffre pour se rapprocher de son idole. Malgré cela, Utaha reste « Kasumi Utako » dans son esprit, la « sempai » (au propre comme au figuré) intouchable. Le décalage est d’autant plus frappant lorsque l’on comprend que le succès des romans de la jeune fille est en grande partie dû aux articles élogieux que Tomoya a rédigés sur son blog (on en déduit qu’il est un blogueur influent), ce qu’il refuse de comprendre.

 

 

Dans le cas d’Eriri, c’est encore plus complexe. C’est elle qui a initié le héros à la culture otaku lorsqu’ils étaient enfants mais elle l’a lâchement abandonné à cause des brimades de leurs camarades de classe. C’est donc pour cette raison qu’elle cache désespérément sa passion et on comprend assez vite qu’elle regrette d’avoir agi ainsi et qu’elle surveille Tomoya de loin depuis des années sans vraiment oser l’avouer. Mais le malaise s’est bien évidemment installé entre eux et plus rien n’est comme avant. Le protagoniste semble relativement froid vis-à-vis d’Eriri justement parce qu’il lui en veut toujours et la fierté de la jeune fille l’empêche d’être honnête. C’est donc un chassé-croisé perpétuel qui s’installe entre eux : d’un côté Eriri recherche l’attention de Tomoya et s’effondre assez vite dès qu’elle pense être surpassée par une autre fille dans son cœur (notamment les autres amies d’enfance du héros), mais de l’autre elle prétendra toujours ne pas être intéressée par quelqu’un d’aussi insignifiant. On peut donc dire que ce comportement sonne faux (comme Michiru de Grisaia dont la grande aspiration dans la vie est de devenir tsundere) : Eriri fait semblant d’être une tsundere pour sauver les apparences et s’enfonce chaque fois un peu plus dans un grand bourbier qui l’éloigne de Tomoya.

 

 

A partir de là, on comprend que le triangle amoureux est en réalité voué à l’échec : malgré leur passif intéressant, aucune des deux héroïnes ne peut vraiment prétendre au cœur du héros puisque leur relation est complètement bancale ! C’est à cause de qualités purement techniques que Tomoya leur demande de rejoindre son studio, mais c’est par opportunisme tout bête qu’elles acceptent : leur désir de se réconcilier et de se rapprocher de lui. Et c’est bizarrement grâce à cela qu’Utaha et Eriri développe finalement leur propre relation toute aussi intéressante. Si le cœur comique repose bien sûr sur leurs altercations, on remarque petit à petit que les deux femmes se respectent mutuellement. C’est particulièrement vrai pour Utaha qui répond systématiquement à l’appel pour épauler Eriri : elle repère le malaise quand Tomoya retrouve Izumi, scénarise la réconciliation entre Tomoya et la blondinette (réconciliation qui sera ratée) et va même jusqu’à lui dire directement à quelques reprises qu’elle apprécie de travailler à ses côtés. Eriri est plus subtile mais elle fait tout de même régulièrement savoir qu’elle est du même avis que sa comparse et n’hésitera pas à la défendre lorsque sa proposition de scénario ne sera pas validée. Leur rapprochement tout en subtilité est particulièrement fascinant dans le sens où les héroïnes du genre harem ont généralement peu d’alchimie entre elles puisque leur vie tourne uniquement autour du mâle à conquérir. Ce n’est pas vrai ici puisque chacune possède une vie à côté (écrire des romans pour Utaha et dessiner des doujins pour de nombreux évènements pour Eriri), une vie assez exceptionnelle de surcroît, mais qu’en plus elles ont régulièrement un avis similaire du fait de leurs expériences respectives et finissent par se compléter sur le plan professionnel. Ce qui n’est pas moins source de gags : on pense par exemple à la bataille de deadline où chacune essaye de gagner du temps sur le calendrier de production, empiétant du même coup sur la deadline de l’autre.

 

 

La véritable héroïne était une fille ordinaire

Face à ces deux fortes têtes se dresse une rivale des plus inattendues : la fille ordinaire. Tout le pitch de Saekano tient sur la « fausse » rencontre entre Tomoya et Megumi : le héros est séduit non pas par la personne, mais par l’image pittoresque qui se dégageait de leur confrontation. Cette image embellie par son imagination (une fille en robe blanche en haut d’une colline un beau jour de printemps au milieu des cerisiers en fleurs) lui rappelle les visual novel dont il est fan et lui donne envie de créer une histoire d’amour à l’eau de rose où cette fille serait l’héroïne moe absolue. C’est bien évidemment une vision bourrée de clichés et tout le cast ne manquera pas de le lui faire remarquer mais Tomoya n’en démordra pas…jusqu’à ce qu’il se rende compte que l’inconnue en question fait partie de son entourage depuis près d’un an et qu’il ne l’avait juste jamais remarqué.

 

 

La particularité de Megumi est qu’elle est développée par petites touches tout le long de la série, et non par un arc spécifique comme les autres héroïnes (même si les trois premiers épisodes dédiés à l’introduction la mettent particulièrement en avant). Il est donc difficile de vraiment mettre des mots sur ce qui la rend si spéciale. De manière générale, elle est tout simplement « réelle » : jolie mais sans atout spécifique, sociable mais avec un cercle restreint d’amies, nonchalante sans être particulièrement cynique, passive et active à la fois, peu expressive mais pas dénuée d’émotions. En somme, elle ne possède pas de trait moe exacerbé et pourrait assez vraisemblablement exister.

 

Les premiers épisodes (qui expliquent le titre de la série) sont assez trompeurs car ils laissent croire que Tomoya va essayer de transformer Megumi pour la modeler sur ses fantasmes et la rendre plus moe, mais ce n’est pas du tout ce qui arrive. Une fois l’initiation aux visual novel passée, elle va faire semblant d’être l’héroïne moe de son jeu pour lui remonter le moral le temps d’une scène et restera fidèle à elle-même le reste de la série. Au contraire, le héros va tout simplement commencer à apprécier sa compagnie et les deux jeunes gens vont développer une relation de confiance, la plus naturelle et la plus réelle que j’aie jamais vu dans un anime à ce jour. Il se dégage entre eux une alchimie que les plus grand couples de la japanimation peinent à attendre (Nagisa et Tomoya de Clannad font pâle figure à côté, désolée). On peut notamment décerner cette alchimie à travers leurs conversations téléphoniques : à chaque fois que le héros doute ou se décourage, c’est vers Megumi qu’il se tourne. De manière paradoxale, le personnage est pensé pour se fondre dans le décor lorsqu’elle est présente, elle semble donc inoffensive, inutile, et son absence fait soudain apparaître un manque qui la présente comme essentielle. D’où un gag récurrent : personne ne sait à quoi elle sert au sein du studio mais les personnages ne cessent de répéter son importance et elle est finalement partout (c’est l’héroïne du jeu, le nom du studio, etc). Contrairement à Haruhi de Ouran High School Host Club qui reste ambigüe sur ce qu’elle pense du club, Megumi fait savoir finalement assez vite qu’elle apprécie de rester au sein du studio otaku tout en continuant de voir ses amies. Elle finit même par prendre des initiatives pour trouver un rôle à sa mesure et donc aider ses camarades.

 

Vous ne verrez jamais Megumi comme ça, par exemple

 

Vers une nouvelle représentation de la culture otaku

Un autre pan primordial de Saekano consiste en sa représentation de la culture otaku, encore une fois très intéressante ! On peut aborder ce thème via différents points.

 

Un héros pas si lambda

Premier point : le traitement du héros. Comme beaucoup de productions avant et après lui, Saekano met en scène un protagoniste principal otaku à lunettes. Le premier épisode essaye de nous convaincre que Tomoya est un otaku lambda : il passe son temps sur Internet, est peu populaire, incompris, absorbé par la 2D, etc. Or une révélation surprenante va complètement ébranler ce cliché. Dans l’épisode 2, alors que le protagoniste engage la discussion avec Megumi pour la première fois, celle-ci nous révèle que Tomoya est une des idoles du lycée justement grâce à son implication à partager sa passion : il organise en effet de nombreux évènements pour son école tels que la diffusion d’animes ou l’achat de light novel pour la bibliothèque. Megumi admet donc être flattée qu’il lui adresse enfin la parole, ce qui décontenance le héros, sincèrement persuadé d’être un ringard/incompris. Autre détail troublant et assez rare pour être souligné : Tomoya est définit par les différentes héroïnes comme physiquement attirant. Ce qui est confirmé par le fait qu’on voit régulièrement ses yeux à travers ses lunettes et ce malgré ses grands discours enflammés et grandiloquents sur la supériorité de la 2D sur la 3D qui ont évidemment une visée comique.

 

Des références otakus se glissent partout dans la série, ici sur les visual novel

 

Cela semble anodin de prime abord, mais ces petits détails viennent lacérer le stéréotype de l’otaku moche et graveleux qui est présent de manière assez récurrente dans la japanimation et qui est à mon sens complètement archaïque. Je pense que le consommateur cible ne devrait pas être représenté par un stéréotype pareil : il faudrait vraiment avoir une estime de soi très basse pour se dire « Oh, un otaku moche et graveleux, c’est tout moi ça, ce produit est fait pour moi, vraiment je me reconnais là-dedans ». C’est donc réellement rafraîchissant de nous présenter un héros otaku au physique ordinaire, avec ce qu’il faut de personnalité, populaire grâce à son engagement pour faire connaître la culture otaku auprès du grand public et qui semble réellement se soucier des personnages féminins autour de lui, même s’il ignore constamment leurs avances (pour les raisons explicités plus haut). Rien qu’avec ça, Saekano tord le cou à pas mal d’idées reçues et c’est loin d’être fini !

 

 

L’ouverture à un public plus large: les différents visages de l'otaku

L’élément qui m’a le plus agréablement surprise lors de mon visionnage est le point d’honneur qu’a mis le scénariste pour dépasser le stéréotype traditionnel. Cela se voit dans le choix des personnages otaku dont Utaha et Eriri au premier plan, présentées comme les égales de Tomoya en la matière (Utaha ira même jusqu’à défendre leur passion commune devant Michiru) mais aussi Izumi et Iori.

 

 

L’apparition de la petite Izumi est source de nombreuses surprises : c’est en effet en nous apprenant que Tomoya l’a initié à la culture otaku via un otome game qu’elle ramène sur le tapis les souvenirs liés à ce jeu. On découvre alors que c’est en réalité Eriri qui a déclenché la passion du héros en lui prêtant l’otome game en question. Là où c’est intéressant c’est que Tomoya ne nie pas ou ne semble pas embarrassé, il lance même considérer ce jeu comme un véritable chef d’œuvre et que c’est pour cette raison qu’il l’a fait découvrir à Izumi à son tour. Celle-ci baigne donc naturellement dans l’univers doujin et demande à son « mentor » de venir l’encourager lors du Comiket. Et Tomoya est conquis par son travail au point d’en faire la promotion de manière éhontée. Ce qui est surprenant ici c’est que le visual novel est habituellement scindé en deux marchés distincts : « pour hommes » (bishoujo game) et « pour femmes » (otome game). Ces deux marchés ne se parlent jamais et les fans de bishoujo game ont même la fâcheuse tendance à cracher sur les otome game. Il est donc assez incroyablement progressiste de voir un héros fan de bishoujo game nous dire qu’il apprécie les otome game et encourager leur promotion. C’est d’autant plus visible dans la scène où Tomoya arrive à attirer du monde autour du stand d’Izumi : un jeune homme se présente et demande à feuilleter son doujin otome. Embarrassée, elle balbutie que c’est à destination d’un public féminin et semble sous-entendre que ça ne va pas lui plaire. Or le client achète son travail, ce qui est hautement symbolique !

 

Petite aparté mais cet engouement causera des tensions entre Tomoya et Eriri puisque cette dernière va lui demander de complimenter son propre doujin en retour. Et c’est d’un air évasif que le héros lui répondra que son travail est « consistant ». Cette absence d’éloge peut s’expliquer par une dichotomie entre sexe et scénario : en effet c’est le scénario d’Izumi que Tomoya vante et Eriri fait des dessins pornographiques. En filigrane se trouve peut-être un repproche inavoué, celui de privilégier ce que le public masculin est censé aimer et pas ce qui est vraiment important. Une ambiguïté que l’on retrouve dans la volonté du héros de faire un visual novel tout public, un spécimen quasiment éteint au Japon et qui contraste avec l’expérience de l’auteur dans l’industrie. Est-ce parce que son roman et l’anime visent une audience plus large ? Mystère…

 

 

Autre source de surprise : Iori, le rival de Tomoya. Ce qui est intéressant avec ce personnage c’est qu’il est devenu ami avec le héros dans des circonstances assez inhabituelles. En effet Iori était à la fois le garçon le plus populaire de sa classe au collège et un otaku convaincu. Leur passion les a donc rapprochés, puis éloignés : Tomoya n’aimait pas les méthodes d’Iori car ce dernier cherchait à s’élever au sein de la communauté otaku et cette ambition lui semblait mal placée. Or, comme le personnage nous le rappelle, le héros fait preuve d’une ambition assez similaire en débauchant les plus grandes stars de l’industrie pour réaliser son jeu. Leur rivalité semble donc tenir à peu de choses et Iori se révèle très vite incapable d’être menaçant. On le voit surveiller Tomoya de loin à la fin de l’arc d’Eriri et c’est de bonne grâce qu’il va l’aider à la reconquérir alors même que cela dessert ses intérêts !

 

Dernier élément : les filles du groupe Icy Tail sont toutes définies par leur passion pour un élément particulier de la culture (les doubleurs, Vocaloïd et la dernière est considérée comme étant casual).

 

Cette diversité dans les personnages otaku de la série est particulièrement intéressante car elle permet de s’éloigner encore un peu plus des stéréotypes habituels. Ainsi la passion de chaque personnage est un élément de sa vie sans le définir complètement : point de fujoshi hystérique et point de gros pervers graveleux prêt à photographier des culottes.

 

 

L’ouverture à un public plus large : le regard des non-otaku

La représentation du milieu ne serait pas complète s’il n’y avait pas des non-initiés pour offrir une perspective différente. Saekano compte au fond assez peu de personnages non-otaku mais leur intérêt est primordial.

 

 

La première est bien sûr Megumi qui va chambouler les attentes de Tomoya en faisant preuve d’une grande tolérance. Elle dira notamment dans les épisodes d’introduction ne rien avoir de particulier contre la culture otaku et fera preuve d’une curiosité renouvelée tout au long de la série. Au début c’est Tomoya qui essayera de l’initier manu militari en lui faisant jouer à des visual novel toute la nuit (avec un succès mitigé : elle balancera ne pas être en mesure d’apprécier pleinement une œuvre avec quelqu’un qui spoile tout à côté d’elle), puis elle prendra des initiatives, par exemple, en essayant l’otome game évoqué par Izumi ou en accompagnant le héros au Comiket. Le pivot reste le dernier arc de l’anime puisque Megumi va s’emparer des livres de Tomoya pour apprendre à scripter le jeu par elle-même, avec le soutien des autres héroïnes. La voir devenir la programmeuse officielle du studio est logique, puisque c’est le seul poste qui restait à pourvoir, mais pas moins surprenant. Là où les autres personnages féminins sont sans cesse définies par leur incroyable talent, la très ordinaire Megumi nous montre qu’elle peut apprendre à coder avec un peu de patiente et de ténacité. Cette tolérance dont elle fait preuve, en parallèle des révélations sur la popularité du héros, contribue à normaliser la passion des protagonistes et à ranger les brimades (vues dans la route d’Eriri) dans le passé, ce qui est réellement rafraîchissant.

 

On pourrait dire de même des parents d’Eriri, brièvement entraperçus, qui vendent les doujins pornographiques de leur fille à sa place (vu qu’elle est mineure) sans battre un seul cil. J’aurais aimé en savoir plus à leur sujet, j’espère donc que la suite leur apportera leur moment de gloire !

 

 

Dernier cas, et non des moindres : Michiru, la cousine de Tomoya. C’est de loin le personnage développé le plus hostile au monde otaku. Suite à une dispute familiale, elle vient squatter chez le héros et prend vite ses aises en balançant toutes ses figurines dans un sac poubelle. Elle sera en confrontation ouverte avec Tomoya tout le long de son arc car elle considère que son rêve à lui n’est pas sérieux et voudrait qu’il abandonne la création de visual novel pour venir l’assister elle. A travers ces dialogues, on comprend qu’elle veut le bien de son cousin mais qu’elle baigne dans les préjugés (être un otaku reviendrait à refuser de grandir et affronter la réalité en face). Cette attitude énerve bien sûr Utaha et Eriri qui la voient comme une rivale gênante et n’apprécient pas plus que ça de voir leur passion méprisée. Or Tomoya tient à la faire entrer dans le groupe à cause de son talent pour la musique. Malgré son antipathie à l’égard d’un monde qu’elle ne comprend pas, Michiru reste étrangement lucide puisqu’elle comprend tout de suite que les autres héroïnes sont là pour courtiser son cousin. On peut remarquer que malgré cette hostilité apparente, la demoiselle demeure mesurée dans le sens où elle avoue ne rien avoir contre les otaku mais pense que leurs mondes sont incompatibles. C’est là-dessus qu’intervient la résolution du dernier épisode (qui se mue pour l’occasion en épisode musical) qui règle le problème de manière intéressante.

 

Tomoya accepte d’aider Michiru à se produire sur scène et lui dégotte une place dans un des hauts lieux de la culture otak où la jeune fille découvre par la même occasion que toutes ses amies sont également des otaku mais n’ont jamais osé le lui avouer. Au pied du mur, Michiru est obligée de remettre ses préjugés en question. Et sa réaction est étonnante : elle pardonne évidemment à ses amies, mais surtout elle s’inquiète de décevoir son audience justement parce qu’elle est une non-initiée. Une fois rassurée par Tomoya, force est de constater qu’elle va s’éclater sur scène (petit moment de fanservice pour les spectateurs avec la cover d’un générique d’anime célèbre) et une fois de retour dans les vestiaires, elle tient un tout autre discours. Alors que le héros fait une pique sur le public en le décrivant comme passionné mais un peu effrayant/louche, c’est Michiru qui va le corriger d’un radical « Ne dis pas de mal de mes fans ! ». On peut donc dire que Michiru, tout comme Megumi, finit par rejoindre les rangs du monde otaku tout en gardant sa personnalité. Il y a en somme une coexistence paisible.

 

 

La réalisation

L’adaption animée de Saekano est d’assez bonne facture. Les graphismes sont agréables, l’animation n’est pas forcément survoltée mais le matériau de base n’ayant pas d’exigence, il n’y a pas besoin de faire des folies. Certains plans derpent un peu mais l’effet s’intègre assez bien dans le registre comique. On notera que Saekano abuse d’un effet « artistique » similaire à celui de l’opening de Cure Girl (un eroge de Noesis que peu d’entre vous doivent connaître) qui est de colorer les contours des personnages. Très honnêtement, je trouve qu’on s’y habitue assez vite même si ça n’ajoute rien de particulier.

 

 

Petite mention sur l’intégration de Megumi qui est parfaitement exécutée et dont le rendu colle vraiment bien au format de l’anime. Par exemple, une bonne partie de l’épisode 2 se déroule dans un café où Tomoya est censé parler à Megumi et le cadrage fait tout pour éviter de nous montrer la jeune fille, quitte à se concentrer sur la serveuse qui est derrière ou sur les autres clients. Cela contribue vraiment à construire ce fameux manque de présence du personnage de manière ingénieuse. Dénicher Megumi dans le décor pour voir ce qu’elle fait pendant que les autres personnages parlent est souvent très amusant. Les plus attentifs d’entre vous peuvent d’ailleurs essayer : on la voit apparaître dans un plan de l’épisode 1 bien avant son introduction, saurez-vous trouver lequel ?

 

Rien de spécifique à mentionner côté son. La bande-son est agréable sans être particulièrement remarquable, les génériques sont assez quelconques et le doublage est de bonne facture (d’autant que la majorité du cast est composé de nouveaux au bataillon).

 

Seul point noir de l'animation : les mains qui tapent sur le clavier sont en 3D...et c'est moche

 

Un point qu’il me tient à cœur de mentionner toutefois : le fanservice. Saekano arrive à être intéressant même dans sa manière de le représenter ! Déjà parce qu’il est bien dosé et un peu plus raffiné que d’habitude : on ne verra quasiment pas de seins qui gigotent ou de plan sur une culotte, la seule exception étant une scène dédiée dans la conclusion de l’arc de chaque héroïne (une scène étrangement érotique à chaque fois, on sent où est parti le budget (mais je ne me plains pas)). Le reste du temps, Saekano se concentrera exclusivement sur les jambes ou les pieds, un fétiche déjà annoncé par l’opening qui se concentre longuement sur les corps des héroïnes sans montrer leur visage. Mais vraiment, tout ceci reste très, très modéré…jusqu’à l’arrivée de Michiru. C’est dans le dernier quart de la série que des gens ont dû se réveiller et se dire que l’audience chutait ou que la cousine n’avait vraiment pas assez de personnalité pour concurrencer Utaha, Eriri ou même Megumi. De manière inexplicable Saekano se transforme soudain en harem ecchi lambda et nous offre des épisodes massacrés par le fanservice : la caméra passe son temps à nous montrer ses seins et son cul (quand ce n’est pas son entrejambe). Et c’est vraiment dommage parce que la série était irréprochable jusque là et que ça fait tâche. Inutile et de mauvais goût. En parlant de fanservice…

 

 

Ai to Seishun no Service Kai : Haruhi Episode Zéro à la plage

 

Si certains d’entre vous ont zappé Saekano, ce sera sûrement à cause de son Episode 0 sorti avant tout le reste, ce qui partait d’une intention assez couillue à la base et ce pari risqué était à mon sens très compliqué à remplir. En effet, l’adaption animée de Saekano a décidé de placer son passage plage/piscine/onsen bourré de fanservice d’emblée, de manière assez cash. La subvertion aurait pu marcher si ce n’avait pas été l’épisode le moins intéressant de toute la série… Certes, les personnages brisent joyeusement le quatrième mur, Katou fait son ninja, le match de ping pong entre Utaha et Eriri est un beau foutoir absurde. Mais tout cela ne peut fonctionner que lorsqu’on connaît déjà un peu les personnages, qu’on s’y est attaché, qu’on sait qu’il y a plus une fois la surface grattée. Si le bonus contient bien ce qui fait le charme de la série, on peut aussi dire que l’attrait est émoussé. Les scènes dans la forêt sont inintéressantes, voire même caricaturales (dégage de cette série Michiru, merci) et la scène de pseudo-viol du héros par les filles bourrées dans l’auberge est franchement pas drôle en plus d’être d’un cliché absolu. Et puis la scène de comparaison des tailles de seins, ahah, on l’avait vraiment jamais entendu ailleurs, tiens. Autrement dit, commencer par Ai to Seishun no Service Kai ne rend vraiment pas justice à la série : on a plus l’impression de regarder un harem lambda avec un vague gimmick que l’intrigue subtile que j’ai eu l’impression de regarder au fil des semaines. Le comble c’est que le bonus se place à la fin de la série chronologiquement, quand le visual novel du studio naissant est presque terminé ! Bref, autant regarder ça après comme un OAV bonus que comme une véritable introduction à Saekano. Surtout que l’épisode 1 est vraiment parfait pour placer les enjeux et introduire les personnages !

 

 

Conclusion

Saekano se place donc comme une œuvre rafraîchissante possédant de multiples couches. Au-delà du premier niveau de lecture qui est celle de la comédie en milieu otaku (avec une emphase sur le milieu de la publication et le Comiket), les personnages ont des relations complexes qui sortent des sentiers battus, l’héroïne principale tranche avec ce qui existe actuellement et l’approche du sujet est étonnamment progressiste. Quand on voit le climat actuel du milieu du jeu-vidéo (incroyablement toxique) entre les « vrais » joueurs et les « faux » joueurs, difficile de ne pas voir dans la série de Fumiaki Maruto (qui a l’air d’avoir trouvé son format idéal avec le roman) un bol d’air frais, certes involontaire, mais nécessaire.

 

Un visual novel Saekano est sorti à la fin du mois d'avril. VISUALNOVELCEPTION!

 

Seul véritable bémol : l’adaptation s’arrête en plein milieu des tomes en cours (4 sur 7), ce qui fait de la 1e saison une introduction de 12 épisodes. Autant dire que j’ai hâte de découvrir la seconde saison, surtout que le septième volume du light novel conclut le premier arc narratif de l’intrigue. Conclusion que je me suis spoilée et qui s’annonce palpitante. A part ça, je crois que la seule chose que je pourrais à la série est de ne pas assez parler de visual novel. C’est pour ça que j’étais intéressée à la base après tout !

 

Saekano est donc une ode à la culture otaku qui se présente sous la forme d’un harem pas si classique que ça. A conseiller à tous ceux qui aiment les relations compliquées et à ceux qui veulent se réconcilier avec le genre.

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11 octobre 2013 5 11 /10 /octobre /2013 14:00

Je réalise que je ne parle presque plus que de visual novel depuis quelques mois, je profite donc d'un revisionnage intempestif pour corriger un peu le tir et parler à nouveau d'anime. Et pas n'importe lequel.

 

Anime

 

Haruhi Fujioka est l’unique étudiant de classe moyenne à intégrer l’académie Ouran, institut réputé et fréquenté par les plus riches, grâce à ses excellents résultats scolaires et à une bourse de mérite, tout ceci dans le but de devenir un grand avocat. Seulement ses plans sont troublés lorsqu’au détour d’un couloir, elle tombe sur le club d’hôtes : en voulant s’échapper, Haruhi brise un vase d’une valeur inestimable et se retrouve contrainte de travailler pour les membres afin de rembourser sa dette. Mais voilà, il se trouve qu’Haruhi est une fille, la seule fille au milieu de beaux jeunes hommes censés séduire les midinettes par leurs atouts, ce qui entraîne moult quiproquos et situations hilarantes.

 

L’anime, produit par Bones en 2006, est une adaptation d’environ la moitié des tomes du manga du même nom, crée par Bisco Hatori, et, autant le dire tout de suite, a longtemps été un vrai coup de cœur pour moi. Peu sensible à l’humour japonais en général, j’ai adoré l’absurde qui règne tout le long d’Ouran High School Host Club mais aussi toutes les facettes explorées avec succès par la série. Je voudrais donc revenir sur ce qui fait le charme d’Ouran…mais aussi son aspect plus ambigu.

 

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Ca swingue chez les riches

 

Des personnages hauts en couleur !

Toute la série reposant essentiellement sur ses personnages, il est nécessaire de les présenter, chacun incarnant un stéréotype censé attirer le public du club d’hôtes.

 

Blond aux yeux bleus, sourire enjôleur et exubérance marquée, Tamaki (doublé par Mamoru Miyano) joue le rôle du prince, de l’homme parfait et séducteur. Il a ainsi pour habitude de sortir des déclarations tellement over-the-top qu’elles en sont ridicules et aussi de faire beaucoup de caprices. Chef autoproclamé, il laisse en fait Kyouya (Masaya Matsukaze), le brun à lunettes mystérieux et froid, gérer l’organisation et la comptabilité pendant que Hikaru (Kennichi Suzumura) et Kaoru (Yoshinori Fujita), les jumeaux terribles, mettent l’ambiance. Ces derniers jouent ouvertement sur leur fraternité pour mimer des scènes yaoi, ils sont aussi les malicieux du groupe, débordant de bonne humeur, toujours à faire des blagues – majoritairement à Tamaki. Et puis il y a « Honey » (Ayaka Saitou), le shota fan de gâteaux qui se promène avec son lapin en peluche, et Mori (Daisuke Kiri) qui, lui, figure l’homme sauvage et peu bavard, qui ferment la marche – et se vautrent tous les deux dans les scènes yaoi avec complaisance. Face à ces stéréotypes ambulants, la pauvre Haruhi (Maaya Sakamoto) écope du rôle du gars « naturel », le mec sympa et inoffensif.

 

Un opening diablement catchy
 
Tout ce petit monde est régulièrement sollicité par des personnages dans le besoin (généralement pour apprendre l’art de la séduction) et il appartient au club de les aider, créant une alternance de comique et de sérieux pas déplaisante. Chaque protagoniste a sa petite histoire, son caractère, et on s’y attache plutôt bien, d’autant plus qu’ils ne disparaissent pas totalement une fois leur arc conclu. Le club est d’ailleurs souvent comparé à une famille car les membres s’entraident et apprennent à s’ouvrir au monde. La particularité d’Ouran c’est donc de manier une esthétique flamboyante : musique classique, design très typé bisho (bien moins laid que le manga, à mon sens), performances de doublage tonitruantes (Mamoru Miyano charismatique à souhait, notamment, mais les autres s'en sortent très bien aussi) et effets visuels à base de pétales de fleurs et de brillant. Et malgré cela, l’anime arrive à se montrer sérieux quand il le veut sans que cela ne dérange.

 

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Bienvenue dans un otome game !

Evidemment les tropes liés aux personnages principaux sont là en forme de clin d’œil à la culture des otome game qui sont abondamment glorifiés et parodiés. Les personnages endossent un rôle et en sont conscience, ils brisent donc allègrement le quatrième mur et se jouent de leur propre personnalité. Par exemple, Renge, la fujoshi, apparaît régulièrement pour commenter les protagonistes occasionnels et offre des conseils pour améliorer leur image : mettre un pansement pour avoir l’air plus sauvage, débattre de s’il faut ajouter un 2e shota, fourrer un ours en peluche dans les mains d’un délinquants pour le rendre plus « moe », etc. Son épisode dédié développe d’ailleurs une réflexion intéressante sur l’intérêt qu’il y a à accepter de s’ouvrir au monde et d’accepter les gens tels qu’ils sont plutôt que de s’enfermer dans des préjugés (et dans les jeux-vidéo puisque c’est son péché mignon).

 

Le côté parodique transparaît également beaucoup à travers les pseudo-scènes yaoi où les personnages font des sous-entendus savoureux sur fond de fleurs shoujo-esque et de cris de fangirls en délire. Ce n’est donc pas étonnant que l’anime ait par la suite été adapté…en otome game (au Japon seulement, malheureuses). Le club d’hôtes étant bien souvent le prétexte pour une thématique (plage, kimono, etc) car le cosplay est aussi légion dans l’anime, ce qui offre un sacré potentiel de fanservice. Pas étonnant qu’Ouran soit aussi populaire auprès d’une partie de la gent féminine, il est tout entier tourné vers la culture fujoshi.

 

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Prolétaire versus bourgeois

La source de gags principale reste tout de même la confrontation entre le monde très pragmatique et très commun d’Haruhi avec l’exubérance et la désinvolture des riches : la collision entre des valeurs très différentes produit un résultat souvent assez savoureux. On peut citer l’exemple du café en poudre qui étonne Tamaki et sa bande, leurs fantasmes à propos de l’habitat d’Haruhi, leur curiosité face aux petits gadgets qu’elle ramène du supermarché, tout comme en face il y a la fascination d’Haruhi pour leurs fêtes immenses, leur débauche d’argent et leur mode de vie insouciant. Au final chaque monde apprend de l’autre, finit par s’accepter. En parallèle, l’adaptation anime fait un travail assez remarquable pour accentuer l’humour auditif et les effets visuels. On pense à la flèche qui clignote tout le long de l’épisode 1 avant même qu’Haruhi ne brise le fameux vase, aux diatribes de Tamaki (je vous avais déjà dit que Mamoru Miyano était charismatique ?), aux fleurs qui tournent autour d’Honey pour renforcer son côté mignon, etc.

 

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Une profondeur bienvenue

Avec tout cet apanage, on pourrait croire qu’Ouran se limite à du tranche de vie chez les bourgeois. Or, ce qui est intéressant c’est que chaque personnage principal sort plus ou moins de son stéréotype grâce à l’exploration de son passé. Ils ont tous des conflits intéressants, suffisamment développés pour apporter de la profondeur psychologique : l’ouverture des jumeaux au monde extérieur et leur différenciation progressive (chacun révèle une personnalité propre), le lourd passé de Tamaki, les conflits familiaux de Kyouya et sa difficulté à s’exprimer, l’équilibre trouvé par Honey entre ce qu’il est et les attentes des autres (qu’il se montre viril), etc. A noter quelques pointes de symbolisme avec la citrouille de Kaoru (référence à Cendrillon) mais surtout l’épisode centré autour de Kyouya qui est très intéressant. On y voit sa sœur insister pour ranger ses affaires, or voilà, elle n’arrive pas à faire rentrer les vêtements dans l’armoire, créant du même coup un bordel sans nom. Simple gag ? Pas tellement puisque l’impossibilité de ranger les vêtements fait écho au fait que Kyouya cache ce qu’il est afin de correspondre aux attentes de son père : ses sentiments sont imposants, devraient prendre de la place et pourtant ils sont soigneusement rangés au fond de lui, ce dont se plaint la soeur. Ce n’est que lorsque Tamaki viendra bouleverser la logique de Kyouya, le rendant pour la première fois véritablement expressif (en colère) qu’on verra ce dernier étendre ces vêtements à travers la pièce, comme s’il acceptait enfin ses propres sentiments.

 

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Je pourrais insister pendant des heures mais je pense qu’Ouran est un anime qu’on ne peut pas vraiment décrire sans gâcher puisqu’il est surtout axé sur une suite de gags et la quête personnelle des personnages. Le dernier épisode ne conclue pas réellement l’histoire, vu que le manga était encore en cours à l’époque, mais il montre la progression d’Haruhi : au début réticente aux activités du club, elle fait à la fin véritablement partie de la famille. Je vais donc revenir sur un autre aspect de la série, qui pose davantage de questions.

 

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La question du genre

 

Une héroïne hors du commun…

Les lecteurs familiers d’otome game et de shoujo s’accorderont souvent à trouver leurs héroïnes fades. Il y a des exceptions, bien sûr (je pense au début de Skip Beat), mais voilà, le stéréotype de la Mary Sue, la jeune fille pure, naïve et innocente, a les dents dures. Aussi est-il rafraichissant, voire même surprenant, de tomber sur une jeune femme bien plus affirmée. Haruhi le déclare dès les premiers épisodes : elle n’a que peu d’intérêt pour l’apparence physique et le genre. Autrement dit, ça lui est bien égal d’être considéré comme un homme ou comme une femme. A plusieurs reprises dans la série, elle rappellera son indépendance et son ambition (devenir avocat), elle se lancera même à la rescousse de ses camarades de lycée lors de l’épisode plage. Son pragmatisme fait une bonne contrepartie à la flamboyance de Tamaki et aux sarcasmes des jumeaux. Il est même intéressant de noter qu’elle arrive à différencier ces derniers dès le début de la série, montrant par là-même qu’elle ne se laisse pas berner par le « paraître » et qu’elle est attentionnée. Sans toutefois donner dans la perfection puisque l’on montre clairement ses failles (peur du tonnerre, gourmandise, etc), failles qui contribuent à renforcer son humanité.

 

Le principe même de l’anime est qu’Haruhi va devoir se déguiser en homme et séduire les demoiselles pour rembourser sa dette, ce qu’elle arrive à faire avec une facilité déconcertante…en restant elle-même, tout simplement. Et au final, ce sont les membres du club qu’elle finit par séduire, involontairement, par ce naturel dont ils n’ont pas l’habitude. De ce point de vue, Ouran se présente comme la maturation des différents hôtes grâce à leur contact avec Haruhi…mais dans certains domaines seulement.

 

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…niée en permanence

Ce qui m’a le plus dérangé lors du revisionnage d’Ouran c’est que d’un bout à l’autre de l’anime, Haruhi est sans arrêt niée par les membres du club. Niée dans le sens où, elle a beau montrer à tous qu’elle a de la personnalité, les autres ne cessent de la ramener à son sexe. Dès que la bande découvre qu’elle est une fille, elle écope aussitôt d’un statut « spécial » qui change la donne dans la relation qu’elle commençait à peine à entretenir avec eux. Elle devient la chasse gardée du club, « leur fille à eux » qu’ils veulent « protéger », non pour son bien puisqu’elle dit explicitement se moquer que son secret soit découvert, mais pour se « l’approprier » (cf épisode de la visite médicale) et Tamaki le montre bien à travers ses fantasmes. Lui et les jumeaux ne cesseront par ailleurs jamais de la sexualiser à un point presque pathologique. Il ne se passe pas un seul épisode sans que Tamaki imagine Haruhi en petite tenue ou conforme au modèle féminin traditionnel (en train de lui cuisiner un bentô, parler avec une voix mignonne)…quand ce n’est pas un personnage secondaire qui s’y met (tout l’arc de Bossanova-kun pourtant très drôle). Il va même jusqu’à lui intimer d’un ton paternaliste de se couvrir, alors que les jumeaux l’ont forcé à se mettre en maillot de bain, à l’épisode SOS jungle sous prétexte que personne ne doit voir sa peau. Comme si c’était à quelqu’un d’autre de décider pour elle ce qu’elle devrait ou ne devrait pas faire de son corps. C’est d’ailleurs le comportement officiel de Tamaki qui joue au père surprotecteur avec elle et lui impose son avis, ce qui est comique au premier abord (stéréotype de l’ « overprotective dad ») mais devient quelques fois très malsain.

 

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L’épisode qui m’a paru le plus aumbivalent à ce niveau est celui de la plage en ce qu’il contient un discours très perturbant. En effet, Haruhi se jette à la rescousse des clientes du club qui sont montées en haut d’un rocher pour admirer le paysage. Deux voyous débarquent et les menacent, Haruhi leur jette donc un sceau d’oursins à la figure et leur intime de déguerpir, ce qui permet aux bourgeoises de s’échapper et d’aller chercher de l’aide pendant qu’elle est prise à parti. Tamaki intervient pour la sauver alors qu’elle tombe à l’eau, poussée par les malfrats. Cependant, l’histoire n’est pas close puisque Tamaki exige d’elle des excuses. Haruhi, jugeant n’avoir rien fait de mal en aidant les clientes du club, refuse. La première fois que j’avais visionné la série, j’avais été extrêmement confuse, ne voyant pas bien ce que l’anime voulait dire. Et puis, j’ai compris. Plus tard dans l’épisode, Kyouya décide de lui faire peur en lui faisant croire qu’il va abuser d’elle. Et là le problème s’éclaire : on reproche à Haruhi d’avoir protégé ses camarades, pas parce que la situation était dangereuse mais spécifiquement parce que c’est une fille et qu’une fille qui ne sait pas se battre ne doit pas foncer vers le danger. Idée hypocrite quand on sait que ceux qui tabassent les voyous sont les jumeaux…aka les hommes du cast qui ne connaissent aucun art martial, contrairement à Honey et Mori. La menace étant : « Tu aurais pu te faire violer ».

 

Autrement dit, quoiqu’elle fasse, Haruhi est ramené à son vagin (virtuel) : son comportement est répréhensif parce qu’elle a osé ignorer que si une femme ne reste pas à sa place, elle se fait violer. Pour un anime qui traite d’un sujet plutôt progressif, ce retour de bâton très paternaliste met un peu mal à l’aise.

 

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L'épisode 13 est une jolie référence à Alice au Pays des Merveilles, par ailleurs

 

Mary Sue mais pas trop

Et c’est là qu’on constate que finalement Haruhi possède tout de même des traits de Mary Sue malgré le soin apporté à sa personnalité : elle est incroyablement naïve dans tout ce qui relève du sentiment, recevait des lettres d’amour par dizaine quand elle avait ses beaux cheveux longs soyeux de princesse, fait parfaitement la cuisine et se fait secourir par le tout le casting mâle un nombre incalculable de fois : dans la jungle, d’un kidnapping, d’un pot de fleur, d’une chute, etc. Les exemples sont légion et on peut y ajouter le fait que, de toute la série, son avis est sans cesse ignoré, il ne compte jamais, et le club passe régulièrement outre son consentement pour lui imposer leurs règles (vente de son stylo dans son dos, arrivée surprise chez elle), quitte à carrément user de la force (épisode SOS jungle). Son apathie rend la situation assez ambiguë dans le sens où on ne sait pas toujours si elle est bien d’accord de faire telle ou telle chose (la plupart du temps, se déguiser en « vraie fille », comme par hasard). Pire, il est utilisé contre elle : car les remarques des garçons virent parfois au harcèlement et son silence laisse entendre que cela lui passe vite au-dessus de la tête. D’un autre côté son indépendance est présentée comme une conséquence d’un drame personnel qu’elle a vécu, comme si cela sous-entendait « Si elle n’avait pas perdu sa mère si jeune, elle serait devenue plus féminine », ce qui finit par sonner comme une sorte d’excuse pour la protéger.

 

 La fin de l’anime où elle lance à Tamaki qu’elle adore passer du temps avec eux, censé justifier a posteriori tous les dérapages des membres, rendus sympathiques plus que ridicules par leur comportement à visée comique, ne règle pourtant pas cette épineuse question : est-ce que le but de l’oeuvre est que les garçons réalisent qu’ils sont empêtrés dans des préjugés et qu’il est plus judicieux de laisser Haruhi être elle-même ou est-ce que le but non avoué est qu’Haruhi devienne féminine sous la pression du club ?

 

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Haruhi découvrant l'amouuur ? Ou juste un fantasme ?

 

Les filles de Lobelia : miroir et repoussoir

Petit aparté sur un autre point : dans deux épisodes qui leur sont dédiés on rencontre les filles de Lobelia, sorte d’antagoniste du club d’hôtes, contre lequel elles se dressent fièrement. Elles sont donc bien évidemment tournées en ridicule. Ce qui est intriguant c’est que les seules rivales de la bande de Tamaki soient…des lesbiennes qui déclarent vouloir se libérer de l’oppression des hommes. Lire : caricature des vilaines féministes ?

 

Si dans leur première apparition, les demoiselles semblent avoir un avis finalement très légitime (« Haruhi est coincée à cause de sa dette, le club profite de sa situation, c’est du chantage »), dans la seconde elles sont clairement diabolisées puisque animées par la pulsion de voler un baiser à Haruhi, ce qu’aucun membre du club ne ferait. Les filles de Lobelia sont donc finalement un miroir (elles ont les mêmes moyens de pression que les hôtes) et un repoussoir (elles les utilisent mal, ne sont pas lucides, ne respectent pas assez le corps d’Haruhi).

 

Et encore, on pourrait aussi interroger la représentation du père d’Haruhi. Ayant un avis un peu flou sur la question, je préfère passer mon tour.

 

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En conclusion, Ouran High School Host Club est un anime hilarant qui sait aussi se montrer sensible et dispose d’une héroïne solide et hors du commun. Il est juste à regretter que le fait qu’Haruhi déclare son indifférence quant à son genre, ce qui est assez original pour être développé, ne soit pas assez pris en compte…alors que c’est le point de vue du personnage principal de la série ! Il aurait été à mon sens plus intéressant qu’Ouran fasse évoluer le regard des hommes du cast sur ce sujet. Après tout, des héroïnes dites « féminines », n’en a-t-on pas assez dans les shoujos et otome game pour s’arrêter sur des modèles alternatifs ?

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14 mars 2012 3 14 /03 /mars /2012 22:55

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Le monde est mort. On ne sait ni pourquoi ni comment. Une poignée d’êtres humains désespérés tentent de le sauvegarder, en vain. Ne reste de leurs proches qu’un souvenir, un souvenir éphémère qui se fissure. La bulle va éclater, le désespoir monte. Qui osera braver la vérité ? Qui osera déchirer le rideau et affronter le regard accusateur du public ? La jeune fille se tient debout devant l’audience. Existe-t-elle vraiment ? N’est-elle qu’une allégorie ? Peu importe. Elle s’apprête à rentrer en scène. Elle s’apprête à déchirer le rideau qui dissimule ce qui reste de son monde. Ce sera son interlude.

 

Un interlude est une petite pause située entre deux grands moments, une page de publicité entre deux émissions de télévision. Dans le cas qui nous intéresse, Interlude est aussi une série de 3 OAVs sortis en 2004 par la Toei Animation et dont le chara-designer est Hidero Horibe (décédé en 2006). Une série fondamentalement obscure et aux critiques très contrastées. On y découvre un jeune homme ordinaire ne possédant même pas de nom vivant son existence paisible et stéréotypée de lycéen japonais en compagnie de sa copine d’enfance ultra chiante, Tama (doublée par Tamura Yukari), et d’autres filles de sa classe. Enfin, c’est ce qu’il aimerait bien croire. La vérité c’est qu’il ne cesse de faire des cauchemars déboussolants et qui paraissent si réels qu’il finit par ne plus bien savoir où finit le rêve et où commence la réalité. Ce n’est qu’en croisant la mystérieuse Watsuji Aya (doublée par Houko Kuwashima) en pleine hallucination que ses doutes seront partiellement levés : il doit à tout prix la retrouver. Le synopsis paraît commun, et pourtant, Interlude tient véritablement de l’OVNI.

 

Le PV du jeu dont est tiré l'anime, j'en reparlerai plus bas mais avouez que ça fait envie
 

Un décor en carton

Le premier épisode annonce la donne dès les premières secondes puisque la série démarre sur un plan incongru : celui d’une scène de théâtre totalement vide, plongée dans le noir. Une silhouette s’avance et entame un monologue étrange, comme quoi le monde se meurt et désire renaître. Un coup de projecteur nous révélera son visage : oui, c’est bien Watsuji Aya, le personnage qui apparaît sur toutes les illustrations publicitaires de l’anime, et pourtant on ne l’entendra pas parler de tout l’OAV où elle est quasi-inexistante. Curieux paradoxe. Chaque épisode démarre par le soliloque d’une des trois héroïnes et se termine par celui, plus bref et moins allégorique, d’une fillette. Prenez bien garde à ces soliloques car c’est à travers eux que l’on en apprendra le plus sur l’histoire. L’influence des derniers épisodes de Neon Genesis Evangelion se fait clairement sentir dans ces petites scènes mais là où Interlude va plus loin c’est qu’il joue allègrement avec le quatrième mur. Les personnages semblent regarder le spectateur droit dans les yeux et la mention d’un « public » y faire référence, mais ce discours étant également une sorte de méta-commentaire sur la série elle-même, le mot peut très bien avoir plusieurs sens. Emerge alors un sentiment confus, on se sent presque manipulé par ces acteurs censés jouer leur rôle de marionnette, au point de se demander qui contrôle qui.

 

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Je te vois

Le quatrième mur sera d’ailleurs plusieurs fois brisé tout au long de la série mais presque naturellement, sans avoir l’air d’y toucher. Ainsi au cours d’une scène purement gratuite de déshabillage où on se croit en position de voyeurisme, Tama (la copine d’enfance du héros) stoppe net au moment de retirer sa blouse et se tourne délibérément vers l’écran pour crier « Pervers » alors même qu’elle est seule dans sa chambre. L’espace d’une seconde on pense qu’elle s’adresse à nous, spectateur indiscret...pour mieux retourner à son rôle de marionnette avec un léger twist humoristique (elle s’adressait en réalité à une photographie). Mais alors qu’elle retourne à son déshabillage, on est gratifié d’un gros plan sur un objet quelconque, comme pour nous faire tourner en bourrique, faire croire à du fanservice pour mieux l’ôter sous notre nez. Ces quelques passages apportaient déjà leur lot de remises en questions, mais le plus étourdissant c’est de se dire qu’il existe sans doute d’autres occurrences qu’on aurait laissé passer et que peut-être une partie de l’intrigue nous est implicitement dédiée. Le tout premier monologue est même ambigu à plusieurs titres : le public est impatient que le rideau cachant la vérité se lève mais il s’insurge tout à la fois que celle-ci lui soit dévoilée. A travers cette drôle de réplique, on pourrait sentir le thème de la création affluer de manière sous-jacente. Soulever le voile c’est révéler l’intrigue, révéler l’intrigue c’est en exposer les rouages, exposer les rouages c’est détruire le mystère, la magie. A partir de là, ne vaut-il pas mieux ne jamais expliquer l’essence d’Interlude pour que le mystère demeure toujours complet ? En somme, la série nous annonce d’emblée qu’elle ne nous donnera jamais toutes les réponses attendues pour se préserver de l’autodestruction.

 

Pour mieux enfoncer le clou, Watsuji Aya déclare l’arrivée des comiques pour distraire le spectateur durant l’entracte. Comiques qui se révèlent être les personnages eux-mêmes. Alors que le récit se met doucement en marche, Tama fait le pitre et les aventures des jeunes lycéens sont là pour nous égayer. Une sorte de pause dans la pause. Difficile encore de croire que le visionnage de cette série laissera intact.

 

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Le costume cachait l’acteur ?

Cet aspect pour le moins peu conventionnels mis à part, Interlude dispose d’un grand soin technique. Globalement le chara-design est très agréable, l’animation plus que correcte et la bande-son, de bonne qualité, possède quelques morceaux sympathiques. L’ending lui-même, Ookina Koe De, massacré par des enfants à la voix criarde qui ne savent pas chanter, est une espèce de comptine triste et entrainante, un leitmotiv dont les différentes versions, interprétées par plusieurs personnages, seront bien plus belles que sa forme originale. Mais c’est surtout l’expressivité des visages à certains moments qui m’aura marqué. La gamme d’émotions dont dispose chaque personnage est proprement hallucinante. L’intrigue est assez clairement découpée en trois temps : le premier OAV est consacré au quotidien du héros et à sa déformation progressive vers le cauchemar, il oscille donc entre légèreté, blagues salaces et ambiance mystérieuse, tandis que le second est pratiquement uniquement centré sur le personnage d’Aya Watsuji et se fait plus psychologique, et le troisième est surtout l’occasion de découvrir révélations et scènes allégoriques qui nous font presque douter davantage tant il est parfois délicat de comprendre ce qui tient du rêve ou non.

 

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De gauche à droite : "camarade de classe blasée potable", "amie d'enfance chiante" et "camarade de classe inutile et mièvre"

 

Les doublages sont de bonnes qualités, surtout Houko Kuwashima (mais vous savez que, comme avec Aya Hisakawa, je suis une vraie fangirl) et Ootani Ikue (plus connue pour son rôle de...Pikachu) qui interprète la petite fille. Je trouve que son ton légèrement aigre correspond très bien à ce genre de personnages et que ça change un peu des seiyuus ultra kawaii qui en font des tonnes. En revanche, on peut malheureusement compter deux grosses erreurs de casting équivalentes avec Nishihara Kumiko qui tient le très anecdotique rôle d’une meilleure amie mais dont la voix nasillarde est proprement insupportable. Et que dire de Tamura Yukari qui ne livre clairement pas une de ses plus belles performances ? Elle donne à Tama une voix trainante et ultra-kawaii de manière surjouée. Les premières minutes à la supporter relèvent presque de l’épreuve de force et, si le personnage déjà bien chiant à l’origine, finit par se révéler touchant sur la fin, c’est probablement parce qu’on l’entendra moins parler...

 

 

Cachez ce sein que je ne saurais voir

Malgré toutes les bonnes idées qui sous-tendent Interlude, il faut avouer que la série souffre d’un sérieux problème, c’est qu’elle se veut un théâtre d’expérimentations et de réflexions profondes, mais qu’en même temps elle n’hésite pas à verser dans des clichés absolument grossiers, vus et revus des milliers de fois. Concrètement, ça se traduit par une dichotomie assez déstabilisante.

 

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Comme dirait Ridge : "Les femmes mentent mais elles ont des seins, j'aime les seins"

 

Ainsi, notre héros et sa copine Tama vont secourir une employée de mairie, nommée Marufuji, d’un pervers dans un train et sa généreuse poitrine sera la source d’un nombre incalculable de blagues pas drôles et bien dégoulinantes. Comme si le spectateur n’était pas déjà assez lassé comme ça de voir Tama heurter les gros lolos de Marufuji avec un bruitage cartoonesque en fond sonore pour mieux la traiter de nympho (c’est bien connu, elle le fait exprès d’exhiber ses seins, si elle se fait violer ce sera de sa faute, ahahah...non, attendez, c’est carrément malsain comme raisonnement), on hérite par la suite de ses deux collègues de boulot...dont une fan de cosplay qui se complaît à porter des tenues bondage sous son imperméable et suscite l’admiration des autres personnages féminins (c’est bien connu que toutes les filles rêvent de s’habiller comme des putes et que c’est une tenue parfaitement naturelle pour se balader dans des ruelles le soir, ahahah...non attendez, mais, que...quoi ?). On a donc parfois cette désagréable impression d’être en train d’assister à un cours de philosophie mais tenu par la prof barjo de Dears (pour ceux qui ne connaissent pas cette bouse, il s’agit d’une charmante dame qui n’hésite pas à se déshabiller devant ses élèves, à se caresser les seins dans un grand élan d’amour en poussant des petits bruits pas du tout explicites et à leur faire lire des nouvelles érotiques de son cru). On voudrait se laisser entraîner par le côté mystérieux d’Interlude, réfléchir sur ses problématiques philosophiques, et la présence de ces grosses paires de seins sur l’écran ont tendance à très légèrement déconcentrer, tant et si bien que certains risqueront assez vite de décrocher de l’ambiance générale.

 

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Cette image est TOTALEMENT en adéquation avec la substance d'un anime à tendance métaphysique

 

Même dans une scène censée se vouloir terrifiante où le personnage de la lugubre conseillère d’orientation, Saegusa Miyako, pratique une sorte de séance d’exorcisme sur une jeune élève, il faut qu’on ait le droit à des plans graveleux sur sa poitrine qui s’élève et se soulève ainsi que sur ses cuisses entrouvertes qui se dandinent dans une sorte de coït muet dont on se serait bien passé. En plus, comme elle gémit en même temps, rapport à la douleur d’avoir une main enfoncée à l’intérieur de son épaule, ça devient limite tendancieux, tu t’attendrais presque à ce qu’une scène de H déboule de nulle part.

 

 

Mais qu’était-il allé faire dans cette galère ?

Les OAVs se révèlent également un peu chiches en termes de réponses. En effet, à la base, Interlude était un visual novel sans contenu sexuel sorti par Longshot en 2003. Le peu d’images que j’ai pu en voir trahit un budget que j’estime considérable et je ne pense pas me tromper en affirmant que ce jeu doit être raisonnablement long et posséder plusieurs routes (une par héroïne, sans doute). Là où le bât-blesse c’est qu’adapter un visual novel n’a jamais été très facile et que cela suppose des aménagements.

 

Le personnage de Marufuji qui, j’en suis persuadée, tient sans doute un grand rôle dans le visual novel, apparaît ici totalement inutile et hors sujet. Et sa présence est d’autant plus frustrante que les OAVs manquent de temps pour exprimer une histoire déjà très simplifiée. Il manque des personnages de l’original, dont une espèce d’infirmière à gros seins et peu vêtue qu’on ne regrettera pas, par exemple. D’ailleurs un bref passage du 1e épisode semble y faire référence puisque le héros en découvrant sa nouvelle conseillère d’orientation fait l’innocente remarque « On ne nous en avait pas présenté une autre beaucoup plus vieille ? ». Or il se trouve que Miyako avait un rôle  légèrement différent dans le jeu et qu’elle remplace donc ici la vraie conseillère. Mais je m’égare. En 3 fois 40 minutes, concentrer le scénario d’un jeu vraisemblablement assez fourni tient de l’exploit, voire du suicide, et si le résultat n’est pas mauvais du tout, il est même assez épatant, il manque cependant des éléments de réponses par-ci, par-là. Et ces éléments de réponses manquant ont de quoi frustrer énormément.

 

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Contrairement à d’autres animes comme Avenger qui se finit sur un gros doigt d’honneur balancé au spectateur (je rappelle que l’héroïne principale d’Avenger se barre de sa propre série en envoyant chier tout le monde sur le dernier épisode tellement elle en a marre) ou à un massacre en règle du type de RahXephon, Interlude prend la peine de vraiment expliquer son intrigue, juste pas suffisamment pour offrir au spectateur une vision claire de l’ensemble. En outre la structure en rêves est source de beaucoup de confusions et il faudra plusieurs visionnages attentifs pour relier certains éléments entre eux (je vous conseille même de prendre des notes). Difficile de ne pas penser qu’un peu moins de fanservice et de scènes inutiles en compagnie des filles de la mairie aurait pu permettre à l’intrigue de se développer davantage. Mais là encore, j’ai un doute. Et si c’était volontaire ? Et si la série se contentait de promouvoir le visual novel en laissant délibérément quelques points dans le noir pour obliger les consommateurs à tester le jeu eux-mêmes ? Ce serait diabolique, et en l’occurrence immensément rageant pour nous autres occidentaux qui n’auront sans doute jamais le droit à une traduction. C’est sans doute ce point qui rebutera la majorité des spectateurs puisqu’il faut véritablement s’accrocher pour suivre le scénario et qu’il est loin d’offrir tous ses secrets. Secrets qui sont en grand nombre.

 

 

A ce sujet, je me permets d’inclure un assez long développement sur tous les points qui m’ont marqué et je m'excuse si ces quelques impressions peuvent paraitre brouillonnes, il m'est impossible de faire plus structuré. Je sais que peu de personnes auront visionné ces OAVs mais je serais curieuse d’avoir un autre avis sur cette œuvre décidément pas banale donc si vous n'avez pas encore vu Interlude, je vous recommande vivement de ne pas lire tout de suite mes hypothèses afin de ne pas influencer votre vision de l'oeuvre.

 


 

\!/ Attention, spoilers \!/

 

The case of Tamaki Maiko : Dream in a dream

On peut supposer que la première scène d’Interlude où apparaît Tama compose le début du rêve du héros construit parce qu’il voulait la revoir, en atteste la brève apparition d’Aya qui semble renvoyer au dernier épisode. Ce nouveau monde semble au fond presque tourner autour de Tama plus qu’autour du héros. Là où l’anime induit en erreur c’est qu’il nous présente uniquement le prisme déformant du protagoniste principal : tout en se persuadant lui-même qu’il est parfaitement normal, il essaye en fait de nous en convaincre. Or certains indices viennent dors et déjà troubler cette « réalité parfaite ». Par exemple, on ne voit jamais le héros prendre de repas avec sa famille, on ne nous la montre jamais, pas plus qu’on ne nous montre sa maison en dehors des scènes de réveil (toujours accompagnées de cette sonnerie lancinante). Certaines expressions faciales peuvent aussi être source de multiples interprétations : ainsi le héros fait la grimace en contemplant Tama faire son show. On peut penser que c’est parce qu’il est préoccupé par ses fameux cauchemars, mais cela peut être parce qu’il éprouve un malaise en la revoyant. Comme il le dira plus tard à Aya, avec qui il partage un certain nombre de points communs, il est au fond terrifié à l’idée que son précieux quotidien soit détruit mais, en même temps, il ne peut se défaire d’une certaine sensation désagréable, un peu comme un doute cartésien qui l’entraînerait du côté de la recherche de la vérité.

 

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A cet égard la scène dans la bibliothèque est plus que révélatrice de son état de pensée. Le rêve de Tama tourne à vide comme un magnétoscope enrayé, il s’effiloche, et deux réalités semblent coexister parallèlement. Il choisit délibérément de prendre un gros risque en sautant par la fenêtre pour vérifier ce qui est réel de ce qui ne l’est pas, ce qui prouve que le malaise était bien le plus fort. Mais cette scène nous présente aussi la « ville de la lune » comme une sorte de carrefour, un entre monde qui relierait tous les rêves entre eux. La preuve, lorsqu’il suit Aya, il débarque dans un quotidien sans monstre qui tourne exclusivement autour d’elle (en attestent la présence de nourriture et d’argent à l’infini, le fait que les attractions du parc soient fonctionnelles ou même le train), c’est vraisemblablement qu’il pénètre dans le rêve d’Aya. Et si le rêve du protagoniste et celui d’Aya sont directement attachés à la ville de la lune, que dire de la présence des filles de la mairie dans la seconde version de la scène de poursuite ? De quel rêve proviennent-elles à ce moment ? Je pencherais pour dire qu’elles débarquent toutes du rêve de Marufuji puisque, dans quelques rapides flashbacks et surtout la scène d’adieux finale, on la voit vêtue d’une blouse dans un laboratoire, il est donc fort possible qu’elle ait été scientifique pour le projet Pandore et fasse partie des 12 survivants.

 

Ce qui est intéressant c’est de faire le parallèle avec le rêve du héros et son véritable quotidien avant l’apocalypse car Tama y fait office de pivot. On comprend mieux son désarroi face à sa mort brutale : en la perdant, il a surtout perdu ses repères. Mort qu’on devine être la cause de son départ. La scène du lac le montre sur le point d’abandonner son amie d’enfance. Or le thème du départ étant raccroché à la promesse qu’il fait constamment à Aya, on peut deviner qu’il l’a sans doute rencontré dans cette réalité et désire s’enfuir avec elle, privant du même coup Tama de toute volonté de continuer puisque son propre monde tournait autour du héros. D’où de puissants remords. Le protagoniste s’excuse principalement d’avoir négligé les sentiments de son amie en ne pensant qu’à lui et d’avoir considéré son existence comme quelque chose de définitivement acquis. Lorsqu’il rencontre Tama pour la dernière fois sur cette plage déserte et qu’il l’embrasse, il est difficile de déterminer s’il l’a vraiment aimé à un moment (une sorte de premier amour) ou s’il cherche juste à lui faire plaisir une dernière fois en lui donnant ce qu’elle attendait de lui de son vivant.

 

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Le « S’il t’était possible de retrouver ce que tu as perdu » de Fuyuki agit comme une tentation auquel le héros cède. Rêver de la jeune fille c’est en somme manifester sa peur du changement, le refus de tourner la page, et donc l’impossibilité d’évoluer. Du moins au début puisqu’il retourne à Aya pour sortir de ce cocon trop protecteur, trop étouffant. Leur but étant de quitter leur rêve pour, ils l’espèrent, se retrouver dans la réalité. On voit alors les capsules, notamment celle de Mutsuki, de ceux enfermés pour l’éternité tandis que lui part à l’aventure. Sauf que, lorsque le héros se réveille, il nous est nettement montré à l’intérieur de sa capsule, le crâne rasé et couvert de câbles alors qu’à la scène suivante c’est de nouveau un fringuant lycéen. Ses cheveux n’ayant pas pu repousser si vite en quelques heures, on peut se demander si c’est vraiment la réalité, et dans ce cas il pourrait s’agir d’une erreur de raccord (mais j’en doute) ou simplement d’une manière plus romantique de conclure l’histoire (un protagoniste qui s’éloigne dans le désert avec un look de cancéreux en phase terminal ça fait peut-être trop pessimiste), ou alors, s’il ne s’agit pas d’un autre rêve...

 

 

The case of Saegusa Mutsuki : From love to hate

Mutsuki et Tama ont beaucoup de points communs, en réalité. Elles sont toutes les deux très « pures » dans le sens où elles ne vivent que pour voir ceux qu’elles aiment heureux. Cette pureté peut être symbolisée par Hedgehog, le chiot de la fillette, qui devient dans le rêve une sorte de bête surnaturelle qui semble très puissante mais en fait qui est relativement faible (scène où elle pleure quand on fait mal à son chien). Mais là où Tama est une idiote écervelée, la petite Mutsuki se révèle plus réfléchie et plus mature. Elle est prête à se sacrifier pour le bonheur de ses proches, surtout sa grande sœur et son nouveau frère qu’elle affectionne beaucoup d’un amour platonique et innocent. Son sacrifice étant de devenir une sorte de matrice, le cœur du projet Pandore.

 

Le projet Pandore mis sur pied par Fuyuki et sa femme, Miyako, est relativement simple. Pour une obscure raison ils savent que l’apocalypse approche et désirent sauvegarder ce qu’ils peuvent de l’humanité sous forme de souvenirs à l’intérieur des survivants. En somme il s’agit de protéger une douzaine d’élus des aléas du temps et de les plonger dans un quotidien rassurant, celui de leur monde intérieur, et ce à défaut de ne pouvoir sauver la Terre de sa destruction. Une idée purement égoïste donc mais perçue comme moins amère que la réalité. Comme c’est Fuyuki qui est à la tête du projet, les douze places sont probablement réservées pour ses proches et les autres scientifiques. Mutsuki sera sa pièce maîtresse. Dans chacun des survivants, cloîtré dans une capsule, doit émerger un monde de souvenirs, un monde où les êtres chers perdurent.  Face à ces sortes de « modérateurs » virtuels maîtres de leur propre espace, Mutsuki doit faire office d’administrateur et les contrôler, vérifier qu’aucun d’entre eux ne se réveille. Cloîtrée dans un gigantesque hub à la croisée de tous ces mondes, elle y scelle les pensées mauvaises et les souvenirs parasites sous formes de monstres. Les fameux esprits noirs qui se baladent.

 

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On en voit d’ailleurs un dans la scène où la conseillère exorcise une élève qui se plaint d’entendre une voix toujours plus forte. En ôtant de sa poitrine les sentiments négatifs, elle espère l’empêcher de se souvenir. Cette élève est peut-être une autre survivante. Ce qui explique le discours de Fuyuki quand il indique qu’il a sous-estimé le contrôle qu’il a sur "eux", le "eux" désignant aussi bien Aya et le héros que les 12 survivants dans leur globalité.

 

Bref, si on réveille Mutsuki, tout disparaitra...et la seule raison qui la fait accepter ce sort et qu’elle veut vivre avec ceux qu’elle aime pour toujours (dont son « frère » et sa sœur). Mais cet amour se mue en haine parce qu’elle souffre de sa solitude. Elle a été sacrifiée pour le bonheur des survivants et n’y trouve plus la contrepartie espérée puisque son frère se détourne d’elle, ce qu’elle perçoit comme une véritable trahison. Trahison qu’on peut analyser comme suit : le héros ne correspond plus aux souvenirs que Mutsuki avait de lui. La comptine qu’elle fredonne va en tout cas dans ce sens. Et ce qui fait que le héros change est probablement le fait qu’il soit tombé amoureux d’Aya. On peut le constater à travers la photographie que tient Miyako où une Aya, barrée au feutre noir, vêtue de l’uniforme de l’école du héros côtoie une Mutsuki souriante. Photographie qui semble indiquer que le héros l’a rencontré dans la réalité (c’était une élève transférée ?) et que les deux filles se sont fréquentées un moment. Mutsuki passe donc de l’amour à la haine quand elle réalise que ses efforts pour rendre les gens heureux ne sont pas retournés. Mais la nature même de sa rivale est floue...

 

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The case of Watsuji Aya : Despair

Fuyuki la décrit comme étant un fléau et la responsable de la destruction de plusieurs mondes mais on ne comprend pas bien comment l’héroïne pourrait correspondre à ce constat. Le tout premier monologue d’Interlude nous fournit de précieux indices quant à la véritable nature du personnage de Aya qui reste très nébuleux : elle serait prête à sacrifier l’univers pour se sauver elle-même. Mais on peut considérer que le monologue de Marufuji s’applique aussi bien à elle qu’à Aya quand elle parle de son envie de découvrir la vérité, de son dégoût face à cette comédie grotesque et dans la mention du cri capable de détruire le monde.

 

Aya pourrait être un fléau dans plusieurs sens, quand on analyse son passé. Il se peut que, contrairement à son entourage, elle n’ait pas cru au brusque retour de sa mère, tout juste décédée car son éveil à la vérité était le plus fort. Et dans ce cas les gens peuplant sa ville ne disparaissent pas, comme elle le prétend, car ils n’ont jamais été que des souvenirs errant dans son rêve, ce serait elle qui commencerait à ne plus croire en leur présence. Ce qui fait d’elle une des 12 survivantes. Mais, en même temps, la jeune fille refuse fermement de quitter son rêve, comme mue par une puissante contradiction. Sa détermination faiblit alors quand elle cohabite avec le héros car il lui apporte la conscience de ce qui est réel et de ce qui ne l’est pas, elle commence à hésiter (doute symbolisé par la scène de tir à l’arc : alors que dans son flashback elle vise à la perfection, en la présence du protagoniste principal, elle manque sa cible). En le suivant, elle abandonne ce qui maintenait son rêve, d’où sa dangerosité : elle n’a plus rien à perdre, plus d’attache.

 

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Une autre possibilité est qu’Aya soit en proie à une folie dévorante. Ainsi lorsqu’elle raconte que sa mère est revenue d’entre les morts et que personne ne s’en est étonné, on entend simplement la voix de la défunte et le décor semble étrangement vide, comme si la jeune fille était la seule à voir le fantôme. De même, son père et son frère n’apparaissent pas dans cette scène alors qu’elle les dit présents. Etait-elle seule depuis le début ?

 

Une dernière possibilité est qu’Aya, décrite comme « le monde et ses contradictions personnifiés », ne soit en réalité qu’une allégorie, la personnification du désespoir (comment qualifier autrement son acharnement à répéter les mêmes gestes encore et encore dans un monde complètement vide ?).

 

Reboot

Une théorie que j’ai développée sur Interlude est que c’est une œuvre mettant en place une boucle temporelle. En effet certains évènements se répondent de façon étrange. Plusieurs indices tendent en tout cas vers un « reboot ».

 

Le premier élément révélateur étant le personnage de Sugiura. Il apparaît dans la 1e scène de course-poursuite dans la ville de la lune, scène que le héros croit être un rêve. Or lorsque les deux hommes se croisent à nouveau, ils ont tout les deux le souvenir de s’être rencontrés. La scène aurait donc véritablement eu lieu...mais elle ne coïncide avec aucun moment de la chronologie ! Pire, Sugiura semble sous-entendre que ce n’est pas la première fois qu’il prévient le héros de ne pas se mêler du projet Pandore, alors que nous n’avons assisté à aucun de ses conseils. Il y aurait donc eu plusieurs rencontres ? Des renseignements à ne pas prendre à la légère puisque Sugiura se révèle un peu plus tard immortel. Il n’est alors pas impossible qu’il ait été jeté dans la ville de la lune parce qu’il gênait, comme le confirme le sourire de Fuyuki, visiblement peu ravi de le revoir. Et il gênait parce qu’il possède vraisemblablement tous ses souvenirs (en atteste sa régénération spectaculaire).

 

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La notion de souvenir prend une toute autre ampleur quand on analyse les ordres de Mutsuki à son chien Hedgehog. Quand elle lui demande d’attaquer son frère ou Aya, le mot qu’elle prononce est très étrangement « Reboot ». Elle essayerait donc de les empêcher de se souvenir en réinitialisant leur mémoire. Or quand on sait que Fuyuki et Mutsuki font justement tout en leur pouvoir pour empêcher les deux adolescents de se rencontrer, c’est bien parce qu’ils se sont déjà rencontrés par le passé et ne s’en souviennent pas. On peut alors prendre Interlude comme le long combat du héros pour accéder à la réalité. Malgré la réinitialisation de sa mémoire et de celle d’Aya, les souvenirs sont finalement les plus forts et les attirent l’un vers l’autre. Leur coup de foudre serait donc une forme de réminiscence confirmée par un bref et curieux passage à la fin du 1e OAV où Fuyuki apparait entouré de machines et d’employés, surveillant par l’intermédiaire d’un écran ce qui se passe dans le rêve du héros et fait la mention du destin. Comme si ce n’était pas la première fois qu’il tentait de les séparer. Une impression accentuée par son bref dialogue avec Miyako dans le 3e épisode.

 

On pourrait alors interpréter la problématique de la non-mort des personnages de cette manière : Fuyuki entame un discours volontairement provoquant à l’encontre d’Aya pour la pousser à se servir de son arc dans une espèce de suicide qui prend son sens s’il s’attend à un reboot de sa mémoire (en tant que chef du projet Pandore, il est peut-être l’un des seuls à avoir gardé ses souvenirs et pourrait vouloir s’en débarrasser pour oublier son échec). Comme le héros est mortellement touché mais revient pratiquement intact, on peut supposer qu’à la manière de Sugiura le reboot ne lui fait plus rien car il regagne ses souvenirs de plus en plus vite à mesure que défilent les boucles. La scène suivante sur fond blanc serait alors le reboot suivant, cette fois Aya et le héros savent tous les deux ce qu’ils veulent et comptent partir derechef et Mutsuki tente alors le tout pour le tout pour les arrêter, ordonnant alors à Hedgehog de détruire le rêve. D’où la scène d’adieux où tous les survivants souhaitent bonne chance aux deux adolescents après avoir compris qu’on ne pourrait les forcer à rester.

 

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Restent plusieurs questions : Le delete de Mutsuki signifie qu’elle veut supprimer les données du rêve...or le delete est envoyée contre Aya ; cela veut-il dire que cette dernière est une donnée comme une autre ou simplement que Mutsuki compte lui retirer son pouvoir de « modérateur », de rêver ? De même, si certains personnages ne sont généralement que des souvenirs des défunts à l’intérieur d’autres personnages, n’y aurait-il pas plusieurs versions en circulation, par exemple ?

 

\ !/ Fin spoilers \ !/

 


 

Conclusion

En fait, tous ceux que le côté « philosophical bullshit » énerve s’ennuieront ferme et trouveront Interlude tarabiscoté. Les plus courageux apprécieront cependant les débuts de réflexions qui émergent et prendront goût à l’élaboration d’hypothèses personnelles pour essayer de rassembler les pièces du puzzle.

 

Pour ma part, j’avoue avoir été franchement emballée par Interlude. Le premier visionnage m’aura tenu en haleine et même fait un peu pleuré à certains moments. Au second j’ai compris que beaucoup de dialogues et de scènes étaient à double tranchant et que l’œuvre formait un vaste et compliqué réseau de scènes pas toujours dans le bon ordre chronologique qu’il fallait remettre en place. Au troisième j’élaborais déjà des théories pour expliquer partiellement l’intrigue. Ce qui m’a énormément plu c’est surtout que c’est la première fois que mon discernement est mis à rude épreuve par une série. Les animes qui possèdent des failles béantes et se révèlent incompréhensibles ne m’ont jamais donné envie de me pencher dessus justement parce que leur structure était branlante et les animes réellement philosophiques et complexes comme Serial Experiments Lain et Boogiepop Phantom ne m’ont jamais torturé les méninges parce que j’avais l’impression de tout comprendre dès le premier visionnage ou presque. Interlude n’est pas impossible à analyser car un grand nombre d’indices sont là pour nous aiguiller mais en même temps il se dérobe suffisamment pour donner envie aux esprits les plus retors de découvrir la vérité cachée derrière ce rideau qui semble ne jamais vouloir se lever.

 

Malgré des défauts évidents, tel que cet abus de fanservice complètement hors-sujet et des choix de seiyuus pas toujours pertinents, et même s’il se contente d’effleurer des principes philosophiques potentiellement exploitables, Interlude propose un incroyable puzzle digne des plus grands masochistes du cerveau. Avec un petit côté à la Ever17 mais en animé, il donne surtout envie de vérifier si le jeu original est à la hauteur de cette réalisation. Une réponse toujours en suspens. Dommage...

 

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P.S : Ceux qui me suivent sur Twitter le savent déjà mais j’ai décidé de me rendre à l’Epitanime cette année. Histoire d’observer des geeks dans leur habitat naturel et de prendre des notes. Donc voilà, vu que je sors pas souvent de mon trou, profitez-en, ça se reproduira ptet pas avant un moment.

 



Pour l’Eroge Mix de mars j’ai décidé de sortir mon meilleur atout avec l’OST d’Utatemeguri. Entre les pistes relaxantes mêlant flûte et harpe, les pistes à consonance rock, les pistes rythmées mélangeant rock et musique traditionnelle, les pistes épiques parsemées de chœurs grégoriens et les pistes dynamiques au chant lancinant, il y a largement de quoi trouver son bonheur. J’espère que vous apprécierez autant que moi.

 

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30 octobre 2011 7 30 /10 /octobre /2011 19:45


Introduction : de la difficile place du sexe dans l’art

Quand on connaît bien l’univers des eroges japonais, il se pose toujours un problème : on a du mal à convaincre des néophytes que tel jeu a un scénario palpitant s’il dispose de scènes de sexe cheap sans aucun intérêt, parce que celui-ci répondra toujours, et avec raison « Mais alors, si l’histoire est si bien, les scènes de sexe sont inutiles : pourquoi on les enlève pas ? ». Difficile de ne pas être d’accord, surtout que ces mêmes œuvres seront peut-être plus tard adaptées en animes tous publics (on pensera aux titres de chez Key, de chez Type-Moon, à Utawarerumono). Au final les eroges qui vont plus loin que la simple volonté de faire en sorte que le client se touche la nouille devant son écran finissent par se suffire, l’histoire est là, les personnages aussi, on a plus trop besoin de voir les seins de telle héroïne, au point de se demander si l’on peut vraiment raconter quelque chose (qui ne soit pas de la débauche) avec de la pornographie. Quelques jeux y arrivent mais globalement il existe bien peu de problèmes uniquement réglables à coup de parties de jambes en l’air (ou alors il nous faut un eroge centré sur les relations de couple mais ça m’étonnerait qu’un tel concept voie le jour). C’est sensiblement la même chose avec le hentai. Pourtant il y a des exceptions. Elles sont rares mais elles existent et Kite en fait partie. Car oui, Kite est une série de deux OAVs, crée par Yasuomi Umetsu (mais si, le monsieur qui a fait ça), contenant des scènes de sexe explicites et dérangeantes ainsi que du sang et de la brutalité à foison, et pourtant il y a toute une histoire, une mise en scène, ce qui fait qu’on ne peut pas considérer ça comme un banal hentai.

 

Depuis le meurtre de ses parents, Sawa a été recueillie par un policier véreux du nom d’Akai qui travaille à la morgue. Ce dernier lui a appris avec l’aide de Kanie, son associé, à se servir de son corps, à la fois pour tuer, sans état d’âme, et pour l’amour. Chaque jour, chaque semaine, Sawa doit accomplir une mission en assassinant des pourris (des pédophiles, des violeurs, du moins c’est ce qu’on lui dit) et lorsqu’elle rentre, c’est dans les bras de son « gardien » qu’on l’envoie. Entre son parcours de tueuse et les nuits passées à coucher avec Akai, Sawa n’a guère l’occasion de s’amuser, pourtant elle tente tout de même de survivre, de vivre à sa façon, jusqu’au jour où elle croise la route d’un orphelin de son âge, Oburi, lui-aussi assassin.

 

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Triste Monde Tragique

Si Kite a été considérée comme sujet à controverse à sa sortie c’est bien parce que l’œuvre est très violente. Le quotidien de Sawa est constitué de membres arrachés, de sang, de blessures, de viols à répétition. D’ailleurs son arme de prédilection se révèle être un revolver à balles explosives : les victimes ont donc le temps de se prendre un tir dans le bide et d’agoniser quelques secondes avant de voir le contenu de leurs intestins se répandre sur le sol. Quant à Oburi, il est passé maître dans l’art des capsules explosives et il se sert fréquemment d’une détonation pour détourner l’attention de ses victimes. Les meurtres qu’ils accomplissent sont loin d’être propres ; certaines cibles vomissent sous l’impact d’un coup de pied dans le ventre, se pissent dessus de terreur ou accomplissent des commandos-suicide quand ils se comprennent perdus. Dans ce monde pourri jusqu’à la moelle cela semble presque normal : ainsi un corps qui chute du haut d’un immeuble pour atterrir sur la table d’un restaurant ne déclenchera aucun cri et sortir un flingue devant un enfant l’effrayera à peine. A la morgue, c’est avec désinvolture qu’on constate que la victime a été réduite en bouillie ou qu’un pan du toit s’est écrasé dans la pièce, rendant toute identification délicate. La mort devient courante, familière, on flirte avec elle à chaque instant et Sawa en a parfaitement conscience. Mais la mort n’est pas le seul élément d’horreur puisqu’on comprend bien vite que les hobbys morbides d’Akai et Kanie ne se limitent pas à regarder des cadavres, ils aiment tous les deux humilier et faire souffrir ; et quoi de mieux que le viol pour cela ? Une scène assez marquante du 2e OAV nous montrera ainsi Kanie en train d’abuser sexuellement d’une très jeune fille bâillonnée et suppliante tandis qu’il discute tranquillement avec son associé.

 

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Akai et Sawa à deux âges différents. On dirait vraiment un démon...

 

Rouge, sa couleur est rouge

Malgré la cruauté de ce monde sans merci, force est de constater que Kite comprend de très beaux graphiques pour des OAVs de 1998 même s’ils sont « old school » aujourd’hui. L’animation est également de très bonne facture et les scènes de combats sont impeccables (quoique parfois improbables mais ça ne me paraît pas si dérangeant). De plus certains scènes, celle du flahsbach notamment, disposent d’un soin particulier, d’une imagerie symbolique, qui les rend très intéressantes. Lorsqu’Obori demande à sa nouvelle partenaire « Qui est Akai pour toi ? », il lui demande aussi, un peu « Qu’est-ce que le rouge pour toi ? » (akai signifiant rouge en japonais). Le passé de Sawa nous est alors présenté muet, coloré et incroyablement brutal, toujours teinté de sang. On y voit emmêlés, la découverte du meurtre de ses parents, étendus dans le salon, des traces rouges sur les murs, le visage d’Akai presque similaire à un Barbe-Bleue, un damier, comment Sawa a commencé à satisfaire les appétits de son employeur, les murs rouges, ses larmes, la perte de sa virginité, son corps étendu sur les draps, silencieux. Le saxophone déraille dans des sanglots qu’elle n’exprime pas. Le tout reflété à travers les yeux rouges de la jeune fille tandis que revient le lancinant motif des boucles d’oreille très spéciales qu’elle porte toujours sur elle, des boucles d’oreille remplies de sang. Une scène de violence à la fois symbolique et explicite mais qui possède aussi un côté artistique et nous révèle de surcroît que l’héroïne travaille peut-être ironiquement pour les responsables de la mort de sa famille, Kanie et Akai semblant prendre un malin plaisir à se constituer des tueurs dévoués dans les rangs des orphelins.

 

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La petite fille qui tenait un flingue

Au final, si l’enrobage de Kite est à la hauteur (minus la bande-son assez transparente même si l’usage du saxophone rend bien), c’est avant tout l’histoire et les personnages qui prévalent, pas vrai ? En l’occurrence, il est difficile de retranscrire une grande profondeur psychologique en seulement 1h mais le résultat se révèle assez concluant. Globalement Sawa est peinte avec justesse, elle parle peu mais ses souvenirs en disent long sur son traumatisme, le bagage qui la hante et ses quelques répliques nous montrent qu’elle a envie de vivre, même si tout ce qu’elle a est une vie de merde, une vie traînée dans la boue. Ce n’est pas un surhomme ou une demi-déesse comme dans Noir, mais juste une jeune femme qui se débat dans ses chaînes. Parfois elle rate sa cible, se blesse et ses débuts en tant que tueuse n’étaient pas forcément très concluants non plus. A cet égard, la séquence de l’assassinat dans les toilettes est assez révélatrice puisqu’elle nous dévoile une Sawa en difficulté, qui fait de son mieux mais respire difficilement, fatigue, voire même crie devant le danger. Là où une Kirika ou une Chloé ne bronche pas devant l’ombre de la mort, elle nous montre une parcelle de l’humanité en elle. Même jeune, même violée en permanence, même éclaboussée par le sang, Sawa veut continuer à avancer. Et c’est tout l’intérêt que représente le personnage d’Oburi pour elle. A vrai dire il n’a pas tant que ça de consistance, il reste observateur, passif, pas forcément très doué, mais peut-être apparaît-il avant tout comme une porte de sortie. Les deux jeunes gens, en se trouvant des points communs, s’imaginent un avenir. Oburi est la chance qu’attendait Sawa, l’excuse, le bras armé supplémentaire pour reprendre en main son destin. Leur relation est à peine brossée, pas forcément très profonde, mais on sent quand même tout ce qu’elle représente (son innocence contraste fortement avec la relation dépravée entretenue avec Akai).

 

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Indissociable saleté

Quant à l’histoire, elle demeure simpliste. Akai et Kanie apprêtent les deux adolescents pour diverses missions tandis que la suspicion gagne les deux assassins. En effet, ils ne savent rien des corrompus qu’ils doivent tuer en dehors de ce que leur disent leurs employeurs...eux-mêmes corrompus. Difficile de démêler le vrai du faux dans ce cas. En dehors de cela, on peut quand-même noter que Yasuomi Umetsu parsème son œuvre de petits détails bienvenus, souvent très ironiques. Ainsi le tout premier assassinat de Sawa que l’on voit à l’écran se fait sous les yeux d’une vieille dame qui a perdu ses lunettes et ne se rend absolument pas compte de ce qui se passe, faisant des commentaires grinçants pour le spectateur qui, lui, assiste à tout. La nouvelle de ce meurtre passe à la télévision et on peut contempler avec un amusement mêlé de mépris un des proches de la victime qui répète avec emphase « C’était le meilleur gars du monde, le meilleur gars que j’ai jamais connu » tandis qu’il renifle avec exagération entre chaque bout de phrase. Même lors de la chute du haut de l’immeuble, on peut assister aux ébats d’un patron avec sa secrétaire assorti du dialogue suivant : « Mais...chef, et si on nous voyait ? ». Pour autant, Kite ne laisse pas en plan tout arc narratif et s’amuse à frustrer le spectateur avec un bon cliffhanger des familles placé judicieusement à la fin du 1e OAV et en terminant le second de manière assez mesquine. Vous n’allez clairement pas sortir de là avec un grand sourire aux lèvres, l’univers de la série s’y prêtant de toute façon assez mal.

 

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\!/Attention spoil \!/

Le cerf-volant

Le titre-même de l’œuvre est ambigu dans le sens où Kite signifie « cerf-volant ». C’est en réalité, je crois, un symbole lié au motif des boucles d’oreille qui est explicité dans la très esthétique scène du flashback. Ces deux bijoux sont en fait constitués par le sang des parents de Sawa, ils lui font donc un peu office de gri-gri protecteur. Or le cerf-volant est, dans la légende, celui qui chasse les mauvais esprits et éloigne le malheur. On peut donc considérer que les boucles d’oreille sont le cerf-volant de la jeune fille, le porte-bonheur qui lui permet de survivre à des situations extrêmes (et effectivement, il y aura clairement un moment où on aura envie de la labelliser « fille la plus chanceuse du monde » vu comment elle est résistante) pour finalement la guider vers la liberté. Même si la fin des OAVs demeure très mystérieuse, la scène finale montrant ce pauvre Oburi se prendre une balle par la petite fille dont il avait crevé le ballon au tout début de la série (et probablement l’assassin censé le remplacer) et des bruits de pas se rapprocher de Sawa qui attend naïvement son retour, on peut se dire qu’elle est la seule survivante du lot -Akai et Kanie ayant de toute façon reçu la punition qu’ils méritaient (d’ailleurs ce n’est pas un hasard si Akai se prend une balle par où il a pêché, aka les parties génitales)- dans le sens où elle fait une apparition dans Kite Liberator, la suite SFW de Kite, et donc que c’est finalement ce charme protecteur qui lui permet de sortir seule de cet enfer. Même quand elle était en difficulté, Sawa se battait, alors qu’Oburi n’a dû son salut qu’à son intervention deux bonnes fois, preuve qu’elle avait quelque chose qu’il n’avait pas. A partir de là, les OAVs figurent une sorte de morale qui nous dit qu’il faut s’accrocher de toutes ses forces pour survivre.

\!/ Fin du spoil \!/

 

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En conclusion, Kite est globalement une série sympathique pour tous les amateurs d’action et de symbolisme à la Noir. Pas forcément transcendante, elle réussit tout de même à instaurer une ambiance et un univers dans un temps très court, ce qui est à saluer, d’autant plus que c’est une des rares séries qui réussissent le tour de force de faire du sexe un élément narratif comme un autre sans que cela vienne entacher l’histoire (pas trop de quoi être le sujet d’un loisir masturbatoire donc). En revanche, Kite n’est clairement pas à mettre entre toutes les mains à cause de sa très forte violence graphique et demeure réservé aux plus de 18 ans.

 

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13 août 2011 6 13 /08 /août /2011 13:20


Les OAVs ont à la fois l’avantage et l’inconvénient de servir de terrain d’expérimentation à tous les savants fous en herbe. Quelques fois on en sort de très belles choses, c’est ainsi que Makoto Shinkai a bâti sa réputation par exemple, quelques fois on sort un peu n’importe quoi, des immondices sans nom comme Mars of Destruction. Les OAVs sont le support privilégié des adaptations  incomplètes, telles Alien Nine, Petshop of Horrors ou encore Please save my earth. Aussi c’est tout naturellement qu’un jour, quelqu’un qui se demandait sans doute « Que se passerait-il si l’on adaptait une chanson en anime ? », décida de sortir un OAV d’une trentaine de minutes basé sur une piste de cinq minutes. Pas un clip à l’instar de ce qu’avait fait Mylène Farmer pour son single Peut-être toi et qui était vraiment joli graphiquement, non, un OAV. Logique.

 

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Alors ça c'est du clip cool

 

Dans ma rubrique musicale, j’évoquais à un moment Zektbach, en réalité Tomosuke Funaki, et son premier album, The Epic of Zektbach ~Ristaccia, mélange de fantasy et de techno. La particularité de cet album est qu’un peu à la manière de Sound Horizon il raconte une histoire, sauf qu’elle est ici uniquement perceptible via le livret fourni, ce qui n’empêche pas d’avoir sa propre vision de la musique. L’intrigue se déroule dans un univers fantastique déchiré par les guerres où existent des fragments magiques très puissants nommés Ristaccia. On suit alors divers personnages dans leurs aventures.

 

Un drama CD, The Epic of Zektbach Novel CD Series : Blind Justice, était même sorti pour donner corps à cette intrigue et on y retrouvait des grands noms du doublage tels Aya Hisakawa, Otsuka Akio, Mamiko Noto, Chafurin, Yuu Asakawa ainsi que Akira Ishida et Kana Hanazawa dans les rôles principaux (respectivement Nox et Matin). Le drama CD s’orientait tout particulièrement autour de la piste Blind Justice qui mettait en scène deux jumeaux.

 

Depuis un second album, encore meilleur que le premier, The Epic of Zektbach ~Masinowa, est sorti. Ce style de musique était réellement intriguant et n’a pas dû plaire qu’à moi puisque des apprentis magiciens décidèrent d’en extraire une piste, une seule, sous forme d’OAV : Shamshir Dance.

 

epic of zektbach ristaccia

Vous pouvez pas louper Shamshir, c'est la fille la plus sexy de la pochette...

 

Honnêtement, cette piste est à mes yeux l’une des moins convaincantes du lot. J’aurais nettement préféré une adaptation de Blind Justice (avec les mêmes seiyuus si possible), voire une adaptation de l’histoire de Malchut qui a quand même l’air plus intéressante...

 

Shamshir Dance retrace les péripéties de l’héroïne éponyme, Shamshir, la fille d’un général, elle-même guerrière de renom dans l’armée d’Azuelgatt, un petit pays en mauvaise posture qui doit faire face à l’invasion de son voisin, l’empire de Noigladdo. L’ennemi est largement en surnombre et tout espoir semble perdu lorsque la dernière bataille s’amorce. Or Shamshir possède une épée maudite qui lui accorde une force phénoménale et elle se lance dans une mission kamikaze pour anéantir le général de l’armée adverse avant qu’il ne soit trop tard. Bien évidemment elle triomphe et retourne à la capitale où les véritables ennuis commencent : des meurtres inexpliqués ont lieu dans les rues et pour ajouter à la confusion ils sont perpétrés dans le même style de combat habituellement utilisé par Shamshir...

 

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J’avoue ne pas avoir grand-chose à dire sur cet OAV du fait même de sa brièveté.

 

La première chose que l’on remarque et ce dès la séquence d’introduction, c’est que l’OAV est alimentée par une imagerie visuelle  permanente. Que ce soit la lune rouge annonciatrice de malheurs relayée par des corbeaux, l’héroïne qui se dresse en solitaire dans la pénombre, la dance du diable, bon nombre de motifs récurrents et familiers des consommateurs réguliers d’animes sont présents. Et je pense que l’œuvre aurait dû se servir davantage de cette imagerie onirique afin de faire partager son histoire. En d’autre terme, privilégier l’aspect visuel et la musique, plutôt que d’essayer tant bien que mal de créer un anime cohérent avec si peu de moyens dès le départ. Car le souci de Shamshir Dance, comme on pourrait s’y attendre avec une OAV aussi courte, c’est que l’intrigue n’est pas entièrement expliquée. Il y a des blancs, des raccourcis, des passages légèrement confus dans lesquels il faut développer sa propre imagination sans chercher de réponse claire et précise (je pense surtout à tout ce qui concerne l’épée maléfique qui est à la fois le pivot de l’anime et ce qui est le plus laissé dans l’ombre). L’animation est correcte, sans plus. Disons que autant certains passages sont de toute beauté, autant la valse de Shamshir est très mal retranscrite ; c’est censé être un évènement splendide et dévastateur, un peu comme la cérémonie d’envol de Yuna dans Final Fantasy X et on n’a pas vraiment l’occasion de voir la guerrière tournoyer avec grâce (des mauvaises langues disent qu’elle se contente de faire des arcs de cercle de façon répétitive).

 

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Quand Shamshir dance, le soleil revient. M'est avis qu'elle devrait bosser dans le département métérologique

 

En dehors de cela les doubleurs du drama CD sont visiblement de retour (je ne fais confiance qu’à ma mémoire auditive pour livrer cette information, à prendre avec des pincettes donc) et ce sont des pros, rien à dire là-dessus, sinon que leur travail n’est franchement pas mis en valeur surtout pour Shamshir : en effet cette dernière est complètement dénuée d’expressions. Elle arbore le même air stoïque en permanence. En temps normal on peut tolérer mais quand, sous l’emprise de l’épée diabolique elle se met à massacrer un peu n’importe qui, dont des gens qui lui sont chers, on pourrait estimer une quelconque réaction de sa part quand elle reprend ses esprits. Je sais pas moi, un soupir, un sanglot, un cri, la macarena, n’importe quoi !

 

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Règle n°1 : ne jamais emmerder Shamshir, jamais !

 

L’OAV comporte donc beaucoup de faiblesses (Lala, le moeblob qui s'est gouré d'anime, les chiffres façon Matrix à chaque fois que Shamshir a l'épée Colada en main) malgré un postulat de départ intéressant mais ce qui reste à mes yeux la plus grosse erreur demeure résolument la musique. On est quand même dans le cadre d’une adaptation d’un album de fantasy-techno assez chouette et c’est à peine si on a le droit au fameux thème de Shamshir (et encore, pas en entier ni à pleine puissance, on risquerait de faire plaisir aux fans tiens) et il faut attendre les crédits pour écouter une des pistes tirées de The Epic of Zektbach. Alors je suis bien consciente qu’il était délicat de rajouter de la musique dans la mesure où l’OAV adapte une seule chanson (les autres morceaux racontent donc d’autres histoires) mais c’est un sacré paradoxe tout de même ! A qui s’adresse l’anime ? Prioritairement aux fans, non ? La preuve : qui, cette année a mentionné la sortie de cette OAV (qui date du mois de mars mais je viens juste d’avoir connaissance de son existence) dans le calendrier des nouveautés ? Quasiment personne. Un soin supplémentaire accordé à la bande-son n'aurait pas été du luxe.

 

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Un, deux, trois, running gag : CHAMCHIRU-CHAMAAA

 

En conclusion, ce que je retire de Shamshir Dance (en dehors du fait que l'héroïne est habillée super sexy pour partir au combat, ça doit clairement déstabiliser les soldats adverses, quelle stratégie géniale !) c’est que le studio AIC n’a guère tenté de faire des efforts pour s’en occuper. Certes, les attentes derrière le produit ne devaient pas être phénoménales non plus mais ça aurait pu être l’occasion de quelque chose de bien plus grand. Un anime complet sur l’univers foisonnant de Zektbach aurait pu être une solution (et on a un compositeur tout trouvé d’office), un film à l’instar de ce que les Daft Punk avaient choisi pour Discovery également. Ou alors un vrai beau clip, qui condenserait tout en quelques minutes. Il y avait vraiment matière à réaliser quelque chose de sympathique et au final on se retrouve avec un enfant bâtard qui ne sait pas trop ce qu’il veut être.

 

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L’OAV aura au moins permis d’analyser les erreurs à ne pas perpétrer lorsqu’on s’attaque à un album. En capitalisant à fond sur la transmission d’émotions de la musique et sur une imagerie poétique, des symboles à foison, quitte à délayer les interludes entre deux morceaux par un peu de dialogue, Shamshir Dance aurait pu emprunter la route déjà suivie par l’OAV de Clover qui était magnifique (musique composée par Ichiko Hashimoto, c'est un plus) et bien moins rigide. Cela reste divertissant, sans plus, et bien meilleur que le vrai clip, mais à choisir rien ne remplace l’imagination et l’album originel.

 

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Je tiens à signaler par ailleurs que The Epic of Zektbach ~Masinowa est une vraie perle. On y trouve des morceaux bien plus calmes, plus traditionnels que le premier, mais toujours avec cette petite touche électro charmante. C’est un peu la rencontre entre l’OST des Douze Royaumes, Akiko Shikata (elle répond toujours présente pour une poignée de pistes) et un DJ farceur. Il me paraît un peu plus instrumental aussi. Entre Masinowa, l’intro très orientale, la très éthérée Junaguni Ruins, l’OVNI un peu étrange qu’est Wenkamui, la très électrique Raison d’être, la merveilleuse berceuse qu’est Malchut (le passage à partir de 2 :30 est à arracher des larmes), la paisible The Sealer qui renvoie à l’image du jardin originel, la rythmée L’avide avec ses passages à sonorité presque celtique, il y a beaucoup de bonnes surprises. Et je n’ai pas encore évoqué les reprises orchestrales de certains titres précédents comme Zeta (toujours aussi sublime), Turii ~Panta rhei (mais si, vous savez, cette chanson), ainsi que Malchut (deux pistes du même nom sur le même album ça peut porter à confusion). A défaut de pouvoir y consacrer une rubrique complète je vous conseille fortement d’y prêter une oreille.

 

Non, l'OAV n'était pas du tout un prétexte pour parler de Masinowa, je proteste.

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26 mai 2011 4 26 /05 /mai /2011 23:05

 

Je sais que ça risque de paraître ironique d’évoquer un anime dont je suis lassée d’entendre parler depuis des mois au moment même où je pourrais enfin être tranquille mais techniquement je compte surtout faire quelques réflexions en filigrane d’un autre anime que j’apprécie bien plus : Le portrait de petit Cossette (ou petite Cosette vu que je suis française et que le « franponais » me pique un peu les yeux), une courte série d’OAVs sortis en 2004.

 

Kurahashi Eiri est un jeune artiste qui travaille dans le magasin d’antiquités de son oncle sur son temps libre. Il passe son temps à dessiner et à rêver mais ces derniers temps il semble encore plus dans la lune que d’habitude, il se fait distant, voit de moins en moins ses amis qui s’inquiètent de sa santé. Pour eux il n’y a qu’une explication à cette soudaine mélancolie : Eiri est amoureux. Pourtant le concerné évite le sujet et reste étonnamment vague tant et si bien que tous se demandent qui est cette fille mystérieuse qui lui fait perdre la tête et si elle existe vraiment. Oui, Eiri est amoureux mais il ne peut pas le dire puisque l’élue de son cœur n’est autre que le spectre d’une jeune femme qui vit dans un verre vénitien. Cette dernière, du nom de Cosette, l’intrigue au plus haut point. Quelle est son histoire ? Et pourquoi a-t-elle des yeux si tristes ?

 

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Un parallèle pas tout à fait incongru

Si j’évoque Cosette et Madoka ensemble c’est qu’il y a une bonne raison. Comme beaucoup de personnes j’ai suivi cette année la série magical girl mais je dois avouer que mes impressions sont assez différentes des éloges incessantes que j’entends sur l’anime car depuis le début Mahou Shoujo Madoka Magica ne m’a jamais surprise. Je ne savais pas que Gen Urobuchi, créateur de Saya no Uta, était au scénario et le chara-design mignon ne me dupait pas non plus. Depuis le début j’étais persuadée d’avoir à faire à un anime qui présenterait le genre magical girl sous un jour un peu plus original que d’habitude sans toutefois pousser au chef-d’œuvre. Le 3e épisode, qui a choqué tant d’autres, m’a juste conforté dans mes convictions. Aussi n’ai-je jamais vraiment été d’un enthousiasme débordant à ce sujet. Pour moi ce n’était qu’un anime sympathique avec des éléments de scénarios intéressants. Avec le recul je me suis rendue compte que mes attentes de base étaient complètement étranges. Comment aurais-je pu savoir exactement en quoi consistait Madoka alors même que l’équipe de Shaft faisait tout pour ménager la surprise ? En fouillant un peu dans mon inconscient je crois que je tiens la réponse et la réponse la voilà : Le portait de petite Cosette.

 

En effet Madoka est la seconde collaboration de ma compositrice fétiche, Yuki Kajiura, avec Ayuki Shinbo et le parallèle n’est pas innocent : les deux animes possèdent une ambiance sombre, des partis-pris graphiques parfois surprenants et cette origine musicale commune. Madoka fait même clairement référence à Cosette puisque la maison d’Akemi Homura est une réplique de la boutique d’antiquités d’Eiri. Il y a aussi une odeur de subversion dans l’air (subversion d’une histoire d’amour / subversion des magical girls) mais la différence majeure qui sépare ces séries « sœurs » tient surtout à leur accessibilité. Madoka se voulait être dès le départ choquante et simple à suivre pour frapper un large public. Preuve en est que désormais bon nombre de ses fans considèrent que toute déconstruction un peu gore et audacieuse « a un air de Madoka », n’en ayant probablement pas expérimenté beaucoup d’autres avant (ce qui est profondément dommage). En gros le but de Shinbo était de toucher la masse, alors que c’est radicalement l’inverse avec un anime aussi complexe que Cosette que seule une poignée de gens pourront véritablement apprécier. On peut donc voir une certaine progression dans ses travaux, notamment avec un autre outil de compréhension que j’utiliserai plus tard (et plus modérément, n’ayant vu que le 1e épisode), qui est The Soul Taker. Avec ces considérations en tête il est temps de revenir à ce qui nous intéresse vraiment, c’est-à-dire Le portrait de petite Cosette.

 

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Star-crossed lovers

Cette série assez particulière nous dépeint donc la descente aux enfers de ce brave Eiri (doublé par Saiga Mitsuki, qui est connue pour ses nombreux rôles masculins comme Rossiu dans Gurren Lagann) qui plonge lentement mais sûrement dans la folie et l’hallucination à cause de son amour pour Cosette d’Auvergne (c’était le premier rôle de Marina Inoue si je ne m’abuse). Les autres personnages ont relativement peu d’importance, toute l’intrigue est véritablement concentrée entre eux. Eiri est un type tout ce qu’il y a de normal, excepté son talent d’artiste, et on s’identifie pas mal à lui en ce qu’il est vite complètement dépassé par ce qui lui arrive. Ce fantôme d’une beauté éblouissante, avec ses cheveux blonds et ses yeux bleus, le hante en permanence et il ne sait au fond plus s’il a vraiment envie de s’en défaire. Tantôt il est heureux de dessiner sa muse, tantôt le voilà forcé de boire un verre rempli de sang ou enchaîné dans un paysage absurde et repoussant dans une sorte de séance d’exorcisme macabre lors de laquelle il se fait arracher les tripes. Eiri ne comprend plus rien, il souffre, il a mal, mais il ne peut pas s’empêcher de songer à la jolie Cosette toujours vêtue en gothic lolita, toujours si triste. Et cet amour l’entraîne aux confins de la mort. Il subit pourtant ces scènes extrêmement douloureuses et accepte ce sort juste pour pouvoir s’approcher davantage de sa bien-aimée. Oui il est complètement fou mais je crois que tous ceux qui ont été amoureux un jour doivent reconnaître dans cet aveuglement quelque chose de familier.

 

Or ce que la voix de Cosette nous indique dès le début c’est que leur histoire est bien entendu impossible. Elle est morte depuis des siècles, enfermée pour l’éternité dans les objets qui ont assistés à son trépas et ne peut retourner à la vie qu’avec le sacrifice de celui qui l’aimerait suffisamment pour consentir à cet effroyable marché. Mais si elle ressuscite, elle se retrouvera seule à pleurer la mort de cette personne puisqu’il ne sera plus. Autrement dit tout l’anime se concentre sur ce combat à la fois intérieur et extérieur de ce drôle de couple pour rendre leur amour possible malgré tout. Si Cosette a au début surtout l’air de considérer Eiri comme un simple outil, très vite leurs relations se complexifient, car comment rester insensible à la vue d’un homme qui accepte une souffrance intolérable juste pour vos beaux yeux ?

 

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Bienvenue en enfer

Ce qui marque le plus dans le visionnage de cette série c’est l’ambiance qui s’en dégage et l’alliance graphique et sonore effectuée. Je suppose que je n’ai pas besoin de louer le travail de Yuki Kajiura une fois de plus mais je vais le faire quand même. L’OST est majoritairement orienté autour d’un mélange violon/piano du plus bel effet. S’il y a bien entendu quelques thèmes mélancoliques et tristes (comme Somwehere I belong), l’essentiel reste tout de même tourné vers l’idée de violence, d’angoisse et d’étrange (comme Love Pain). Et justement Shinbo a choisi de faire du Portrait de petite Cosette une expérience essentiellement dénuée de mots. Je ne sais vraiment pas comment je pourrais vous décrire ça. L’ambiance visuelle comporte une très large imagerie à base de sang, de chaînes, de croix, de squelettes, de vieux objets, de pleine lune, d'yeux, de lumière vacillante et d’ombres. On bascule souvent dans le fantastique pur sans savoir quelle est l’hallucination et quelle est la réalité (mais pas du tout à la manière d’un Perfect Blue) et surtout on en prend pleins les yeux en permanence, c’est beau et déconcertant à la fois. Beaucoup de scènes sont là pour renforcer cette « imagerie », comme lorsqu’Eiri peint un tableau avec son propre sang (c’est purement épique et totalement impossible à la fois), quand il dessine Cosette en haut d’une tour qui a sa forme et éclairée par des centaines de chandelles partout et dont l’intérieur semble emprunté au corps humain, ou même quand Cosette se jette dans le vide et que le ciel est rouge. C’est réellement spécial alors ça plus la musique, il y a de quoi être assez confus.

 



Par rapport aux différents travaux de Shinbo je crois qu’à mes yeux Cosette représente une sorte d’équilibre. The Soul Taker possédait un premier épisode totalement « invisionnable » justement à cause de la confusion graphique : on ne sait plus très bien ce qui se passe ni ce que l’on regarde. Madoka s’oriente vers un autre style où les ajouts graphiques ne font finalement plus partie que d’un décor sans cesse enrichi. Cosette possède quelques plans qui font penser à Madoka, essentiellement dans l’opening, et d’autres à The Soul Taker dans l’utilisation des vitraux et la transformation du héros (les deux se ressemblent beaucoup d’ailleurs), mais penche plus du côté de ce dernier. C’est difficile d’entrer dans cet univers mais en même temps il comporte tellement plus d’éléments intéressants que dans les séries récentes de Shinbo. Analyser de fond en comble Le Portrait de petite Cosette est juste impossible tant il y a de symboles un peu partout, certains plus importants que d’autres bien sûr.

 

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Cosette et son portrait

Le scénario en lui-même possède deux aspects : le premier est l’histoire d’amour impossible qui vire au cauchemar le plus total, à mi-chemin entre l’obsession et la folie, mais il y en a un second légèrement effleuré dans le deuxième OAV et plus largement exploité dans le troisième qui est la question de l’art. Et là je suis obligée de spoiler pour vous parler du cœur de ce qui rend Le Portrait de petite Cosette intéressant.

 

\!/ Attention, spoilers \!/

 

Il convient de se pencher sur la véritable signification du titre de l’anime. Pas tant sur le fait que ce soit en français (Cosette d’Auvergne est censée être née en France dans le XVIIIe siècle) que sur la référence qu’il comporte. Quand je lis « le portrait de », je pense immédiatement au Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde qui comporte certaines similitudes. Là aussi le héros est en quelques sortes maudit par sa propre beauté, comme Cosette, et finit par faire une sorte de pacte involontaire avec le « diable », comme Eiri. L’argument principal de Dorian Gray qui le conduit à effectuer cet acte lourd de conséquence est sa soudaine prise de conscience que son portrait resterait éternellement jeune là où lui vieillirait. Il désire alors inverser les choses. Il en va de même pour Cosette qui est à l’aube de la puberté : elle est incroyablement belle et obsède son fiancé, le peintre Marcello (doublé par Ebara Masashi aka Friday Monday dans Madlax, ce qui veut tout dire), à tel point qu’il produit un nombre incalculable de tableaux à son effigie. Mais voilà Cosette va grandir, elle va devenir une femme et perdre cette moue innocente (de son vivant Cosette croyait que le monde était fait de bonheur et de sucreries), et cela lui est intolérable. Aussi décide-t-il de stopper son temps…et donc de l’assassiner !

 

Un peu plus tard Cosette, réalisant la cruauté de ses actes, décide de laisser Eiri vivre et de dormir pour l’éternité dans sa prison. Or elle ne l’avertit pas de cette décision soudaine, ce qui laisse l’occasion à un imposteur, et pas des moindres, de prendre sa place auprès de lui : son portrait. Car oui, l’intrigue déjà inutilement compliquée s’épaissit encore avec la présence de deux Cosette (heureusement la fausse garde toujours les mêmes vêtements donc on peut l’identifier…véritablement ?) et c’est là que ça devient réellement pertinent. Car le portrait de Cosette représente l’idéal de Marcello qui est la perfection, la beauté éternelle, là où son modèle est imparfait puisque la jeune fille désire vivre, vieillir et mourir. On assiste là à une sorte de duel entre 2D et 3D (si je puis m’exprimer ainsi), entre la perfection inaccessible et la réalité, l’immortalité et l’éphémère.

 

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Certains détails aiguillent d’ailleurs le spectateur vers cette révélation de l’existence d’une fausse Cosette lorsque cette dernière monte les marches de la tour avec un chandelier à la main (alors que depuis le début elle ne tenait qu’une seule bougie) le tout sur fond d'une musique nommée Fake Jewel. Un bref instant nous dévoile soudain une des trois branches étrangement éloignée des deux autres avant que l’illusion ne reprenne droit, comme pour signaler dès le départ qu’il y a trois personnages en jeu. Et les dernières paroles d’Eiri seront justement que « tout doit redevenir un » (repasser du chandelier à la bougie originelle) lorsqu’il brise l’illusion en opposant à l’idéal de perfection de Marcello son propre idéal de l’art qui est d’élever l’humanité. Contrairement à son prédécesseur il est prêt à se sacrifier pour l’art (représenté par Cosette) et non à sacrifier l’art pour ses propres fins et préfère la véritable demoiselle dans ce qu’elle avait de fugitif et d’éphémère au portrait froid et figé.

 

On peut donc se demander à travers cette série de réflexions quel est le but de l’art, quelle serait sa définition et s’il faut lui sacrifier la réalité. En ce sens, la fin un peu cryptique de l’anime prend soudain sens : Eiri abandonne Cosette à son sommeil et retourne (on le suppose d’après le rêve de son amie Shouko) à la réalité pour dessiner plus. Or les dernières secondes de l’OAV nous montre Cosette ouvrir soudain les yeux. C’est un peu comme si l’idéal qu’elle représentait ne pouvait tout à fait quitter l’art que revendique Eiri. Cosette comme parabole de l'artiste possédé par son propre génie ?

 

\ !/ Fin spoilers \ !/


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Design du manga

 

En conclusion, le Portrait de petite Cosette est une œuvre assez inhabituelle dans le paysage japonais en ce qu’elle se rapproche plus d’un roman anglais à la Oscar Wilde (dont elle serait inspirée ?) qu’à un anime traditionnel. Malgré une intrigue difficile à suivre (le pourquoi du comment des objets antiques tueurs est davantage abordé dans le manga, ce qui est un chouilla dommage) et sinueuse, on y retrouve une ambiance psychédélique et envoûtante que les aficionados apprécieront et les graphismes très expérimentaux servent bien le propos qui est une mise en question de l’art. Pour les autres ce voyage au pays de la folie risque d’être plus difficile à apprécier et donc bien moins accessible que Madoka Magica. Je ne suis pourtant pas sûre que la direction que suit actuellement Shinbo soit la meilleure possible et finalement je crois qu’on est en train de perdre au change…

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18 mai 2011 3 18 /05 /mai /2011 14:10

J’avais dis que Boogiepop Phantom était un sujet d’article difficile ? Je retire ces paroles frivoles, j’ai trouvé un obstacle encore plus ardu à gravir ! Mais que voulez-vous, je crois que j’aime bien les petits défis personnels au fond…

 

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Le sujet du jour est Reign The Conqueror ou Alexander Senki qui, comme son nom l’indique, est une série retraçant la vie d’Alexandre le Grand telle qu’elle est dépeinte dans le roman d’un certain Hiroshi Aramata. Mais ne vous attendez pas à un cours d’Histoire Antique, loin de là, car Reign The Conqueror est en réalité…une œuvre de science-fiction très particulière.

 

Alexandre, fils de Philippe II, roi de Macédoine, va bientôt être en âge de succéder à son père et de prendre en charge des commandements importants. Aussi ce dernier le fait-il chercher partout pour le pousser à assister aux réunions de guerre et l’inciter à assumer davantage de responsabilités. Mais Alexandre est introuvable, têtu et obstiné. Pour lui, il n’y a que la vitesse qui compte et il est persuadé de n’avoir besoin d’aucun conseil pour gagner ses premières batailles. Son inconscience et son indépendance inquiètent beaucoup le roi. En effet, avant même que celui-ci ne vienne au monde, sa mère la reine Olympia prophétisa qu’il détruirait le monde un jour. La prophétie aura-t-elle raison ?

 

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Science-fiction ça commence par un s…comme string

La première remarque à laquelle on ne peut échapper en jetant un coup d’œil à Reign The Conqueror est bien entendu la question des graphismes. Même pour une série datant de 1999, on ne peut franchement pas dire que cela ressemble à quelque chose. Les designs de Peter Chung font bien plus penser à de la bande dessinée occidentale qu’à du manga, les personnages héritent de traits anguleux, de visages féminins (alors que les héros sont tous des hommes, un comble), autant de détails qui sont très désagréables à mes yeux. Je suppose qu’il y aura toujours des amateurs mais pour moi c’est juste…terriblement moche.

 

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Hunhun, on ne t'a pas vu venir toi alors ! Offrir une call-girl au roi c'est pas très fair-play ça.

 

Les graphismes sont un sérieux frein à l’appréciation d’une histoire déjà pas toujours facile à suivre. Car oui, cette drôle d’adaptation suit globalement la vie qui a été celle d’Alexandre le Grand mais de loin. Les machinations politiques et les bassesses du pouvoir sont concentrées au début de la série dans un petit arc concernant le roi Philippe II et une fois ce cap passé, tout cet aspect est complètement effacé au profit d’éléments fantastiques parfois déboussolant. Les Macédoniens possèdent donc, par exemple, un robot géant de combat (WTF), se battent en fonçant dans le tas (la stratégie c’est pour les nuls) contre des sortes de soldats-ninjas-scarabées, des éléphants cracheurs de feu ou des hélices géantes. Le prince lui-même se bat en montant un cheval surnaturel mangeur d’hommes. Souvent il ne gagne ses batailles qu’en se changeant soudainement en super-saiyan et en défonçant 500 000 adversaires d’un coup d’une décharge électrique digne de Pikachu (non, je n’invente pas ce chiffre).

 

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Pff la stratégie c'est pour les taffioles. Tremblez devant ma puissance, j'ai un cache-sexe bitches !

 

Tout ceci est d’autant plus perturbant qu’AUCUN PUTAIN DE PERSONNAGE NE PORTE DE PANTALON. Car oui, chez les Macédoniens steampunk du futur, on a des masques, des vêtements en haut, mais en bas c’est string obligatoire ou cache-sexe, au choix. Genre le roi a une armure en or balèze sur toute la première moitié de son corps, après c’est slip assorti (doré donc). Quand tu le vois en gros plan, ça fait classe mais déjà que la « caméra » s’éloigne un peu, arg, au secours quoi. Je vous vois venir, bande de pervers, vous pensez que c’est pratique pour se rincer l’œil ? Sauf qu’avec un design pareil et le fait que 99% des protagonistes sont des hommes, il va falloir se lever de bonne heure pour faire plaisir à ses yeux. Sans compter qu’il est très délicat de s’y habituer : on a beau regarder les épisodes à la suite, c’est juste impossible de ne pas tilter au moins une fois sur ces merveilleux cache-sexes. Ce qui fait que même s’il se passe quelque chose d’important à l’écran le spectateur sera le plus souvent déconcentré par cette affusion de slips.

 

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Oh mon Dieu, mais...il y a des filles dans cette série !

 

Les philosophes sont tous des ninjas

Mais voilà, ce n’est pas fini. Reign The Conqueror aime à balancer des réflexions métaphysiques obscures, généralement à propos des mathématiques, comme pour nous perdre encore davantage. La plupart des actions qui se déroulent sous nos yeux sont inexpliquées et incompréhensibles, alors à force on n’essaye même plus de poser des questions, on acquiesce gentiment, même si quelques fois les scénaristes abusent légèrement (le coup du bonhomme qui est pris d’une hallucination et se retrouve, sans aucune explication, 50 ans dans le futur, je cherche toujours comment il a fait son compte…). Des fois la série est quand même intéressante à suivre, il y a des tas de combats, une intrigue qui nous donne envie de voir si oui ou non Alexandre va détruire le monde, mais il faut accepter d’être noyé régulièrement.

 

Alexander 004

Olala, il me saoûle celui-là. Bon, pour la peine je vais faire un voyage dans le futur, ça me divertira tiens...

 

Les personnages en eux-mêmes ne sont pas particulièrement transcendants. Il y a bien le héros éponyme, qui porte en lui tout le mystère et le charisme nécessaire (avec le coup des slips, ça se discute…) et dont on ne sait jamais vraiment ce qu’il pense, sinon ils sont tous assez interchangeables, ce sont tous des officiers qui se battent super bien (sauf Ptolémée qui est un lâche de la pire espèce et qu’on doit sauver tout le temps). Dans le lot il y a Héphaestion, le barde/ninja/gigolo/garde du corps du roi (il est multitâches, c’est dingue), Cleitus qui a les tétons à l’air, Philotas et Cassandra, la seule fille qui se bat (doublé par Atsuko Tanaka, Motoko dans GITS). Sinon on peut aussi compter le clan des philosophes (car dans Reign The Conqueror les philosophes sont badass) avec le fantôme de Platon qui aime à traîner dans le coin, cette pute d’Aristote et ses plans foireux, Diogène le Cynique (si, si, souvenez-vous, le mec qui vit dans un tonneau et qui pisse sur les boutiques des commerçants qui l’emmerdent) et les disciples de tout un tas de sectes, dont celle de Pythagore, qui sont tous des monstres-ninjas. Oui, c’est ça la philosophie, la vraie : c’est l’art ancestral du shuriken à coup de cubes géométriques. Comprenne qui pourra.

 

Alexander-005.jpg

Les héros

 

It’s a nice sssssssssssssssssssssssssnake you have here

Là le lecteur attentif se dit que le titre de l’article était « Des slips et des serpents » et qu’il n’a encore vu que les premiers. Et bien justement, j’en viens à la partie la plus traumatisante de cette histoire… Reign of The Conqueror n’a peur de rien en ce qui concerne la censure et il n’est pas inhabituel de voir des tétons féminins ou masculins traîner ça et là, et comme il n’a pas peur, il se permet de luxe d’aller encore plus loin en dépeignant, quasiment à chaque épisode, une petit scène de sexe entre cette psycho bitch d’Olympia (qui est la plus grande tarée que j’ai jamais vu dans un anime) et deux gros pythons. Les gens qui, comme moi, ont la phobie des serpents ou ne supportent pas ce gentil animal, doivent donc être prévenus s’ils veulent éviter une nausée aussi soudaine que violente. Mettez-vous à ma place : vous êtes confortablement installé devant votre écran, un paquet de chips à la main, vous vous sentez bien et là, inspiré par le démon vous démarrez un épisode de Reign The Conqueror. Moins de 2min plus tard vous lâchez déjà votre paquet de chips à la vue d’un baiser tout sauf platonique entre Olympia et son animal de compagnie. 10min plus tard vous portez les mains à votre bouche quand surgit la fameuse scène d’orgie générale à base de serpents ; quelques épisodes plus tard celle du sacrifice lors d’une cérémonie occulte vous arrachera probablement des larmes quand cette chère tarée lancera des rayons laser à partir de son vagin…Not Safe For Mind donc.

 

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Aaaaaaaaaaaaaaah, ne me touche pas toi !

 

En conclusion, j’avoue que je n’ai pas grand-chose à dire. Alexander Senki est tellement insaisissable qu’on ne peut ni le considérer comme une bonne série ni comme une daube immonde. C’est juste impossible à décrire, il faut le vivre pour le comprendre. Ce qui est dommage c’est qu’au final, après visionnage des 13 épisodes que comporte l’anime, on ne retiendra que deux choses : tout le monde est tout le temps en string/slip et WOW PUTAIN NON, MES YEUX, PAS LES SERPENTS ! Si vous êtes en manque de sensations fortes pour égayer votre morne existence je vous conseille d’au moins jeter un coup d’œil au premier épisode, ça devrait faire son petit effet…

 

L'opening anglais
 

P.S : Ce qui est assez ironique dans cette histoire c’est que je suis tombée sur Reign The Conqueror en cherchant sur My Anime List le « worst anime ever » dont parlait Exelen il y a des années de ça.

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7 mai 2011 6 07 /05 /mai /2011 22:59

Cela faisait un moment que j’avais envie d’en parler et que je retardais un peu l’échéance, d’abord, d’un point de vue personnel, par manque de motivation mais aussi parce qu’écrire sur la série Boogiepop Phantom est extrêmement délicat. S’il existait une Ecole Normale Supérieure du blogging, faire un article sur le sujet serait à coup sûr une des épreuves d’admission !

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Comme très souvent, mon premier contact avec Boogiepop Phantom a été via un trailer d’un de mes DVDs (un moyen souvent très efficace de dénicher de vieilles perles). Je me souviens ne pas y avoir compris grand-chose, même après avoir fait des recherches. Il y a avait des meurtres, des gens qui devenaient fous et puis une sorte de présence fantomatique. A chaque fois que je recherchais un synopsis, on disait qu’il était impossible de résumer l’intrigue ou qui étaient les personnages, ce qui augmentait ma frustration. Et aujourd’hui, enfin, je SAIS, je sais ce qui se cache derrière ce titre, j'ai la solution de l'énigme (roulement de tambours s’il vous plaît). Je sais mais je suis réduite au silence, la moindre tentative de présenter l’univers Boogiepop représentant un danger majeur de spoilers. D’où la difficulté de l’exercice auquel je vais m’atteler.

 

La scène se situe dans une métropole japonaise dont on ne précise pas le nom, une métropole plongée dans la nuit. Tout est calme lorsque, soudain, un pilier de lumière s’élève vers le ciel. Depuis le champ magnétique s’est emballé et enveloppe la ville d’une sorte d’étrange aurore boréale qui semble être à l’origine de phénomènes curieux. Des adolescents disparaissent petit à petit. Partout on souffle que c’est l’œuvre de l’ange de la mort, Boogiepop, sans vraiment y croire. Mais si Boogiepop existait vraiment ?

 

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Boogiepop wa Warawanai (Boogiepop Doesn't Laugh) est en réalité une immense saga de light novels, écrits par Kadono Kouhei et illustrés par Ogata Kouji, qui a eu un succès retentissant au Japon à la fin des années 90, ce qui a contribué à l’émergence de plusieurs adaptations en manga, film et anime ainsi qu’à la naissance de plusieurs spin-offs, séquelles et préquelles, sans compter le drama CD. Bref, autant vous dire que c’est du costaud. L’anime dont je vais vous parler maintenant n’est donc qu’un fragment de la saga porté sur petit écran, un peu comme la partie émergée d’un iceberg. Une fois qu’on entre dans l’univers Boogiepop (et qu’on y accroche bien entendu), on ne peut plus en sortir, ce qui est d’autant plus rageant que les livres ont très peu passés la frontière japonaise, condamnant du même coup un fan étranger de la franchise à rester perpétuellement sur sa faim… Mais revenons à nos moutons.

 

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Boogiepop Phantom, anime sorti en 2000 par Mad House, est une expérience assez unique à vivre à commencer par le plan visuel. Car durant les onze premiers épisodes les graphismes sont volontairement ternis, comme des clichés sépia. On distingue des couleurs tout en restant très proche du noir et blanc. Ce procédé est créateur d’un certain malaise, d’autant plus que passé et présent ont souvent tendance à se croiser, à se chevaucher, voire à se mêler. Quoi qu’il arrive les décors restent sombres, fantomatiques, presque étouffants. Visuellement c’est un anime « claustrophobique ». Ce n’est que lors de l’épisode final que la lumière sera finalement rendue à la ville. Ensuite, étouffante la série l’est aussi sur le plan sonore. On pourrait dédier un article entier au traitement du son dans Boogiepop Phantom mais je vais essayer de condenser le plus possible (et il y a beaucoup à dire). Lors des épisodes il y a en réalité très peu de musique. Tout comme Serial Experiments Lain (la comparaison va revenir souvent) Boogiepop Phantom mise beaucoup sur son ambiance sonore, sur des bruitages oppressants. Par exemple on entend très régulièrement un tintement étrange annonciateur de mauvaise fortune, des crissements électriques ou même un sifflement dès que Boogiepop doit apparaître (ce farceur aime siffler du Wagner figurez-vous). Tout ceci accentuant bien sûr la sensation de malaise déjà omniprésente, mais il y a plus encore.

 

  Une petite musique d'ambiance calme. Pas ma préférée mais elle illustre plutôt bien l'anime...
 

Par curiosité j’ai voulu tester l’OST une fois la série achevée car il y avait une piste qui m’avait frappée. Je ne savais absolument pas à quoi m’attendre étant donné que je ne me souvenais pas avoir réellement entendu de musique tout au long de l’anime. Et surprise, si, si, Boogiepop Phantom a bien une OST, elle est même excellente. Malgré la qualité évidente du produit, chaque piste (composée par une personne différente) n’est utilisée qu’une poignée de secondes…quand elle est utilisée ! Ainsi le petit air qu’on entend à la moitié d’un épisode (vous savez pour la coupure pub) à raison de 10 secondes est en réalité une chouette piste de 4 minutes, pareil pour ce que j’avais pris au départ pour un bête bruitage (5 minutes de crissements électroniques saccadés, assez spécial on dira). C’est parfois à se demander si j’ai bien regardé la série dans sa totalité tant il m’est impossible de me souvenir avoir entendu 95% des pistes de l’album. C’est la première fois que je rencontre un anime à la bande-son aussi bipolaire…invisible lors du visionnage, unique lors de l’écoute. J'évoque à peine l'opening qui est à l'opposé du climat de terreur avec son rythme doux et tranquille (ce qui est déjà moins le cas de l'ending).

 

  Getaway <3
 

Maintenant qu’on a dépassé les considérations techniques, on en arrive à la partie la plus casse-gueule et vient une question : Que puis-je vous dire ? Il n’y a pas de héros à proprement parlé dans Boogiepop en ce que chaque épisode est perçu à travers un personnage différent, voire plusieurs. Ainsi un figurant qui avait une ligne à un moment donné peut devenir important un peu plus tard avant de retomber dans l’anonymat. A l’inverse on n’a jamais l’occasion de vraiment vivre à travers les personnages qui paraissent importants (désignés par l’opening) et qui sont pourtant les plus récurrents. Cette narration non-linéaire peut déboussoler au premier abord mais on s’y fait très vite, d’autant plus que c’est de cette manière que se résout peu à peu le gigantesque puzzle de l’intrigue : chaque personnage est relié de manière plus ou moins évidente aux phénomènes étranges qui se produisent en ville, donc chacun apporte des réponses et des questions. Chaque personnage possède sa propre histoire et quelle que soit la longueur de son « arc », force est de constater que celle-ci se montre souvent marquante et pousse à la réflexion. A travers ces adolescents pas tout à fait ordinaires se dévoile la société, ses vices, ses travers. La série aborde aussi bien les relations entre parents et enfants, la négation de la réalité, la désillusion, le refus de grandir que le complexe messianique ou la folie. Chaque personnage est un gros poing dans notre gueule qui vient remettre en cause tout ce que nous estimions solide et assuré. C’est sans aucun doute ce qui rend Boogiepop aussi fort, ces réflexions philosophiques sur le sens de la vie : les différents protagonistes qui se croisent, parfois sans le savoir, sont les reflets de nos faiblesses ; ce sont rarement des gens exceptionnels aux destins trépidants (enfin au début).

 

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Au premier plan l'héroïne du premier épisode, doublée par Mamiko Noto

 

Comme Baccano le fera après lui, Boogiepop Phantom multiplie les focalisations et ce de manière cohérente. Si quelque chose peut paraître obscur au début, on se rend bien compte que tout est lié, voire deviner qui sera le prochain protagoniste principal. Il y a parfois des jeux d’échos : une scène qui semblait inutile à un moment est repassée sous une nouvelle perspective et prend un sens différent. Les flashbacks sont monnaie courante en ce que la série jongle perpétuellement entre passé lointain, passé proche et présent. Le tout est heureusement clairement annoncé. Reste cette sensation de malaise omniprésente. Car s’il y a violence dans Boogiepop c’est d’abord une violence psychologique (même s’il y a un ou deux démembrements au programme) très poussée.

 

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"Oh Manticore, comme tu as de belles dents"

 

Je pourrais vous décrire plus en détails ce qu’il se passe mais il y aurait tellement de choses à dire…D’un côté on a Kirima Nagi (Yuu Asakawa), une jeune femme au caractère fort qui enquête seule sur ce qui se trame en ville, de l’autre Boogiepop (Kaori Shimuzu, mais si, Lain <3) entité mystérieuse qui apparaît on ne sait trop pourquoi et qu’il est facile de confondre avec son spectre Boogiepop Phantom (Mayumi Asano) tout aussi énigmatique. Il y a Masami Saotome (Jun Fukuyama <3), un étudiant ordinaire disparu depuis peu qui semble mêlé au trafic de drogue qui dérange la ville. Il y a Manaka (Sanae Kobayashi), petite fille qui envoie des papillons de lumière tout autour d’elle et qui ne peut que répéter ce qu’elle entend, tel un écho. Il y a Poom Poom (Rakuto Tochihara), garçonnet habillé en Joueur de Flûte de Hamelin qui, comme lui, semble charmer « les enfants ». Il y a Jounouchi qui croit être capable de percevoir les regrets des gens sous forme d’insectes, Yoji otaku timide qui tente d’échapper à un père autoritaire en se constituant une petite amie virtuelle, il y a Akane qui renonce à ses rêves pour se fondre dans le monde des adultes. Il y a une immense toile qui relie chacun d’entre eux autour de ce fameux pilier de lumière, autour de l’évolution de l’humanité.

 

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En dire plus m’est malheureusement impossible alors je vais en rester là, j’ai déjà l’impression d’en avoir trop dit. Tout ce que vous avez à savoir sur Boogiepop Phantom c’est que c’est le résultat qu’aurait probablement donné Serial Experiments Lain sans Lain, une fable dérangeante sur la société moderne, une ambiance visuelle et sonore étouffante à souhait et une intrigue qui entraîne pas mal de réflexions philosophiques. Un véritable bijou pour qui n’a pas peur de l’inconnu. Le seul défaut de la série est précisément ce que j’ai évoqué au tout début de l’article : elle n’adapte qu’un fragment de cet univers immensément riche et complexe qu’est celui de Boogiepop, ce qui fait qu’il demeure un certain nombre de questions après visionnage. Et c’est là qu’entre en scène le second sujet de ce billet.

 

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La même année que Boogiepop Phantom, à quelques mois ou semaines près, sortait Boogiepop and Others, un film adaptant le premier roman de la saga, donc tout ce qui précède immédiatement l’anime. En fait les deux sont parfaitement complémentaires, le générique de fin du film étant même l’opening de l’anime. Il a visiblement très mal vieilli avec le temps vu qu’on en parle très peu mais pour tout fan de l’univers, c’est un must.

 

Quelques mois avant les évènements de Boogiepop Phantom d’étranges disparitions ont lieu en ville. Des étudiantes du lycée Shinyo fuguent sans raison. On suit donc l’intrigue à travers les yeux de différents protagonistes (bien moins nombreux que pour l’anime) jusqu’à enfin démêler le mystère conduisant au pilier de lumière.

 

L’avantage du film est donc de combler un grand trou et d’apporter énormément d’informations sur des points nébuleux que la série ne faisait que survoler. Evidemment tout n’est pas dit non plus : on n’en apprendra pas vraiment plus sur l’organisation mystérieuse ni sur le docteur Kisugi qui avait l’air de jouer un rôle important dans l’intrigue de l’anime (mais qu’on ne voyait jamais assez), ni sur le tueur en série d’il y a cinq ans ou sur les origines de Boogiepop. Mais au moins on sait qui est véritablement Manticore, on découvre Echo et on apprend à connaître beaucoup plus Saotome. On a même un bel approfondissement à la relation qui unit Kirima Nagi à Suema Kazuko (ça virait presque yuri d’ailleurs ^ç^). Il y a aussi des nouveaux personnages dont on n’avait pas encore entendu parler et qui se révèlent fort intéressants.

 

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Depuis que j'ai vu le film je suis fan du duo Saotome / Minako, c'est encore mieux que Merteuil et Valmont :3

 

La bande-son du film est d’ailleurs sublime puisque, oh bah ça alors, c’est Yuki Kajiura qui s’en est chargée. Il n’y a qu’une dizaine de morceaux et on est loin de ce que sera Noir un an plus tard mais ça se laisse fichtrement bien écouter. D'ailleurs, petite parenthèse de fangirl outrée, quelques pistes dédiées à Boogiepop ont parus récemment dans The Works for Soundtrack, censée être une compilation des travaux de Kajiura jamais publiés. Je t'aime beaucoup Yuki mais désolée Boogiepop Kimi ni Tsutaetai Koto Music Album Inspired by Boogiepop and Others (un nom aussi long ça ne s'invente pas) est sorti début 2000 et toutes les pistes étaient là ! Donc c'est pas gentil de faire du remplissage en foutant un peu de Boogiepop par-ci par-là dans ta compilation alors qu'il y a des tas de BGMs des animes auxquels tu as participé qui n'existent nulle part ! 

 

 
Le problème c’est que Boogiepop and Others n’est…pas si bon que ça. Disons que l’histoire est chouette mais que les acteurs ne sont franchement pas à la hauteur. Déjà ils ne ressemblent pas vraiment aux illustrations officielles donc il y a un petit temps d’adaptation et en plus ils sont assez moyens (sauf la fille qui fait Nagi, je la trouve charmante avec son blouson en cuir et sa coupe à la garçonne). En plus de ça la mise en scène est vraiment bateau ce qui ôte tout le suspens qu’il devrait y avoir et les effets spéciaux sont pourris. Je ne parle même pas du costume du pauvre Boogiepop qui a perdu toute sa classe et ne ressemble plus à grand-chose. Personnellement j’ai plutôt bien supporté tous ces défauts mais ça dépendra de votre seuil de tolérance.

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Oui c'est à ça que ressemble l'ange de la mort dans le film...

 

Pour tous ceux qui seraient intéressés par l’univers Boogiepop je vous conseille de tester d’abord l’anime, de préférence en le marathonant (vu la complexité de l’intrigue ça vous simplifiera la vie), deux ou trois fois s’il vous faut digérer ce que vous venez de voir, et ensuite le film même si chronologiquement ça devrait être la première chose à regarder. Si vous avez aimé Serial Experiments Lain (et pas qu’à cause de son héroïne) et que vous appréciez les séries psychologiquement intenses, je pense que ça devrait vous plaire…

 

 In Heaven <3
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24 avril 2011 7 24 /04 /avril /2011 23:49

Ces dernières semaines m’ayant usée jusqu’à la trogne, je me suis un peu laissée aller en terme de blogging, faute d’énergie. Heureusement, après moult remises en questions, j’ai trouvé un remontant sous la forme d’un film d’animation dont je n’avais jamais entendu parler auparavant, sorti en 2003 : Interstella 5555.

 

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Cette œuvre a ceci de particulier qu’elle est en réalité l’illustration d’un album de Daft Punk, Discovery, donc ne comporte aucun dialogue et très peu d’effets sonores. Un peu comme un gigantesque clip d’une heure. Un drôle de projet en collaboration avec Matsumoto Leiji (papa de Galaxy Express 999 ou Captain Harlock par exemple) qui apporte au design des personnages et à l’ambiance générale une petite touche qui fleure bon les années 80-90. La question est : Le film a-t-il une valeur intrinsèque ou se contente-t-il d’être une sorte de bonus visuel à l’album Discovery ?

 

Sur une lointaine planète, à l’autre bout de la galaxie, se déroule une grande célébration. Un groupe d’extraterrestres donne un concert retransmis en direct un peu partout dans la région. L’humeur générale est donc à la fête jusqu’à ce qu’un mystérieux vaisseau pénètre dans l’espace aérien au nez et à la barbe des personnes chargées de la surveillance spatiale, trop occupées à regarder la prestation. Très vite des hommes portant des masques à gaz s’infiltrent sur scène et kidnappent les musiciens pour les emmener sur Terre. Un courageux pilote situé non loin de là entend alors le signal d’alarme et fonce à leur rescousse…

 

Je n’ai jamais trop été fan de Daft Punk. Je me souviens avoir maudit ma mère lorsqu’elle passait Around the World dans la voiture lors des longs trajets tellement ça m’était insupportable. Je me souviens aussi avoir été parfaitement indifférente à Human After All dès la première et dernière écoute tant et si bien que je suis incapable de décrire une seule piste. Discovery, je m’en souviens déjà un peu plus en ce que j’ai autrefois eu l’album (et l’ai encore) et que je l’ai écouté un peu plus, mais globalement je n’appréciais que quelques pistes par ci par là, et ça ne me faisait pas grand-chose non plus. Par contre je me souviens très bien avoir été intriguée par les clips de One More Time et Harder, Better, Faster, Stronger qui représentaient des aliens bleus sur le point d’être transformés en êtres humains. J’ai toujours voulus avoir qui étaient ces personnages, leur histoire. Et, il y a quelques jours, miracle, j’apprends par hasard qu’un film a été crée pour raconter tout ça. Une œuvre expérimentale, ça vaut toujours le coup d’essayer !

 

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Esthétisme du champ de fleurs

Je ne m’attendais donc pas à grand-chose avec Interstella 5555 mais force est de constater que oui, il possède une valeur intrinsèque. La patte de Matsumoto Leiji a un petit quelque chose d’atemporel et de nostalgique très plaisant qui situe l’action dans un ailleurs lointain et fabuleux. L’esthétisme est un aspect très important du film car bon nombre de scènes dépassent la narration simple pour faire plaisir à nos yeux : que ce soit la beauté de la planète extraterrestre, les scènes de rêve sublimes, celles de concerts rythmées et chaleureuses au niveau des couleurs, la tombe sous l’arbre, le côté fantastique est toujours largement transcendé par une imagerie, une mise en scène colorée. Or cette dernière a aussi la lourde tâche de pallier le manque de dialogues qui nuit un peu à la caractérisation des personnages, ce qui n’est pas une mince affaire. Personnellement, ayant été habituée à des œuvres un peu contemplatives comme Noir, lire dans les expressions des protagonistes me paraît rajouter à la fluidité de l’histoire et participer à l’esthétisme, je n’ai aucun problème de compréhension tant que je me laisse porter. En revanche il est clair que ça ne plaira pas à tout le monde, en particulier ceux qui aiment bien qu’on les prenne par la main pour tout leur expliquer de A jusqu’à Z.

 

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De gauche à droite : Octave, Stella, Baryl et Arpegius

 

Disco-very

L’autre moyen de transmettre les émotions et de raconter une histoire sans paroles, en plus de la mise en scène, est bien entendu la musique. Et sur ce point j’ai été agréablement surprise de constater combien Interstella 5555 transcendait les pistes de Discovery. Le mélange m’a parut très convainquant. Globalement le film n’est pas un patchwork composé de petits clips mal collés, il parvient à garder sa continuité malgré la contrainte initiale. Le découpage est également très bien foutu en ce qu’une même chanson peut très facilement englober plusieurs évènements sans qu’il y ait de dissonance : on passe ainsi d’une scène de concert à une scène d’action puis à une scène de course-poursuite tout en conservant une cohérence et un parallèle entre ce que l’on voit et ce que l’on entend (un riff peut correspondre à un plan où l’on voit les personnages courir ;  la déformation de la fin de Short Circuit avec la perte de conscience d’un personnage par exemple). Sans compter que les rares paroles coïncident plutôt bien avec les situations et se font l’écho de ce que devraient dire les personnages même si on ne les voit pas toujours ouvrir la bouche (je pense à Something About Us notamment).

 

 


 

Un conte pour grands enfants ?

Passons maintenant à l’intrigue en elle-même. Ce qui est intéressant avec Interstella 5555 c’est que c’est un film qui affiche plutôt la volonté d’être une sorte de fable, de métaphore (je reviendrais sur ce qu’elle est sensée représenter) et entre donc de plein pied dans l’univers du conte avec ce qu’il a de simple, de manichéen mais aussi de fantastique : il y a le grand méchant qui capture les extraterrestres à des fins mégalomanes et clichés, les gentils transformés en automates dénués  de volonté et forcés d’obéir à ce dernier et enfin le héros ( ?) qui vient les sauver à bord de son vaisseau-guitare et qui est amoureux de la bassiste du groupe. Qu’on ne s’attende donc pas à une complexité infinie, à des cliffhangers de folie, non rien de tout cela. Interstella 5555 peut facilement se lire comme un conte de fées muet et la mise en abime finale achève de lui conférer cet aspect un peu enfantin, comme si tout n’avait été qu’une histoire inventée par un enfant à l’aide de petites figurines, une histoire irréelle et purement fantasmagorique. Les personnages ne peuvent pas être réellement développés en prenant en compte cet angle là, ce sont davantage des représentations mythifiées et sympathiques, des rôles (le petit rigolo, la jeune fille douce et fragile, le jeune homme impétueux, le leader charismatique et raisonné), que de vraies personnes et l’absence de voix va dans ce sens : ils possèdent tous la même, la voix de l’enfant qui s’imagine dans ces petits bouts de plastiques, notre voix qui nous projetons en eux lors du visionnage du film.

 

Interstella-4.jpg

Stella et Shep

 

5tar 5ystem

Cependant, comme l’indique les quatre 5 présents dans le titre, Interstella a quelque chose qui dépasse le simple conte : la critique relativement subtile du star system. Subtile parce qu’à aucun moment vous ne verrez de parodie exagérée ou de satire explicite. On peut considérer que tout commence avec Harder, Better, Faster, Stronger lorsque nos quatre protagonistes, inconscients, sont sujets à une vaste entreprise de lobotomie. Alors qu’ils étaient tous vêtus pareils avec une même peau bleue sur leur planète, Earl de Darkwood (le méchant) entreprend de les classer dans des catégories après avoir soigneusement modifié leur mémoire pour les faire passer pour des êtres humains. Chacun est donc « déguisé » à partir d’un style vestimentaire bien précis : Arpegius emprunte un look rock, Stella un look country, Baryl un look metal et Octave, qu’on teint en noir pour l’occasion, un look disco. Ils entrent donc désormais dans des étiquettes, ils sont classifiables, c’est la seconde perte de leur identité. Le fait même qu’Octave ait une couleur de peau différente (alors qu’à l’origine il était bleu comme tout le monde) me paraît être un signe assez intéressant de la puissance du processus d’aliénation encore plus amplifié lorsque les Crescendolls (le nouveau nom du groupe) deviennent des stars et que l’on affiche leurs « goûts » personnels. Chaque membre est désormais une caricature de lui-même. Ainsi la fiche de Stella indique qu’elle aime ce qui est fashion, le shopping et déteste qu’on tue des animaux. Comme si toute star qui se respectait se devait de faire parti d’une association ou de défendre une noble cause (genre « Protégeons les dauphins » ou « A bas la fourrure »). Un détail aussi ridicule que grinçant à mes yeux. Mais encore une fois on est dans la critique légère. La descente aux enfers des Crescendolls se poursuit lorsque, répétant à l’infini leurs chansons telles des marionnettes privées de vie, leur célébrité les use physiquement, les force à multiplier les tournées et les autographes sans répit. Leur destinée aurait pu être funeste si Shep, le valeureux pilote extraterrestre, n’était pas venu dans le but de les libérer de l’emprise d’Earl de Darkwood.

 

 


 

Un message envers les fans ?

Ce que je me demande à présent c’est : n’y aurait-il pas encore autre chose dans Interstella 5555 ? En effet, le groupe d’aliens musiciens faisant office de métaphore du star system, il ne serait pas tout à fait déplacé d’élargir cette critique à un cadre plus large. Tout au début du film, les Crescendolls respirent la joie de vivre et dansent devant une foule en délire. Par la suite ils se retrouvent sur Terre ravalés au rang de machine pour un public, certes toujours très enthousiasme, mais « étranger ». Les terriens passent pour les véritables extraterrestres de l’histoire et si la musique sonne encore pour eux, pour les membres du groupe elle a déjà perdu son sens. Le fait que les terriens copient leur style, justement artificiel, n’aide pas à faciliter une communication déjà impossible. Lorsqu’en séance d’autographes Stella serre la main d’un adorateur et qu’elle contemple sa paume d’un air dubitatif, on a vraiment l’impression qu’elle vient de vivre une rencontre du 3e type. Et qui vient la sauver de cette situation ? Shep. Et Shep n’est pas n’importe qui, c’est un fan des Crescendolls, son plus grand fan même. Son vaisseau est tapissé de posters et il a des sentiments envers Stella, ce qui n’est pas anodin. On pourrait même voir dans Interstella 5555 une structure assez intéressante que l’on constate d’emblée lors des deux scènes de rêve (la première avec Shep, solitaire, la seconde avec Stella, partagée) qui soutiennent son développement.

 

L’introduction met en scène le groupe dans leur monde d’origine, or comme on l’apprend un peu plus tard les extraterrestres sont associés à l’idée de génie créatif, leur public est donc de la même trempe qu’eux, c’est une sorte de public idéal et idéalisé. Intervient l’enlèvement, le conditionnement pour entrer dans des cases prédéfinies, la morne vie de star qui contraste avec le paradis perdu. L’élément qui va sortir les quatre héros de leur mélancolie est donc le fan à cheval entre les deux mondes mais très proche du premier de par l’emplacement de son vaisseau et sa nature même. Le rôle du fan serait donc de soutenir ses artistes préférés, de les aider à surmonter les épreuves pour leur permettre de retrouver cet idéal de l’art pour l’art tout en gardant à l’esprit le public terrien, jamais méchant (cf Face to Face qui montre un aspect assez optimiste du genre humain) mais loin du public originel, tout en jouant pour eux. La conciliation de l’idéal avec la réalité si l’on veut (cf le concert finalement retransmis sur les deux planètes). Interstella serait donc la représentation de cette conciliation uniquement possible grâce au soutien du fan avisé.

 

Ce n’est peut-être que pure extrapolation de ma part mais la narration très libre du film laisse le loisir à de nombreuses hypothèses.

 

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Conclusion

Interstella 5555 réussit le pari de transcender un album en lui offrant une illustration tout en sortant largement de ce contexte de base. Daft Punk n’oublie toutefois pas qui sera le destinataire privilégié du film et le saupoudre d’un voile de fanservice (caméo des deux robots à plusieurs reprises, la fin) qui fera sans doute plaisir aux admirateurs du groupe. Pour les autres restera une œuvre atypique et divertissante tant qu’on ne lui demande pas d’être autre chose (il faut être prêt à écouter du Daft Punk aussi). Un bel encouragement à la collaboration entre Orient et Occident (symbolisé par le petit clin d’œil lorsque les gardiens regardent un match de foot entre la France et le Japon) qui n’a malheureusement pas eu beaucoup de descendants mais qui sait, peut-être que cela viendra un jour...

 


P.S : Je n’ai que très peu accès à Internet là où je suis en ce moment, vous m’excuserez donc si mes posts se font rares durant les vacances de Pâques.

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6 mars 2011 7 06 /03 /mars /2011 19:35

Pour rester dans la lignée de Noir, je vais maintenant parler de Madlax, son « successeur spirituel », afin de compléter la saga Girls with Guns (qui se termine assez lamentablement avec El Cazador de la bruja).

 

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Dans le pays moyen-oriental de Gazth-Sonika une terrible guerre civile fait rage depuis bientôt 12 ans. Au milieu de la pagaille une mercenaire officie secrètement, que ce soit dans la jungle profonde au plus fort des affrontements ou dans la zone démilitarisée faussement tranquille, sous le nom de code Madlax et avec une dextérité telle qu’elle entre dans les légendes urbaines. Pour une très grosse somme d’argent, vous pouvez requérir à ses services pour une tâche de garde du corps, un assassinat, un sabotage ou toute autre mission particulièrement délicate.

A des kilomètres de là, dans le pays prospère de Nafrece, une jeune bourgeoise un peu tête en l’air du nom de Margaret Burton vit paisiblement aux côtés de sa domestique Elinor jusqu’au jour où elle retrouve dans ses affaires un livre mystérieux aux pages teintées de sang.

Madlax et Margaret semblent à l’opposé l’une de l’autre, et pourtant un lien étrange les unit…

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Calm violence

Si la série fait très clairement écho à Noir dans ses thèmes de départ (la profession de tueuse à gages, l’amnésie, deux héroïnes apparemment opposées, une organisation mafieuse qui contrôle le monde, la France, des gun-fights « magiques », le shoujo-ai), elle s’en démarque totalement par un traitement très différent. Cette fois-ci l’intrigue n’est pas resserrée sur deux personnages, il s’étend sur un cast beaucoup plus large (fatalement moins développé que pour Noir mais on y trouve son compte) comprenant enfin des protagonistes masculins importants et comporte pas mal d’éléments surnaturels (j’y reviendrai). De plus, il est à noter que si tout tourne autour de Madlax et Margaret, celles-ci ne se rencontrent qu’aux 2/3 de l’anime ! Voilà de quoi garder le spectateur en haleine…

 

Madlax commence par nous présenter son héroïne éponyme en action et alterne entre les deux jeunes filles d’un épisode à l’autre en prenant toutefois garde à faire le lien. Ainsi vous pouvez être certain que si un personnage habitant à Nafrece parle de Gazth-Sonika, lui ou quelqu’un avec qui il était en contact se retrouvera là-bas juste après et il y a de grandes chances pour que ce soit Madlax son agent…Le spectateur n’est donc jamais complètement perdu dans cette alternance. Puis petit à petit on finit par retrouver des passages avec les deux héroïnes à chaque épisode jusqu’à ce que, se rapprochant de plus en plus (en étant en contact avec les mêmes personnes par exemple), elles finissent par se rejoindre. Mais quel est le rapport entre Madlax et Margaret ?

 

En réalité il n’y a bien qu’une seule intrigue et elle est particulièrement bien ficelée en ce que chaque épisode est conçu de manière à percevoir un fragment de ce tout. Le rythme avance parfois un peu lentement mais on se rend vite compte que tout est nécessaire, il n’y a jamais de passage en trop et même l’épisode « piscine » où Margaret, Elinor et Vanessa font trempette en maillot de bain est déterminant dans la progression de l’histoire, c’est vous dire à quel point BeeTrain a tout prévu. Et il y a toujours des scènes de bataille pour venir dynamiser l’ensemble de temps en temps. Aller plus vite serait de toute façon impossible pour comprendre le final (car oui il comprend pas mal de subtilités).

 

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A gauche : Madlax. A droite : Limelda et Margaret

 

Revenons-en aux protagonistes principaux pour mieux saisir ce grand « tout ».

 

Gazth-Sonika

Nous avons donc Madlax, l’agent le plus redoutable de Gazth-Sonika, doublé par Sanae Kobayashi (Lucy d’Elfen Lied, Akira de Mai Hime). Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Madlax n’est pas une machine à tuer inhumaine et froide, c’est même une jeune fille plutôt sensible. Elle n’hésitera pas, par exemple, à prendre des risques pour rencontrer son client à l’épisode 3 lorsqu’elle apprendra que commanditaire et cible ne font qu’un, sans aucune raison, juste pour comprendre son geste, juste pour passer du temps avec lui. Cette sensibilité est d’autant plus étrange qu’elle se mélange à une adresse presque surnaturelle dans le combat. Madlax est donc un personnage assez intéressant qui ne tue au fond que par nécessité, que parce qu’elle y est obligée pour survivre  mais qui le fait avec une nonchalance extraordinaire. A noter qu’elle affectionne troquer sa tenue militaire pratique contre des robes de soirées, comme si elle allait au combat comme à une fête, ce qui apporte une petite touche de fanservice assez rigolote et non envahissante (et puis c’est classe une tueuse qui virevolte en robe de soirée).

 



Très vite apparaît dans l’histoire une sorte de Némésis à Madlax dans la personne de Limelda Jorg, doublée par Aya Hisakawa (dois-je encore la présenter ?). Sniper d’élite au service de l’armée royale de Gazth-Sonika et considérée comme la meilleure tireuse du pays, quand elle est mise en déroute par Madlax, Limelda le prend forcément très mal et son orgueil n’accuse pas le choc. Dès lors, elle se mettra en tête de poursuivre sans relâche la jeune fille pour la tuer et chacune de leur rencontre renforcera sa détermination. Détermination qui ne s’explique en fait vraiment que dans la seconde moitié de la série. Limelda veut prendre sa revanche, c’est certain, on voit bien qu’elle admire sa rivale sans même se le cacher, mais leurs relations sont bien plus complexes que cela : en réalité Limelda voit en Madlax une sorte d’alter ego et elle est sans arrêt poussée à la défier parce que c’est la seule capable de la vaincre ; leurs confrontations récurrentes la font se sentir exister et une fois un certain cap passé, on nage dans l’obsession et Limelda ne pensera plus qu’à elle.

 

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Ignorez avec moi les gens au second plan et bavez devant Nahal qui n'a été conçue que dans l'optique d'être cool

 

Nafrece (anagramme de France)

Très loin de ce climat de guerre et du parfum de la mort, Margeret Burton, doublée par Houko Kuwashima (qui faisait déjà Kirika dans Noir), a l’air de posséder une vie idéale : elle est incroyablement riche, possède sa propre domestique, et va dans une école apparemment aisée. Mais là où Madlax parvient à conserver son humanité même dans l’horreur de la guerre, Margaret au contraire a une personnalité complètement brisée. Elle se montre dénuée de sentiments, apathique, mais pire encore, on dirait qu’elle ne vit tout simplement pas dans le même monde que ses semblables. Elle semble coincée dans le passé, incapable de grandir. La plupart du temps elle arbore une attitude incohérente ou  enfantine, ce qui fait qu’il est très difficile d’apprécier ce personnage, du moins lorsqu’on ne sait pas quel traumatisme caché l’a poussé à se renfermer dans son monde. Même en étant mentalement un peu déficiente, son excentricité lui vaut d’exercer un incroyable pouvoir sur son prochain et elle marque involontairement tous ceux qui la rencontrent.

 

Autour de Margaret évoluent Elinor, doublée par Ai Uchikawa, qui se révèle être le modèle même de la domestique accomplie (bonus dans sa maitrise des arts martiaux), la notion pure de maid se dévouant à sa maitresse au péril de sa vie, et Vanessa, doublée par Satsuki Yukino (Shion/Mion Sonozaki dans Higurashi, Mutsumi dans Love Hina), une amie de la famille Burton et ancienne préceptrice de Margaret, qui va avoir un rôle déterminant dans l’intrigue puisque c’est suite à l’épisode « piscine » que prise de doute, elle va tenter de mettre au jour le complot d’Enfant sans prévoir qu’elle mettrait ainsi le doigt dans un terrible engrenage.

 

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Vous ? Le méchant de l'histoire ? Je ne m'en serais jamais doutée...

 

Enfant

Avec un nom français, tout comme les Soldats de Noir, ce terme désigne une organisation criminelle que devront affronter les différents personnages pour parvenir à découvrir la vérité concernant leur passé. Sauf que cette fois-ci, légère subtilité, Enfant ne contrôle pas uniquement des hommes de main à troncher à chaque épisode (quoique…) mais surtout un réseau d’informations immense que leur chef, Friday Monday, doublé par Masashi Ebara, se fait un plaisir de manipuler. Lobotomiser les gens c’est son métier, c’est son hobby, aussi n’hésitera-t-il pas à faire disparaître votre existence de manière propre et efficace. Doté d’un sobriquet ridicule, Friday Monday est malheureusement un méchant caricatural aux motifs abstraits et difficilement plausibles. Son comportement excessif et son manque de profondeur en font un antagoniste maladroit. A mes yeux, le plus gros défaut de l’anime…

 

Heureusement, le bras droit de Monsieur « Vendredi Lundi », un certain Carossur Dawn, doublé par Toshiyuki Morikawa (Alex Row de Last Exile, Sephiroth dans les compilations récentes de FFVII, je crois que nous avons une voix garantie « effluves de classe ») se montre bien plus complexe que son supérieur, notamment parce qu’il n’obéit pas bêtement aux ordres d’Enfant et ne tarde pas à mener à la barbe et au nez de Friday Monday ses propres recherches pour retrouver avant lui le livre que possède Margaret. Arborant souvent un sourire énigmatique, il entretient une liaison assez particulière avec Limelda dont il a fait son garde du corps personnel.

 

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Quanjitta et les deux enfants : Laeticia et Poupee

 

Les gardiens

En plus de cette ribambelle de protagonistes, il faut compter sur une très belle femme du nom de Quanjitta Malice/Malison (Mako Hyoudou) vivant recluse dans un village de Gazth-Sonika avec sa disciple Nahal (Chikayo Nakano). Toutes deux observent l’intrigue se tisser de loin et ont un comportement assez ambigu, ce qui fait qu’on ne sait jamais vraiment quelles sont leurs intentions. La parenté avec Altena et Chloé dans Noir est facile à faire même si elle n’est pas tout à fait exact : on peut considérer que si Friday Monday est la part de folie d’Altena, Quanjitta est son aspect « bonne mère », là où Nahal fait preuve de bien plus de discernement que son homologue aux cheveux chatoyants.

 

Nous avons aussi deux êtres assez mystérieux qui semblent errer dans un autre monde, deux enfants visiblement liés à Madlax et Margaret, dont Laeticia (Tomoko Kaneda) aux yeux de poupée qui ponctue souvent l’histoire de remarques philosophiques, obscures et oniriques.

 

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Survie, vérité…et bizarre

Maintenant qu’on a mis un peu au clair cette toile d’araignée, on commence à entrevoir quel sera le thème autour duquel s’articulera Madlax : Noir traitait de la vengeance et l’identité, son successeur développe la recherche de la vérité et le sentiment de la survie. Survie car si l’héroïne éponyme se lance dans des combats toujours plus esthétiques que réalistes et ressort indemne de situations incohérentes (Un militaire est à deux pas d’elle, il lui tire dessus, elle ne bouge pas d’un iota…il la manque 15 fois. Elle tire un seul coup de feu, le militaire s’écroule mort) c’est aussi parce qu’elle ne peut pas encore mourir, elle doit rester en vie car il lui reste des choses à accomplir. Mais survie aussi dans le sens où la série nous montre des hommes et des femmes parfois désespérés et qui, pour continuer à exister, plongent dans la folie la plus totale. Une folie pas toujours volontaire… En effet Friday Monday possède un livre un peu particulier à l’aide duquel, en prononçant quelques mots (Elda Taluta), il peut faire se réveiller à l’intérieur de ses victimes une angoisse immense qui les pousse à toutes les atrocités possibles et imaginables (justement pour « survivre » à cette épreuve) quand cela ne les enferme pas dans un désespoir sans fin, un peu comme si le mot devenait action, qu’il suffisait d’appeler la mort pour qu’elle survienne soudain ; un concept intéressant qui devrait passionner nos amis linguistes.

 

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Face à la survie, il y a la vérité, c’est à dire que pour continuer à exister chaque personnage se cherche lui-même dans un idéal d’absolu qu’il appelle « vérité » parce qu’il est persuadé que c’est la seule chose qu’il ne pourra jamais remettre en doute. Ironie du sort c’est la découverte de cette vérité qui empêche le personnage de continuer à exister…parce que dans Madlax il existe des éléments complètement surnaturels dont il faut être conscient pour apprécier pleinement la série.

 

Si vous ne supportez pas les œuvres où la magie a tendance à un peu tout expliquer, il y a de fortes chances que Madlax vous dérange. En effet, ici tout est bardé de fantastique : Les mots magiques qui rendent fous ou Madlax qui survit à toutes les balles ne sont rien en comparaison du twist final (que je développerai dans la partie spoiler) ! Pour donner un exemple suffisamment parlant, certains protagonistes (parfois totalement anecdotiques et inutiles) sont en réalité morts depuis longtemps...et vous les voyez quand même comme des êtres vivants et parlants. Je ne préciserai pas plus mais si l’idée vous est insupportable, vaut mieux passer son chemin….

 

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Jeu et image

Ce qui est fascinant dans Madlax c’est qu’en réalité les scénaristes vous disent déjà tout depuis le début, que la série est parsemé de petits détails qui trahissent la vérité, mais comme le twist final sur lequel se base toute l’intrigue est purement surnaturel, votre raison n’arrivera jamais à cette conclusion sans avoir vu les explications adéquats. Ce qui fait que ce n’est qu’en se repassant l’anime dans son intégralité qu’on se rend compte qu’en réalité tous les indices étaient là depuis le départ pour nous aiguiller sur le bon chemin, mais qu’on ne les a pas interprété correctement par pure logique.

 

La série joue donc constamment avec vous à votre insu et s’amuse à vous guider petit à petit dans un long périple où s’alternent une fois de plus scènes d’action et passages oniriques le tout ponctué de réflexions un peu métaphysiques. L’exemple qui me vient immédiatement en tête est bien sûr celui de l’épisode 4 dans une scène absolument magnifique, qui devrait vraiment être analysée en profondeur, à la limite du songe et du souvenir (Proust es-tu là ?) où Margaret rêve d’un champ de fleurs jaunes sur fond d’une musique envoûtante. [HS : les petits curieux seront peut-être intéressés d’apprendre que c'est de là que je tire mon pseudonyme] Il y a bien d'autres exemples possibles mais ce serait trop long à répertorier.

 


L'opening de la série regorge de symboles

A ce propos, je crois qu’on peut dire que la réalisation est assez irréprochable : les graphismes, plus récents que pour Noir, sont de toute beauté (petit coup de cœur pour l’effet « cheveux ensoleillés ») et une fois encore Yuki Kajiura a fait un travail incroyable pour la musique. Le thème le plus récurrent de la série, Nowhere, ne devrait d’ailleurs pas vous être inconnu si vous connaissez le Kumikyoku…Le seul défaut qui me parait évident c’est que l’utilisation de flashbacks qui au début était très sommaire devient complètement abusive pendant 2 épisodes vers le milieu de l’anime (du genre 5 fois exactement la même scène) avant de revenir à la normale (il y en a moins que dans Noir mais il y en a quand même car la recherche du passé reste une grande obsession de certains personnages). Je ne m’explique pas ce drôle de détail.

 

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\ !/Attention, gros spoilers \ !/

Un pas vers la maturité

La fin a généralement été très vivement critiquée, pourtant j’avoue ne pas y avoir trouvé grand-chose à redire. J’ai eu un peu peur lorsque Madlax s’est souvenu avoir tué le père de Margaret parce que c’était étrangement incohérent mais la révélation finale était en fait très bien pensée : les héroïnes ont le même passé justement parce qu’à l’origine elles ne formaient qu’une seule et même personne avant de se séparer en deux « moitiés » d’être. Leur réunion pour retourner à cet état originel était donc logique. Ce qui a froissé les gens, je pense, c’est que le souhait de Margaret ne soit pas de ressusciter ses amis morts pour elle (y a quand même eu 3 de ses proches qui y sont passés) et qu’elle redonne à la place à Madlax une existence propre. Pour moi c’est au contraire une preuve de maturité. Depuis le début de la série, Margaret se fait maternée, choyée et protégée par ses proches, c’est une enfant pourrie gâtée qui n’a aucun sens des valeurs (et qui dégaine son chéquier plus vite que son ombre). En voyant tomber ceux qu’elle aimait et en assumant le meurtre de son père, elle a grandi, elle a repoussé cet espèce de déni malsain qu’elle arborait tout au long des derniers épisodes en proclamant Friday Monday comme son propre géniteur. Cette fois-ci Margaret accepte que le monde n’aille pas dans son sens, elle accepte devoir parfois se débrouiller toute seule. Symbole suprême : on voyait au départ Elinor s’occuper d’elle comme une mère envers sa fille, et à la fin elle choisit de faire de Laeticia sa petite sœur, donc de prendre non plus le rôle de l’enfant mais de la « maman ». C’est une grande évolution du personnage et au fond un choix beaucoup plus mature que de déclarer « Hophophop, où sont mes esclaves personnels ? Allez bande de larves, je vous ressuscite sinon je serais obligée de me faire à manger moi-même et c'est un scandale».

 

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De plus elle rend à son alter ego le contrôle de sa vie, une autre preuve de maturité. Ce qui avait enclenché la séparation en deux corps c’était bien la volonté de Margaret de se dédouaner de ses responsabilités, donc de les forcer sur le dos de Madlax. Au lieu de la faire disparaître, de faire disparaître sa culpabilité, elle la libère. Mais ce n’est plus qu’une séparation « artificielle » (à moins qu’on ne considère cela comme la véritable séparation et donc que c'est le vrai thème de l'anime) puisque chacun a à présent conscience de son héritage, elles ne sont plus deux moitiés de la Margaret Burton originale : elles sont deux personnes entièrement différentes.

 

En ce sens, j’estime que la série a au contraire très bien su se conclure (sur fond de musique géniale, que demander de plus ?) et éviter le happy end absurde à la Mai Hime.

 

\ !/Fin spoilers \ !/

 

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En conclusion, Madlax se révèle utiliser l’héritage de Noir de manière très intelligente : les scénaristes ont bel et bien réussis le tour de force de traiter la même histoire dans un style alternatif et à en faire une production bien différente que son aînée, possédant des qualités très semblables (mais aussi les mêmes défauts, c’était un peu inévitable) tout en disposant d’une identité propre, le tout avec une musique toujours aussi sublime. Sa complexité surnaturelle ne plaira cependant pas à tous, la série vaut tout de même le coup pour ceux qui ont vu Noir mais aussi ceux qui apprécient le fantastique mêlé d’action.

 

Et maintenant il est l’heure de manger des pâtes, oui des pâtes =).

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