Les OAVs ont à la fois l’avantage et l’inconvénient de servir de terrain d’expérimentation à tous les savants fous en herbe. Quelques fois on en sort de très belles choses, c’est ainsi que Makoto Shinkai a bâti sa réputation par exemple, quelques fois on sort un peu n’importe quoi, des immondices sans nom comme Mars of Destruction. Les OAVs sont le support privilégié des adaptations incomplètes, telles Alien Nine, Petshop of Horrors ou encore Please save my earth. Aussi c’est tout naturellement qu’un jour, quelqu’un qui se demandait sans doute « Que se passerait-il si l’on adaptait une chanson en anime ? », décida de sortir un OAV d’une trentaine de minutes basé sur une piste de cinq minutes. Pas un clip à l’instar de ce qu’avait fait Mylène Farmer pour son single Peut-être toi et qui était vraiment joli graphiquement, non, un OAV. Logique.
Alors ça c'est du clip cool
Dans ma rubrique musicale, j’évoquais à un moment Zektbach, en réalité Tomosuke Funaki, et son premier album, The Epic of Zektbach ~Ristaccia, mélange de fantasy et de techno. La particularité de cet album est qu’un peu à la manière de Sound Horizon il raconte une histoire, sauf qu’elle est ici uniquement perceptible via le livret fourni, ce qui n’empêche pas d’avoir sa propre vision de la musique. L’intrigue se déroule dans un univers fantastique déchiré par les guerres où existent des fragments magiques très puissants nommés Ristaccia. On suit alors divers personnages dans leurs aventures.
Un drama CD, The Epic of Zektbach Novel CD Series : Blind Justice, était même sorti pour donner corps à cette intrigue et on y retrouvait des grands noms du doublage tels Aya Hisakawa, Otsuka Akio, Mamiko Noto, Chafurin, Yuu Asakawa ainsi que Akira Ishida et Kana Hanazawa dans les rôles principaux (respectivement Nox et Matin). Le drama CD s’orientait tout particulièrement autour de la piste Blind Justice qui mettait en scène deux jumeaux.
Depuis un second album, encore meilleur que le premier, The Epic of Zektbach ~Masinowa, est sorti. Ce style de musique était réellement intriguant et n’a pas dû plaire qu’à moi puisque des apprentis magiciens décidèrent d’en extraire une piste, une seule, sous forme d’OAV : Shamshir Dance.
Vous pouvez pas louper Shamshir, c'est la fille la plus sexy de la pochette...
Honnêtement, cette piste est à mes yeux l’une des moins convaincantes du lot. J’aurais nettement préféré une adaptation de Blind Justice (avec les mêmes seiyuus si possible), voire une adaptation de l’histoire de Malchut qui a quand même l’air plus intéressante...
Shamshir Dance retrace les péripéties de l’héroïne éponyme, Shamshir, la fille d’un général, elle-même guerrière de renom dans l’armée d’Azuelgatt, un petit pays en mauvaise posture qui doit faire face à l’invasion de son voisin, l’empire de Noigladdo. L’ennemi est largement en surnombre et tout espoir semble perdu lorsque la dernière bataille s’amorce. Or Shamshir possède une épée maudite qui lui accorde une force phénoménale et elle se lance dans une mission kamikaze pour anéantir le général de l’armée adverse avant qu’il ne soit trop tard. Bien évidemment elle triomphe et retourne à la capitale où les véritables ennuis commencent : des meurtres inexpliqués ont lieu dans les rues et pour ajouter à la confusion ils sont perpétrés dans le même style de combat habituellement utilisé par Shamshir...
J’avoue ne pas avoir grand-chose à dire sur cet OAV du fait même de sa brièveté.
La première chose que l’on remarque et ce dès la séquence d’introduction, c’est que l’OAV est alimentée par une imagerie visuelle permanente. Que ce soit la lune rouge annonciatrice de malheurs relayée par des corbeaux, l’héroïne qui se dresse en solitaire dans la pénombre, la dance du diable, bon nombre de motifs récurrents et familiers des consommateurs réguliers d’animes sont présents. Et je pense que l’œuvre aurait dû se servir davantage de cette imagerie onirique afin de faire partager son histoire. En d’autre terme, privilégier l’aspect visuel et la musique, plutôt que d’essayer tant bien que mal de créer un anime cohérent avec si peu de moyens dès le départ. Car le souci de Shamshir Dance, comme on pourrait s’y attendre avec une OAV aussi courte, c’est que l’intrigue n’est pas entièrement expliquée. Il y a des blancs, des raccourcis, des passages légèrement confus dans lesquels il faut développer sa propre imagination sans chercher de réponse claire et précise (je pense surtout à tout ce qui concerne l’épée maléfique qui est à la fois le pivot de l’anime et ce qui est le plus laissé dans l’ombre). L’animation est correcte, sans plus. Disons que autant certains passages sont de toute beauté, autant la valse de Shamshir est très mal retranscrite ; c’est censé être un évènement splendide et dévastateur, un peu comme la cérémonie d’envol de Yuna dans Final Fantasy X et on n’a pas vraiment l’occasion de voir la guerrière tournoyer avec grâce (des mauvaises langues disent qu’elle se contente de faire des arcs de cercle de façon répétitive).
Quand Shamshir dance, le soleil revient. M'est avis qu'elle devrait bosser dans le département métérologique
En dehors de cela les doubleurs du drama CD sont visiblement de retour (je ne fais confiance qu’à ma mémoire auditive pour livrer cette information, à prendre avec des pincettes donc) et ce sont des pros, rien à dire là-dessus, sinon que leur travail n’est franchement pas mis en valeur surtout pour Shamshir : en effet cette dernière est complètement dénuée d’expressions. Elle arbore le même air stoïque en permanence. En temps normal on peut tolérer mais quand, sous l’emprise de l’épée diabolique elle se met à massacrer un peu n’importe qui, dont des gens qui lui sont chers, on pourrait estimer une quelconque réaction de sa part quand elle reprend ses esprits. Je sais pas moi, un soupir, un sanglot, un cri, la macarena, n’importe quoi !
Règle n°1 : ne jamais emmerder Shamshir, jamais !
L’OAV comporte donc beaucoup de faiblesses (Lala, le moeblob qui s'est gouré d'anime, les chiffres façon Matrix à chaque fois que Shamshir a l'épée Colada en main) malgré un postulat de départ intéressant mais ce qui reste à mes yeux la plus grosse erreur demeure résolument la musique. On est quand même dans le cadre d’une adaptation d’un album de fantasy-techno assez chouette et c’est à peine si on a le droit au fameux thème de Shamshir (et encore, pas en entier ni à pleine puissance, on risquerait de faire plaisir aux fans tiens) et il faut attendre les crédits pour écouter une des pistes tirées de The Epic of Zektbach. Alors je suis bien consciente qu’il était délicat de rajouter de la musique dans la mesure où l’OAV adapte une seule chanson (les autres morceaux racontent donc d’autres histoires) mais c’est un sacré paradoxe tout de même ! A qui s’adresse l’anime ? Prioritairement aux fans, non ? La preuve : qui, cette année a mentionné la sortie de cette OAV (qui date du mois de mars mais je viens juste d’avoir connaissance de son existence) dans le calendrier des nouveautés ? Quasiment personne. Un soin supplémentaire accordé à la bande-son n'aurait pas été du luxe.
Un, deux, trois, running gag : CHAMCHIRU-CHAMAAA
En conclusion, ce que je retire de Shamshir Dance (en dehors du fait que l'héroïne est habillée super sexy pour partir au combat, ça doit clairement déstabiliser les soldats adverses, quelle stratégie géniale !) c’est que le studio AIC n’a guère tenté de faire des efforts pour s’en occuper. Certes, les attentes derrière le produit ne devaient pas être phénoménales non plus mais ça aurait pu être l’occasion de quelque chose de bien plus grand. Un anime complet sur l’univers foisonnant de Zektbach aurait pu être une solution (et on a un compositeur tout trouvé d’office), un film à l’instar de ce que les Daft Punk avaient choisi pour Discovery également. Ou alors un vrai beau clip, qui condenserait tout en quelques minutes. Il y avait vraiment matière à réaliser quelque chose de sympathique et au final on se retrouve avec un enfant bâtard qui ne sait pas trop ce qu’il veut être.
L’OAV aura au moins permis d’analyser les erreurs à ne pas perpétrer lorsqu’on s’attaque à un album. En capitalisant à fond sur la transmission d’émotions de la musique et sur une imagerie poétique, des symboles à foison, quitte à délayer les interludes entre deux morceaux par un peu de dialogue, Shamshir Dance aurait pu emprunter la route déjà suivie par l’OAV de Clover qui était magnifique (musique composée par Ichiko Hashimoto, c'est un plus) et bien moins rigide. Cela reste divertissant, sans plus, et bien meilleur que le vrai clip, mais à choisir rien ne remplace l’imagination et l’album originel.
Je tiens à signaler par ailleurs que The Epic of Zektbach ~Masinowa est une vraie perle. On y trouve des morceaux bien plus calmes, plus traditionnels que le premier, mais toujours avec cette petite touche électro charmante. C’est un peu la rencontre entre l’OST des Douze Royaumes, Akiko Shikata (elle répond toujours présente pour une poignée de pistes) et un DJ farceur. Il me paraît un peu plus instrumental aussi. Entre Masinowa, l’intro très orientale, la très éthérée Junaguni Ruins, l’OVNI un peu étrange qu’est Wenkamui, la très électrique Raison d’être, la merveilleuse berceuse qu’est Malchut (le passage à partir de 2 :30 est à arracher des larmes), la paisible The Sealer qui renvoie à l’image du jardin originel, la rythmée L’avide avec ses passages à sonorité presque celtique, il y a beaucoup de bonnes surprises. Et je n’ai pas encore évoqué les reprises orchestrales de certains titres précédents comme Zeta (toujours aussi sublime), Turii ~Panta rhei (mais si, vous savez, cette chanson), ainsi que Malchut (deux pistes du même nom sur le même album ça peut porter à confusion). A défaut de pouvoir y consacrer une rubrique complète je vous conseille fortement d’y prêter une oreille.
Non, l'OAV n'était pas du tout un prétexte pour parler de Masinowa, je proteste.