Le groupe doujin Tinkle Bell connaît une période de gloire des années 2005 à 2008 grâce à une technique d’animation particulière dont ils ont le secret. Malgré de bonnes ventes, ils disparaitront sans laisser de trace. Après un long silence, Tinkle Bell reprend enfin du service fin octobre 2014 en sortant leur tout dernier jeu : Rondo Duo –Yoake no Fortissimo.
Dans un lycée en apparence ordinaire, une sombre rumeur se répand parmi les élèves : il est dit qu’un démon erre dans les couloirs le soir après les cours. Il s’agit en réalité d’une malédiction : toute élève qui rentrera en contact avec le démon se verra infectée et devra à son tour trouver une victime pour se défaire…du pénis maudit.
Mettre la misère à la concurrence
J’aimerais plaisanter mais c’est là le scénario de Rondo Duo, d’où la référence d’un goût douteux dans le titre de l’article. Le cast entièrement féminin est plutôt bien doté par la nature (elles ont toutes des seins énormes) et ce frivole concept de malédiction ne servira que de prétexte à une débauche de H à base de futanari. Les amateurs du genre apprécieront. D’ailleurs, Tinkle Belle propose pas moins de 100 scènes érotiques pour une durée de jeu estimée à 6h, ce qui est assez conséquent pour une oeuvre totalement linéaire. En comparaison, un moege avec un gameplay dating sim du type Lovely Cation 2 en propose autant pour une bonne vingtaine d’heures, soit le triple. Ceux qui ont l’habitude de me lire l’auront donc deviné : il s’agit ici d’un nukige, c’est-à-dire d’un visual novel à visée uniquement masturbatoire. Si j’en parle aujourd’hui sur le blog, ce n’est donc pas à cause de son scénario profond.
Oui, il y a du français qui se balade de temps en temps.
Ce qui frappe avec Rondo Duo c’est sa réalisation artistique de toute beauté. Entièrement réalisé sous Flash avec le Super 2.5 EXD (un moteur maison, il me semble), il met l’emphase sur l’animation avec un résultat plus qu’impressionnant. Vu que la technique traditionnelle employée dans les animes est assez onéreuse et que l’utilisation de la 3D reste très maladroite (c’est souvent assez moche), les eroge tendent à rester relativement statiques. S’il y a parfois des efforts faits pour rendre le tout un peu plus dynamique, on reste dans le domaine du gimmick, donc superficiel. On pense à certains nukiges qui n’incluent de légère animation que dans les scènes de sexe (c’est le cas de GJ, par exemple) ou encore à l’E-mote system présenté par Windmill en 2012 à l’occasion de la sortie de Witch Garden et qui était censé révolutionner le genre. Dans ces deux cas, le rendu reste rigide : on voit bien que le dessin de base était en 2D et que de légers effets stylistiques tendent tant bien que mal de donner une impression de mouvement « naturel ». Avec Rond Duo, c’est entièrement différent. Même s’il y a quand-même des petits défauts (les personnages ont tendance à rebondir au lieu de bouger), l’illusion est crédible. On ne voit plus les calques mais un mouvement global plutôt bien fait. A l’heure où le hentai est de plus en plus laid et mal animé (à cause des coûts de production et de la concurrence du net), inutile de dire que l’effet est convainquant.
Un passage très burtonien un peu ruiné par ce pantsu shot très subtil
Un système relativement efficace
Ceci étant dit, Rondo Duo se compose d’un système double : d’une part, les scènes sprites/décors, et de l’autre, les cinématiques (jouables et non-jouables).
Les cinématiques non-jouables sont irréprochables aussi bien du côté du visuel que du côté sonore. Un vrai festin pour les yeux et les oreilles. Evidemment, une mise en scène pareille serait totalement gaspillée dans un cadre nukige habituel, c’est pourquoi Tinkle Bell a bien compris qu’il fallait un début de substance scénaristique. C’est à peu près le cas ici puisque les animations non-jouables servent à étoffer le passé d’Itsuki, l’héroïne principale. J’en reparle plus bas.
Les scènes sprites /décors servent surtout à illustrer des moments tranche de vie. J’ai été moyennement emballée : certes, le délire est poussé jusqu’au bout avec de vraies animations pour toutes les héroïnes, au design soigné par ailleurs, mais l’écran tourne vite au fouillis. La résolution archaïque de 800x600 fait apparaître des bandes noires sur le côté en mode plein écran et l’afflux d’animations posera vite problème aux PC les plus modestes, causant un ralentissement certain. En outre, les programmeurs ont tendance à abuser d’un effet de slide + zoom donnant l’impression que les personnages rétrécissent ou grossissent à volonté (je sais, ils sont censés avancer ou reculer mais ça ne prend pas) et ça m’a paru un peu désagréable. Ceci étant dit, vu que les différentes demoiselles sont en permanence dans un style mi-2D, mi-3D, la cohérence est totale avec les autres scènes. Et ça reste assez joli.
Madoka et Kaori
Pour une raison que je ne m’explique pas, les décors, tous très lumineux, sont annoncés à chaque apparition ou presque. Si l’effet rend bien, il faut un peu de temps pour s’habituer au fait qu’il n’y a quasiment que des transitions spatiales au lieu des classiques transitions temporelles.
Et je n’ai pas encore parlé de l’interface, tout simplement majestueuse. C’est la première fois depuis Yume Miru Kusuri que je suis prête à passer des heures dans les menus, juste pour les admirer, c’est vous dire !
Blanche-Neige et la pomme empoisonnée
Passons maintenant à ce que vous attendez tous (si, si) : la tentative de scénario. Car oui, malgré un synopsis complètement ridicule, Tinkle Bell a fait l’effort d’essayer d’utiliser leurs superbes cinématiques pour quelque chose.
Les screenshots ne rendent décidément pas justice aux graphismes =/
Ayant toujours vécu de manière solitaire à cause d’un père chrétien extrêmement strict, Itsuki rêve avant tout de se faire des amies et de pouvoir vivre sa féminité de manière libre. Malheureusement, elle n’en a jamais l’occasion…jusqu’à ce qu’elle croise la route du démon Katrina qui va changer sa vie. Des années plus tard, au moment d’entrer dans le lycée où sévit la malédiction, Itsuki est toujours renfermée sur elle-même. Elle n’adresse d’ailleurs la parole qu’à Katrina, son acolyte de toujours. Mais le statu quo est bouleversé par la gentille Madoka, une fille énergique, qui ne cesse d’essayer de briser ses défenses pour mieux la connaître. Et la compare à Blanche Neige à cause de son physique. Au grand dam de Kaori, la meilleure amie de Madoka, qui aimerait bien la garder pour elle toute seule.
Itsuki et Madoka
Rondo Duo se centre sur ce quatuor de personnages en explorant à la fois, la relation entre Itsuki et Katrina, la relation entre Madoka et Kaori, puis la relation entre Madoka et Itsuki. Plusieurs de leurs camarades de classe ont le droit à du développement mais elles restent quand-même en retrait en comparaison. Petite mention à Riko, l’étrangère, qui remplit tous les clichés de la gaijin (utilisation de mots anglais à tout va, accent à couper au couteau, blondeur et gros seins) et se démarque un peu du reste du cast secondaire.
En accord avec le leitmotiv de Blanche-Neige, les cinématiques se prévisualisent dans le miroir
Très honnêtement, ni la romance, ni le drame, ne casse trois pattes à un canard. Probablement parce que l’intrigue possède une structure assez maladroite : en effet, la malédiction du pénis maudit est introduite dès le premier chapitre (sans mauvais jeu de mot), ainsi que tous ses enjeux, cependant il faudra attendre le chapitre six pour poursuivre réellement là où on s’était arrêté. En sachant que Rondo Duo ne comporte que 12 chapitres, ce qui est assez court (j’ai fini le jeu en deux soirées). Dans l’intervalle, le scénariste raconte le quotidien des personnages et case un flashback sur le passé d’Itsuki. Je pense qu’il aurait fallu décaler l’apparition de la malédiction pour que le tout soit plus cohérent (surtout qu’il ne faut pas croire, le flashback est bien fourni en scènes H).
Delirante, Erhaben
En parlant de sexe, on peut difficilement faire l’impasse sur ce contenu. Rondo Duo étant un nukige avant tout, il s’agit de voir s’il remplit sa mission, pas vrai ?
Alors, sans surprise, la représentation des lesbiennes est à l’ouest, comme d’habitude dans le hentai, j’ai envie de dire. Ainsi certaines lycéennes vont activement rechercher la malédiction parce qu’elles n’arrivent pas à se contenter du tribadisme. Hunhun. Tour de force supplémentaire, sans comporter un seul mâle, le jeu arrive à reprendre le même type de rhétorique que Killer Queen : dès qu’elles reçoivent un membre viril, pouf, les demoiselles sont habitées de pulsions incontrôlables et doivent se retenir très fort pour ne pas sauter sur leurs copines. Il parait que c’est normal quand on a un pénis…ben, voyons.
Katrina et Itsuki
En revanche, j’ai été agréablement surprise de voir que Tinkle Bell évitait complètement le cliché de la fille qui saigne trois litres au moment de la perte de virginité (ou alors aucune héroïne n'est vierge et c'est bigrement progressiste pour un eroge!). De même, les héroïnes semblent rarement souffrir et la grande majorité des scènes sont en fait consensuelles (ou le deviennent vite), ce qui est un peu miraculeux. Je m’attendais également à ce que ça vire à la surenchère mais, hormis la scène d’orgie finale, il n’y a que peu de scènes de groupe. Malgré cela, Rondo s’en sort avec les honneurs. Le fichier pèse la bagatelle de 10Go mais les amateurs de yuri/futa peuvent se jeter dessus les yeux fermés : c’est du nukige de haute qualité. Que ce soit les plans, la mise en scène ou les petits détails (genre les héroïnes qui s’embrassent), j’ai rarement vu autant d’efforts pour garantir au client qu’il en ait pour son argent. Il faut aimer les gros seins mais sinon il y en a pour tous les goûts (uniforme scolaire classique, tenue de sport, maillot de bain, tenue de gymnastique, etc).
Je ne vous montrerai pas plus, bande de coquinous 8)
Conclusion
Maintenant que tout ça a été dit, que penser de Rondo Duo ? On ne va pas le nier, c’est un excellent nukige. Si vous êtes là pour le fap, vous frappez à la bonne porte. Surtout qu’il n’est pas si cher que cela en comparaison avec d’autres visual novel japonais (si j’en crois le prix de DLsite, en tout cas). Après, il vaut mieux avoir un ordinateur puissant et suffisamment de place pour installer l’énorme fichier Flash et profiter au mieux des animations. Reste que pour un simple cercle doujin, le résultat est impressionnant. Et qu’on pourrait certainement s’en inspirer dans le cadre de visual novel centrés sur le scénario (imaginez votre œuvre préférée avec des cinématiques pareilles, ça donne envie pas vrai ?). Mais ça, j’en parle prochainement sur le blog de la team