Eh non, je n’ai toujours pas fini de parler de visual novel depuis la dernière fois. Aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, je vais plutôt parler de projets anglophones commerciaux, une initiative louable qui demande à être davantage soutenue. Il en existe assez peu, et encore moins de viables, mais ils sont bien là, cachés dans les tréfonds du net. Deux d'entre eux ont plus particulièrement attiré mon attention.
Hope ~ Symphony of Tomorrow
Durée : environ 30 min (démo)
Hope se démarque de beaucoup de projets de bishoujo game sur deux points : non seulement c’est le seul parmi ses concurrents à avoir une « alpha » disponible pour le moment (si on excepte Cradle Song, bien sûr), mais en plus il se paye le luxe de recruter Deiji pour artiste. Deiji qui fait un peu figure de Noizi Ito de la sphère OELVN, de quoi assurer une fanbase minimale d’emblée. Alors, que nous propose Tatami Visual Art ?
Déjà, premières considérations : l’aspect graphique du jeu est très engageant. De l’interface, sobre mais efficace aux décors, détaillés et colorés, en passant bien sûr par les sprites, le jeu semble bien tenir ses promesses en matière d’emballage. On est d’ailleurs accueilli d’emblée par un effet de lumière à base de lucioles sur décor sombre, ma foi, très beau. Le seul souci que j’entrevois pour l’instant...ce sont les figurants. En effet, sur les backgrounds censés figurer la salle de classe ou la cafétéria, le studio a tenu à rajouter des figurants...et ils font incroyablement tâche. Le texte suffisant à nous expliquer que tel ou tel endroit est bondé, ce n’était vraiment pas nécessaire, pire, je trouve que ça gâche un peu le tout. Surtout que la musique est plutôt pas mal ; les pistes joyeuses font un peu « soupe » et ce n’est pas particulièrement original mais ça remplit parfaitement son office. Donc, en dehors de ce détail pardonnable, Hope arbore un très joli emballage.
Ces figurants ressemblent à des zombies, je crois que le scénario ne nous dit pas tout
Pour ce qui est du scénario, mes impressions seront plus confuses. Le peu de trame laisse présager d’un chara-ge, or en 30 min seulement deux des cinq héroïnes prévues font leur apparition, dont une très brève, ce qui ne permet guère de s’attacher à leur personnalité, et surtout pas de commencer à faire son choix en vue d’un possible achat. Il faudra très vraisemblablement attendre une vraie démo pour se fixer à ce niveau-là. L’alpha s’arrête brutalement et on n’aura eu que le temps de découvrir le héros, un cynique blasé qui cache sans doute moult traumatismes, son meilleur ami pervers, parfait sidekick, et Eri, une fille qui saute régulièrement sur le héros pour l’embrasser sans aucune raison (encore une fille de qui il aura ramassé la gomme, je suppose). J’ai beau comprendre l’intérêt comique de repousser sans cesse la « pseudo-nymphomane manipulatrice qui en fait trop », j’avoue que je serais curieuse d’entendre un véritable motif concernant cette action puisque le héros lui-même nous avoue...qu’elle ne le laisse pas indifférent. Serait-il tsundere ?
Faire semblant d'être un moe-blob ?
Hope emprunte tellement d’éléments aux titres japonais qu’il semble pulluler de clichés, dont les fameux tics langagiers, ce qui est un poil dommage. Un visual novel écrit intégralement en anglais, même s’il se déroule au Japon, ne devrait pas, pour moi, contenir de « oi, oi » ou de « machin-sempai, bidule-chan ». Après, on s’y habitue vite et c’est normal pour un premier projet de cette ampleur de se coller à quelque chose de connu (ici on sent un peu la patte de Key, notamment avec Clannad). Reste à savoir si le succès sera au rendez-vous et si les prochains jeux se démarqueront un peu plus du modèle japonais...si prochains jeux il y a.
Sunohara s'est réincarné visiblement
Pour l’instant tout ce qu’on peut retirer de Hope, c’est qu’il promet d’être un VN sympathique. On souhaite donc au studio de réussir dans son entreprise...et de ne pas vendre le produit final trop cher (j'ai le sens des priorités).
(Et non, ce ne sera pas un eroge, pas la peine de demander des images plus sales )
Cinders
Durée : environ 40 min pour un playthrough, 1h pour expérimenter plusieurs variantes (démo)
Je l’avais brièvement évoqué fin 2011 lorsque le projet se faisait discret mais Cinders a enfin vu le jour, plus tard que prévu, et semble pour l’instant s’être plutôt bien vendu. Une raison de plus pour s’intéresser à un visual novel des plus atypiques. Pour commencer, Cinders est le premier livre interactif issu de MoaCube, un studio indie jusque là plutôt adepte de jeux-vidéo « classiques », un studio polonais, ce qui est plutôt original. Mais surtout, Cinders est un des rares, sinon le seul, exemples d’appropriation complète du média (il y a bien Winter Wolves qui essaye mais leur approche est particulière). Habituellement les équipes qui travaillent à la conception d’un VN le plus pro possible sont fortement inspirées du modèle japonais et réutilisent les codes croisés dans les jeux qu’ils aiment, même si ce n’est que partiellement. Ici on a bien affaire à un livre interactif mais à la sauce occidentale. Le sujet choisi, Cendrillon, un conte de fée européen (la version de Perrault, je suppose), démontre d’une approche toute nouvelle. En quoi c’est intéressant ? Eh bien, avec Cinders, peut-être que davantage de personnes vont s’intéresser au visual novel et vont vouloir lui insuffler des codes différents, quitte à façonner des écoles, des manières d’aborder la création. Ou peut-être que non, seul l’avenir nous le dira. Toujours est-il qu’avec autant de promesses, le projet ne peut que demander une attention toute particulière.
Sophia et Gloria, les méchantes soeurs
La démo de Cinders permet d’introduire les différents personnages, leurs motivations, ainsi que le cadre de vie de l’héroïne. On y découvre Lady Carmosa, la belle-mère acariâtre qui passe son temps à donner des ordres et à rouspéter, mais qui au final fait preuve d’une détermination sans bornes et d’une ambition qui la pousse à gérer sa maison, en position difficile, d’une main de fer ; Gloria, sa fille aînée, essayant de lui ressembler en tous points, dans son arrogance, quitte à s’épuiser à la tâche, à s’effacer ; Sophia, sa fille cadette, le vilain petit canard qui servait de souffre-douleur jusqu’à ce que Cinders prenne cette place et qui compte bien la tourmenter pour s’assurer de ne plus jamais servir de victime ; Tobias, l’ami d’enfance de Cinders, désormais un puissant marchant ; Perrault, le capitaine de la garde, usé mais lucide, servant de son mieux le Prince Basile, ce dernier cherchant une femme de caractère pour l’épouser et devenir roi sans s’attirer les foudres des nobles les plus reconnus. Tous ces personnages sont constitués de nuances de gris, personne n’y est fondamentalement bon ou mauvais, chacun possède des motivations cachées, des buts à atteindre, des buts qui rentrent parfois en conflit les uns avec les autres. Et c’est à Cinders de se placer au cœur de cette toile d’araignée en définissant quel sera son but, ce qu’elle sera prête à faire pour l’atteindre, qui elle écrasera en passant, et qui elle sauvera.
J'ai essayé de négocier avec le marchand en utilisant mon "moe" et ma paire de boobs, je me sens sale
En effet, ce qui définit le jeu c’est sa quantité assez pharamineuse de choix. Qui plus est, de choix souvent ambiguës et complexes. Il n’est pas question de choisir le camp des méchants ou des gentils mais bel et bien de se positionner sur l’échiquier. Est-ce que Cinders veut sympathiser avec ses sœurs, remporter l’affection de sa belle-mère en lui prouvant qu’elle a du caractère, est-ce qu’elle veut leur mentir, les détruire, est-ce qu’elle croit au prince charmant, est-ce qu’elle prend en main sa destinée ? Par exemple, au tout début du jeu, la Carmosa confie une mission toute simple qu’on peut accomplir avec énormément de variantes : on peut traîner en chemin, aller vite, on peut négocier avec le marchand de manière honnête ou plus fourbe pour garder une part des sous confiés, les dilapider à l’auberge, les garder pour soi, les reverser à la belle-mère. Et ce n’est qu’une des possibilités offertes. Selon le site de l’équipe, il y aurait plus de 120 décisions de ce genre, dont 3000 options en tout. De quoi plaire à n’importe quel joueur souhaitant créer sa propre version de Cendrillon. Si j’en crois l’onglet Reward, il y aurait 4 grandes branches dans l’histoire mais des tas de variantes différentes, certaines débloquant des formes de succès (le premier succès est acquis en faisant un choix, les autres suggèrent d’atteindre des buts autrement plus complexes comme se marier avec le prince ou tuer sa belle-mère).
Je sais pas ce qu'il se passe ici mais si Jack Sparrow est dans le coup, c'est que c'est du sérieux
Une telle structure suppose bien évidemment que le personnage principal soit une page blanche sans trop de personnalité pour qu’on puisse la façonner à notre guise, et en effet, Cinders n’est que ce que le joueur veut qu’elle devienne. Pour faciliter cette approche, le visual novel ne contient aucune narration à proprement parlé, c’est-à-dire que le récit est raconté uniquement sous forme de dialogues avec simplement des bandes « Pendant ce temps » ou « Quelques jours plus tôt » pour introduire le contexte spatio-temporel. L’effet immédiat c’est que les personnages en deviennent forcément très bavards et confient leurs états d’âme en permanence puisqu’ils n’existent que dans la parole, mais cela ne m’a pas paru trop dérangeant, on s’y habitue même plutôt bien. Le scénario est tout de suite intéressant et la possibilité de contrôler autant de paramètres est immensément séduisante, surtout pour ceux qui préfèrent avoir un aperçu direct des conséquences de leurs choix. On se rapproche pas mal des RPGs occidentaux en la matière. Cinders est d’ailleurs équipé d’une fonctionnalité assez originale et consiste en un petit logo, en haut à droite de l’écran, qui est censé apparaître dès que le joueur découvre une variante issue de ses choix (donc qu’il y en a d’autres possibles).
La carte intéractive : le palais et le cimetière ne seront accessibles que dans la version finale
Qu’en est-il maintenant de l’enrobage technique ? Eh bien, force est de constater que MoaCube a mis les petits plats dans les grands ! Les décors sont tout simplement somptueux, on croirait des peintures accrochées dans un musée tant les couleurs sont belles, tant ils sont détaillés, et ce d’autant plus que les décors ne sont pas fixes, ils comportent pléthore d’effets comme les flammes qui brûlent dans la cheminée, les feuilles qui virevoltent par la fenêtre ou les volets qui claquent. Aucune screenshot ne peut décemment leur rendre justice. Ce souci du détail, on le retrouve dès le menu principal, lui-même interactif. En effet le portrait de la Cinders affiché sur l’écran change selon les succès débloqués (les éléments se rajoutent au fur et à mesure). Et que dire de la musique ? La bande-son est définitivement une réussite et les divers bruitages que comportent le jeu parachèvent de donner aux environnements un air vivant, presque magique, comme s’ils sortaient tout droit d’un conte de fées.
Seulement, vous l’aurez constaté, les décors ne sont pas l’unique point graphique du jeu, il comporte également des sprites (mais pas d’event CG à ce que je sache), des sprites qui font davantage bande-dessinée que manga. C’est avant tout une histoire de goût mais je dois dire que je ne les trouve pas très attirants. Même avec des expressions différentes, les personnages semblent tous désespérément fixes. Pire, l’effet de mouvement sur leurs lèvres et leurs yeux (en regardant de près, on s’aperçoit que les globes oculaires vont de droite à gauche, en cadence) les fait parfois ressembler à des marionnettes dérangeantes.
Je me demande s'il existe des choix pour "arranger" la vie de couple des figurants 8)
Le souci avec Cinders c’est que l’interface ne propose pas assez d’options : ainsi vous n’aurez le choix qu’entre couper la musique du jeu et l’écouter très fort, il vous sera impossible de régler le volume selon votre convenance, de même avec les bruitages, ce qui est d’autant plus handicapant qu’il y a UN bruitage très irritant. Car à chaque fois que le texte défile, il le fera avec un grattement de machine à écrire, ce qui à la longue a de quoi rendre fou puisqu’on est quand-même dans le cadre d’un livre interactif, ce n’est donc pas le texte qui manque... De même, lorsqu’un nouveau personnage est introduit, il dispose d’une petite séquence pour le présenter (le fond disparaît pour laisser place à un effet stylisé). Se lance alors une mélodie aussi courte que grandiose tandis que la musique d’ambiance est brutalement coupée. Or, dans le prologue, les personnages sont quasiment tous introduits dans la foulée, d’où des « TADAM » à répétition, ce qui devient vite lassant.
Je profite des vacances pour accorder un peu de mon temps à mon blog perso qui, je l'avoue, me manque un peu. Si je trouve encore le courage et la motivation, peut-être que j'évoquerai enfin prochainement Kara no Shoujo mais rien n'est moins sûr. En attendant j'ai deux petits OELVNs qui attendent sur mon PC mais je ne sais pas s'ils méritent réellement un billet ni si le sujet intéresse vraiment...