Avant que je ne parvienne à finir les derniers VNs de ma liste, et donc à boucler mon article sur le sujet (cela fait un moment que je l’ai promis sur Twitter et sur Facebook), voici un petit billet pour faire patienter (et remplir le blog). Je vais surtout évoquer mes impressions sur le sujet alors ne vous attendez pas à beaucoup de détails techniques.
Sentiments contrastés
Je ne vous ferais pas l’affront de vous présenter la saga Final Fantasy mondialement connue, encensée et décriée en permanence. Autant s’enfoncer dans le vif du sujet, en repartant de l’opus précédent : FFXIII. Je n’ai quasiment aucune expérience de ce jeu et je dois dire qu’il ne m’a jamais trop intéressée, la faute à un gameplay à mon avis mal foutu (le fameux syndrome du couloir, des tas de restrictions par-ci, par-là) qui dessert une histoire que je pense être honnêtement intéressante. J’aime explorer, causer aux PNJs, m’adonner aux quêtes subsidiaires, et ce parce que c’est la manière la plus simple à mes yeux de découvrir l’univers, de s’y plonger, de comprendre comment on y vit et comment il a été pensé par les développeurs. Les cinématiques et les grandes tirades dramatiques me font beaucoup plus d’effet quand elles sont utilisées avec parcimonie, et s’il y a bien quelque chose qui m’insupporte, c’est bien de devoir me taper cinématique sur cinématique à chaque pas que je fais. Du coup, je n’ai fort logiquement pas cherché à jouer à FFXIII malgré que l’héroïne a l’air plutôt charismatique et que le concept de malédiction soit alléchant, pour éviter de me décevoir (et aussi parce qu’acheter une PS3 n’est pas dans mes moyens). Cependant l’annonce de FFXIII-2 m’a beaucoup intriguée à cause de son thème principal : les voyages dans le temps. Un thème aussi prometteur que casse-gueule. Surtout quand on sait à quel point l’opus précédent avait été contrasté dans sa réception. Pendant un bon paquet de temps je me suis contentée de quelques vidéos Youtube pour me donner un aperçu du jeu, et voilà qu’il y a quelques semaines, mon colocataire a fait l’acquisition d’une jolie édition collector. Il n’en fallait pas plus pour que je le tanne de la tester.
L'existence d'une folle-dingue comme Chocolina m'est toujours aussi inexplicable.
Des concepts-clés osés
Les prémices de Final Fantasy XIII-2 paraissent peu réjouissantes de prime abord : Lightning, l’héroïne charismatique a brutalement disparu à cause d’une distorsion temporelle et seule sa sœur Serah, la demoiselle en détresse de FFXIII, se souvient d’elle. Sauf que voilà, Lightning est coincée à Valhalla où elle est censée garder la déesse de la mort (rien que ça), et elle ne peut plus sauver le monde. C’est donc un peu désespérée qu’elle envoie une mascotte mignonne à sa sœur en espérant que celle-ci pourra l’aider. Serah va donc devenir une sorte de magical girl qui voyage dans le temps accompagnée de son Mog et d’un mystérieux jeune homme répondant au doux nom de Noel. Si, en effet, dans les premiers mondes qu’elle traverse, on la verra surtout se balader gentiment, se faire une amie, et aider le bon peuple, très vite son périple va devenir tout sauf adorable.
Le premier grand thème abordé dans FFXIII-2 est celui de l’Histoire. En effet, le charmant Noel Kreiss (qui possède un prénom christique qui est loin d’être innocent) vient de 700 ans dans le futur et il témoigne être le seul être vivant après une sorte d’Apocalypse causé par l’effondrement du pilier de cristal censé maintenir Cocoon depuis la fin de FFXIII. D’après lui, et ce que confirme la disparition de Lightning, l’Histoire, jusque là linéaire, est tordue par une série de paradoxes qui viennent mettre à mal le futur. L’enjeu va donc être pour nos héros d’arpenter le temps à travers une série de portails pour corriger ces fameux paradoxes et rétablir l’Histoire. Ce qui pose déjà une problématique énorme que soulevait déjà Kant en 1784 avec Idée d’une Histoire universelle d’un point de vue cosmopolitique (la référence est juste là pour se la péter en soirée) : « l’Histoire a-t-elle un sens ? ».
La réponse du jeu est loin d’être évidente. Certains personnages de l’univers confirmeront ainsi à Serah et Noel que les mondes qu’ils visitent ne sont pas des mondes parallèles, qu’ils appartiennent bel et bien au même cours du temps mais à des époques différentes, tandis que Mog (qui sait décidément beaucoup de choses) nous apprendra de manière très surprenante qu’on ne peut traverser un portail temporel que si on est destiné à le faire. Or si destin il y a, quid de la liberté d’action de nos héros ? Est-ce que les paradoxes étaient destinés à intervenir pour que Serah soit destinée à les régler et que l’Histoire soit destinée à prendre telle ou telle tournure ? Malgré l’accès qu’a le joueur à l’Historia Crux qui rassemble une sorte de diagramme de toutes les époques disponibles, même les paradoxales, le temps suivrait un cours parfaitement linéaire ? C’est un parti-pris aussi intéressant que lourd de concepts philosophiques. Dans les variantes abordées par le jeu on peut ainsi compter l’idée de malédiction déjà présente dans FFXIII (les prophétesses et leur cadeau empoisonné), la mort et la hantise de la mort (Caïus est un personnage immortel qui devient fou à force de revivre le même évènement inéluctable qui est la mort de la personne à qui il tient, Hope défie le temps pour façonner un avenir radieux à la race humaine, Yeul se réincarne pour se sacrifier encore et encore, Noel qui tient à la vie plus que tout parce qu’étant le dernier humain sur terre, il en comprend le mieux la valeur).
Ce thème et ses ramifications s’entremêlent dans un récit qui est au final tout sauf manichéen. Caïus qui est présenté comme le grand méchant, est au final un être très humain, attaché à ses proches, stoïque dans sa tâche de gardien, mais fragile au point où il veut faire le bien au point de détruire ce qu’il veut sauver, au point où on se demande si tout son plan compliqué n’est pas un prétexte à se suicider. Noel n’est pas un héros au sens habituel du terme dans le sens où il refuse de tuer son ancien mentor, malgré les atrocités qu’il commet, non pas parce que « tuer c’est mal » mais tout simplement parce qu’il s’agit avant tout d’un ami et de quelqu’un qu’il respecte. De même, Serah, au départ très nunuche, prend une nouvelle ampleur dans tout ce bazar. Elle qui était la demoiselle en détresse, toujours à attendre que les choses se passent, que les gens se fassent tuer à sa place, décide de partir à l’aventure pour prouver qu’elle aussi a une utilité. Sauf qu’elle ne peut pas faire grand-chose et qu’elle choisit de tout sacrifier pour cette nouvelle cause. Le passage du rêve montre bien ce que le début du récit tait : en voyageant dans le temps, elle abandonne sa vie idéale sur New Bodhum, ses amis, ses élèves. Eux vont mourir, elle s’embarque pour des siècles ; elle ne retournera jamais à l’an 3 AC. Tout comme Yeul, elle utilisera son don jusqu’au bout parce que c’est la seule chose qu’elle possède pour contrer son impuissance. En abandonnant sa vie, elle gagne le pouvoir momentanée de sauver le monde et de remercier ceux qui se sont autrefois indirectement ou directement battus pour elle.
Les nouveaux persos ont un design bien sympa
Final Fantasy meets Silent Hill ?
La différence de ton se perçoit à travers divers éléments. On pensera, par exemple, au fait que l’équipe de personnages jouables se limite à Noel et Serah, ce qui amplifie d’une certaine manière leur solitude. Ils ne peuvent pas avoir de véritable compagnon dans leur mission, seulement des monstres apprivoisés. Cette solitude on la retrouve dans certains environnements qui se font de plus en plus déserts à mesure que le temps passe (rarification des PNJs). Mais plus que tout, c’est à travers des idées scénaristiques très intéressantes que l’on voit que FFXIII-2 essaye de se démarquer de ses prédécesseurs sur des points inattendus.
Ce qui m’a le plus frappée ce sont les quêtes relatives aux rubis du chagrin dans le futur distant des Monts Yaschas. Les êtres humains s’y font régulièrement dévorés par des failles temporelles et ils réapparaissent, soit sous forme de spectre nébuleux que Mog peut dévoiler grâce à sa magie, soit sous forme de grosse boule rouge. Or les dites sphères, lorsqu’on s’en approche, parlent dans votre tête (via une façon astucieuse de présenter le texte) et se lamentent de comment ils aimeraient revenir sur terre pour accomplir une dernière chose. On peut alors retrouver des photos de leur passé ou parler aux morts pour les apaiser. Ce qui est vraiment touchant dans ce concept c’est l’ambiance propre à ce monde : il est parcouru par des brumes qui font vibrer la manette, les PNJs vous confient à quel point ils sont terrorisés et les chocobos habituels sont remplacés par des versions rouge sang nerveux qui poussent des cris bestiaux régulièrement en secouant leur plume, comme s’ils étaient rongés par l’envie de vous dévorer sur place. Cette ambiance effrayante donne vraiment l’impression que le monde va mal, que l’apocalypse approche de manière sournoise.
L’impression est dans une moindre mesure présente à Académia dans sa version pluvieuse et sombre. Un monde marquant puisque les PNJs gémissent de douleur et semblent vomir en permanence jusqu’à se transformer en monstres et vous attaquer. On se sent vraiment mal à l’aise. De même qu’à la Tour Augusta lorsque des effets brouillent légèrement l’écran et qu’une intelligente artificielle détraquée semble détenir le monopole. Ou encore aux nombreux décors de ruines désolées visitables dans le futur (comme Oerba, la décharge des Pics Infâmes ou le Monde Agonisant). Et que dire de ce passage dans le scénario où on vous force à plus ou moins tuer des PNJs mort-vivants à l’aide de Mog pour sortir Noel d’un rêve aussi triste que douloureux.
Le futur a l'air réjouissant...
Malgré cet aspect effrayant vraiment déroutant, le jeu semble vouloir s’affadir, peut-être parce que les FF sont reconnus pour leur exploitation des émotions comme la tristesse mais pas la peur ? Je veux dire, rien que le logo parait superficiel parce qu'il ne correspond à aucun élément scénaristique tangible (il n'y a pas de rivalité enetre Caïus et Lightning et ces deux personnages se côtoient à peine). Cela peut sembler superflu mais ça veut vraiment tout dire concernant l'identité du jeu. Les éléments précédemment mentionnés par exemple ne sont malheureusement qu’à peine exploités, ce qui est immensément dommage parce que l’univers y aurait grandement gagné en profondeur. Certaines quêtes annexes poussent à se poser beaucoup de question et aident à l’immersion, il aurait été pertinent d’en profiter davantage en n’hésitant pas à prendre aux tripes le joueur.
\!/ Fin Spoilers \!/
Une bande-son mal utilisée
J’écoute la bande-son de Final Fantasy XIII-2 depuis un moment et je l’avais toujours trouvé excellente. Les 3 compositeurs en charge (Masashi Hamauzu, Naoshi Mizuta et Mitsuto Suzuki) se sont vraiment dépassés. On notera aussi une inventivité avec les « Aggressive Mix » qui sont des versions alternatives des thèmes d’exploration apparaissant en même temps que les ennemis. Si Mizuta s’est souvent contenté de rajouter un peu de beat, Suzuki a eu l’idée de bâtir une continuité entre le thème normal et sa variante, ce qui rend vraiment très bien. En outre, il y a pléthore de mélodies chantées par des artistes de talent (la chanteuse russe Origa plus connue pour les openings de Ghost in the Shell, Kokia, Aimee Blackschleger qui a interprété l’ending de Panty & Stocking mais dont la chanson a été modifiée pour la version européenne du jeu pour je ne sais quelle raison, Joelle qui a l’air de connaître un peu plus la notoriété depuis Märchen), ce qui est assez rafraichissant.
L’erreur de l’équipe aura été, je pense, de totalement sous-exploiter les thèmes d’exploration à cause de la prolifération de variantes d’un même monde. Il aurait été ingénieux d’utiliser le Aggressive Mix dans le futur distant des mondes les plus récurrents pour montrer que la situation s’empire et de réutiliser certaines pistes bien plus souvent au lieur de vouloir lancer continuellement de « nouvelles » musiques (y avait-il besoin d’utiliser 3 musiques de FFXIII sur 4 pistes disponibles dans les Plaines d’Archylte ?).
Laboratoire d’idées ?
Ce qui est également dommage avec les concepts ambitieux que j’ai nommé plus haut c’est qu’il aurait été bon de les mêler à une interactivité plus poussée. Je m’explique.
L’Historia Crux donne accès à différentes époques. Le joueur est donc naturellement très curieux de voir ce qui a changé au fil du temps mais aussi d’agir sur le futur pour en analyser les conséquences. Sauf qu’au final, il n’y a quasiment pas de variations. Beaucoup de mondes sont outrageusement recyclés (notamment les Monts Yaschas) avec parfois un centimètre de carte en plus à explorer ! Les PNJs ont les mêmes vêtements, la configuration des lieux n’a quasiment pas bougé et seule la météo fait un peu illusion (les Ruines de Breschas à 300 AC c’est quand-même une vaste blague, c’est le même endroit avec juste un peu de neige !). On aurait très bien pu imaginer avoir réellement de nouveaux bouts de carte à explorer et surtout des ambiances différentes afin de constater soi-même quel a été l’effet du temps. Il aurait été bien plus inventif de permettre au joueur des manipulations temporelles en dehors des fins paradoxales, sans pour autant toucher au scénario principal.
De même, j’aurais trouvé tellement plus pertinent que les informations ne nous soient pas directement données dans l’Historia Crux et qu’on ait à les découvrir/deviner nous-mêmes. Au lieu d’indiquer « New Bodhum 3 AC » en nous fournissant une description du lieu, pourquoi ne pas laisser des points d’interrogation tant que le joueur n’a pas visité cette période et lui permettre, via des indices, de discerner la date approximative de l’époque dans laquelle il se trouve. Je pense, par exemple, aux écrans ultra-technologiques d’Académia, sur lesquels on pourrait lire une partie de l’histoire de la ville, à des objets abandonnés ou à des PNJs. Cet aspect détective anecdotique renforcerait grandement l’immersion à peu de frais, surtout qu’au final la date précise de l’époque à laquelle on se trouve a très peu d’importance.
De plus cela permettrait d’abandonner le système très bizarre de datation des développeurs. En effet, lorsque vous visitez une époque où règne un paradoxe (mettons les Monts Yaschas 10 AC), on vous propose une version où le paradoxe n’existe plus (les Monts Yaschas 1X AC). Vu que la distorsion a été effacée, l’époque paradoxale devient la normale par défaut et la normale la paradoxale mais les titres ne changent pas ! J’aurais trouvé plus intelligent de mettre un X dans la date tant que le joueur n’a pas trouvé le chiffre précis et mettre un petit logo à côté du monde paradoxal ou simplement un sous-titre (ex : "Mont Yaschas 10 AC ~ Eclipse" et "Monts Yaschas 10 AC").
Un goût d’inachevé
En conclusion, j’ai trouvé pour ma part Final Fantasy XIII-2 très chouette sur beaucoup d’aspects tels que l’histoire, les personnages, la musique et le gameplay (j’ai pu noter grâce à mon colocataire à quel point le système de combat avait été amélioré) mais le jeu garde un côté un peu incomplet. J’aurais vraiment souhaité que les développeurs aillent au bout de leurs idées, ça aurait pu faire un sacré chef d’œuvre (et m’arracher toutes les cordes sensibles au passage). L’expérience avait beau être satisfaisante, je ne peux pas m’empêcher de regretter un petit goût d’inachevé que je n’ai pas eu avec Final Fantasy XII, par exemple (mais vous savez que je suis une fangirl). Reste à voir ce que les développeurs ont prévu pour Lightning Returns. Est-ce que la saga FFXIII va enfin trouver sa conclusion ? L’avenir nous le dira...à condition que colocataire achète le prochain opus et fasse tourner sa PS3 bien sûr !