Doki Doki Literature Club : Insoutenable Légèreté

Cela faisait des mois que je me retenais, que je me disais que ça finirait bien par passer. Ça n’est toujours pas passé. Alors ça y est, je craque, j’abdique. Je vais évoquer Doki Doki Literature Club!, Look what you made me do. Ou plutôt je vais évoquer le phénomène parce qu’il y a en réalité très peu à dire sur le jeu en lui-même (déso pas déso, comme disent les jeunes).

 

 

Le jeu

Même si la plupart d’entre vous doivent déjà y avoir joué ou avoir vu quelqu’un y jouer, il convient quand-même de rappeler ce qu’est Doki Doki pour s’assurer que tout le monde suit. Si vous n’en aviez jamais entendu parler, votre grotte est mieux isolée que la mienne, comme je vous envie.

Doki Doki Literature Club est un visual novel anglais sorti en 2017 par la Team Salvato. On y incarne un protagoniste sans visage qui s’inscrit au club de littérature de son lycée où il sympathise avec quatre mignonnes demoiselles. Le but étant de rédiger des poèmes pour courtiser la fille de son choix. Du moins jusqu’au fameux retournement de situation auquel fait vaguement allusion l’avertissement en début de partie.

 

Les personnages sont des archétypes sur pattes et la première moitié n’a pas vraiment d’intrigue puisqu’il s’agit avant tout d’une tranche de vie extrêmement classique (si vous aimez ça, vous le savez). Mais il apparaît très vite que tout ceci n’a aucune importance : les personnages, comme l’histoire, ne sont qu’un gigantesque prétexte parce que, vers la moitié de l’expérience, le visual novel se met directement à jouer avec son lecteur jusqu’à son autodestruction complète.

 

La mécanique des poèmes, plutôt amusante, est probablement la seule vraie originalité du titre

 

En soi Doki Doki a une présentation plus qu’honorable avec ses musiques faussement guillerettes et ses graphismes colorés. Sans compter qu’il s’agit d’un tour de force en programmation. Je serais ainsi très curieuse d’autopsier le code pour en observer les mécanismes. Ne nous voilons cependant pas la face, l’intérêt du titre réside avant tout dans son twist méta. Or le méta, c’est avant tout un outil qu’on peut s’approprier et utiliser de tas de manières différentes. Undertale intègre les mécanismes traditionnels de jeu vidéo (comme le simple fait de sauvegarder) dans son univers et imagine la vie des monstres de RPG pour les peindre comme des créatures facétieuses et attachantes. One Shot s’adresse directement au joueur pour mieux l’impliquer dans la quête de ses personnages. NieR:Automata mimique le système des androïdes avec son interface et n’hésite pas à la bousiller si les androïdes sont blessées ou à donner au joueur la possibilité de la bousiller pour son amusement personnel (entre autres choses). Mais mon gros problème avec Doki Doki Literature Club c’est qu’il pose son méta à la volée sans en faire quoi que ce soit. Non seulement le méta ne sert pas son univers diégétique (je dirais même qu’il le détruit de manière assez définitive) mais il ne sert pas non plus un message quelconque. De fait, quoique sympathique au demeurant, l’expérience sonne horriblement creux.

 

Et, intrinsèquement, ce n’est pas forcément une mauvaise chose. Il s’agit là d’un visual novel court (environ quatre ou cinq heures), sans prétention, et qui avait potentiellement pour but de servir de jeu en réalité alternée pour promouvoir les futurs projets de Dan Salvato. Ce dernier s’est ainsi amusé à cacher bon nombre de petits secrets dans les dossiers, ce qui est assez troublant pour un jeu d’une envergure aussi modeste. Quoiqu’il en soit, Doki Doki n’était probablement censé servir que de flyer pour la suite et c’est très bien pour lui que ça ait fonctionné. Je lui souhaite le meilleur et suis en tout cas curieuse de lire ses prochains projets -les « vrais jeux » en quelques sortes.

 

 

 

Les ingrédients de sa popularité

Sauf que voilà, au lieu de rester dans le relatif anonymat de la plupart des petits jeux indépendants, la sauce Doki Doki a pris du feu de Dieu. Très vite après que Dan Salvato ait annoncé la sortie du jeu sur le Reddit dédié aux visual novel, l’intérêt a grimpé en flèche jusqu’à exploser une fois la version Steam disponible. C’est bien simple, on en parle partout et tout le temps, c’est impossible d’y échapper ! Comment expliquer une telle popularité ? 

 

Pour commencer, on pourrait dire que le titre est gratuit, ce qui est un bonus non négligeable. Mais tous les jeux gratuits ne deviennent pas des sensations du jour au lendemain ! Doki Doki a un atout de poids dans sa manche : c’est un visual novel parfaitement calibré pour la pratique du streaming. C’est une œuvre courte, à l’univers suffisamment flou et cliché pour que chacun le rapproche à sa propre expérience (les animés, la littérature, la pop culture en général, etc) et bourrée de surprises avec cela. Ce qui fait aussi que c’est un jeu que l’on veut conseiller à tous ses streamers préférés simplement pour observer leur réaction aux retournements de situation ; un peu comme Undertale à sa sortie. Si je voulais être mesquine, je dirais même que le retournement de Doki Doki se base tellement sur le fait de choquer gratuitement que cela ne le rend qu’encore plus irrésistible pour un streamer. Un genre particulièrement populaire de ce type de média étant fort justement les jeux d’horreurs où les jump scares font le bonheur des spectateurs.

Au final, la sensation virale qu'est devenu Doki Doki me fait davantage penser à Five Nights at Freddy's qu'Undertale

 

Autre avantage curieux : l’avertissement en début de partie. Celui-ci est suffisamment vague pour qu’on ne sache pas ce qu’il recouvre. Est-ce l’évocation de thèmes un peu difficiles propres au passé des différentes héroïnes ? Ou cette fameuse « shock value » ? Le nouveau lecteur ne le sait pas et cela aiguise forcément sa curiosité une fois que le bouche à oreille a fait son office.

 

Mais plus que tout, je pense que Doki Doki s’inscrit fondamentalement dans l’air du temps. Pour deux raisons. La première c’est qu’il y a tellement de jeux vidéo qui sont produits tous les jours (allez jeter un œil aux dernières nouveautés Steam pour vous en convaincre) qu’une véritable bataille se joue entre tous les développeurs pour capturer un tant soit peu l’attention du public. Cette compétition fait tellement rage qu’on arrive à un point où la création du jeu lui-même est en train de devenir secondaire. C’est-à-dire que, ce qui compte, c’est davantage de présenter un concept fort, porteur, avec une communication impactante. Le contenu, sa durée, sa qualité, devient presque négligeable, un détail parmi d’autres. 

 

Dans le même temps, et c’est la deuxième raison, malgré le fait que les visual novel demeurent une niche mal considérée, les joueurs sont étrangement de plus en plus familiers des codes qui y sont attachés. Même sans apprécier le genre ou s’y essayer personnellement, ils comprennent le principe de choix, de routes, d’héroïne à séduire, le décor japonais. De fait, Doki Doki est un titre parfait pour les gens qui pensent sincèrement s’y connaître en visual novel alors qu’ils n’ont joué à deux ou trois titres dans leur vie (voire moins). C’est ce mélange qui inscrit définitivement Doki Doki dans l’air du temps : même si l’expérience sonne vide, tous les facteurs sont là pour en faire un divertissement de masse.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’autre gros succès de l’année 2017 dans la communauté est Dream Daddy, un dating sim où l’on drague des pères de famille gays. Certains ont estimé qu’il était malsain de comparer Dream Daddy aux dérivés d’Hatoful Boyfriend dans la mesure où le premier met en scène des êtres humains et non des objets/animaux rigolos mais je trouve la comparaison pas si idiote. Hatoful Boyfriend en son temps avait attiré l’attention à cause de son concept stupide mais aussi parce qu’il avait bien plus à offrir que des blagues sur les pigeons. Et notre simulateur de papas peut à la fois intéresser ceux qui veulent lire de la romance homosexuelle sur le thème peu exploré de la paternité, et à la fois ceux qui sont là pour customiser leur personnage de manière complètement ridicule et s’amuser de l’humour loufoque. Doki Doki a beaucoup en commun avec Dream Daddy, il n’a juste pas de concept qui crie au « meme » directement et le public qu’il vise possède plus d’influence.

 

 

Le succès…abusif

Maintenant qu’on a expliqué ce qu’était Doki Doki et pourquoi c’était le truc du moment, je vais pouvoir faire ma vieille chieuse. Ce qui me tue, comme j’y faisais allusion en introduction, ce n’est pas le jeu en lui-même mais le phénomène autour du jeu. C’est bien simple, c’est désormais impossible de traîner sur Internet sans en entendre parler. Tous les gens que je suis sur Twitter (à la fois en France et à l’international), tous les critiques de jeux-vidéo que je lis, tous les streamers que je regarde, tous les développeurs avec qui je communique, tous les forums que je visite, tout est pris d’assaut. Alors évidemment, c’est exacerbé par le fait que je travaille dans le milieu du visual novel et que j’entends forcément parler des plus grosses réussites…mais jamais Dream Daddy ou le dernier titre de Christine Love (pourtant très douée en marketing) n’ont eu une répercussion pareille. C’est bien simple, les fans de Doki Doki sont là, dans les campagnes, dans les villes, sur les réseaux sociaux, ils sont partout ! Et j’en ai juste marre de voir toutes les personnalités de l’Internet que je connais être suppliées de tester ce jeu comme si ne pas y jouer revenait à rater sa vie.

 

Ne vous y trompez pas : cette bannière célèbre le million de téléchargements de Doki Doki mais le jeu a d'ors et déjà dépassé les deux millions !

 

Le phénomène a enflé à tel point que Doki Doki Literature Club est désormais le visual novel le plus téléchargé sur Steam, loin devant Nekopara ou Sunrider, avec plus de deux millions de clics, mais également le visual novel le plus populaire avec un score digne d’une république bananière de 97% de votes positifs (sur la bagatelle de 80 000 votes) qui sème de loin le numéro deux du classement…c'est-à-dire VA-11 Hall-A. On vient donc de décider collectivement que Doki Doki valait plus d’attention que VA-11 Hall-A. Okay… C’est d’ailleurs le dixième jeu le plus populaire de Steam de tous les temps tout court. Enfin onzième lorsque j’écris cet article : il lui reste encore à dépasser Portal, excusez du peu. Et est-ce que je vous ai parlé des nominations à plusieurs grands concours ? Doki Doki a failli recevoir le Steam Award ‘Indescriptible (côte à côte avec The Stanley Parable), a été nominé pour Meilleur jeu PC, Meilleur jeu d’aventure, Meilleure histoire et Jeu le plus innovant de 2017 aux IGN Awards, ne repartant qu’avec le Choix du public.

 

En prenant du recul, il parait abusé, voire abusif, qu’un petit jeu indé aussi humble que Doki Doki prenne en otage l’Internet. Encore une fois, le visual novel lui-même n’est pas mauvais mais il y a clairement un décalage entre le peu d’ambition de la production et le flot ininterrompu d’éloges à son sujet. Tout cela sous prétexte d’une fraîcheur et d’une originalité encore jamais vu auparavant ? Le problème c’est que c’est tout sauf vrai. Si Undertale a fait autant de bruit à sa sortie, ce n’est pas uniquement parce qu’il s’agissait d’un bon jeu (il y en a des tonnes de bons jeux, tapis dans l’anonymat). Quand bien même Undertale a été inspiré par de nombreuses œuvres avant lui, comme Earthbound ou Yume Nikki (qui est en train de faire un comeback imprévu, soit dit en passant), il est parvenu à devenir culte à son tour parce qu’il a laissé une empreinte durable sur notre paysage vidéo ludique. Il y a un avant et un après Undertale en quelques sortes. Et c’est un argument qu’on peut utiliser pour beaucoup de classiques : il y a un avant et un après Mario, un avant et un après Dark Souls. Ces classiques avaient tous quelque chose à apporter et c’est pour cela qu’on s’en souvient si bien. Mais Doki Doki ? Quelle empreinte nous laisse Doki Doki exactement ? Même si le titre se sert de codes familiers, il n’arrive pas à créer sa propre personnalité, à apporter de la fraîcheur. Tout y est trop prévisible, trop éculé.

 

Je serais même un peu plus cruelle : tous les éléments que les fans les plus chevronnés admirent de Doki Doki ont déjà été traités avant, et bien plus en profondeur, par d’autres visual novel. On pensera forcément à Kimi to Kanojo to Kanojo no Koi (Totono pour les intimes) de Nitro+, encore exclusif au Japon, qui met en scène un vrai faux dating sim méta où les héroïnes peuvent soudainement briser le quatrième mur et se transformer en yandere. On pensera aussi à Depression Quest de Zoe Quinn (qui lorgne plutôt du côté de la fiction interactive pour le coup) qui explore très en détail le fléau qu’est la dépression et son impact insidieux sur la vie du malade. J’aimerais même balancer [redacted] Life pour faire bonne mesure : il s’agit également d’un petit jeu indépendant réalisé par une créatrice que je connais, Katy133, à l’occasion du fameux Nanoreno. Ça correspond en gros à une sorte de Doki Doki inversé, c’est-à-dire que le jeu commence comme une histoire d’horreur et change subitement pour devenir un dating sim cliché. Et il y a une raison intradiégétique pour cela. Oh, et puisqu’on y est, niveau jeu gratuit très court avec un gros retournement de situation qui te fait te sentir super mal à l’aise, j’étais là en 2013 quand j’ai écris Ambre (désormais disponible sur Steam). Donc si même moi je l’ai déjà fait, vous pouvez considérer que c’est complètement dépassé :p.

 

Mais, Totono n’étant pas traduit sous nos latitudes, je suppose qu’il n’y avait pas à la fois des filles moe et un texte compréhensible par tous et que c’est ce qui manquait à l’équation magique ?

Soit dit en passant, DDLC ne fait qu'évoquer superficiellement des thèmes lourds, il ne les traite absolument pas. Dommage, ça aurait justement pu en faire un "vrai" visual novel, certainement maladroit mais aussi bien plus sincère. Je vous conseille d'ailleurs la lecture de cet article sur le sujet. 

 

 

Le nouveau Katawa Shoujo

Pour en revenir à cette histoire de moe (qui n’est pas juste une simple pique), au-delà du volume ahurissant des inconditionnels de Doki Doki se joue en filigrane quelque chose d’encore plus complexe. C’est peut-être une conjecture personnelle mais je ne vois pas le succès de ce phénomène viral d’un très bon œil pour les visual novel en général.

 

Cela fait des années que je travaille dans ce milieu, que ce soit en tant qu’amateur ou en tant que professionnelle, et de forts préjugés règnent toujours au sujet des EVN (les visual novel non japonais donc). Les fans de visual novel ne s’intéressent quasiment toujours qu’à ce qui se fait au Japon (ce qui est leur bon droit) et ont la fâcheuse tendance à cracher sur les œuvres occidentales en retour, comme si c’était une compétition. Ce sont des gens qui bien souvent ne les essayent jamais et vont toujours arriver à te déterrer un exemple (mais si, ce vieux truc sur le passage informatique à l’an 2000) pour prouver que ohlala, ce sont vraiment des jeux inférieurs. Et rien n’est plus arbitraire. Déjà parce que l’industrie japonaise est complètement en place depuis très longtemps : de grosses entreprises avec de gros budgets produisent les fameux chefs d’œuvre, ce n’est donc évidemment pas la même chose que ce que peut réaliser une toute petite équipe. Ensuite, parce que le résultat n’est culturellement pas comparable : ce serait comme mettre sur le même plan un athlète, un pianiste et un ingénieur en aérospatial pour essayer de déterminer lequel réussit le mieux la cuisson des pâtes. Mais aussi surtout, parce que ce n’est plus vrai ! Depuis 2012, le marché a évolué de manière radicale. Il existe désormais des tas d’équipes très douées qui proposent des histoires toutes différentes et personnelles. Est-ce que vous diriez franchement d’un jeu comme Along the Edge du studio bordelais Nova Box qu’il est moche et inférieur ? Du criminellement méconnu Tell a Demon et ses illustrations peintes à la main qu’il est inintéressant ? Non, ce ne sont pas des filles moe dans le style anime traditionnel, mais chaque œuvre possède son propre charme. Et même en termes de graphismes « anime », il y en a des visual novel phénoménaux. Comme VA-11 Hall-A, évoqué plus haut, par les vénézuéliens de Sukeban, et cette ambiance cyberpunk jazzy inimitable. Il y a tant de titres que je pourrais citer mais on y passerait la nuit !

 

Ils sont bien tristes les fangames de Doki Doki, dis donc...

 

Ce que j’essaye d’expliquer c’est qu’à une époque pas si lointaine, Katawa Shoujo était le seul EVN qu’il était « autorisé » d’aimer parce que suffisamment proche des canons japonais pour les gardiens du bon goût. Et j’ai comme l’impression que Doki Doki est en train de prendre sa place. La rengaine « Les visual novel non japonais sont inférieurs…sauf Katawa Shoujo » va juste devenir « Les visual novel non japonais sont inférieurs…sauf Doki Doki ». J’aimerais me tromper, j’aimerais sincèrement croire que les lecteurs fraîchement débarqués vont devenir curieux et s’intéresser à plein d’autres jeux indépendants. Mais j’ai bien peur que Doki Doki Literature Club ne soit officiellement devenu le nouveau Katawa Shoujo. Et il va falloir faire avec.

 

---

 

En exclusivité, toutes les réflexions que je n'ai pas eu la place d'intégrer dans cet article sont disponibles sur mon compte Patreon : [BONUS] Le nihilisme de Doki Doki.

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
P
Sinon, tes jeux sont super !
Répondre
P
Bon, je vais être un peu direct. Je suis d'accord sur le fait que DDLC a été plus que surcoté. Mais si tu vas sur vndb et que tu mets les filtres fr, gratuits et pour Windows, DDLC est sans contester le plus beau et le plus propre, et donc, celui qui donne le plus envie.
Répondre
H
C’est un peu ce que je sous-entends vers la fin de l’article : DDLC doit aussi son succès à sa présentation typée. Je ne suis pas personnellement convaincue que ce soit le visual novel (amateur ?) le plus beau qui soit mais il correspond complètement à l’idéal que la communauté se fait des jeux japonais. C’est justement cette vénération des filles moe (qui remonte, en atteste la date de sortie de Katawa Shoujo) qui me désole un peu. Quels sont les critères du beau exactement ? <br /> <br /> Aussi, se cantonner aux jeux gratuits français, c’est un peu de la triche :p. Evidemment qu’il y aura moins de budget que sur un titre commercial et la sphère VN locale est très peu développée donc avec un filtre pareil le résultat sera forcément biaisé.<br /> <br /> Sinon merci pour le compliment~
A
Je passe là un peu par hasard (loin d'être un assidu du blog, disons plutôt que j'y lis un article toutes les quelques années), et étant "relativement fan" (j'expliquerai les guillemets) de ddlc je me sens obligé d'expliquer pourquoi ici. (attention, il y a du spoil)<br /> <br /> D'abord je tiens à préciser que je comprends parfaitement que le jeu ne plaise pas à tout le monde. Je ne suis pas de ceux qui vont le recommander à n'importe qui: je sais qu'il présente des défauts et qu'il ne me parle à moi qu'à cause de qui je suis. Au niveau des défauts on peut citer un manque de documentation (saviez-vous que la grande majorité des femmes qui se suicident le font par ingestion de poison et quasiment jamais par pendaison ?), un message d'avertissement racoleur ou la qualité littéraire des poèmes (d'après les critiques anglophones, pour moi qui se contente de baragouiner en anglais du net ça passait bien).<br /> <br /> Cependant mon expérience de jeu a été positive, voire très positive, et je pense que les points sur lesquels elle a différé de celle de la majorité sont:<br /> <br /> - le fait que personne n'ait insisté pour que j'y joue. J'ai vite fait vu un lien et j'ai décidé par moi-même de regarder à quoi ça ressemblait sans être au courant du buzz. Du coup je n'avais aucune attente particulière.<br /> <br /> - le jeu n'a présenté aucun problème technique: il arrive qu'un jeu ne marche pas du premier coup, qu'il faille faire des manips, re-régler son clavier ou que ne sais-je. Si vous avez joué à d'autres VNs moins connus vous savez de quoi je parle. Là ça marchait du premier coup et sans bug.<br /> <br /> - j'ai fait la première partie sans me prendre la tête, en mode "relaxation": je voyais des jolies couleurs et des filles qui sourient et j'étais content. Pour ceux que ça ne détend pas je comprends qu'ils se soient juste ennuyés.<br /> <br /> - j'ai fait la seconde partie en mode "rebelz": ok, le jeu me lie les mains et veux que je me sente mal à l'aise, mais je me souviens que Sayori a existé et si j'en ai l'occasion je ferai ce que je peux pour me venger de Monika pour l'avoir fait disparaitre.<br /> <br /> - J'ai fait la troisième partie en culpabilisant: alors que je voulais du mal à Monika je me suis rendu compte que j'avais été totalement convaincu par ses arguments. Du coup je me suis posé plein de questions: qu'est-ce qui m'avait convaincu ? Comment se fait-il que je sois plus touché par un dialogue automatique d'un personnage virtuel que par des discours de gens que je côtoie quotidiennement ? Alors ou bien l'effet Barnum utilisé ici est vraiment très bien ficelé, ou bien Salvato a fait ce jeu exprès pour moi ? Finalement j'avais bien deviné qu'il faudrait supprimer Monika pour progresser, mais je n'avais pas envie de le faire (un peu comme beaucoup de gens ne veulent pas faire la route génocide de Undertale), et finalement la seule chose qui m'y a décidé c'est quand je suis arrivé à une boucle dans les dialogues. Je n'ai pas chronométré mais c'était long, un long moment pendant lequel j'anticipais la fin de la boucle en me disant qu'alors je pourrais me résoudre à la casser.<br /> <br /> Finalement je pense que j'aurais probablement pu avoir un expérience similaire sur d'autres jeux (Totono que tu cites) si j'y avais eu accès, mais ce n'était pas le cas. Je m'attendais à ce qu'on me raconte une histoire et finalement j'ai eu un cahier avec des gommettes partout qui me demandait de l'écrire moi-même: j'ai ma propre interprétation de l'histoire de ddlc dans laquelle j'ai laissé un peu de moi, pas comme dans un VN classique où j'aurais simplement suivi une histoire.<br /> <br /> Voilà, c'était juste mon petit récit de pourquoi j'ai aimé ce jeu.
Répondre
H
Bonjour à toi, personne anonyme.<br /> Ton commentaire est malheureusement arrivé à un mauvais moment puisque j’étais en pleine campagne de financement participatif, aussi je suis complètement passée à côté =(. C’est un peu tard (euphémisme) mais je voulais quand-même répondre.<br /> <br /> Je trouve ta perspective intéressante parce qu’elle montre assez bien le potentiel et pourquoi DDLC fonctionne quand-même pour une partie des lecteurs presque en dépit de son propre nihilisme. Tu mets également le doigt sur deux variables qui conditionnent pas mal le fait que l’expérience soit au final positive. <br /> <br /> Vu que je me tiens pas mal au courant de ce qui se fait niveau visual novel et jeux indépendants, j’ai tendance à oublier qu’il y aura toujours des gens pour découvrir un concept des années après sa première itération. Et c’est parfaitement normal ! Aussi le fait d’être protégé du buzz change complètement la donne. Je crois que le contenu de DDLC n’est paradoxalement pas du tout fait pour être partagé aussi massivement et que le hype lui nuit plus qu’il ne le sert (en tout cas, sur le long terme).<br /> <br /> Bref, j’apprécie ta démarche ^^. D’ailleurs, je sais que je parais très critique alors je tiens à rappeler qu’il n’y a aucun mal à apprécier une œuvre qui ne m’a personnellement pas convaincue. Je ne suis en rien une gardienne du bon goût ; au contraire, mes histoires préférées sont souvent des trucs obscurs qui n’intéressent personne. Ce qui est important c’est de profiter de ce qu’une œuvre peut t’apporter tout en arrivant à garder un œil critique dessus. Si DDLC t’a touché d’une manière ou d’une autre, tant mieux !<br /> <br /> P.S : Moi non plus je ne suis pas très assidue de mon propre blog : j’y écris un article toutes les quelques années =’D.
P
Un article bourré de références qui fait du bien ! Merci bien !<br /> <br /> N'empêche, un phénomène comme Doki Doki est intéressant. J'ai moi-même participé à cette hype au début, y ayant joué quelques semaines après avoir fini Saya no Uta et je me choquais d'être incapable de finir Doki alors que j'ai dégusté Saya en étant à moitié traumatisé à chaque session.<br /> Par contre, à force de prendre du recul et comprendre le pourquoi du comment, l'article de VraiKaiser que tu conseilles résume bien le truc : le jeu tente de choquer sans respecter ses thèmes, ce qui n'en fait qu'une attaque, à l'inverse d'un Saya qui... est plus débattable disons. Si je n'ai pu finir un jeu comme Doki, c'est car il ne m'offrait qu'une attaque sans sens, me donnant aucun intérêt à vouloir aller plus loin. Surtout, après avoir touché à des jeux comme LISA et OneShot, voir un jeu comme Doki devenir si populaire est frustrant au max.... Savoir qu'il a balayé Va-11 Hall-A fait mal.<br /> Même, je me demande si aussi le fait qu'il soit "méta" n'aide pas ? Il présente une soit-disant "véracité" de surface dans ses propos (la dépression, suicide, etc.) que l'on retrouve un peu hypocritement partout de ces temps-ci (séries Netflix) avec le méta qui devient tellement populaire dans le indé, comme si c'était là le seul argument que l'indé pouvait trouver afin de se venter face aux jeux AAA. C'est un peu dommage quand même, malgré la pratique toujours fascinante qui a cependant tendance à se répéter de plus en plus. Si je compare trois indés qui me semble très proche, LISA, Undertale et Oneshot, c'est intéressant de voir qu'Undertale est celui ressortant le plus du lots. C'est compréhensible, on a à côté un jeu bien trop choquant pour pouvoir être étendu sur la toile sainement, alors que l'autre tente bien trop d'être poétique et à l'image d'une fable pour accrocher la masse je suppose ? Mais n'empêche, qu'est-ce qui fait que les propos d'un jeu soient assimilable pour la/e joueur/se moyen/ne ? Est-ce que Doki aurait frappé autant si chacune de ses phrases auraient été recherché afin de présenté en subtilité ce qu'est la dépression, le manque de confiance, et ainsi de suite ? Si ça aurait été le cas, l’œuvre n'aurait plus pu être consommé à la rapide aussi efficacement sans doute. Mais alors vient Nier Automata qui, malgré le derrière de 2B et la musique d'Okabe, semble justement marché pour cette sorte d'écriture.<br /> <br /> Hmmmm, c'est vraiment curieux.<br /> <br /> En tout cas, merci beaucoup !
Répondre
H
Tu as de la chance : d’habitude ça me prend des semaines pour répondre (quand je ne jette pas carrément l’éponge), mais là je suis trop épuisée pour faire quoi que ce soit de productif alors je me suis dit que ça ferait au moins un truc d’accompli dans ma journée X’).<br /> <br /> En parlant de toxicité, un blogueur semi-célèbre a un jour dit qu’un auteur avait le public qu’il méritait. J’ai longtemps été en désaccord mais j’y vois un fond de vérité dans la mesure où une œuvre aura souvent un public conforme à son message ou à son ambiance. Un jeu comme Undertale a des fans qui postent souvent des commentaires positifs et des fanarts mignons, par exemple. Evidemment, il y aura toujours des joueurs à la marge qui vont aller contre l’intérêt de l’œuvre mais je pense qu’il faut sérieusement évaluer leur nombre et la gravité de leurs actions pour décider si le fandom est globalement toxique ou non. Je n’ai pour l’instant rien vu de tel avec Undertale, Va-11 Hall-A et Nier Automata aussi je ne me fais aucun souci pour eux. Peut-être que je passe à côté de quelque chose (j’ai forcément mes biais) mais globalement ce sont pour moi des fandoms relativement inoffensifs. Je n’ai pas la même impression avec Doki Doki. Je l’ai dit sur Patreon mais je pense que ce public va se retourner contre Dan Salvato dès qu’il leur déplaira trop. Ca me semble logique : après tout, un visual novel qui instrumentalise des sujets lourds de manière complètement nihiliste risque plutôt d’attirer…des nihilistes.<br /> <br /> Personnellement je n’aime pas particulièrement les « jeux à boobies » comme Gal*Gun mais je ne les déteste pas non plus. En soi ce sont simplement des plaisirs coupables et si les gens s’amusent avec, grand bien leur fasse. Ma préoccupation est davantage que les titres qui reposent sur le sexe devraient être développés avec autant d’effort que des titres traditionnels : que des gens ne demandent jamais le moindre soupçon de qualité de leur porn me désespère… Mais c’est un tout autre sujet !<br /> <br /> Comme je l’expliquais un peu dans l’article, on en arrive effectivement au point où le meme est devenu obligatoire pour espérer se faire remarquer. En soi, cela peut être un outil pertinent, des jeux comme Hatoful Boyfriend ou Dream Daddy ne sont pas dénués d’intérêt et j’ai moi-même envie de créer un visual novel meme prochainement, mais dès qu’on est dans la dictature de la norme cela devient une vraie prison pour la créativité. Et puis, on ne peut pas seulement se nourrir de superficialité, il faut bien consommer un peu de substance de temps en temps. Doki Doki en a en tout cas désespérément besoin : c’est pour moi l’équivalent d’un trou noir enrobé de jolies couleurs.<br /> <br /> Je suis contente de voir que je ne suis pas la seule à l’avoir remarqué ! Le fait que le succès de Yoko Taro intervienne précisément au moment où sa persona est devenue celle d’un meme me rend un peu mal à l’aise. Il ne devrait pas avoir à faire le clown pour que son travail soit remarqué… Oh et j’en profite pour juste dire que je ne suis pas d’accord : je trouve Automata milles fois plus abordable que Gestalt et c’est aussi ce qui a participé à son succès. Mais je suppose que je devrais garer ça pour un article sur le sujet…si je me décide à me lancer (je suis toujours ambivalente sur Automata).<br /> <br /> « [qu’est-ce que] les gens participant au succès de Doki attendent du Japon » = J’ai toute une théorie à base de filles moe et de masculinité toxique mais je ne suis pas certaine que ce soit le bon moment de la déployer XD. Alors pour faire court, je dirais que pas mal de fans occidentaux de visual novel japonais recherchent un cocon, une forme de réconfort : des filles moe sexualisées, des graphismes avenants, l’assurance d’un entre-soi qui ne soit jamais perturbé, d’un climat « apolitique » et dépourvu de critiques de fond. Après pour l’histoire, ça dépend du genre ; il y a des visual novel tournés vers l’action, du tranche de vie, etc. En l’occurrence Nekopara remplit royalement ces conditions et sa popularité ne m’étonne pas outre mesure. Et comme avec Gal*Gun, ça ne me dérange pas spécialement non plus. Comme je le disais dans mon commentaire précédent, ce sont rarement les meilleurs jeux qui se hissent dans le top 10. Nekopara est l’essence même du visual novel consensuel et inoffensif…enfin, sauf si tu commences à vraiment réfléchir à l’univers. Là ça devient carrément fascinant :p.<br /> <br /> Ca tombe mal : je suis limite capable de répondre trois thèses par question car le sujet est inépuisable ou presque XD. Si j’avais un lien à conseiller, ce serait probablement cette critique de Doki Doki qui est assez juste : https://medium.com/@lesmocon/doki-doki-literature-club-is-a-pointless-celebration-of-itself-538e733f4b14<br /> Après, les articles sur le méta, la transformation memesque des jeux indés, l’état de la communauté visual novel ou juste des réflexions profondes sur le médium manquent cruellement. Je les écrirais bien tous moi-même si j’avais le temps, l’énergie et davantage de billes (il me faudrait des éléments contraires pour mettre à l’épreuve mes suppositions) ^^’.
P
Wow, c'est une sacré réponse en plus d'être rapide ça !<br /> <br /> La frustration a beaucoup à y voir aussi. LISA justement, est sortit avant Undertale et possède des thèmes très similaires, mais justement pas du tout abordable et sein pour le publique général. On est limite dans du vulgaire aussi crash, sinon plus, que Saya no Uta et Drag-On-Dragoon 1 et 3 (j'aime au contraire quand une oeuvre se moque du joueur, je crois que c'est plutôt du fait que Doki est vide dans cette taquinerie, à l'inverse de Saya et DOD ou même Ar Nosurge. Comme tu as déjà si bien expliquée). On peut alors retrouver des commentaires souvent haineux face à la popularité de Undertale qui ne mérite pour plusieurs pas sa popularité face à LISA. Se crée alors avec un dialogue de sourd où la fan base de niche devient tout aussi toxique que celle de masse, en réponse à son manque de mesure. J'ai bien peur de voir ce qui va arriver avec Va-11 Hall-A dans le futur, déjà que plusieurs réactions des fans agissent directement à l'inverse des propos du jeu, projetant ce dialogue de sourd toujours plus loin. Pareil avec Nier Automata, qui est dans ses propos bien moins abordable que NieR je trouve cela dit (il va bien moins manipuler l'émotion du joueur que NieR).<br /> <br /> N'empêche, ton explication sonne bien trop vraie et fait sacrément mal aux fesses xD.... Surtout, je me demande si on ne pourrait pas comparé ça à Gal*Gun (voir Nekopara....mais je ne connais pas), où la perversité est le représentant premier des mèmes/de l'absurde sur le Japon. Gal*Gun vomis ce "moe/ecchi", afin d'attirer le joueur pour ensuite ce moquer de lui de façon plus ou moins condescendante, voir amusante et intelligente, en lui proposant un DLC à 100$ afin de voir les culottes des filles... À ce stade, le jeu n'est plus que populaire nécessairement pour son message, mais plutôt pour le "mème", l'absurde et la rigolade, et il semble que Doki vit la même chose ? On dirait que la culture du mème se mélange au désir de trouver des oeuvres au sens fort, comme si une oeuvre de niche avait besoin de pouvoir être un mème afin de tomber sur la scène pop., et alors arrive Doki qui emmène ce que tu as décrite. DDLC est clairement un mème quoi... et rien d'autre. C'est encore plus triste quand on voit NieR et Yoko Taro, car ce qui est populaire chez ses oeuvres au niveau populaire, c'est l'aspect "mème" du jeu, l'aspect taré du personnage qu'est le développeur, etc. en retirant tout le sens de ses jeux qui veulent pourtant montrer que toute cette culture n'a plus aucun sens en plus d'être hypocrite.... C'est tellement ironique que c'est bon à en pleurer.<br /> <br /> Je ne connais pas assez la réalité VN, mais ce que tu dis à propos des attentes des joueurs afin d'avoir des productions identiques au Japon, ça fait mal ça aussi, et ça mène clairement à ce demander ce que les gens participant au succès de Doki attendent du Japon.... Un simple divertissement rigolo ? Voir que Nekopara a longtemps été le VN le plus populaire de Steam est vraiment pas amusant.<br /> <br /> Comme je serai jamais capable d'arrêter de poser des questions sur le sujet et que je ne veux pas prendre plus de ton temps, aurais-tu des articles/blogs, en plus de ceux de ton article, qui parle de ce problème ? Encore merci !
H
De rien =).<br /> <br /> Je pense qu’une comparaison avec la musique pop est appropriée pour confirmer ton explication parce que les chansons qui entrent dans le haut du classement sont rarement les meilleures chansons du moment, ou même de bonnes chansons tout courts : ce sont plutôt les plus « inoffensives ». Evidemment les critères diffèrent selon le genre d’origine et il y a toujours des personnalités émergentes qui viennent apporter de la fraîcheur de temps en temps mais on est globalement dans un univers très encadré. Et c’est exactement ce qu’il se passe avec les jeux-vidéo AAA qui ont tendance à tous se ressembler et parler des mêmes choses. Donc oui, il est plus que probable que le succès de Doki Doki soit en partie dû au fait qu’il soit si consensuel et facilement appréhendable (c’est malheureusement plus facile de plaire à tout le monde quand on reste dans la superficialité).<br /> <br /> Mais ce qui est étonnant c’est que Doki Doki n’avait pas besoin d’être superficiel ! Les jeux indépendants ont généralement une plus grosse marge de manœuvre que les AAA, ce qui leur permet à la fois de toucher un public non négligeable et de s’aventurer sur des terrains plus risqués. Je ne connais pas du tout LISA mais Undertale et One Shot sont effectivement de très bons exemples de gros succès (car il ne faut pas oublier que l’écrasante popularité de Doki Doki n’est en rien une lacune qu’ils devraient combler). Ce sont des jeux à la fois simples et profonds, avec une âme si on peut dire. Donc Doki Doki aurait très bien pu apporter quelque chose de personnel (un dating sim sur la dépression, par exemple) sur la table, c’est juste que ce n’était pas le but puisque ce n’est pas un « vrai » jeu. Et c’est le fait que tant de personnes soient tombées amoureuses d’une affiche promotionnelle qui est inquiétant…<br /> <br /> Pour être franche, j’attribue une grande partie de ce « hype » incontrôlable non pas à la masse, mais là où tout a commencé. Parce qu’on l’oublie trop mais, malgré son fort potentiel marketing, Doki Doki n’aurait jamais été un phénomène s’il n’y avait pas eu autant de bouche à oreille dans la communauté visual novel. Et c’est là que tout prend sens. Une frange de cette communauté est en réalité fortement toxique : ce sont des hyper-consommateurs qui n’ont de cesse de réclamer davantage de localisations de la part des éditeurs, de meilleure qualité, publiés plus rapidement, identiques aux versions japonaises et sans la moindre once de censure (publier une version Tous publics étant considéré comme presque sale). La moindre erreur est sévèrement punie par du dédain, voire du harcèlement des dits éditeurs (y a qu’à voir l’accueil réservé à Moenovel). Avec parfois des situations ubuesques où on leur promet sur un plateau la version ultra définitive d’un jeu avec toutes les améliorations et chapitres bonus…et où ça gueule parce que cette version ne contient pas les scènes de sexe et qu’il faudrait une fusion des deux (salut Dies Irae). Et on ne parlera même pas de la haine irrationnelle de certains consommateurs qui, au hasard, crachent sur Mangagamer parce qu’ils osent promettre un ou deux titres à l’intention d’un public féminin alors que la quasi-entièreté de leur catalogue est déjà dédié au public masculin. <br /> <br /> Et paradoxalement, cette même frange de la communauté possède des exigences abyssales quand il s’agit de la qualité des visual novel eux-mêmes, surtout en termes d’écriture, de scénario ou de message. Du coup les titres vantés comme étant complexes se révèlent souvent d’une superficialité déconcertante (je ne me remets toujours pas de la lecture de Subahibi). A mon sens, Doki Doki s’insère parfaitement dans cet esprit : il n’y a aucun message, l’écriture est juste correcte et le scénario tient sur un ticket de métro. Pourtant tu trouveras moult commentaires et vidéos où des internautes enfiévrés tentent de découvrir tous les « mystères » supposément cachés par Dan Salvato. J’ai assisté à plusieurs streams où les joueurs dans le chat semblaient sincèrement fiers d’avoir « compris » le jeu et n’hésitaient pas à partager leur connaissance, quitte à devenir progressivement agressifs si le streamer osait ne pas se montrer surpris par les retournements de situation. Et comme par hasard, la fanbase la plus hardcore de Doki Doki est justement très toxique, n’hésitant pas à faire des « blagues » plus que douteuses sur la dépression, à se retourner contre le créateur lui-même (à cause d’une théorie absurde comme quoi Natsuki serait trans), mais aussi à littéralement harceler tous ceux qu’ils peuvent afin qu’on parle davantage du jeu. Je ne dis pas que toute la communauté visual novel est là-dedans (je sais qu’il y a un paquet de réfractaires aussi), mais en tout cas c’est la même mentalité pourrie gâtée. Je suis même prête à parier que dans n’importe quelle autre communauté indé Doki Doki serait passé inaperçu ^^’.<br /> <br /> Je pourrais encore continuer longtemps en disant que Doki Doki est un visual novel pour les gens qui détestent les visual novel ou en soupirant que Nier Automata doit partiellement son succès au fait que ce soit justement l’œuvre la plus consensuelle de Yoko Taro en termes d'écriture, mais je vais m’arrêter là pour l’instant sinon on en a pour la nuit.<br /> <br /> P.S : Vu que Saya no Uta ne s’attaque pas au joueur directement, cela a pu jouer dans ton ressenti ?<br />
P
Bon ça me conforte dans l'idée que ça ne sera pas un gouffre dans ma culture g si je passe à côté.<br /> (je cherchais juste un prétexte pour passer un petit coucou :)
Répondre
H
Je confirme que tu ne manques pas grand-chose XD.<br /> <br /> Merci, c’est cool de te voir passer ! J’espère que tu vas bien =).<br />
T
Je pense qu'il y a un peu des deux. En plus mon commentaire n'était pas très construit puisque j'ai réagi sans trop prendre la peine de digérer toutes les infos (et en plus j'étais HS). Je pense que le fait que je lise l'article tout en écoutant un intervention sur les notions de réappropriation culturelle joue aussi.<br /> Ton commentaire éclaire mieux certains points. Non pas que je ne les avais pas vu, mais plus que là j'ai l'esprit plus reposer alors on va dire que c'est arrivé à un peu plus de maturation. Effectivement, le passage au sujet du nihilisme manque. Pas que cela ne soit pas compréhensible sans mais ça développe ton point de vue de manière plus large ou du moins j'arrive à mieux comprendre la finalité du fond du propos.<br /> <br /> " Et toute ma réflexion repose sur le fait que malgré son énorme succès, Doki Doki n’apporte en fait aucune pierre à l’édifice."<br /> Une pensée qui m'avait traversé en lisant la première fois l'article et encore maintenant. Est-ce qu'une "oeuvre" doit forcément apporter quelque chose ? Parce que si chaque chose doit apporter sa pierre pour un monde meilleur, on est dans un discours fonctionnaliste.<br /> Après je parle sans y avoir joué et juste en me référant à tes propos mais il semblerait que Doki Doki soit un pur produit de son époque. Une époque qui n'apporte justement rien de nouveau. En poussant plus loin le raisonnement, le fondement de ce jeu et son côté "novateur" ne viendraient pas du fait que justement il ne le soit pas ? (si on prend juste le jeu)<br /> Actuellement on fait dans le repompage à tout va. Pour reprendre une discussion que j'ai eu avec un ami, on ne fait que "manger notre propre vomi" ou plus exactement "celui des autres." Le tout éventuellement couvert d'une forme d'ironie suite à la fin des grandes utopies.<br /> Le fait que Doki Doki n'ait pas de personnalité est tout à fait symptomatique de ce que nous vivons et actuellement si ce n'est pas forcément gage de qualité, ce n'est pas vu -de manière globale- comme un défaut. S'il sait qu'il n'a rien à apporter et que c'est accepté comme tel, est-ce qu'on peut le lui reprocher ?<br /> Que Doki doki ne soit pas le 1er à avoir inventé la déconstruction du genre, je n'en doute pas. Qu'il y ait plein d'autres jeux sur cette thématique et qui la traitent de manière plus intelligente, tant mieux. Mais encore une fois, je pense -d'une manière que j'essaie d'être objective et large- qu'il est tout à fait un produit de son époque. Par conséquent, il a le public de son époque.<br /> <br /> " il y a de fortes chances que ces derniers soient en fait plus intéressants parce qu’ils seront obligés de faire quelque chose avec le méta pour se démarquer de l’original, ce qui est quand-même un comble !"<br /> Pas forcément. Pour reprendre ce que j'ai dit (et sans doute mal dit), ça peut/ça va potentiellement pousser les gens vers le haut. Le but n'est-il pas de faire mieux ?<br /> Doki doki peut très bien devenir un boulet pour ses héritiers mais aussi une contre référence de laquelle il faudra s'extirper (ex : je vais avoir doki doki en influence majeure de mon jeu pour ne pas faire du doki doki). Soit effectivement le jeu va bloquer les gens par son aura culturelle et on aura droit à du "sous" doki doki ou de la resuce de resuce. Soit des jeux qui seront du pure doki doki mais une version 2.0 de ce que le jeu aurait dû/pu être.<br /> <br /> J'ai tout à fait conscience qu'on peut critiquer une oeuvre sans remettre en question la volonté de ses créateurs ou de respecter ces derniers. J'ai bien compris que c'était le le fond et de manière globale son "aura" qui était critiquée, pas le travail fourni. On peut faire la part des choses dans une critique :)<br /> <br /> "mais ma crainte c’est que l’histoire se répète et que les nouveaux lecteurs soient presque tous découragés de se plonger dans le fabuleux monde des EVN. "<br /> Mais elle va se répéter. L'histoire c'est cyclique :D<br /> Et j'ai presque envie de dire que comme d'habitude ça fera le tri entre ceux qui sont là de passage et ceux qui s'accrocherons aux navires. Après dans un monde idéal, je te dirais que se sont des personnes responsables de leurs choix et qu'ils arrivent très bien à faire la part des choses dans ce qu'on leur conseil.<br /> <br /> " j’imagine mal un « second souffle » dans la mesure où il n’y a jamais eu d’essoufflement "<br /> Je me suis mal exprimé. Je suis moins impliqué que toi dans le milieu du VN donc mon avis est très extériorisé, pas forcément plus juste, mais j'essaie de voir de manière contextuelle assez large. Je comprends ce que tu veux dire, même si je le transpose hors du VN sur des bases communes à d'autres domaines.<br /> Il y a une continuité. Quand je parle de second souffle, c'était en tant que modèle de déconstruction, manière de faire (à éviter ou non). Il y en a eu avant, il y en aura après. Doki Doki est juste un point dans l'histoire. Le jeu n'a pas inventé l'eau chaude, ni le vide mais peut être une manière d'avaler ce vide. C'est probablement pas le jeu en lui même qui est intéressant, c'est sa réception. C'est l'expérience. On est peut être -navré je vais prendre mon domaine- dans du design fiction du jeu (moins pour l'objet que le faire). Si le nihilisme est au cœur du jeu alors possiblement c'est la construction culturelle qui est l'enjeu comme tu dis. Doki doki ne serait alors qu'au final pas le sujet réel. Il a juste était là au bon moment et à cristalliser tous un tas de paramètres à l'instant T. Et Boum !<br /> Ou alors c'est tout l'effet du hasard et mes hypothèses se cassent la gueule X)<br /> <br /> En ce qui concerne http://steam250.com, je ne suis pas certain d'être la personne la plus qualifiée pour jouer au jeu du classement. Déjà que j'ai du mal à comprendre/définir un "classique" X)<br /> <br /> "Il ne faut pas me faire écrire comme ça, les commentaires-pavés ce n’est plus de mon âge X’)"<br /> Il n'y a pas d'âge pour ça. Et puis ça serait pas marrant sinon...
Répondre
H
Tant mieux si j’ai pu clarifier un peu ma position ! Je suppose que je me repose un peu trop sur le fait que les lecteurs ont déjà entendu parlé du jeu pour la partie sur le nihilisme mais en même temps je ne voyais pas trop où caser ce bout dans l’article (c’est pour cela que je l’avais mis dans les bonus) ^^’. <br /> <br /> <br /> Je pense qu’il y a un malentendu sur ce que je veux dire quand je parle d’apporter quelque chose au milieu des VNs ou des jeux-vidéos en général. Peut-être que le terme de “résonance culturelle” au lieu de pertinence aurait mieux communiqué cela ? Pour prendre un exemple : je déteste sincèrement Huniepop, qui lui aussi a été un gros succès en son temps, pourtant je comprends parfaitement pourquoi ça a aussi bien marché. La formule addictive du match3 associée à des éléments de dating sim avec des filles moe à conquerir et des scènes de sexe à débloquer fonctionne du feu de Dieu. Et les différents clones qui ont fleuri prouvent bien qu’il y a un attrait, même si cet attrait n’a rien d’intellectuellement grandiose. Je ne dis pas que Doki Doki doit rendre le monde meilleur mais qu’un produit commercial qui fonctionne ne fonctionne pas sans raison. Or là, je m’arrache toujours les cheveux à essayer de comprendre ce qui rend le produit Doki Doki attirant. Je ne suis même pas en train de chercher de qualité artistique car je sais que cela ne sert à rien parce que ce n’est pas le propos =’D.<br /> <br /> Et pour reprendre ce que tu dis, même si nous sommes dans une ère de remake, de reboot et de repompage, il y a presque toujours une forme de réappropriation qui fait que la copie a une petite touche personnelle à apporter, même si encore une fois ce n’est pas grand-chose. Ou alors on est dans les “assets flippers” ou le plagiat et ce sont des pratiques complètement immorales et illégales.<br /> <br /> <br /> « I l semblerait que Doki Doki soit un pur produit de son époque. Une époque qui n'apporte justement rien de nouveau. En poussant plus loin le raisonnement, le fondement de ce jeu et son côté "novateur" ne viendraient pas du fait que justement il ne le soit pas ? » = <br /> Est-ce que tu veux dire qu’on se trouve dans un paradoxe type ‘Les habits neufs de l’Empereur’ ? Le bouche à oreille autour de Doki Doki a tellement enflé que les joueurs prétendent voir de la profondeur parce qu’ils ne veulent pas qu’on les croit idiots, créant une boucle infinie dans laquelle personne n’ose dire que le roi est nu ? Tu te dis bisounours mais franchement, j’ai plutôt l’impression que c’est moi le bisounours dans l’histoire parce que ton hypothèse est à la fois crédible et terrifiante =O. Ca serait raccord avec le fait que les gens projettent leurs croyances sur les faits pour les tordre dans tous les sens : si tu penses que le jeu va être bon avant même d’y jouer, alors il le sera par la force des choses…<br /> <br /> D’ailleurs pour reprendre ce que tu dis à propos du second souffle, si Doki Doki a émergé au bon moment et au bon endroit avec les bons paramètres (sa manière particulière d’avaler le vide), alors je vois mal comment on pourrait reproduire l’expérience. Les œuvres classiques/incontournables le sont parce qu’elles présentent quelque chose de frais ou de neuf à un instant T. Or à l’instant même où elles rencontrent le succès, leur contribution devient la nouvelle norme. Je pense que Doki Doki sera une sorte d’exception étrange dans le sens où sa contribution était déjà la norme avant sa sortie et va donc probablement continuer à l’être un moment…à moins qu’une fatigue pour le sujet soit précisément son héritage imprévu. C’est pour cela que j’imagine plus Doki Doki comme repoussoir que comme un jeu qui passe à la postérité pour son legs bénéfique.<br /> <br /> Par contre je ne comprends pas du tout ton objection parce que nous avons l’air absolument d’accord sur le fait que les héritiers éventuels feront très certainement mieux que l’original. Et effectivement, j’imagine bien le titre devenir une contre-référence. Une resuce complète par contre, franchement, même avec une imagination moins développée qu’une crevette, ça me parait impossible :p. Le titre est tellement basique, tu ne peux qu’aboutir à quelque chose de plus développé…ou alors c’est les gens qui font la « suite » Monika où tu joues au pendu dans la même pièce jusqu’à la fin des temps. Que des fans décident d’étendre la partie la plus creuse du jeu pour prouver sa vacuité et son cynisme sans même s’en rendre compte me dépasse =’).<br /> <br /> <br /> « On peut faire la part des choses dans une critique » = Certes mais c’est devenu si rare, j’ai perdu l’habitude X).<br /> <br /> Je trouve quand-même cela injuste qu’il faille s’accrocher pour ne pas haïr les EVN. Je reste persuadée que tout est une question d’environnement et qu’un environnement sain permettrait à tout le monde de développer ses goûts sans se conformer au diktat de ce qui est acceptable ou non. D’ailleurs on dirait que Reddit se questionne sur son propre élitisme depuis quelques temps, ça me laisse un petit espoir que les choses s’améliorent…<br /> <br /> Et tu sais très bien que ce n’était pas une question d’âge mais de temps. Il m’a bien fallu deux semaines pour trouver l’heure et demie nécessaire pour que ce commentaire voie le jour =’(.<br />
T
Je dois vivre dans un abri atomique bien isolé car tout ceci m'ait totalement passé au dessus, alors même que je suis sur steam. Par contre je connais dream daddy :D<br /> Dans la catégorie dating sim gay, j'ai surtout joué à coming out on top qui partage certains points avec le sus-cité. J'avoue que la drague aviaire m'avait également beaucoup surpris une fois qu'on a débloqué l'histoire globale. C'est fini la rigolade, bonjour l'angoisse. C'était prenant et tout faisait sens.<br /> Bref.<br /> Maintenant que ma curiosité est piquée, j'hésite à essayer Doki doki sous peine de contribuer à son succès surfait. En fait ce que tu reproches c'est que la hype de doki doki éclipse des productions qualitativement meilleures et que sur la longueur il n'y ait pas de fidélité d'un public venue découvrir un peu par hasard ? J'ai presque envie de dire que c'est la loi du marché et que parfois, même si tout les ingrédients sont là, la sauce ne prend pas. Je me fais mauvaise langue exprès parce que je ressens une forme de frustration émanant de cet article que je peux comprendre. Mais même si ça peu paraître injuste et injustifié -et que doki doki va/peut être considéré comme nouveau mètre étalon du "bon goût" en VN-, est-ce que cela ne pourrait pas donner un second souffle au milieu VN en matière de déconstruction ? au lieu que cela entraîne l'ensemble vers le bas, cela ne pourrait-il pas booster ? J'ai sans doute une vision utopiste au pays des bisounours.<br /> Bref bis.<br /> J'aurais appris au moins une chose c'est qu'Along the Edge -que je connaissais également- vient d'un studio bordelais...comme quoi tout n'est pas à Paris.<br /> Pour finir, je me rends compte que je connais une grande partie des jeux cités dans cet article mais doki doki me dit juste vaguement quelque chose...mon bunker devait être hyper bien isolé.<br /> <br /> Ps: tout le monde sait faire des pâtes !
Répondre
H
Je suis surprise de voir que c’est l’angle que tu as retenu de mon article parce que ce n’est pas du tout ce que je voulais dire =/. Peut-être me suis-je mal exprimée ? Peut-être que le fait que tu sois épargné par le phénomène a joué ? Un mélange des deux à la fois ?<br /> <br /> Toujours est-il que, bien sûr, je suis toujours un peu triste de voir des jeux chouettes éclipsés. Cependant, comme je l’ai décrit dans le post, ce qui importe dans le succès d’un jeu ce n’est pas sa « qualité » en priorité mais sa « pertinence culturelle ». Parfois les deux sont au rendez-vous (comme avec Undertale) et le résultat est culte mais ce n’est pas un acquis. Et toute ma réflexion repose sur le fait que malgré son énorme succès, Doki Doki n’apporte en fait aucune pierre à l’édifice. Il y a, comme avec toute œuvre, un mélange de références digérées mais ces références n’ont pas été réappropriées, on ne sent pas une personnalité propre…et ça c’est très problématique ! Pour le coup, ça aurait été plus clair avec le bonus que j’ai posté sur Patreon puisqu’une de mes réflexions annexes était peu ou proue : Si Doki Doki engendre des successeurs spirituels, il y a de fortes chances que ces derniers soient en fait plus intéressants parce qu’ils seront obligés de faire quelque chose avec le méta pour se démarquer de l’original, ce qui est quand-même un comble !<br /> <br /> Pour ce qui est de la seconde partie de ta question, c’est un sujet plus complexe et j’aurais peut-être dû en parler à part. Histoire de remettre les choses en contexte : quand j’ai critiqué Katawa Shoujo à sa sortie en 2012, on m’a entre autres soutenu que c’était mal venu de ma part de vouloir « couler » les développeurs parce leur œuvre apporterait forcément des nouveaux lecteurs et que c’était une bonne chose pour la communauté visual novel. Au-delà du fait qu’on peut critiquer une œuvre tout en respectant ses créateurs et leur intention ou que je n’ai jamais affirmé qu’il était mal d’aimer Katawa Shoujo (chacun fait bien ce qu’il veut), je voulais en profiter pour faire un petit bilan parce que j’étais certaine qu’on me sortirait le même argument avec Doki Doki –son successeur donc. Or voilà, depuis 2012, j’ai vu énormément de témoignages (notamment sur Reddit) de petits nouveaux pour qui Katawa Shoujo était le tout premier visual novel et qui demandaient conseil. Et à chaque fois les vieux de la vieille leur sortaient le même genre de discours et le même genre de liste (aka que des trucs japonais parce que le reste c’est de la merde, en gros). Le problème à mes yeux, ce n’est pas les débutants mais l’environnement qui fait que les mêmes préjugés sont renforcés à travers le temps. Il y a toujours des exceptions, bien heureusement, mais ma crainte c’est que l’histoire se répète et que les nouveaux lecteurs soient presque tous découragés de se plonger dans le fabuleux monde des EVN. Je ne prétends pas que Doki Doki va entraîner toute la communauté vers le bas, ça me semble complètement improbable, et je suis même certaine que cela va inspirer une nouvelle vague de créateurs. Il n’y a plus qu’à espérer que l’héritage soit plus solide que celui des Katawa Shoujo Generals…et vu leur déconvenue, mes attentes ne sont pas très hautes. Encore une fois, le naufrage des KSG s’explique partiellement par la toxicité de certaines préconceptions et c’est ce contre quoi je me bats. Le système, pas les individus.<br /> <br /> Pour revenir sur pourquoi je considère que Doki Doki risque de ne pas nous léguer grand-chose culturellement parlant, il y a un élément qui t’échappe forcément puisque tu n’y as pas joué et c’est le nihilisme glaçant du titre. Pour moi Doki Doki représente clairement la limite du concept de déconstruction. J’ai beau être friande du genre, il ne faut jamais oublier que le but de la création est bien de créer, de construire, quand bien même ce serait sur le thème de la futilité et l’insignifiance (comme le fait NieR Automata à sa façon). Même un OVNI tel que l’Innommable de Beckett (une expérience défectueuse à bien des égards) crée quelque chose, une espèce de conversation du vide. Quand l’auteur dynamite son propre édifice, il prend un énorme risque, le risque de devenir contre-nature. Et c’est exactement le problème de Doki Doki : c’est l’équivalent d’un trou noir, d’une machine à broyer, de la route génocide d’Undertale qui aurait été privée de sa substance. Quand je dis que le jeu s’autodétruit, c’est à comprendre de manière littérale : à la fin, il ne reste plus rien, ni histoire, ni personnages. C’est une idée qui existe déjà dans le paysage du jeu vidéo mais qui est habituellement contrebalancée par une raison supérieure, un message, quelque chose qui vient donner du sens à ton playthrough et donc construire par-dessus le vide. Sans compter que la destruction est bien souvent partielle. Ce n’est pas le cas ici. En ce sens, Doki Doki est comparable à une curiosité, un cadavre vidéoludique, et je ne vois pas comment un cadavre pourrait transmettre la vie si tu suis mon raisonnement. <br /> Quant à donner un second souffle au milieu du VN en matière de déconstruction, c’est bien mal connaître le milieu du VN de manière générale puisqu’il fourmille déjà de déconstruction : Doki Doki ne fait que s’inscrire dans cette lignée. J’ai déjà cité plusieurs exemples (Hatoful Boyfriend, Dream Daddy, Totono, [Redacted] Life, Ambre) en plus de Fault Milestone 2 dans mon annexe, mais il y en a encore bien d’autres et Coming Out on Top pourrait d’ailleurs très bien y figurer. Doki Doki n’a pas inventé de nouvelle manière de se servir de la déconstruction, tout au plus a-t-il démontré qu’il était possible pour les créateurs utilisant RenPy de s’en emparer. Donc non, j’imagine mal un « second souffle » dans la mesure où il n’y a jamais eu d’essoufflement =’).<br /> <br /> Donc voilà, j’espère que c’était plus clair ! Vu que tu n’en as pas beaucoup entendu parler, il est également possible que les chiffres que je te cite ne te touchent pas spécialement, que ça te paraisse vague. Si c’est le cas, je t’invite à réaliser un petit jeu : ouvre cette page http://steam250.com/ et essaye d’y chercher les titres qui selon toi sont les plus connus. Par exemple les nouveautés à la mode, les grands classiques, ou juste des œuvres que tu apprécies et qui sont très populaires. 99% d’entre eux seront derrière Doki Doki. Donc quand je parle de succès, je parle bien de succès…si tu vois la différence.<br /> <br /> Sinon je ne pense pas que tu sois le seul à avoir été épargné par la tempête Doki Doki et ce n’est pas plus mal, au moins ça te laisse le choix de t’y intéresser ou non sans que ce soit forcé ^^. Pour avoir testé la démo de COOT il y a fort longtemps, je confirme que c’est un très bon dating sim gay…mais je ne suis pas sûre que ce soit le sujet. Bref, comme tu dis.<br /> <br /> P.S : Il ne faut pas me faire écrire comme ça, les commentaires-pavés ce n’est plus de mon âge X’). <br />