Aujourd’hui on va encore parler visual novel « amateur » (vous savez que j’aime ça) avec un titre à mon avis un chouilla moins connu dans le milieu mais qui mérite attention : X-Note du studio Zeiva Inc.
Depuis la disparition de sa mère, décédée il y a 10 ans dans des conditions mystérieuses, Essi a vécu une existence un peu triste mais ordinaire. En réalité elle fait tout pour cacher son secret, des capacités extra-sensorielles qu’elle étouffe. Du moins jusqu’à l’arrivée de Yuon, un jeune homme étrange qui débarque dans sa vie sans prévenir et lui propose ni plus ni moins que de résoudre une affaire criminelle ayant eu lieu à l’institut Xen en utilisant ses dons particuliers, en échange elle pourra peut-être trouver des indices sur la mort de sa mère, ancienne fondatrice de l’établissement. Comment sait-il toutes ces choses sur elle ? Dit-il la vérité ? Y a-t-il un lien entre les récents meurtres et sa propre histoire ? Essi l’ignore mais elle est déterminée à apporter la lumière sur son passé, du moins c’est ce qu’elle pense, mais très vite elle va se retrouver tenaillée par des révélations de plus en plus troublantes qui la feront douter.
X-Note se présente donc comme un mélange d’otome-game, de dating-sim et de mystère avec comme cadre une école paranormale, ce qui sort un peu des sentiers battus et apporte un petit brin de fraicheur. Le postulat de base est relativement simple : vous avez un mois durant lequel il vous faudra vous habituer à l’institut Xen, vous entraîner afin de développer vos pouvoirs trop longtemps enfouis, et sympathiser avec un des trois adolescents disponibles, qui lui vous aidera durant votre enquête et orientera cette dernière dans un sens très précis. Les premiers temps sont relativement calmes avec quelques interactions par-ci par-là et surtout beaucoup d’exercices, ce n’est que progressivement que l’histoire met en place ses différentes révélations, vous avez donc intérêt à être bien préparé.
Rainbow power
Pour un visual novel « amateur », force est de constater que X-Note dispose d’une bonne palette de personnages (9 en tout), tous associés à une couleur particulière (le noir pour Essi, le jaune pour Acia, le mauve pour Emma, etc) et possédant, en outre, un nombre assez conséquent d’expressions différentes. Les graphismes sont magnifiques, c’est d’ailleurs la première chose qui attire l’œil : les traits sont fins, les contours marqués et la colorisation impeccable. Le style est très agréable et l’assemblage d’un personnage avec une couleur permet une identification presque instantanée, même si on a parfois l’impression qu'ils sortent d'une virée en arc-en-ciel. Les backgrounds ne sont pas en reste et tout en arborant une patte relativement simpliste, ils n’en sont pas moins très jolis et adaptés. De plus les event CG sont abondantes et tout aussi réussies. Rien à dire, l’emballage est impeccable. D’autant plus impeccable que la musique ajoutée ne prend globalement pas la tête. Les morceaux sont rarement transcendants (en dehors de l’opening peut-être) mais ils collent bien à l’ambiance générale.
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Le bon, la brute, le truand et le stalker
Puisque l’on parle de personnage, présentons un peu les protagonistes principaux (en dehors d’Essi qui n’a pas de trait de caractère particulièrement prononcé à mon sens).
Nous avons Yuon, qui est venu embaucher l’héroïne pour jouer les détectives. Froid et têtu, il refuse obstinément d’avouer qui est son informateur ou quels sont ses véritables motifs, il est donc compliqué de lui arracher des informations, mais en contrepartie il est parfaitement serviable et se montre très –trop ?- arrangeant en vous répétant sans cesse que rien ne presse, que vous avez le temps ou qu’il ne veut pas vous brusquer. A peine plus âgé que vous, il est à la fois étudiant et responsable de l’institut Xen depuis la mort soudaine de l’ancien principal et a donc de lourdes responsabilités sur les épaules. S’il jour les gros durs en permanence, on devine pourtant bien qu’il possède des faiblesses qu’il ne veut pas montrer.
Rencontré par hasard, alors qu’Essi était perdu, Oure se révèle très vite un confident de choix : il est toujours enthousiaste, chaleureux, à l’écoute. Son passe-temps référé semble être de regarder les nuages à travers la fenêtre et on ne le croise jamais que dans les couloirs de l’établissement vu qu’il ne peut pas le quitter pour d’obscures raisons. Son innocence est un bol de fraîcheur après une journée de meurtres ou de noirs secrets divers et variés.
A l’opposé, Anon se pose comme le beau gosse sûr de lui et arrogant. Il se clame hacker et ne sort jamais de la salle informatique dont il a fait son QG. C’est l’espion rêvé mais sa tendance à taquiner Essi de manière plus ou moins perverse la pousse souvent à le fuir. On sait au final assez peu de choses de lui sinon que ses habitudes alimentaires sont atroces et que derrière cet éternel sourire de séducteur se cache peut-être quelque chose de moins drôle.
Rexus est un peu à part dans le sens où il n’est pas un jeune homme à conquérir mais le stalker attitré d’Essi. Il la suit à chaque fois qu’elle se rend au parc pour s’entraîner et, s’il donne volontiers de très bons conseils pour la consoler tout en lui prêtant une oreille attentive, il reste très vague quant à la raison qui le pousse à la surveiller de loin. Généralement il s’en tire avec une réplique fumeuse et disparaît quand on veut l’interroger. Son passé n’est jamais abordé et le sera visiblement dans le prochain jeu de Zeiva Inc, Area-X.
Dommage qu'il faille attendre Area-X pour t'avoir, Rexus
Ce qui est intéressant concernant ces personnages c’est qu’ils dépassent le schéma habituel des otome games "amateurs" actuellement sur le marché. Ils ont tous un background et un caractère suffisant pour s’extraire des stéréotypes et apparaître comme un peu plus. Sans compter qu’ils passent tous par une période d’évolution, de remise en doute, ils ne restent pas parfaitement figés dans le temps, ce qui est tout de même très agréable.
De la notion de priorité
X-Note s’appuie donc sur de solides qualités de départ. Pourtant le visual novel n’est bien sûr pas exempt de défauts. Certains ont dis qu’il avait des fautes de grammaire et de syntaxe (les deux créateurs n’étant pas anglais d’origine, ils ne maîtrisent pas parfaitement la langue) mais je n’y ai pour ma part vu que du feu. En revanche je trouve que l’intrigue « manque de texte » dans le sens où les évènements me paraissent un peu trop vite enclenchés (l’approfondissement permettant de maximiser l’impact émotionnel - là c’est la littéraire qui parle) mais surtout parce qu’il y a des « trous ». Je m’explique : régulièrement une révélation apprendra à Essi une information importante, pourtant cette dernière, au lieu de la reporter immédiatement à Yuon et d’en tirer les conséquences qu’il faut...va tout simplement ignorer ce qu’il vient de se passer. Dès le 1e chapitre on lui dit clairement « Attention Essi, il y a tant de morts au décompte, telle personne risque d’y passer bientôt » mais non, elle en a quelque chose à faire 5min, après ça sort par l’autre oreille. Elle reçoit une lettre avec des indices ? Ce ne sera que 2 semaines plus tard qu’elle se rendra compte qu’elle était passée à côté du mot le plus important. C’est souvent déstabilisant pour le joueur parce que lui tilte tout de suite et que très vite la résolution de l’intrigue devient évidente alors qu’Essi patauge toujours dans la semoule (on l’excusera, passer du temps avec un beau garçon est bien plus primordial que de résoudre le meurtre de sa mère). On sent bien que l'auteur a un peu de mal à relier l'impact qu'il a en tête avec la situation en ficelant le tout de manière cohérente, du coup il a tendance à un peu abuser de l'aveuglement de l'héroïne pour faire passer la pilule.
Heureusement ce côté un peu lourd est compensé par le contenu des routes qui demeure sympathique même si certains petits trous scénaristiques demeurent encore après résolution totale, la dite résolution étant clairement découpée en trois, ce qui sépare certains éléments pourtant liés un peu artificiellement (si tel garçon est dans votre visée, vous ne pouvez pas élucider les éléments de tel autre).
Try and die
Le véritable défaut de X-Note n’est pas tant le côté « amnésique » de l’héroïne qui prend plaisir à vous faire languir que du point de vue technique. J’ai bien expliqué d’emblée que le jeu était techniquement irréprochable. Eh bien...en fait non. Il demeure un gros problème : le support. Car X-Note n’est pas un visual novel codé sous Ren’Py ou tout autre moteur habituellement dévolu au genre, non, il fonctionne avec flash. Et flash a le très mauvais goût d’empêcher toute sauvegarde. Ce qui signifie que si vous avez pris le mauvais choix, il vous est impossible de revenir en arrière pour le corriger, vous devez automatiquement recommencer et il n'y a pas d'avance rapide non plus (sauf pour le 1e chapitre...qui est le plus court). Alors soit, X-Note essaye de pallier ce manque via un système de mots de passe, mais ce dernier demeure vraiment peu pratique parce qu’il n’intervient qu’en fin de chapitre et qu’un chapitre ça peut être long (sans compter que parfois on me donne le même mot de passe pour 2 chapitres et que ça peut occasionner des déconvenus). En outre la difficulté croissante des mini-jeux fait que, comme au bout de 3 tentatives, c’est automatiquement un échec, vous pouvez très bien arriver vers les 2/3 de l’histoire, au moment où les délais sont vraiment serrés pour remplir ses statistiques, foirer votre exercice juste avant la fin du chapitre et devoir vous retaper en boucle les mêmes mini-jeux jusqu’à ce que vous arrêtiez de crever comme une merde le dernier jour. En outre il suffit d’une erreur dans les choix pour mettre à mal vos efforts (et quand on recommence le chapitre 5 fois d’affilée, ben c’est pas impossible qu’on prenne la mauvaise option sans faire exprès) et certains sont justement dans l’optique du « Tu ne peux connaître la réponse qu’en faisant l’erreur » (je pense à l’esprit d’Anon par exemple, où il faut dénicher quel fragment n’y a pas sa place, et pour le savoir, il faut tous les lire, ce qui prend 2 tentatives minimum).
A force de crever lamentablement, Essi en est devenue badass et elle est pas contente, Homura style
Je trouve cela immensément dommage parce que X-Note possède un gros potentiel, ça fourmille de petits détails (les noms, le « Doors 8 » sur les ordinateurs, la couleur des ballons d’Essi dans son souvenir d’enfance, les thématiques des personnages, la fontaine du Mirage Day, l’animation sur les yeux des paper-dolls), le sujet est plutôt original et bien traité, bref, l’univers a de l’allure, mais l’absence de sauvegarde rend l’expérience extrêmement frustrante et multiplie allègrement le temps de jeu. Il y a un guide donné sur le site du groupe pour aider un peu à s’y retrouver et elle est bienvenue (et vous dit notamment que si vous prenez la route d’Anon avant celle de Yuon vous êtes baisés puisqu’il vous manquera un mot de passe) mais n’amortit pas le prix d’environ 15euros que demande l’installation complète du jeu.
Néanmoins une démo gratuite d’X-Note est disponible en ligne et si l’histoire vous intéresse, je ne peux que vous engager à l’essayer, quitte à acheter le visual novel par la suite.
P.S : L'eroge mix d'octobre est dans la colonne de droite