Encore une fois ça va causer visual novel, sauf que je vais plus me tourner vers ce qu’il y a dans les coulisses de fabrication de manière brève et très subjective. Je suis absolument désolée pour ceux que ça n’intéresse pas, car j’ai bien conscience de me restreindre de plus en plus à un public de niche, mais je n’ai plus du tout le temps de regarder d’animes (depuis Kite, c’est un peu le vide intersidéral et mon MAL se fait particulièrement désertique). Toute mon énergie est dirigée vers un seul domaine. Et justement, depuis que je m’emploie à fabriquer mon propre visual novel amateur, je remarque que même en suivant de près le milieu indie, il y a des choses dont je n’entends jamais parler et qui sont pourtant primordiales.
Au tout début, il y a la conception et c’est le paradis. Les idées pleuvent, il faut les ordonner, les exploiter, renchérir. On a des modèles en tête, on se sent prêt à les dépasser. Tout est permis, justement parce que c’est un exercice de l’esprit et que l’imagination ne connaît pas de limite tangible. C’est un univers qui se développe. Sauf qu’il faut bien que le projet passe dans le domaine du concret à un moment ou à un autre (à moins de vouloir garder ses idées pour soi, bien sûr). Et là, c’est étrangement moins drôle. Parce qu’on est assez brusquement ramené à la réalité.
Pour réaliser un VN, comme beaucoup d’autres choses, il faut mettre la main à la pâte, que ce soit de manière visible ou invisible. Dans le premier cas, on peut compter la rédaction du scénario, par exemple. L’avancement peut être directement constaté, donc il est un tant soit peu gratifiant. Mais il y a aussi, et surtout, ce que j’appelle le « travail invisible ». Sournois mais nécessaire. Les développeurs n’en parlent jamais parce qu’il est peu reluisant mais c’est vraiment la clé de voûte du boulot de chef de projet. Il consiste majoritairement en un tas de listings : on répertorie les scènes principales du scénario afin de repérer tout de suite les incohérences et de suivre le déroulement en parallèle des autres domaines, les images que les graphistes vont devoir fournir, les musique que le compositeur devra réaliser, le code associé dans le script. Il faut établir un descriptif pour faciliter la fabrication de chaque image et de chaque musique, des références, des extraits, mettre en forme le script, corriger les bugs, partir à la pêche aux bruitages et en faire de même. Plus encore, il faut aussi communiquer aux artistes des croquis préliminaires des personnages avant même qu’ils ne s’y attèlent pour qu’ils visualisent à peu près vers quoi ils doivent tendre. S’en suit un gros travail de communication avec chacun. Tout se négocie, tout se débat. Comment faire pour améliorer la lisibilité des dialogues dans l’amorce de démo ? Doit-on espacer un peu plus cette ellipse ? N’y a-t-il pas un bruitage plus pertinent pour cette scène ? Est-ce que la musique cadre bien ? Est-ce que l’ambiance est la bonne ? Tu ne veux pas rajouter telle sonorité à tel endroit ? Est-ce que ce personnage n’est pas trop fade et n’aurait pas besoin d’un redesign complet, et si, comment le refondre ? Peux-tu modifier cette partie du visage pour la rendre moins anguleuse ?
Tout ce que je viens de citer, ces petits riens que personne ne verra jamais (sauf les concepteurs), on ne les évoque pas. Comme si, à l’instar d’une belle pièce de musique, le produit fini était sorti d’un coup, comme ça, par magie. Pourtant ils sont là, on a besoin d’eux pour avancer. Les laisser de côté revient à se retarder et à se mettre des bâtons dans les roues. Alors il faut composer avec. A vrai dire, ça paraît presque évident mais sur le moment on ne réalise pas bien. On peut mettre des mois avant de comprendre que c’est finalement ça qui bloque l’engrenage et que l’absence de ces listings divers et variés, de tout ce travail préliminaire, transforme le développement en un joyeux bordel ardu à gérer.
Il y a des cas où le projet est suffisamment modeste (ou réalisé par une personne seule, donc qui sait exactement où elle va et ce qu’elle veut) pour s’en passer, mais dès qu’on entraîne des collaborateurs dans l’aventure, c’est tout de suite un must et je l’ai appris en cours de route. J’ai mis du temps, mais je m’estime chanceuse de l’avoir réalisé bien assez tôt. J’entrevois maintenant ne serait-ce qu’une parcelle de la responsabilité qui incombe à un chef de projet et je la trouve assez phénoménale...et en même temps fascinante. Peut-être que c’est quelque chose qui me tente après tout...
Pourquoi évoquer le travail invisible ici et maintenant ? Il y a deux raisons. La première c’est que je me dis que sur la poignée de volontaires héroïques qui sont tentés par la création de visual novel, peut-être quelques uns attériront ici et trouveront l’astuce pertinente. L’autre est bien évidemment l’envie d’effectuer une petite transition en vue de mon prochain article qui portera, you guessed it, sur l’avancement du projet Milk. J’ai mis du temps à me décider sur la manière dont j’allais m’y prendre et je finis donc par différencier la forme du fond (c’est pas biiiien, je sais, on me le disait tout le temps en littéraire).
Car oui, les débuts n’ont pas été glorieux vu que je ne savais pas m’y prendre (mais je gagne de l’expérience peu à peu, je suis au moins Chef de Projet Niveau 2 là !) et j’ai notamment eu la grande naïveté de suivre des conseils plein de bonnes intentions qui m’ont été donnés, c’est-à-dire de ne pas attendre la fin du scénario pour commencer à recruter. Je ne leur jette pas la pierre, ces personnes ne pouvaient probablement pas savoir, mais ça m’a énormément retardé ; ça plus les études/le taff, être vu que, mon rôle étant central, si je m’absente trop longtemps, le projet meurt. Et ceci parce que je suis scénariste et chef de projet à la fois et que je ne puis m’investir à fond que dans un rôle à la fois. Ce qui a fait que je me suis entravée dans ma double responsabilité et que j’avais du mal à tout gérer simultanément. C’est d’ailleurs pour cela que j’attends d’avoir intégralement achevé la rédaction du 1e jet (j’en suis à 90% maintenant) avant de lancer le prochain billet où j’évoquerai les progrès et les non-progrès.
Donc non, aller chercher des collaborateurs tout de suite n’était pas une bonne idée dans ma situation. Avoir la partie du scénariste pliée est même un must avant de s'y atteler (je dirais même que commencer à plancher sur le script et le travail invisible avant ferait aussi gagner énormément de temps). Comme le dit Cortex du blog Conquérir le monde (que je mentionnerais sûrement à l’avenir) :
Vous avez sûrement déjà vu ça, un gars présente son projet et recherche des programmeurs, des graphistes, des concepts artists, des scénaristes, des musiciens, un webmaster pour le site et des béta testeurs.
Il n’y a rien qui vous choque ? (autre que le fait que recruter une grande équipe est une mauvaise chose, ce que l’on verra plus tard)
Ce qui coince, c’est qu’il essaie de réunir une équipe dont certains membres sont axés sur la préproduction (scénaristes, concept artists), d’autres sur la production (programmeurs, graphistes, musiciens) et enfin les derniers sur la post-production (webmaster, béta testeurs).
C’est comme si pour construire une maison, on appelait l’architecte, le maçon et le couvreur pour commencer à bosser le même jour… ça serait n’importe quoi.
L’exemple est tellement pertinent que j’ai immédiatement adopté un nouveau regard sur ma démarche et que je me suis dis qu’il avait raison et qu’il fallait améliorer l’organisation globale. Il n’empêche qu’au moment où j’écris on est déjà au mois de décembre (même si j’ai la chance d’être relativement épargnée par le fléau qu’est la procrastination). Je m’emploie toujours à combler ce trou mais je ne suis pas Wonder Woman.
Est-ce que pour autant je perds ma motivation et renonce à devenir, un jour lointain, « indie » ? (je vous invite chaudement à lire ceci, mes liens ne sont pas décoratifs) Non. Au contraire, ça me donne envie d’avancer. Peut-être que je suis vraiment maso en fait...
Ce petit post était surtout là pour amorcer le suivant et faire patienter. Je ne suis pas sûre d’avoir finie la rédaction pour Noël (vu que je vais travailler toute la première semaine des vacances) donc ça serait probablement un peu après En plus il y a un autre article que je voudrais vraiment sortir avant janvier (pas sur un VN, promis) et il risque de me prendre pas mal de temps. Du coup ça ne dérange personne si je balance un Eroge-mix spécial Noël en faisant un peu le bilan de tous les medley proposés jusque là en cas de retard, j’espère :p. De toute façon, même si ça vous embête, je peux pas aller plus vite (je ne suis pas Zorro !).
Puisqu’on cause visual novel, vous vous rappelez de Cradle Song ? Mais si, le projet indie sur lequel j’avais un peu craqué (mais juste un peu parce que je suis tsundere vis-à-vis de mes goûts). Une traduction française vient d’être annoncée, allez donc proposer vos services si ça vous intéresse. C’est par là que ça se passe.