Je me définis comme une casual gameuse. La raison en est que j’adore les jeux vidéos…mais que je suis une vraie bille une fois la manette dans la main. Dès qu’il y a un peu de difficulté, un peu de challenge, neuf fois sur dix je me rétame parce que je ne réagis pas assez rapidement (mon gros point faible). Faute d’argent il faut dire que je ne joue pas des masses non plus et que je ne suis pas assez vieille pour avoir connu l’époque rétro. Ce qui fait que l’analyse qui va suivre n’a évidemment aucune valeur professionnelle, pas la peine donc de venir balancer toute votre immense sagesse vidéoludique, je ne pourrais de toutes façons pas tenir la comparaison X).
Les nouveaux médias occupent une place grandissante dans notre société parce qu’ils permettent une meilleure immersion dans l’imaginaire que les livres, qui eux nous laissent tout deviner, pour le meilleur et pour le pire. C’est pour cela qu’ils obtiennent autant de succès et j’imagine très bien des ouvrages interactifs comme les visual novel remplacer nos bons vieux livres dans le futur. Les jeux vidéos surfent dans le même courant : qui n’a jamais rêvé d’être le héros d’une formidable épopée pour poutrer tout un tas de vilains monstres et sauver l’univers en toute modestie ?
Pourtant je me demande : l’avenir est-il aux jeux « concrets » ou aux jeux « abstraits » ?
Je m’explique. Prenons, à tout hasard, Final Fantasy X. Quand je joue à Final Fantasy X, évidemment je trouve le monde de Spira très beau, ça me remplit d’émotions, et tout et tout. Mais une fois que la console est éteinte et que je me mets à écouter la musique en y repensant, eh bien l’univers gagne mille fois plus en beauté. Il prend racine dans mon imagination et à partir de la base du jeu s’octroie sa propre vie. Il n’y a presque plus besoin de jouer, il suffit de garder la musique et de fermer les yeux. Et quand je veux revoir une des cinématiques clés parce que dans mon souvenir, elle était magnifique, eh bien je suis déçue, déçue parce que dans ma tête elle était mieux. Mon imagination a déjà surpassé tout cela. Final Fantasy X est donc pour moi un jeu qui projette ton imagination du côté de l’abstrait.
A l’inverse, dans le cas de Final Fantasy XII (qui lui est diamétralement opposé), j’éprouve aussi du plaisir à jouer mais mon imagination ne peut pas s’envoler à partir de souvenirs ou de la musique, il n’y a pas moyen de recréer l’histoire : il faut jouer pour ressentir. Mais quand je rallume la console, tel endroit qui ma paraissait beau l’est toujours, voire même plus, il n’a pas changé entre temps, il est tel quel.
Ces différences on les retrouve aussi du côté des bandes-son respectives de chaque jeu : c’est l’OST de Final Fantasy X de Nobuo Uematsu que j’ai découvert en premier et qui m’a donné envie de jouer au jeu tellement elle est belle dans l’immédiateté. A l’opposé c’est Final Fantasy XII qui m’a donné envie de me prendre l’OST de Sakimoto Hitoshi pour mieux retrouver mon expérience de jeu mais là, patatras, ça a été complètement différent. Quand je me promenais dans Rabanastre avec Vaan, l’ambiance musicale se fondait tellement bien aux décors que je trouvais cette piste vraiment très jolie. Et une fois sortie de son contexte, magie, je ne la reconnaissais plus et la trouvait même franchement moche. Il m’a fallu me repasser la bande-son des heures et des heures et avancer bien plus loin dans le jeu pour enfin apprécier le travail de Sakimoto Hitoshi alors qu’avec Nobuo Uematsu ça avait été le coup de foudre, il n’y avait pas eu besoin d’une quelconque adaptation. Mais avec le temps je me demande si ce dernier ne déssert finalement pas FFX…
L’expérience de jeu est complètement différente. Dans Final Fantasy XII j’ai été émerveillée par l’ambiance qui se dégageait de chaque lieu (surtout de Rabanastre) de leur immensité. Il y avait quelque chose qui faisait que c’était chouette de flâner dans les rues, de tailler une bavette avec chaque PNJ rencontré, de rester plus de 20 secondes à juste admirer le paysage, d’explorer toujours plus, de s’aventurer sur des terres « interdites » (parce que les monstres y étaient trop forts et qu’on avait tout simplement rien à y faire de particulier), terres dont la règle d’or est « Tu peux y aller mais tu ne dois pas y aller ». La curiosité, se perdre encore une fois au beau milieu d’une zone désertée, des impressions de jeu totalement différente de Final Fantasy X.
Quand je suis avec Vaan, Penelo et compagnie, ma mentalité est plutôt « Osef de la princesse, je dois aller faire telle chasse, puis dégommer tel dracosaure, puis explorer tel endroit, faire du level up pour visiter les grottes de Zertina ou la nécropole de Nabudis que j’en meure d’envie » alors que quand je suis avec Tidus c’est plutôt « Mais rien à foutre de ce putain de monstre qui barre le passage, j’ai Yuna à escorter moi, allez hop hop hop, on se dépêche, j’ai un monde à sauver ».
Au niveau des personnages c’est pareil. D’un côté, dans Final Fantasy X, c’est bien plus facile de s’identifier à eux, mais il faut avouer que ce sont tous, sinon des stéréotypes au moins des archétypes (ils ne dépassent jamais leur apparence d’ailleurs) : on a le héros niais numéro 5567 (même si on s’y attache quand même à ce con de Tidus vu qu’on voit tout par ses yeux, ou plutôt par sa voix), la jeune pucelle sans défense qui se fait enlever toutes les deux minutes alors qu’elle est censé être trop, trop forte (pis elle utilise de la magie bien sûre, l’arme réservée aux femmes, vu que c’est bien connu que les femmes sont trop fragiles pour se servir d’un couteau ou d‘un flingue) et qu’on doit tout le temps protéger, le sidekick pas drôle et encore plus con que le héros, la femme fatale mystérieuse, l’hyperactive optimiste qui saute de partout mais qui reste une sacrée froussarde et le mec qui pue le charisme par tous ses pores parce qu’il faut bien qu’il y ait quelqu’un qui fasse l’unanimité. C’est vrai que du coup on a tout de suite ses favoris (certains vont se ruer vers Yuna parce qu’elle incarne un fantasme masculin qui a la dent longue et qui leur prouve que leur demoiselle a toujours besoin d’eux, d’autres vont préférer le duo de « J’ai la classe en toute circonstance, tu rêve d’être comme moi, je suis là pour ça »). Mais honnêtement, des gens comme ça n’existeraient jamais dans la vraie vie parce que, quand bien même ces personnes ont une psychologie, une profondeur, ils restent unilatéraux (Auron ne sera jamais un boulet et Wakka un génie, c’est un déterminisme vidéoludique).
Au contraire, dans Final Fantasy XII, les personnages n’ont rien d’attachants, ils sont plats, gris, ne se détachent que peu les uns des autres…parce que ce sont tous des gens normaux. Ce ne sont pas des archétypes, ils n’ont pas un trait de caractère qui se détache et par quoi on puisse les identifier, non, ils sont juste terriblement normaux. Vaan pourrait passer pour un héros niais, mais globalement il ne fait jamais de conneries (sauf quand il demande son âge à une femme mais avouons-le, il pose la question que le joueur se pose en même temps que lui), Penelo serait l’amie d’enfance aimant Vaan en secret, sauf qu’en fait non, c’est juste de l’affection, elle ne fera jamais rien de particulier avec lui et tourne même son propre kidnapping en dérision (vu que ses agresseurs se sont complètement gourés de personne), Bash a juste la malchance d’avoir un frère jumeau, Ashe est une princesse mais au lieu de faire sa mijaurée, elle garde un caractère déterminé et complètement masculin (au départ c’était pas gagné avec sa mini-jupe rose fluo, comme quoi ici il ne faut pas juger sur l’extérieur), et enfin le couple Fran et Balthier sont de joyeux lurons bourrés de charisme sans toutefois verser dans le « too much ». Ce sont tous des personnages matures et je crois que c’est pour ça qu’au fond, je m’y attache paradoxalement plus.
Final Fantasy X est au fond plus une histoire qu’un jeu. Une histoire magnifique certes, mais juste une histoire. On pourrait sans mal en faire un anime en rajoutant quelques scènes de baston à la Advent Children par-ci par-là pour remplacer les fastidieux combats contre la faune locale. A l’inverse il faudrait être taré pour faire de Final Fantasy XII un anime ou un film : pensez-vous, il n’y a aucune histoire d’amour et aucun pathos ! Et que demande le peuple ? De l’émotion à la Jun Maeda (Kanon, Clannad et maintenant Angel Beats). Le peuple veut des héros-archétype, un bel enrobage et une putain d’histoire avec la loi implicite obligée qui veut qu’il faille qu’on chiale à la fin. Oui moi aussi j’ai pleuré face aux mésaventures de la petite troupe de Yuna et Tidus, mais au fond, certaines incohérences scénaristiques (il faut bien que l’histoire d’amour soit impossible sinon c’est pas drôle) et ce côté « Pleure pourceau, pleure ! » me lasse un peu. Dans Final Fantasy XII pas d’histoire d’amour à la con, ça tombe bien j’aime pas ça (mais quand y en a je pleure quand même, paradoxe), pas de scènes particulièrement splendides, pas de fin bouleversante, et pourtant on s’amuse bien.
Le but d’un jeu vidéo est au fond de t’impliquer et c’est bien souvent parce qu’on a envie que les gens aient besoin de nous qu’on se retrouve à sauver le monde pour de faux. Tidus dans Final Fantasy X, une fois qu’il devient gardien, on a besoin de lui mais en même temps Yuna a tellement de gardiens qu’il pourrait tout aussi bien être là. C’est sur le plan sentimental qu’il devient indispensable : il réchauffe les cœurs, redonne le moral. Le jeu ne peut pas se passer de lui. Alors que dans Final Fantasy XII, une fois que l’histoire a vraiment commencé, Vaan, il n’a tout simplement plus besoin d’être là. Il a récupéré Penelo, ça y est, il est content, il pourrait se barrer, mais il ne le fait pas. Parce qu’il n’a rien à foutre là mais qu’il a envie d’être là. Les autres le gardent lui et Penelo parce qu’ils les aiment bien et que quelques bras supplémentaires pour partir à la chasse n’est jamais de refus. Et au fond, moi je trouve ça beau. Tu n’es pas un être exceptionnel, l’élu, on a pas besoin de toi pour sauver l’univers, mais on te garde pour ce que tu es, pour ce que tu peux faire et ne peux pas faire. Osef que tu ne sois pas un roxxor de la mort qui tue, on t’aime bien, on aime bien ta compagnie, reste avec nous vieux. Alors que dans d’autres jeux comme dans le premier Kingdom Hearts par exemple, tes copains ils te suivent parce que t’es l’élu, mais s’il s’avère qu’en fait il y a eu une erreur, eh ben tchao et bonjour chez toi (j’ai eu mal pour Sora quand il a déchanté après s’être fait humilié par ses anciens copains…).
Même l’agencement des groupes n’est pas le même d’ailleurs. Dans Final Fantasy X, comme dans la plupart des jeux auquel j’ai pu jouer, tu es un groupe, un bloc, uni et indivisible, autour d’un ou deux personnages-clés (ici Yuna), chacun a ses motivations personnelles qu’il écrase. Dans Final Fantasy XII tu as trois groupes de deux : d’un côté le duo « Monsieur et Madame Tout le monde » en la personne de Vaan et Penelo qui sont surtout là pour découvrir le monde et vaguement suivre ce qui se passe, d’un autre on a Fran et Balthier, les pirates du ciel, qui donnent un coup de main parce que ça les intéresse mais qui en même temps ne sont pas contre piquer un ou deux trésors en passant (c’est leur métier après tout) et enfin le duo « Royal », paradoxalement le plus en retrait, avec Ashelia qui fournit les missions à accomplir, l’histoire, le chemin à suivre et son garde du corps Bash. Mais c’est surtout elle qui s’écrase au fond puisque ce sont Fran et Balthier qui font la loi. Donc si tu as envie d’aller faire du steack de vipère dans les Plaines d’Ozmone ou de faire de la soupe de gelée dans les Mines de Hennes, c’est pas la survie du monde qui t’étouffe, Ashe te suit, t’aide, et attend patiemment qu’on aille à l’endroit indiqué sur la carte. Ce n’est pas à Yuna qu’on ferait ça.
Et au fond c’est ce que je préfère : c'est-à-dire laisser en plan la quête principale et sadiquement vaquer à ses petites occupations hautement plus importantes (je peux pas m’en empêcher, quand on me dit d’aller d’un point A à un point B, j’ai tendance à prendre tous les détours possibles et imaginables pour ne pas prendre la ligne droite).
A quoi nous mène cette pseudo-démonstration ? A une question que je me pose depuis quelques temps. Je disais donc au début que quand j’écoutais la musique de Nobuo Uematsu c’était déjà mon Final Fantasy X qui se jouait et plus le jeu originel, qui du même coup me paraissait plus fade que dans mon souvenir parce que Spira est un univers purement scénaristique alors qu’Ivalice est bien plus concret. Du coup quel est l’avenir du jeu vidéo ? Des jeux « abstraits », faits d’une histoire magnifique, de scènes-clés (La cérémonie de l’envol de Yuna et Suteki da ne en sont de bons exemple je crois) et de personnages-archétypes mais attachants ? Ou des jeux « concrets », avec une histoire certes, même si elle fait un peu prétexte, mais surtout une expérience de jeu imposante, une liberté d’exploration, qui mise tout sur l’ambiance et la curiosité du joueur et surtout, surtout un univers riche et mûrement travaillé ?
J’en parlais l’autre jour avec un certain monsieur fan de FFX et FFXIII et il me disait :
Jack : Des descriptions que tu en fait, je pense que l'abstrait est mieux
Jack : L'imaginaire est entravé et ne se libère qu'une fois dans le jeu dans un univers concret, alors qu'il s'intensifie et va au delà du jeu dans un univers abstrait, pour moi y'a pas photo
Personnellement je serais moins catégorique. Un univers « abstrait » se dessert lui-même en ce qu’il ne sert plus que de tremplin. Une fois qu’on a vu ce à quoi ça ressemblait, l’imagination prend le relais et on a plus, au fond, besoin du jeu, on le fait nous-même. Bien sûr un univers « abstrait » est bien plus populaire mais il ne l’est plus vraiment pour lui-même mais pour l’idée qu’on s’en fait. A l’inverse un univers « concret » rebute beaucoup plus, on y entre plus difficilement, mais il est infiniment plus riche en ce que chaque détail a été soigné et on ne peut pas s’en défaire. Une fois la console éteinte, on ne peut plus s’envoler tout seul, il faut la rallumer.
Avec des opposés comme Final Fantasy X et Final Fantasy XII je crois que je prend d’avantage conscience des attentes du public, des capacités des développeurs et de ce que peuvent apporter les autres jeux en général. Mon idéal serait bien sûr un juste équilibre, un univers qui mélange les deux aspects que j’ai décris ici mais comme le jeu parfait n’existe pas, il faut se contenter (avec plaisir) de ce qu’on nous propose. En tout cas la récente sortie de Final Fantasy XIII montre bien que Square Enix est pour l'instant beaucoup plus centré sur le scénario que sur le gameplay (à mon humble avis).
Alors jeux « abstraits » ou jeux « concrets », de quoi sera fait le futur ?
Sinon, les votes pour les TM Golden Blogs viennent de commencer..on va bien voir ce que ça va donner. Et comme de par hasard y a mon article sur la nouvelle saison de Kiss X Sis qui va bientôt tomber, c'est un coupà faire fuir les gens ça =<. Mais genre les faire fuir jusqu'en Amérique du Sud, les yeux exorbités et de la fumée par les oreilles.