Une fois n’est pas coutume, je vais donner mes premières impressions sur un manga (ça faisait longtemps) et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit de la « suite » d’une œuvre déjà overhypée que tout le monde avait acclamé il y a un ou deux ans, j’ai nommé Doubt.
Surfant sur la popularité de son premier manga, Yoshiki Tonogai remet donc le couvert avec un nouveau thriller,Judge, dont le tome 1 devrait bientôt débarquer par chez nous. Pleine d’espoir, j’ai eu un instant la folle pensée que peut-être, Judge reprendrait les bases de Doubt et ferait de l’intrigue bancale originelle une œuvre capable de me couper le souffle de suspens. Eh ben, on va dire que ça commence mal…
Hiro est un adolescent ordinaire qui vit seul avec son grand frère Atsuya depuis la mort de leurs parents. Leur famille est heureuse et Hikari, son amie d’enfance, file le parfait amour avec Atsuya. Les deux tourtereaux lui prodiguent même des conseils et l’encouragent à se trouver une petite amie aussi afin qu’ils puissent partir tous les quatre s’amuser. Or Hiro est bien amoureux d’une fille, sauf qu’il ne peut pas le lui avouer puisque cette fille c’est Hikari. Un jour, à force d’entendre cette dernière le pousser à se confesser à celle qu’il aime, il décide de passer à l’action et profite d’un hasard pour mentir à son frère et l’éloigner une petite heure, le temps de révéler à son amie d’enfance ce qu’il ressens pour elle. Mais ce tout petit mensonge aura des conséquences catastrophiques.
Lorsqu’Hiro se réveille, quelques temps plus tard, il est enfermé dans une sorte de cachot, un masque de lapin sur la tête et des menottes au poignet. Un jeu morbide est sur le point de commencer…
Si le début de ce synopsis laisse entendre que l’histoire de Judge sera différente, très vite les similitudes avec Doubt se multiplient. Les couvertures sont très semblables, les personnages le sont aussi, du point de vue du design comme de la « personnalité » et le jeu part très vite dans la même direction. Les fans du premier manga en seront probablement ravis mais cela me laisse un goût amer dans la bouche. J’ai vraiment l’impression de lire une espèce de copie. Il suffit de regarder la galerie des protagonistes principaux quelques minutes pour s’en apercevoir : Hiro est un clone de Yuu, c’est le gentil héros naïf, bien con comme il faut, qui essaye de faire copain-copain avec tout le monde et porte en lui un vrai-faux péché. Vrai parce qu’en effet il a entrainé le malheur sur sa famille, mais faux en ce qu’il rappelle trop le « crime » de Yuu dans Doubt. Au risque de spoiler un peu, je rappellerai que ce dernier, lorsqu’il se retrouve devant le grand méchant responsable de leur séquestration (et pendaison lente et douloureuse, aléatoirement) apprend qu’en fait lui avait une gueule sympathique et aurait pu s’en sortir mais que, parce qu’il a eu le malheur de proférer un seul petit mensonge bien naturel vu la situation, non en fait il va ptet crever lui-aussi. Je reste donc très réticente devant le péché de Hiro qui est sensiblement le même (Tu as menti UNE seule fois dans ta vie, ordure ! Tu mérites la peine de mort !), ce qui n’annonce rien de bon.
Les autres joueurs ne sont bien sûr pas en reste : Monsieur Lion est identique à Hajime sur tous les points, en un chouilla moins gentil, Monsieur Cheval est Eiji avec une mèche teinte, le blouson en cuir en moins, Madame Chat a des gros seins comme Haruka, c’est donc, comme elle, une pute (cherchez pas le raisonnement) et les autres filles ressemblent à Mitsuki et Rei mais sans aucune once de personnalité déclarée pour l’instant. Seul Monsieur Chat qui a l’air d’un Ritsu au masculin et Monsieur Ours ont pour l’instant fait preuve d’un peu d’intérêt. Joli recyclage !
Les graphismes en eux-mêmes ne sont pas moches du tout pourtant mais un peu d’originalité aurait peut-être été le bienvenu, à moins qu’une histoire de timeline alternative ne se trame là-dessous et explique cette bizarrerie.
User des mêmes gimmicks de présentation encore et encore ça devient usant à la longue
Quant au scénario, Yoshiki Tonogai commence Judge de manière bien moins maladroite que Doubt mais petit à petit les évènements deviennent atrocement conventionnels. J’ai l’impression de relire les 10 Petits Nègres d’Agatha Christie, l’adrénaline en moins. Donc notre jeu morbide se met en place avec une sorte de tribunal bancal où chacun doit voter pour quelqu’un toutes les douze heures et où celui qui a le plus de votes crève dans d’atroces souffrances jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un certain nombre de survivants. Une épreuve qui aurait pu être bien menée si…les votes n’avaient pas été aléatoires ! C'est-à-dire que les protagonistes ne se connaissent pas du tout, ils ne votent donc pas contre quelqu’un parce que son crime (lié aux 7 péchés capitaux) parait impardonnable mais juste parce que sa gueule ne leur revient pas. C’est d’une intelligence… Et évidemment dès qu’un personnage est sensiblement mis en valeur, vous pouvez être certain qu’il va morfler au prochain tribunal, il n’y a aucune surprise.
La seule étincelle qui aurait pu illuminer le manga c’est que notre héros tout gentil a en fait trouvé dès le début la solution pour que personne ne meure. On aurait donc pu penser que l’auteur allait tirer un pied de nez aux stéréotypes du genre, nous présenter des gens moins cons que d’habitude et un véritable combat entre les « joueurs » et les « maitres du jeu » et que l’idée même de tribunal allait se retourner contre les méchants derrière toute cette manipulation. Mais non, ç’aurait été trop surprenant et cette technique possède une faille : il suffit d’un imbécile dans le tas et tout est fichu. Et ça tombe bien, ce sont tous des imbéciles ! Dès le 1e vote, tout se barre déjà en sucette dans la joie et la bonne humeur. Les retournements de situations deviennent bien trop prévisibles lorsqu’on a déjà lu Doubt en entier. On sait déjà que l’auteur n’avait pas assez de courage pour briser certains clichés et qu’il ne le fera probablement pas cette fois non plus.
La première impression qui ressort de Judge n’est donc, pour moi, pas très favorable. Déjà que le succès du précédent opus me paraissait complètement usurpé (Sérieusement, ça ? Le meilleur manga de tous les temps ? Mais vous n’avez jamais lu/vu de vrai thriller de votre vie ou quoi 0__o ?), ce nouveau manga risque fort de subir le même traitement. Mais comme je suis un peu bête, et surtout incroyablement masochiste, je vais persévérer en espérant vainement que Judge arrive à réaliser le potentiel que Doubt annonçait. Autant dire que c’est pas gagné…