Je suis une sale prétentieuse. Pensez-vous, j'ai toujours critiqué le yaoi en disant que c'était nul et que raconter des histoires homosexuelles n'exemptait pas d'avoir du talent alors qu'en réalité je n'avais jamais vu de manga yaoi ni regardé d'anime yaoi ! Quel comble ! Quelle abomination ! Comment critiquer quelque chose dont on n'a que de vagues retours ? Alors à l'instar de certains otakus courageux, je me suis lancé dans l'aventure avec pour seul compagnon d'infortune mon cerveau, débranché pour l'occasion. Et alors ? Qu'en ressort-il ? Avais-je raison ou avais-je commis la plus grosse erreur de ma vie ? Pour le savoir, restez avec nous après cette petite page de pub : Interlude musical sponsorisé par Captain Obvious
Toujours là ? Parfait ! Je me disais donc qu'il fallait que je vois du yaoi au moins une fois dans ma vie si je voulais continuer de cracher dessus avec fierté, je me suis donc mise en quête d'une perle, et je suis tombée sur ça :
Kyosuke Iwaki et de Yoji Kato, sont deux acteurs pour films pour adultes. Ils se retrouvent sur le casting pour l'adaptation d'un roman au cinéma et ce casting déterminera qui détiendra le rôle principal. Tous les deux vivent une relation, très particulière et fusionnelle.
Ok, je prends ! Et c'est ainsi que je rencontrais Haru wo Daiteita. Au début j'avais prévu de lire le manga mais comme j'ai bien vite décroché par ce que je ne voyais plus l'horizon, je me suis rabattu sur les deux OAVs, beaucoup plus courts.
Haru wo Dateita commence par montrer la foule d'une ville que je suppute être Tokyo et un homme blond tranchant sur ces bêtes anonymes de manière toute philosophique, montrant que derrière une apparence commune, cet homme n'était pas comme les autres, qu'il ne va pas dans le même sens que les autres, que les convenances. Cela transparaît dans ses manières et ses lunettes de soleil américaines über classes qui montrent un refus de la conformité et un désir de s'imposer en tant qu'être unique.
Cet homme entre dans un cinéma bondée de jeunes femmes qui sont captivées par ce qui se passe à l'écran. Sous une musique mélancolique Luky Luke un homme brun marche seul sous la pluie, accrochant le regard ému des spectatrices qui voient en lui l'emblème de leur solitude tandis que le blondinet aux lunettes de soleil le toise de manière ambigu, montrant à la fois un mépris et une fascination ; mépris envers des poses exagérément clichés et ridicules, et fascination envers une si belle veste violette trop vite éclipsée...sans doute.
On retrouve ces deux hommes dans un parking souterrain. La caméra tourne, tourne, tourne, pendant que les deux rivaux se crêpent le chignon à la cool :
« _C'est moi qui vais gagner...
_....
_C'est moi qui vais gagner...
_.... »
Bon en fait ça servait à rien par ce qu'ils sont pris tous les deux dans le casting de la série télé Haru wo Dateita. Nous voyons donc ici, par ce manque d'originalité dans le titre, une mise en abîme pertinente qui pose la question de la place de l'artiste et qui, par ses jeux de miroirs, s'adresse directement au spectateur, rompant ainsi l'illusion théâtrale habituelle ! On peut donc s'attendre à une oeuvre de grande audace !
Une tapette aux boucles d'oreilles moches bardée de rouge à lèvres l'auteur du film précédemment montré entre en scène et explique aux journalistes pourquoi il désire faire une série de son film et présente les acteurs : Iwaki, le cooldere brun, et Katou, le blondinet über sexy, tous deux acteurs pornos. Par ce choix, l'auteur virtuel montre encore une fois combien il désire se détacher des productions habituelles et son souci du réalisme, ce qui fait écho à l'auteur véritable qui, on le présume, n'a pas du tout fait ce choix par solution de facilité.
On retrouve ensuite Iwaki l'alcoolique qui déprime en se rappelant comment il avait été choisi pour le film original : son désir d'indépendance avec le monde cruel et dangereux de la pornographie l'avait obligé, pour saisir sa chance, à coucher avec Katou sous l'oeil de l'auteur pervers et des caméras, quelque chose dont il n'a que trop l'habitude. Iwaki est ainsi dépeint comme un héros tourmenté et tragique qui tente de prendre en main son destin en se détournant d'un passé honteux. Iwaki déprime par ce qu'il s'est fait insulté par Katou, traité de « pathétique », lui qui ne rêve que de s'en sortir. Complètement bourré il appelle son rival et se disputent. Décidant de lui montrer combien il passe à côté du plus important, Katou lui propose de se détendre et de « répéter » un peu. Répéter ? Ah oui, il le viole sur son propre canapé avec amour et dévotion. Une scène véritablement superbe qui montre bien le caractère emporté de Katou qui désire posséder sans penser aux conséquences de ses actions. Et il a bien raison car il n'y en a pas \o/ ! RAEP is not a crime...
Les deux « amants ? » se retrouvent à jouer une scène de lit et Katou, emporté par sa fougue, n'arrive plus à se retenir lorsqu'il entend Iwaki répéter ses lignes et lui avouer son amour. Il est alors évident que leur relation n'a plus rien de conventionnel et par cette audace mainte fois employée l'auteur nous montre par petites touches se dessiner quelque chose qui ressemble fort à de la passion et qui plus est, sujet tabou, entre deux hommes anciennement acteurs pornos ! Quelle prise de position considérable !
L'auteur virtuel, Sawa-san, invite nos deux tourtereaux chez lui pour une mission délicate : une séance d'échangisme à but littéraire. En effet Sawa écrit une histoire autour de quatre homosexuels échangistes et a besoin de tester la scène en vrai pour donner à son oeuvre plus de réalisme (hun-hun, très vraisemblable). Iwaki doit donc s'occuper de Yukihito, l'amant de Sawa et ce dernier hériter de Katou. Tout se passe bien pour Iwaki et Yukihito quand soudain c'est le drame : Sawa et Katou, qui les fixaient depuis un bon paquet de temps déjà, s'écrient en coeur « Bas les pattes, c'est mon mien ! » et s'accaparent leurs copains respectifs. Katou essaye de convaincre Iwaki qu'il crève d'amour pour lui et l'OAV finit par des paroles douces et tendres...et des scènes de cul à la limite du viol, censurées.
Le deuxième OAV commence dramatiquement : Katou tromperait Iwaki avec une fille ! Nooon ? Siiii ! Kya, j'le crois pas ! Bon en fait cette histoire n'étant surtout pas un prétexte à montrer les amants se disputer pour mieux se réconcilier dans des parties de jambes en l'air sauvages, l'auteur peint ici les tourments du doute et de la jalousie propre à toute histoire d'amour classique et la modernise en la teintant d'homosexualité. Les clichés sont évacués de manière magistrale et la fameuse scène humide de larmes ne nous est pas plus épargnée que les déclarations volontairement creuses, véritables étendards dévoilant l'ineptie de la jalousie et incitant tous les couples à plus de confiance envers leurs partenaires ! Encore une fois Haru wo Daiteita se révèle porteur de messages battants et n'hésite pas à faire pleurer de rire ses spectatrices pour donner plus de force aux émotions qu'il désire partager.
Ensuite c'est au tour d'Iwaki de rendre Katou jaloux en se retrouvant kidnappé par son idole de toujours et violenté par lui. Les deux amants se disputent alors de nouveau et Iwaki finit par avouer à son copain qu'il l'aime à la folie et prend enfin l'initiative pour la première fois alors que d'habitude il reste immobile sous les baisers de son compagnon. C'est un grand pas en avant qui se fait et l'OAV se termine peu après cette scène d'amour absolument magnifique qui en arrachera des larmes à plus d'une !
En conclusion, je n'ai eu que ce à quoi je m'attendais : une daube immonde à mourir de rire. Les graphismes ne sont franchement pas très beaux, la musique assez quelconque, l'histoire en elle-même n'est qu'un prétexte au fantasme de plus en plus courant qui est de voir deux mecs se sodomiser avec violence et *aimant* cela. Les scènes de cul (heureusement censurés dans les OAVs, ce qui n'est pas le cas dans le manga, ouch mes pauvres yeux) sont légions et n'apporte strictement rien à une romance déjà pourrie de l'intérieur par des clichés ultra conventionnels. L'amour des protagonistes se résume à ces scènes affligeantes et à des disputes puériles. Aucune psychologie, aucune explication, l'homosexualité est devenu la seule religion ici puisque nulle part il et question d'hétérosexualité, à croire que c'est vraiment trop démodé ! Les deux héros ne sont même pas touchants puisqu'en plus d'être inintéressants, tous les passages pseudos sentimentaux se finissent en pénétration anale, ce qui n'aide pas vraiment.
Pour résumé Haru wo Daiteita et le yaoi en général, je dirai que c'est du viol sentimental et des mecs au design et à la personnalité identique qui se battent pour savoir lequel sera sur l'autre, ni plus ni moins. Je m'excuse donc auprès des fans de yaoi du monde entier de ne pas faire partie de leur communauté par souci de préservation du peu de matière grise qui me reste (c'est-à-dire pas beaucoup) mais le yaoi et moi, c'est pas pour demain X).