Autant je suis toujours assez réticente quand il s’agit d’aborder du yaoi, autant le yuri je ne dis jamais non. Peut-être par réminiscence de mes premiers grands animes (comment voir l’épisode 25 de Noir sans se mettre à apprécier le shoujo-ai ?) ou parce que je possède des goûts plutôt masculins, allez savoir. Toujours est-il que, dans un commentaire sur mon article concernant l’inceste, Caziro a vaguement parlé de Candy Boy, une série vraiment très brève qui traiterait…de relation amoureuse entre deux jumelles. Et évidemment, j’ai finis par me lancer dans l’aventure.
Yukino et Kanade sont deux sœurs très fusionnelles. Elles dorment dans la même chambre de leur résidence universitaire, vont au même lycée, et se montrent inséparables en toutes occasions. Un jour Kamiyama Sakuya, une de leur camarade moins âgée qui traine tout le temps avec elles, demande un entretien privé avec Yukino. Visiblement elle aurait le béguin pour cette dernière, ce qui fait naitre une pointe de jalousie dans le cœur de Kanade. Pourquoi se sent-elle aussi mal à l’aise suite à cette révélation ?
Mon coeur, mon amour, mon amour, mon coeur
Sorti entre mai 2008 et 2009, Candy Boy est une série de 7 ONAs d’une dizaine de minutes complétée par un épisode 0 et deux bonus de longueur sensiblement similaire, qui nous fait entrer dans le quotidien des sœurs Sakurai. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’y a ici aucune trace de drame ou de destin tragique, non, la vie des deux demoiselles est au contraire plutôt paisible, rythmée de petits riens et orientée sur le mode du sourire. Yukino et Kanade vont faire du shopping, s’achètent des gâteaux, rentrent chez elle pour Noël, sortent à la Saint-Valentin, se soucient de leurs examens, réservent leur prochaine année de résidence ou réfléchissent à leur futur. Des occupations de filles de leur âge quoi. Une note plus sombre est apportée lorsqu’il s’agit de la relation qu’entretiennent les jumelles avec Shizuku, leur cadette, qui se sent délaissée parce qu’elle est plus jeune et donc, fatalement laissée derrière par le torrent du quotidien ou lorsque le moment de décider de leur orientation se fait plus présent. Mais là encore la série ne s’attarde pas sur ces obstacles et s’en sert plutôt comme d’un prétexte pour approfondir les liens qui unissent les différents personnages.
De gauche à droite : Shizuku, Yukino, Kanade et Sakuya
En parlant de personnages, il n’y en a guère que quatre ici : Kanade (Nabatame Hitomi), la sœur sérieuse mais manquant de confiance en elle, Yukino (Yuzuki Ryouka), la tête en l’air qui joue souvent les idiotes, leur stalkeuse attitrée, Sakuya (Kato Emiri), qui est pleine d’énergie et possède une imagination des plus fertiles, et enfin Shizuku, qui est probablement la plus fragile et la plus introvertie de toutes. Sa doubleuse, Yuu Kobayashi (Kimura Kaere dans Sayonara Zetsubou Sensei, Setsuna dans Negima ou Satoshi dans Higurashi) fait vraiment un excellent travail en interprétant sa douleur silencieuse, toute en retenue, et en délivrant une performance poignante. Le fait qu’il y ait si peu de protagonistes permet bien sûr un développement que ne peuvent généralement pas se permettre les animes brefs. Chaque personnage est donc mis en valeur sous toutes les facettes de sa personnalité, ce qui est assez plaisant.
Le style graphique est d’une grande beauté (surtout dans les scènes de neige, les paysages) et bien qu’il repose beaucoup sur des plans fixes, cela n’entrave en rien l’appréciation de l’histoire. Et, petit détail sympathique, les héroïnes changent régulièrement de vêtements et de coiffures, ce qui donne vraiment l’impression que les jours s’écoulent, contrairement à d’autres séries où le personnage reste habillé de manière identique pendant 20 épisodes. La bande-son est complètement transparente à l’oreille, et il est à noter qu’il n’y a pas du tout d’opening, juste un ending, mais sans aucune animation.
Ca dégouline d'amour / C'est beau mais c'est insupportable
Jusque là je n’ai mentionné que des qualités et je me suis retenue de donner mon véritable avis, mais c’était nécessaire. Car voyez-vous Candy Boy porte un peu trop bien son titre (non pas la partie « boy », les hommes sont une espèce disparue depuis longtemps visiblement) : c’est un bon gros flan qui descend sur l’estomac, un sac de choux à la crème, de la pièce-montée à cinq étages mit chantilly. En un mot, Candy Boy c’est sucré, trop sucré ! Evidemment un anime tranche de vie ne faisait pas miroiter dans mon esprit l’espoir d’une intrigue épique avec des déchirements, des lamentations, des morts sanglantes ou des combats de dingue, mais qu’il n’y ait absolument aucune intrigue m’irrite un peu. Car le synopsis de la série…recouvre son premier épisode. Et bien que je ne l’ai vu il y a moins de 4h, il m’est absolument impossible de vous décrire quelles sont les passionnantes occupations des jumelles, c’est vous dire à quel point leurs virées shopping m’ont marquées… Certes les pitreries de Yukino et les sermons de Kanade, éternelle reprise dus schéma boke/tsukkomi, sont mignonnes comme tout mais il y a quelque chose qui me dérange.
Can you feel the love tonight ?
C'est un pudding bien lourd / De mots doux à chaque phrases
Le couple dispose d’une crédibilité descendant en dessous de zéro. Les deux jeunes filles se tiennent la main en permanence, dorment dans le même lit, collées serrées, et ne se quittent pas d’une semelle tellement elles sont en manque. Et si par malheur elles ne rentrent pas ensemble le soir pendant –ola, juste ciel- une demi-semaine, c’est un coup terrible que l’on porte à leur moral. Quand elles ne se tiennent pas la main en babillant, il faut que l’une pose se tête sur l’épaule de l’autre ou alors lui donne la becquée. Et vas-y que je t’achète un bijou à couper en deux (chacune héritant d’une partie) pour rajouter dans le cliché « amour éternel dans l’éternité de l’éternelle éternité », et vas-y que je chouine pour partager ta glace avec toi parce que je suis incapable de manger ailleurs que dans ton assiette, et vas-y que je roucoule à qui mieux-mieux et que je répète combien j’aime dormir sur tes genoux/ta poitrine. D’ailleurs un flashback nous les montre enfants à se rouler par terre en faisant milles caprices parce qu’elles ne sont pas dans la même classe. Si l’on prend en compte le fait qu’elles sont nées le même jour et qu’elles ont toujours vécues ainsi, il y a de quoi devenir fou. Etre amoureux et être siamois sont deux choses bien différentes, il me semble, et laisser de l’air à son couple est une devise que les tourterelles ne semblent pas comprendre. La chanson « Mon coeur, mon amour » d’Anaïs est à cet égard leur hymne personnel, car oui, ça dégouline d’amour, de sentiments aromatisés aux fines herbes, et pas qu’un peu.
Et ça se fait des mamours / Se donne la becquée à table
Cette dimension d’un romantisme exacerbée m’agace profondément, d’autant plus que toute idée charnelle semble disparaître. En réalité les deux sœurs ne sont incestueuses que par ce que le dos du DVD l’indique, elles ont un comportement malsain par péché d’extrémisme mais ne font rien que la morale puisse reprocher : elles ne se désirent pas. Le seul rêve qui aurait pu être un peu révélateur de Kanade ne va pas plus loin qu’un léchage de doigt et si les deux simplettes batifolent volontiers à coup de « Kana-chan, Kana-chan, fais ahhhhhhhh à ta soeurette d’amour et mange ton petit pot » ou « Yuki-chan, Yuki-chan, quel cadeau inutile donc indispensable veux-tu que je t’achète pour la cinquante et unième fois ce mois-ci alors qu’on est en pleine difficulté financière ? », ça en reste là. Oui, les deux sœurs s’aiment d’un amour platonique et absolu, voyez-vous, et la simple vue de leur moitié les remplit d’un bonheur niais et indicible. Le comble est atteint lorsque Yukino, qui au tout début de la série s’amusait à réclamer des baisers de sa sœur, et se plaît souvent à la provoquer de manière gentillette (pas plus loin que des léchouilles sur le bout des doigts on vous dit), s’offusque parce que lors du dernier épisode Kanade dépose sur ses lèvres un bref et chaste baiser. Et je ne parle pas d’un baiser bien slurpeux avec langue qui gigote, non, je parle d’un petit bisou tout mignon sur le bout des lèvres. Et ça la choque. Et donc les deux sœurs s’aiment d’une incroyable passion, passion tellement puissante qu’elle les rend toutes bêtes l’une devant l’autre mais prohibe tout contact physique en dehors des câlinous en pyjamas et du léchage de doigts. MAIS VOUS VOUS FOUTEZ DE MA GUEULE OU QUOI ? Mais alors en quoi sont-elles incestueuses ? Leur sister complex atteint peut-être des proportions hallucinantes mais elles restent, dans leur relation, des sœurs. Des sœurs qui vivent dans le même appartement, s’entendent bien et partagent tout entre elles. En enlevant tout désir charnel, on enlève au fond toute la tension qui aurait pu être celle de l’intrigue mais pire encore, son sens profond.
FU-SION !
Ce mélange de sentiments / Aromatisé aux fines herbes
Autre point fâcheux, le traitement du regard d’autrui. Certes la reconnaissance de l’homosexualité a fait un très grand pas à notre époque actuelle, mais je ne suis pas sûre que l’inceste passe pour autant de son côté pour une formalité commune. D’autant plus dans un pays aussi conservateur que le Japon et qui recense un nombre aussi impressionnants de victimes de l’ijime. Si l’on pousse des fillettes au suicide parce qu’elles ont des origines métisses ou un léger surpoids, alors j’ose à peine imaginer le regard que subirait un couple aussi hors-norme. Or là non, rien, nada. Yukino et Kanade ont le droit à trois post-it sur leur porte pour leur signaler combien elles sont graves. Trois putain de post-it. A aucun moment il n’est question ni du regard d’autrui, ni du qu’en-dira-t-on, jamais les héroïnes ne sont troublées le moins du monde par des menaces, des remarques désobligeantes ou des préjugés blessants. Elles vivent toutes les deux dans une sorte de bulle, loin de toute réalité. Je ne m’attendais certes pas à une descente aux enfers ou à un drame intense mais cela m’a profondément choqué qu’à aucun moment ne soit évoqué le moindre obstacle. Yukino et Kanade n’ont aucune épreuve à surmonter qui renforcerait ou fragiliserait leur couple, elles s’affichent dans toute leur mièvrerie (« Je t’aimerai toujours, toujours, toujours » « Moi aussi je t’aimerai toujours, toujours, toujours, toujours, toujours ») et rien ne se produit. Je ne sais pas du tout comment est la vie de deux personnes qui s’aiment malgré l’inceste mais la facilité déconcertante dans laquelle baignent ces demoiselles me semble très fort de café. On nage dans l’idéalisme complet.
Autant de mièvrerie / Nappée de crème pâtissière
D’ailleurs Sakuya subit un peu le même traitement en ce que son attirance démesurée et non réciproque pour Kanade, qui sert de procédé comique récurrent, n’est jamais, au grand jamais remise en question. Est-il normal qu’une jeune lycéenne vous adule au point de couvrir les murs de sa chambre de vos photos, de vous espionner en permanence et de corrompre votre sœur pour qu’elle dévoile tous vos secrets, quand elle ne tente pas de créer un dakimakura à votre effigie ? Bien sûr, ce n’est pas à prendre au sérieux du tout et la dépendance émotionnelle parait être la norme de Candy Boy mais c’est un peu la goutte en trop, le brin d’herbe qui dépasse et qui révèle à quel point l’amour est surjoué dans cet anime. Seule Shizuku aurait pu être crédible dans la manifestation de sentiments interdits et c’est paradoxalement celle qui a les intentions les plus pures (si on considère le léchage de doigt comme scabreux). Ce qui n’empêche pas le personnage de Sakuya d’être assez désopilant par ailleurs. Sa logorrhée extatique parodie souvent assez allégrement les séries harem lambda mais elle tombe quelques fois un peu à plat –c’est le revers de la médaille dira-t-on.
Coucou qu'est ce que tu fais mon coeur ? / La même chose qu'y a une demi-heure...
L’épisode 0 de Candy Boy peut être vu comme un stand-alone en ce qu’il contient à lui tout seul tous les éléments de l’intrigue condensés et magnifiés en quelques brèves minutes, mais il n’échappe pas plus à la vacuité de l’anime. Les bonus (que je conseille de regarder après la série même si le premier est censé se situer avant sur l’échelle temporelle) apportent des rajouts appréciables pour les fans mais d’une inutilité assez crasse : Ex01 se contente de montrer l’emménagement ô combien palpitant des deux sœurs et Ex02 se présente comme le pendant « yuri » de l’épisode spécial plage/piscine de l’anime harem habituel, les héroïnes font juste leur numéro habituel mais en maillot de bain.
Partant d’un pitch au potentiel certain Candy Boy prend la route complètement différente d’un petit "tranche de vie" sans prétention. Si le format bref et le soin apporté à l’évolution des personnages plairont aux amateurs du genre pas dérangés par l’étiquette un peu fantoche de « twincest », les autres fuiront l’épais coulis tout rose qui déborde de l’écran à chaque épisode enclenché. Le moe trop exacerbé de Yukino (sa voix devient clairement agaçante à certains moments) et le côté « lovey-dovey » poussé à l’extrême m’ont repoussés et au fond empêchés d’apprécier la série pour ce qu’elle était mais il ne s’agit pas réellement ici d’un mauvais anime. D’ailleurs c’était assez agréable à suivre. C’est juste que je ne supporte pas de prendre des kilos de sucre en intraveineuse