17 avril 2011 7 17 /04 /avril /2011 15:35

 


 

Il faut sauver la blogosphère il paraît. C’est une formule qu’on entend un peu partout, prononcée souvent de manière ironique. J’ai envie de déclarer : S’il y a quelque chose à sauver, ce n’est sûrement pas les blogs mais les comportements. Parce que si on y réfléchit bien, la « décadence » elle existe à toutes les époques. A chaque siècle des auteurs se sont insurgés face au déclin de l’homme, à chaque siècle ils se pensaient les derniers, et puis deux millénaires et quelques plus tard rien n’a changé : on se croit toujours en plein déclin. Qui veut parier sur ce que penseront nos descendants ? Probablement la même chose. Tout ça pour dire que le « déclin » de la blogosphère ou de la japanimation est à mettre au même rang que le déclin de la littérature, de l’humanité et compagnie : les choses évoluent vers quelque chose de nouveau, d’inconnu et donc qui nous fait un peu peur, qu’on a du mal à l’accepter. C’est la magie du « c’était mieux avant », une illusion entretenue par le fonctionnement même de la mémoire qui veut qu’on retienne plutôt les moments heureux du passé (Car qui aurait envie de se rappeler ses humiliations d’enfance ? Personne). Et à cause de cette nostalgie douce-amère un peu trompeuse on s’enferme dans des préjugés, dans cet « âge d’or » imaginaire où tout était bien. Du coup c’est tellement plus facile de s’enterrer sous les illusions et de blâmer les autres qu’on se demande bien par quel miracle on en viendrait à se remettre en question.

 

Et s’il était temps de prendre conscience de notre propre hypocrisie ?

 

 

Autour de moi, que ce soit dans des forums de discussions ou sur Twitter, je vois souvent des otakus exposer ce qu’ils regardent dans les nouveautés saisonnières et à mon grand ébahissement, certains suivent en même temps une douzaine de séries (sur une trentaine ou quarantaine) qu’ils abandonnent parfois allégrement au bout d’un ou deux épisodes. D’un point de vue personnel, je suis assez effarée parce que c’est une attitude qui me rappelle une sorte de zapping, un engloutissement d’animes sur le mode du fast-food, et qui va un peu contre mon habitude de « marathon » d’une série à la fois en une semaine ou deux qui me paraît (enfin je le crois) de mieux pénétrer l’ambiance et l’histoire comme étant un tout. Mais surtout c’est la globalisation de ce type de comportement qui m’effare.

 

Aujourd’hui les gens ne veulent plus attendre : il leur faut leur « dose » de la semaine maintenant, il leur faut ripper les pistes d’un anime plutôt que d’attendre quelques mois la sortie de l’OST officielle, il leur faut critiquer et juger tout de suite un anime qui va sortir et déterminer s’il est bien avant même de l’avoir vu. De même pour les jeux-vidéos lorsque des joueurs impatients commandent la version japonaise ou anglaise d’un titre qui s’apprête à sortir en France et se retrouvent parfois avec plusieurs versions du même jeu. A l’ère d’Internet où tout se sait tout de suite, la patience devient un luxe.

 

Cette ingurgitation en masse est aussi assez traîtresse ; elle peut donner l’impression à celui qui suit directement les nouvelles séries d’être plus ou moins dans la « légalité » (puisque la majorité des nouveautés ne peut pas être licenciée aussi vite en France même avec le phénomène grandissant du Simulcast), mais aussi d’une « décadence » puisque sur le lot de sorties saisonnières il n’y aura bien sûr pas que de la qualité (c’est d’ailleurs impossible de voir 35 chef d’œuvres sur 40 séries comme ça, d’un seul coup). D’où un possible désintérêt avec le temps.

 

Ce qui découle de ce comportement peut être ensuite assimilé à un cercle vicieux. L’otaku lambda va parler de la nouvelle série qu’il vient de voir, ce qui peut aiguiser la curiosité de son voisin qui va tester à son tour et ainsi de suite jusqu’à ce qu’une petite communauté de gens se mettent à en discuter, augmentant encore d’avantage la tentation parce que, dans le fonctionnement même de l’être humain, on a tous envie d’être inclus dans un groupe, et que pour se sentir intégré on va naturellement avoir envie de participer à la discussion de la communauté qui nous intéresse. Au final, un quidam inexpérimenté va plutôt vouloir tester l’anime dont tout le monde parle au moment même où il cherche des conseils. Un phénomène qui peut vite tourner au « hype » avec Twitter et les critiques de blogs disponibles (surtout si les blogs en question sont un tant soit peu influents). D’ailleurs ça peut marcher dans les deux sens : on n’est pas obligé de dire du bien d’une série pour pousser les gens à la regarder et le fait même qu’elle soit conspuée peut-être tout aussi efficace.

 

Au final il ne s’agit plus que d’un effet de mode qui laisse tout un pan de la japanimation en rade, d’où un certain ras-le-bol. Mais là où ça devient vicieux c’est que nous baignons tous dans l’hypocrisie. C'est-à-dire que les blasés vont te répéter non-stop combien c’était mieux avant et combien c’est la décadence aujourd’hui mais très peu d’entre eux essayeront vraiment de partager leurs trésors personnels pour contrer l’effet de mode, mieux encore, on ne les verra apparaître que là où il y a du « drama » potentiel. Autrement dit, tous les procrastinateurs qui se plaignent (parce que généralement ce sont les gens qui ont abandonnés leur blog ou qui ne font rien de particulier qui râlent) sont tellement pris dans leur paresse qu’ils ne vont que rarement tenter de lire les articles de blogs qui se veulent être des rédactions construites sur un anime qui mériterait attention. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas assez intéressant bien sûr. Un blogueur lambda qui veut présenter un titre méconnu indiffère le procrastinateur moyen qui lui est surtout sur le net pour oublier sa journée pourrie et souffler un peu, alors faire des efforts d’intellect et de motivation il n’en a pas très envie. Par contre, le moindre billet un peu croustillant avec, au choix, du cul ou du drama, là ça réveille sa curiosité.

 

Nous sommes tous comme cela. Pourquoi croyez-vous que la téléréalité existe toujours ? Parce qu’il y a des gens pour la regarder et que ces gens ne prennent pas, comme on pourrait le croire, l’émission au premier degré (ça existe quand même), non, c’est justement sa médiocrité qui les attire. Ils ont besoin de booster leur ego en admirant des spécimens caricaturaux aligner connerie sur connerie (au point même où l’on pourrait très justement se demander si tout n’est pas qu’une gigantesque fumisterie). Ce cynisme, cette curiosité malsaine, on l’a tous. Dès qu’on entend parler d’un concept glauque et graveleux, on a envie d’en savoir plus, c’est presque instinctif. Je suis pareil. Il suffit d’un titre aguicheur pour m’appâter et je tombe dans le panneau. J’ai beau savoir que c’est un piège à cons, je ne peux pas m’en empêcher. Il en va de même pour certains animes. Je regarde des daubes dégoulinantes d’ecchi parce que je sais que je vais détester, c’est de la pure mauvaise foi et j’en suis parfaitement consciente.

 

Il en va de même dans la blogosphère : il suffit d’une pincée de polémique et tous les procrastinateurs du coin sortent le pop-corn et viennent « débattre » alors que ça n’a plus rien d’un débat en ce qu’ils ne viennent pas pour mettre en doute leurs opinions, mais bien pour les affirmer. Un gus parle de moe ? Faites péter le champagne les gars, ça va être lolilol ! Sus à l’ennemi ! Voilà, nous sommes tous des chacals, des charognes qui nous repaissons de chair fraîche, il nous faut notre dose de croustillant, de sensationnel, de drama, il nous faut regarder des reportages sur les otakus et les geeks en se foutant de leur gueule pour se mettre à distance de soi-même (parce qu’à la minute où l’on réalise que les personnes dont on se moque ne sont que des caricatures de nous-mêmes, on prend conscience de la puérilité de notre comportement). Je pense que c’est un peu pour ça aussi que Raton Laveur a eu autant de succès sur son site, il n’y a qu’à voir son récent billet sur Gameblog pour s’en rendre compte, il sait rester juste à la limite de ce qu’il faut dire et ne pas dire tout en évoquant des sujets brûlants qui ne peuvent qu’attirer les charognes en manque de drama.

 

 

Si les gens désirent réellement « sauver » la blogosphère, alors ils doivent se sauver eux-mêmes avant tout, se sauver de cette spirale de la procrastination qui les mène aux confins de l’ennui et du sensationnalisme (je crois que l’article de Concombre Masqué sur la rule 36 explique assez bien qu’au fond on est rapidement blasé par tout et qu’on finit par vouloir aller toujours plus loin dans l’horreur, quitte à de désensibiliser de tout).

 

Il n’y a jamais eu de déclin de la blogosphère, juste une évolution qu’il faut savoir accepter. Des tas de petits sites essayent tant bien que mal de faire entendre leur voix dans le tumulte mais ils sont bien vite masqués par le chahut du lulz, du drama et des boobs à volonté et il n’est pas étonnant que certains d’entre eux perdent toute motivation lorsqu’ils constatent qu’ils ne seront jamais lus que quand ils écriront de la merde. Personnellement je suis souvent fatiguée et excédée par ce phénomène et je pense que je le répète assez souvent comme ça. J’ai l’espoir assez désabusé d’effectuer un nivellement par le haut et de ne pas tout à fait vendre mon âme en alternant entre les billets qui attireront forcément l’attention (Parler de Boku no Pico, de sexe ou de daube atroce éveille automatiquement la curiosité malsaine) et ceux qui se voudront appartenir à un registre plus élevé. A mes yeux il n’y a qu’en montrant l’exemple qu’on parviendra à s’imposer en tant que tel. Alors je fais de mon mieux pour inciter les gens à tester des œuvres dont on ne parle pas. Les procrastinateurs peuvent-ils en dire autant ? Peuvent-ils si justement se plaindre de la décadence s’ils en sont les plus gros catalyseurs ?

 

C’est là, à mon sens, la faille majeure de la PASSION que prônait kyouray il n’y a pas si longtemps déjà. La passion ça va, ça vient. La passion s’accompagne nécessairement de hauts et de bas, le bas étant la procrastination, le manque de passion. La passion c’est quelque chose que l’on subit, dont on ne peut se détacher. Le passionné est donc l’aveugle par excellence et la passion seule est insuffisante sans une bonne dose de lucidité. C’est, je pense, une des qualités que doit posséder un blogueur. Savoir évoquer ce qui le fait vibrer sans être aveuglé par sa passion, par sa personne, donc plus ouvert sur les autres.

 

La blogosphère n’a pas besoin de sang neuf, elle a besoin d’esprits neufs (ce qui est une grande nuance). Autrement dit de qualité plus que de quantité. Alors soit on se complaît dans sa médiocrité et on accepte ce soi-disant « déclin » sans hypocrisie, soit on désire vraiment faire bouger les choses et dans ce cas c’est par soi-même que doit débuter le changement. On n’est pas forcés d’agir après tout : personnellement je me sens très bien dans l’oisiveté, j’aime profiter de mon temps libre pour lire, pour jouer aux jeux vidéos ou pour regarder les animes qu’il me plaît de regarder au rythme qui me plaît (donc en faisant le tri dans ce que l’on me propose). J’aime bien zoner sur le net à ne rien faire aussi. Mais dans ce cas, je ne me plains pas, ma mauvaise foi est totalement assumée.

 

En attendant j’ai toujours essayé de limiter ma procrastination car j’ai toujours eu la hantise du temps perdu. Et à choisir, même si c’est beaucoup plus fatiguant, même si ça me vole une partie de mon temps libre, je crois que je préfère agir à ma façon, c'est-à-dire en écrivant. Pas nécessairement sur le blog, même si c’est un support que j’aime beaucoup (ou plutôt que j’apprends à aimer), puisque je suis avant tout une littéraire avant d’être une otaku. Je pense notamment à mon projet de visual novel qui me dévore énormément d’énergie mais en même temps qui me tient vraiment à cœur. Entre la procrastination et l’action, je crois que j’ai choisi, j’ai choisi le chemin le plus difficile mais aussi le plus gratifiant.

 

J’aimerai dire que je ne le regrette pas. Le souci est que ma motivation (comme toute motivation j’ai envie de dire) est fragile et que des incidents comme celui du dernier article me remettent en question. J’en viens à me demander si je ne devrais pas abandonner le format du blog pour me concentrer sur l’écriture du VN. Après tout, pourquoi se fatiguer à viser un idéal de qualité si c’est la merde qui attire les charognards ? Je me le demande souvent. Mais si j’abandonne, ce sera leur victoire, alors je me dis qu’il faut tenir bon et garder espoir, que le nivellement par le haut peut avoir des résultats. Serait-ce une utopie ?

 

 



P. S : Pour la première fois sur le blog, je ferme les commentaires. Déjà parce que je sais pertinemment que ça va partir en vrille, et aussi parce que je juge que vous empêcher de commenter vous évite une perte de temps incroyable. Vous avez bien mieux à faire que de venir chercher du drama ici, j'en suis sûre. Quant à moi j'ai du travail sur le feu alors rendons-nous mutuellement service =). Il fallait juste que ça sorte, voilà, voilà.

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