Afin de raviver ma motivation décidément bien émoussée, je profite d’une petite découverte pour ramener le blog à la vie.
Je farfouillais les topics récents de Lemmasoft à la recherche de trésors (j’adore dénicher des gemmes méconnues, je trouve ça fascinant) quand je suis tombée sur un tout nouveau jeu à la présentation…inhabituelle. Aucune description, aucune image, rien d’autre que des remerciements et un coupon de réduction. J’ai déjà vu de nombreux topics nus parce que les créateurs ne voulaient pas que leur idée soit volée ou parce qu’ils avaient peut-être envie de cacher des graphismes pas toujours superbes, mais je n’avais encore jamais vu un tel vide pour un visual novel apparemment commercial (aucune indication dans le titre mais un lien vers un site d’achat). Piquée au vif, je regarde le lien qui mène vers Gumroad, une plateforme de vente, qui n’indique qu’une description sommaire. La seule image présente est minuscule. Il est fait tout de même fait mention d’une démo et je suis décidément bien curieuse. Quelle ne sera donc pas ma surprise de voir, en lançant le VN, que celui-ci a belle allure. Encore une preuve qu’on peut être créateur sans assimiler la moindre base de marketing (qui aurait été de dévoiler un semblant d’information au potentiel client).
Toujours est-il que le jeu ne coûte que 2.49£ et qu’une réduction de début de lancement le fait porter à 1.49£, un prix dérisoire que je décide de débourser. C’est ainsi que commença un drôle de voyage…
Après un rêve mystérieux hanté par une créature ressemblant à une sirène, le protagoniste se réveille en sursaut. Son réveil n’a pas sonné et il est déjà en retard pour son premier jour dans une école internationale située sur une île méditerranéenne. Lorsque qu’il rejoint enfin sa classe, il croise le regard d’une fille qui dégage une aura particulière, une rencontre qui n’aurait pas dû avoir lieu et le marquera profondément.
Le scénario d’ Always the same blue sky n’est pas particulièrement transcendant à vrai dire, puisqu’il repose sur un postulat un peu cliché d’où découle une intrigue assez simple, mais il est plutôt bien raconté et repose sur une direction artistique assez exceptionnelle pour un petit projet amateur sorti de nulle part. Car c’est bien l’assemblage des mots, des images, de la musique, des bruitages et de l’interface qui en fait une balade atypique.
On ne le voit pas bien mais l'eau brille.
Tout en verre sculpté
Les décors sont en effet superbes et ultra-détaillés, parfois à la limite de l’aquarelle, avec une perspective parfaitement esquissée, des couleurs chatoyantes et des vitraux un peu partout. Le tout avec une bande-son incroyablement mélodieuse aux instruments variés et à l’inspiration exotique qui fait réellement rêver. On se prendrait presque à stopper net la lecture pour savourer l’ambiance.
Pour couronner le tout, le jeu est bardé de très nombreuses CGs (quelques fois un personnage rajouté sur un décor de manière à s’y intégrer, peu conventionnel mais efficace) et d’effets visuels réussis. Dès le menu principal, on est accueilli par une superbe illustration avec du pollen qui se balance au gré du vent, des lumières irisées sur les vagues et l’interface change même progressivement de couleur. Ce genre de petits détails se retrouveront un peu partout : des scintillements d’une vitrine à l’orage dans un ciel en colère jusqu’à l’ombre du lierre sur un personnage abrité sous une arche.Et bien sûr, l'héroïne bat des paupières à intervalles réguliers.
Pin-up des plages
Difficile dans ces conditions de ne pas partager l’admiration du protagoniste qui découvre chaque recoin de ce lieu enchanteur. Même si celui que vous êtes censé incarner est davantage préoccupé par une toute autre sorte de beauté : la jolie Kira, vêtue comme une écolière japonaise, mais à l’allure de sirène (tiens, comme dans le rêve du départ). Always the same blue sky vous fait ainsi partager la courte période de temps que le protagoniste aura à passer sur cette île, l’occasion de partager des souvenirs et d’en découvrir plus sur sa nouvelle amie, décidément bien mystérieuse.
Moo Moo Shake et ses mascottes vaches-poissons...AUU OMOCHIKAERI !
Sauf que le visual novel possède quelques failles un peu embêtantes. Graphiquement tout d’abord, il n’y a qu’un personnage visible, Kira, et son 1e sprite souffre de problèmes d’anatomie (sa main, par exemple), or c’est celui qui est visible durant une bonne majorité de l’histoire. L’ajout de quelques variantes fait passer la pilule mais ça n’en reste pas moins la seule chose à l’écran par-dessus les somptueux décors (un sprite d’ailleurs un peu grand en comparaison). De même pour le 2e CG affiché (et visible dans la démo) qui semble un peu bizarre.
Au niveau de l’interface, pas de grosse résolution, les boutons à côté de la textbox sont parfois difficilement accessibles, il n’y a pas d’option pour l’enlever (et admirer une image, par exemple), aucune galerie et aucun jukebox ne sont déblocables une fois le jeu bouclé, ce qui est dommage. Ce ne sont que des petits détails mais ils sont regrettables justement à cause de la qualité graphique omniprésente.
Je ne montre pas la version la plus space, vous êtes assez grands pour vérifier par vous-mêmes dans la démo, hein.
En tout cas le jeu n’est pas avare en ressources. Car pour une aventure assez courte (pour ma part il ne m’a fallu qu’une heure pour parvenir aux crédits), il y a pléthore d’images : une bonne vingtaine de décors et une dizaine de CGs. De même pour la musique puisqu’il y a environ une demi-douzaine de pistes assez longues. Difficile de s’attacher si vite au dilemme de Kira, finalement peu exposé, mais les nombreuses CGs ont le mérite de faire voir la plastique de la demoiselle sous toutes ses coutures (j’aurais aimé en apprendre plus sur sa personnalité mais bon).
Et 5min plus tard, une CG bikini où elle est à quatre pattes dans l'eau, seins en avant. Non, je ne montrerai pas...
Effet tarte à la crème
La véritable faiblesse est en revanche bien plus problématique puisqu’il s’agit des transitions et de la mise en scène textuelle. En effet, les deux sauts dans le temps les plus importants sont mal définis, ce qui fait qu’on passe d’une scène à l’autre très rapidement sans avoir été prévenus qu’un laps conséquent s’est écoulé à des moments où on aurait justement besoin de sentir le temps qui passe. L’exemple le plus douloureux est la fin du jeu : le lecteur n’a même pas le temps de connaître les pensées du protagoniste vis-à-vis de la résolution de l’intrigue de Kira, ni d’assister à un bref épilogue que les crédits se lancent déjà et c’est tout. Un atterrissage beaucoup trop abrupt pour ce qui se voulait une sorte de conte de fée enchanteur. Dans le jargon de l’animation, mon référent BAFA appelait cela la « tartre à la crème » : tu crées un imaginaire pour mettre des étincelles dans les yeux des enfants et d’un coup, PAF, les animateurs enlèvent leurs déguisements devant eux genre « haha, évidemment que le père Noël n’existe pas ». En l’occurrence, Always the same blue sky gère très mal la clôture du voyage promis dès l’écran titre.
Et ce rêve, il servait à quelque chose finalement ?
Un voyage qui aurait d’ailleurs pu être encore plus approfondi. Vu que l’emphase a été mise sur l’île, son architecture, son ambiance, son background, il aurait été judicieux de donner à chaque lieu visité une petite histoire, comme c’était le cas avec la souffleuse de verre. J’aurais adoré la rencontrer, voir à quoi ressemble son magasin de l’intérieur, et faire de même avec la personne qui tient la boulangerie, le vendeur de milkshakes, un pêcheur ou même entendre une personne âgée raconter comment a été construite l’arche abandonnée et dans quel but.
Je VEUX voir la souffleuse de verre, son histoire est cool T__T
En conclusion, Always the same blue sky est un kinetic novel amateur intriguant et atypique. D’un côté il dispose d’une direction artistique très au-dessus de beaucoup d’EVN que j’ai pu croiser jusqu’à présent (dans des domaines généralement délicats par-dessus le marché), de l’autre son scénario est finalement bien trop sous-exploité pour véritablement toucher le lecteur (que retenir de Kira sinon son côté photogénique ?). Pour un prix dérisoire de même pas 2€, le voyage vaut très certainement la chandelle, il rate juste d’une mèche la possibilité d’être mémorable. Le VN dégage néanmoins une espèce de sincérité que j’ai envie d’encourager : Cette île imaginaire de Méditerranée n’a pas de nom mais elle a une âme…